Le péché originel: un dogme enfoui qu’il faut exhumer

Dipingere-il-Mistero_opere-di-Giovanni-Gasparro_-foto-Simone-Di-Luca

Un arti­cle de Ruggero Sangalli

Les illu­stra­tions sont tirées du site de Giovanni Gasparro

20110403-varallosesia-014-300x200Il y a plu­sieurs mois, Antonio Margheriti m’a deman­dé de lui livrer une réfle­xion sur l’origine de tous les maux et de tou­tes les apo­sta­sies, soit l’abolition du Péché Originel d’un point de vue chré­tien et catho­li­que. Voilà un sujet poli­ti­que­ment incor­rect pour les uns, absur­de pour les autres qui, ensem­ble, for­ment aujourd’hui la majo­ri­té.  Le fait est que ce péché ori­gi­nel est deve­nu le grand dispa­ru et le grand oublié du chri­stia­ni­sme alors qu’il se trou­ve à la base de tout.

Ensuite Antonio se reti­ra dans le silen­ce et l’isolement pen­dant une lon­gue pério­de et l’article que j’avais rédi­gé resta iné­dit, à l’exception des quel­ques amis avec lesquels je l’avais par­ta­gé par email. Mais un jour, Antonio sor­tit de sa retrai­te et m’écrivit pour me dire qu’il n’avait pas oublié notre discus­sion.  Et de fait, il me con­tac­ta il y a quel­ques jours pour me dire ceci :

« Un ami catho­li­que bel­ge est venu me trou­ver hier pour me par­ler du catho­li­ci­sme dans son pays, une histoi­re désor­mais mor­te et enter­rée, bien sûr. Mais il m’expliquait que pour une bon­ne par­tie du cler­gé, des théo­lo­giens et des évê­ques, s’il y avait bien quel­que cho­se qui allait de soi c’est que Marie n’était en rien imma­cu­lée : plus per­son­ne ne croyait ni n’enseignait qu’elle avait enfan­té en restant vier­ge et malheur à ceux qui pré­ten­dra­ient le con­trai­re, ils risquent au mieux le ridi­cu­le et au pire l’expulsion des sémi­nai­res.  Voilà le scé­na­rio bien con­nu: la pre­miè­re à abat­tre pour les pro­gres­si­stes et les héré­ti­ques c’est tou­jours Marie.  La pre­miè­re por­te à enfon­cer, c’est son enfan­te­ment vir­gi­nal et, bien sûr, son imma­cu­lée con­cep­tion, même si ce der­nier détail n’a plus d’importance pour per­son­ne.  Ce n’est pas un hasard si de nom­breux prê­tres se refu­sent à bap­ti­ser pour rache­ter le « péché ori­gi­nel » : il est absur­de, disent-ils, qu’un bébé inno­cent puis­se être char­gé de fau­tes qu’il ne peut pas avoir com­mi­ses.  Si Marie se trou­ve der­riè­re Jésus, le péché ori­gi­nel se trou­ve der­riè­re Jésus et Marie.  Ou tout se tient ou tout devient absur­de et s’effondre. »

Dieu du ciel !

Bien enten­du, c’est tou­jours la même histoi­re de l’œuf et de la pou­le : lequel vient avant l’autre ?

Sans le péché ori­gi­nel, l’Immaculée con­cep­tion ne sert à rien.

Sans l’Immaculée con­cep­tion, la Virginité ne sert à rien.

Sans le mira­cle, plus besoin de trans­cen­dan­ce.

Sans trans­cen­dan­ce, Dieu ne sert plus à rien.

Tout n’est que natu­re. Et c’est l’homme qui la gou­ver­ne.

Nous, des pécheurs ? Certainement pas !  Dieu est liber­té !

La Révélation ? Et puis quoi enco­re ?  Nous som­mes adul­tes, nous ne croyons plus aux fables.

Nous avons le devoir de « cher­cher ensem­ble » la Vérité à tra­vers les « signes des temps ».

En revan­che, pour le chré­tien, cela ne fait aucun dou­te : c’est l’œuf qui vient en pre­mier : Dieu crée ! Dieu inter­vient !  Et nous ne som­mes que des ser­vi­teurs inu­ti­les.  Si nous étions hum­bles com­me Marie, nous dirions « com­ment cela se peut-il » avant de répon­dre « oui », en hum­ble ser­van­te.

