Ils ont réveillé le Serpent!

luciferLes évê­ques dans les jour­naux et les jour­naux des évê­ques accla­ment en chœur le sacri­lè­ge : l’enfant qui a rom­pu l’hostie pour la don­ner à son père divor­cé rema­rié : une mise en scè­ne selon moi, des fou­tai­ses selon d’autres. Mais qu’on me par­don­ne : qui est celui qui a tant besoin de nos men­son­ges mêlés à la véri­té ?  Qui est l’inspirateur du sacri­lè­ge ?  Qui est le père du men­son­ge ?

Tel l’oracle du Seigneur et le Seigneur des cieux nou­veaux et de la ter­re nou­vel­le, on a réveil­lé le Serpent et ses sif­fle­men­ts s’élèvent dans le Sanhédrin, réson­nent dans le tem­ple et reten­tis­sent hors du tem­ple jusque dans le mon­de, pro­vo­quant un ton­ner­re d’applaudissements, de pleurs et de rires, et il pro­no­nça alors ces mots: « il est bon de bri­ser l’hostie pour la don­ner à celui qui n’y a pas droit ». Il savou­rait à l’avance le bou­quet final de sa con­spi­ra­tion alors qu’il mur­mu­ra­ient en lui-même: « la pier­re d’angle a été descel­lée, cel­le qui entraî­ne­ra tou­tes les autres dans sa chu­te : le tem­ple de Rome sera détruit plus vite que celui de Jérusalem.  J’ai gagné mon pari con­tre Lui, ma ven­gean­ce sur la créa­tu­re est ache­vée, le saint des sain­ts a été pro­fa­né par la main même de ses apô­tres : après cela, qu’ils m’enchaînent pour tou­jours s’ils le veu­lent, j’aurai gagné quoi qu’il arri­ve. »  Et pen­dant qu’il rumi­nait tout cela, son aspect répu­gnant sem­blait se dis­sou­dre en méan­dres sinueux pour pren­dre un aspect jeu­ne et ave­nant : il aspi­rait la lym­phe de l’Eglise pour en dévo­rer l’éternelle jeu­nes­se et sa cruel­le… beau­té.

« C’est lui ! », m’exclamais-je désem­pa­ré.  Un jeu­ne prê­tre effrayé qui se trou­vait près de moi me deman­da, com­me s’il lisait dans mes pen­sées: « à quoi l’as-tu recon­nu ? ».  Au fait qu’il ras­sem­ble alors que Jésus divi­se.  N’est-ce pas la fou­le una­ni­me et com­pac­te qui l’a con­dam­né et qui a récla­mé d’u­ne même voix que Barrabas soit sau­vé?

Et alors que, depuis les ambons du tem­ple, on saluait l’imposteur avec de faus­ses lar­mes d’émotion, sa bave veni­meu­se dégou­li­nait jusqu’à occul­ter la splen­deur de la véri­té et à recou­vrir d’infamie les trois Sacrements : le Mariage, la Confession et l’Eucharistie. Et le péché désor­mais tout puis­sant mar­chait désor­mais la tête hau­te en pro­ces­sion com­me s’il s’agissait du très Saint Sacrement.

Et tous les genoux ploya­ient devant lui com­me ils ne dai­gna­ient plus le fai­re devant le véri­ta­ble Sacrement du Salut.

Et ils chan­ta­ient des louan­ges au « Nouveau Sacrement », non pas avec les noms des mar­tyrs glo­rieux ou des con­fes­seurs, des sain­tes vier­ges et des veu­ves, des sain­ts pères et des doc­teurs. Non, on les avait rem­pla­cé par les noms de tous les désirs du mon­de.  Et il accom­plis­sait de nom­breux pro­di­ges extraor­di­nai­res… et éphé­mè­res com­me les illu­sions de ce mon­de.  Et tout était rem­pli de men­son­ge mêlé à la véri­té.

Alors, levant les yeux pour con­tem­pler ce spec­ta­cle, me lamen­tant dans le vacar­me assour­dis­sant du mar­ché du tem­ple et de ses cla­meurs dése­spé­rées de jubi­la­tion infer­na­le, je me mis à pen­ser, tout ému :

Voici que l’imposteur révè­le enfin son impo­stu­re et la mul­ti­pli­ca­tion des frui­ts de sa lan­gue veni­meu­se recou­ver­te de miel et de can­nel­le.

Je me dis éga­le­ment :
Tout cela n’est que rébel­lion con­tre Dieu détrô­né et pri­vé de tous ses droi­ts sur son Eglise.

 Et enco­re:
Il vien­dra, l’Antéchrist et déjà, on lui ouvre la rou­te, on dérou­le le tapis rou­ge, on sel­le le veau d’or qu’il che­vau­che­ra, on pré­pa­re les rameaux avec lesquels on le pro­cla­me­ra nou­veau mes­sie et libé­ra­teur. Et il accom­pli­ra des œuvres mer­veil­leu­ses qui enchan­te­ront le mon­de entier d’un seul regard, d’un seul mot, d’un seul geste.  Il sera pro­cla­mé père des pau­vres et les puis­san­ts s’inclineront devant lui.

Mais alors que l’exaltation arri­vait à son com­ble, sou­dain les cieux se fen­di­rent par le milieu devant mes yeux rem­plis d’épouvante, com­me le voi­le du tem­ple au moment où le Christ aspi­rait sa der­niè­re bouf­fée d’air sur cet­te ter­re. Et je vis alors une Femme et un Ange qui me mon­trè­rent au creux de leurs mains la véri­ta­ble Eglise qu’ils ava­ient mise à l’abri pour qu’elle soit recon­strui­te là même où elle se trou­vait aupa­ra­vant, sur les rui­nes de cel­le sur laquel­le dan­sa­ient et s’acharnaient à coup de croix ren­ver­sées ceux qui ava­ient été char­més dans le Sanhédrin et dans le tem­ple par les sif­fle­men­ts mélo­dieux et per­vers du Serpent.  La voi­là l’Eglise véri­ta­ble, cel­le des anges, jail­lie di côté du Rédempteur, cou­ver­te de sang et d’eau.  La voi­ci qui vient, l’Eglise des apô­tres, s’abattant com­me l’éclair sur la tête des apo­sta­ts et des ado­ra­teurs sacri­lè­ges jusqu’à les écra­ser : un grand trem­ble­ment de ter­re secoua la ter­re et les mers.  Elle renaî­tra alors de leurs cen­dres, plus peti­te mais plus resplen­dis­san­te qu’avant.  Et elle sera rem­plie de jeu­nes prê­tres à la peau tan­née par le zèle qui les brû­le d’espérance.  Les vieux, eux, éta­ient per­dus car il n’y avait plus de pla­ce pour ce qui était là juste avant.

Par Antonio Margheriti, d’a­près un arti­cle ori­gi­nal tra­duit et publié avec l’au­to­ri­sa­tion de l’au­teur.

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