Si nous n’étions pas com­me Marie, nous aime­rions autant pou­voir nous pas­ser d’un Rédempteur trop encom­brant pour pou­voir dia­lo­guer avec le mon­de entier.

La femme vêtue de soleil

La fem­me vêtue de soleil

Nous nous pas­se­rions éga­le­ment de la volon­té du Père. En matiè­re de Règne, nous pré­fé­re­rions cer­tai­ne­ment le nôtre assor­ti de l’habituel slo­gan sata­ni­ste : « que ma volon­té soit fai­te, tou­jours et par­tout ! ».

La Belgique post-chrétienne est l’avant-garde de ce que sème la théo­lo­gie actuel­le. Et je suis cer­tain d’une cho­se : le moment venu, elle sera balayée avec tous ses repré­sen­tan­ts.

Pas par moi, bien sûr, ni par vous ni par nous pau­vres insu­lai­res vivant sur notre île déser­te (c’est ain­si que les bien-pensants nous voient du haut de leur tour d’ivoire).

A nos yeux de pau­vres moi­nes atho­ni­tes, seu­le la grâ­ce de Dieu devrait comp­ter et non la vic­toi­re sur le mon­de. Car un autre que nous vain­cra.

Tâchons donc de répon­dre, avec un peu de retard, au sou­hait d’Antonio Margheriti : rame­ner le Péché Originel à l’intérieur de l’Eglise et pour ce fai­re, choi­sis­sons cet­te pério­de emblé­ma­ti­que de Noël.

L’Origine de tout

La vision apocalyptique de St Jean à Patmos: l'expulsion des anges rebelles

La vision apo­ca­lyp­ti­que de St Jean à Patmos: l’ex­pul­sion des anges rebel­les

Le Péché Originel est sur le point de deve­nir un incon­nu théo­lo­gi­que. Il est évin­cé de l’enseignement ordi­nai­re de l’Eglise catho­li­que, quand il n’est pas noyé sous des déno­mi­na­tions pro­te­stan­tes dis­sou­tes dans la « reli­gion civi­le » et donc dans le con­for­mi­sme mon­dain.  De tous les dog­mes, il est tou­jours celui de trop qui empê­che le dia­lo­gue sans con­train­te, il est tou­jours le pre­mier à être mis de côté, pro­vo­quant un effet domi­no sur l’Immaculée Conception, l’Incarnation, la natu­re du Christ et donc sa Rédemption elle-même, dans cet­te cour­se effré­née vers la der­niè­re mode.

La réa­li­té c’est que l’univers tout entier est mar­qué par le péché ori­gi­nel, à com­men­cer par ce désor­dre pri­mi­tif qui a per­tur­bé l’harmonie de la créa­tion. Pour com­pren­dre ce point, il con­vient de plan­ter un pre­mier jalon dans le sol ter­re­stre : « Au com­men­ce­ment » (bere­shit).  Dieu est au-delà du temps, il n’a ni com­men­ce­ment ni fin : il est éter­nel et ne peut pas être con­fi­né dans un espa­ce, il est infi­ni.  En créant, lui seul don­ne vie à la créa­tion, au temps et à l’espace.  Dieu a créé « le ciel » (non pas dans le sens des gala­xies mais bien des « cho­ses invi­si­bles », dont les anges) et « la ter­re » (non seu­le­ment notre pla­nè­te mais tou­tes les gala­xies et tout ce qui exi­ste).  Dieu a créé tout cela pour le bien.  Il fit le ciel et la ter­re, les cho­ses visi­bles et invi­si­bles, les créa­tu­res qui sont pure­ment « spi­ri­tuel­les » et éga­le­ment cel­les qui ne sont que « maté­riel­les ».  L’homme est le som­met de la créa­tion par­ce qu’il ras­sem­ble en lui, dans la per­fec­tion de la créa­tion, ces deux carac­té­ri­sti­ques.

Il y eut alors une révol­te dans les cieux : cer­tains espri­ts n’acceptèrent pas de n’être que des créa­tu­res et de ne pas pou­voir créer ; il y eut une batail­le et les « espri­ts rebel­les furent « pré­ci­pi­tés sur la « ter­re ». La jalou­sie de Lucifer n’accepta pas la volon­té (mani­fe­ste) de Dieu de pren­dre chair.  Les espri­ts rebel­les, expul­sés du Ciel, endroit où règne la volon­té divi­ne, furent pré­ci­pi­tés sur « à ter­re » où ils expor­tè­rent leur rébel­lion en ten­tant l’unique créa­tu­re dotée de vie spi­ri­tuel­le et de liber­té, la seu­le à pou­voir appré­cier la pos­si­bi­li­té de refu­ser la volon­té de Dieu.

Les conséquences physiques du choix d’Adam

5_Al_limite-1024x678Ce « désa­stre » ne fut pas une sim­ple brou­til­le ni un capri­ce mais un véri­ta­ble cata­cly­sme qui pro­vo­qua une série de con­sé­quen­ces, notam­ment phy­si­ques, sur tou­te la créa­tion et pas seu­le­ment sur l’humanité.  Aujourd’hui enco­re, la créa­tion est pol­luée et défi­gu­rée par le péché mais aux côtés des libres choix de l’homme et des lois de la natu­re (les cau­ses secon­des ou exté­rieu­res), qui, en s’entremêlant, sem­blent pro­dui­re cet­te cau­sa­li­té qui carac­té­ri­se l’histoire, la volon­té de Dieu demeu­re en tant que Providence qui gou­ver­ne les deux.

C’est ain­si que Dieu, qui est Père, Fils et Esprit Saint n’a pas aban­don­né l’humanité après le péché ori­gi­nel. C’est la per­son­ne du Fils, exi­stant depuis tou­jours, qui a pris chair en l’humanité dé Jésus à tra­vers le « oui » qu’une jeu­ne fil­le, pré­ser­vée du péché ori­gi­nel (l’immaculée con­cep­tion) dit à l’ange lors de l’Annonciation.  Jésus nous a appris à deman­der au Père que son règne vien­ne, sur la ter­re com­me au ciel.  Et que sa volon­té soit fai­te !

Il n’en va pas de même pour l’ange rebel­le et déchu qui jalou­se le rôle de l’homme depuis que les « cho­ses visi­bles » exi­stent. Satan est un être spi­ri­tuel, très intel­li­gent, mais il n’est pas à l’image et à la res­sem­blan­ce de Dieu.  Il hait l’homme, jaloux que Dieu ait pris chair humai­ne dans le Fils.  C’est un chien en lais­se qui abo­ie et qui fait peur mais il ne peut pas mor­dre tant qu’on ne l’approche pas.  Il y a cepen­dant des inter­val­les où pen­dant lesquel­kes Satan est « libé­ré de ses chaî­nes » et notre épo­que en a tou­tes les carac­té­ri­sti­ques, com­me tou­tes les épo­ques où l’homme, de son pro­pre libre arbi­tre, a ado­ré celui qui lui pro­po­se que « sa pro­pre volon­té soit fai­te ».  L’homme vou­drait s’adorer lui-même et, au lieu de cela, il ado­re le rebel­le invi­si­ble qui lui sug­gè­re de se révol­ter con­tre Dieu.

L’homme qui choi­sit de ne pas fai­re la volon­té de Dieu est en outre con­dam­né à devoir payer un jour les con­sé­quen­ces de n’en avoir fait qu’à sa tête.

Que la volonté de l’homme soit faite ! Le pire châtiment de Dieu

Une tache indélébile

Une tache indé­lé­bi­le

Conséquences tra­gi­ques, dra­ma­ti­ques, san­glan­tes, cata­stro­phi­ques… Et Dieu le per­met par­ce que le pire châ­ti­ment que l’on puis­se infli­ger à l’homme c’est que la volon­té de l’homme soit fai­te, con­tre la Sienne…  En revan­che, Dieu ne ces­se jamais d’aimer l’homme com­me il ne ces­sa pas de l’aimer après le péché ori­gi­nel.  On par­le de châ­ti­ment par­ce qu’en réa­li­té, tour­ner le dos à Dieu, c’est choi­sir le pire pour l’homme mais même dans ce cas, Dieu ne nous aban­don­ne pas.  C’est pour cela que la Révélation est une pro­mes­se qui nous invi­te à fai­re débou­cher l’histoire de la créa­tion visi­ble à la con­ver­sion de sor­te que la natu­re bles­sée puis­se être divi­ni­sée dans le Christ (la Théosis), en com­mu­nion avec Lui qui est amour.

Il n’y a qu’une seu­le créa­tu­re humai­ne qui ait fait à 100% la volon­té de Dieu : l’Immaculée Conception. La tou­te pure.  Est-ce par hasard ?  Bien sûr que non.  Il faut réflé­chir au fait que le chri­stia­ni­sme est avant tout une expé­rien­ce.  Dieu se révè­le à l’homme qui dispo­se des facul­tés de com­pren­dre la Révélation.  Et il dispo­se éga­le­ment de la facul­té de se ren­dre comp­te de ce qui se pas­se.

Pendant le bap­tê­me de l’enfant de l’un de mes cou­ples d’amis, au beau milieu du chaos total d’un « peu­ple de Dieu » com­plè­te­ment absor­bé par les pho­tos, les camé­ras, les sel­fies et autres applau­dis­se­men­ts (il est désor­mais habi­tuel de regrou­per une dizai­ne de bap­tê­mes afin de s’assurer de la pré­sen­ce d’une assem­blée nom­breu­se phy­si­que­ment mais spi­ri­tuel­le­ment absen­te au rituel du sacre­ment) avec un célé­brant sur­tout préoc­cu­pé à « para­î­tre sym­pa », j’ai remar­qué que l’on n’avait pas une seu­le fois men­tion­né le péché ori­gi­nel en plus d’une heu­re de célé­bra­tion. Dieu m’a alors fait une grâ­ce à tra­vers les paro­les sim­ples de mon épou­se qui m’a dit : « Tu te rends comp­te ?  Ces enfan­ts sont à pré­sent com­me l’homme avant le péché ori­gi­nel.   Oui, par­ce que par le bap­tê­me, ces créa­tu­res ont été régé­né­rées. »

Alors que ceux qui éta­ient venus de loin pen­sa­ient sur­tout à la fête et aux kilo­mè­tres à par­cou­rir pour rejoin­dre le lieu de la fête, que les par­rains et mar­rai­nes pen­sa­ient au cadeau et que les plus « pro­ches » fêta­ient « l’invitation à fai­re par­tie de la com­mu­nau­té » (rigou­reu­se­ment accueil­lan­te et très sym­pa, com­me si c’était sur­tout ça le bap­tê­me), le sacre­ment avait inci­dem­ment agi sur un « petit pro­blè­me » assez ancien en impri­mant un « sceau » indé­lé­bi­le grâ­ce à l’action de l’Esprit Saint qui nous fait par­ti­ci­per au sacer­do­ce du Christ. Est-ce qu’on « voit » quel­que cho­se ?  Absolument rien.

A l’Eglise, nous avons ensui­te renou­ve­lé la pro­mes­se de notre bap­tê­me en reno­nçant à Satan et en pro­no­nçant un tri­ple « cre­do » sur les dog­mes de la foi, sui­vi par un « ain­si soit-il ». Le trans­port mani­fe­ste avec lequel ces paro­les ont été pro­non­cées par l’assemblée n’a cer­tes pas ren­du justi­ce à leur signi­fi­ca­tion réel­le, en tout cas pour ceux qui ava­ient l’âge de com­pren­dre ce qu’ils disa­ient… mais soit.  Si donc, pour cer­tains, ce qui ne se voit pas n’existe pas.  Qu’en est-il de ce qui se voit ?

Même ceux qui sont hon­nê­tes peu­vent ne pas être justes

Salvator mundi

Salvator mun­di

Les lois des hom­mes, pour autant qu’el­le sont respec­tées, sont sou­vent inju­stes et dic­tées par des gou­ver­nan­ts inté­res­sés.  Elles nous met­tent en règle avec le mon­de. Pourtant, par­fois, les lois des hom­mes ne sont pas en ligne avec les com­man­de­men­ts de Dieu (qui con­sti­tuent le mini­mum pour être « justes » devant Dieu et devant les hom­mes), voi­là pour­quoi on peut tout à fait être hon­nê­te sans être « juste ».

On con­fond sou­vent aujourd’hui le devoir du croyant avec celui de se com­por­ter com­me un « bon citoyen » com­me si, à l’époque de Robespierre, ce systè­me avait jamais fonc­tion­né. Alors que les pro­je­ts humains sont sans ces­se remis en que­stion à cha­que chan­ge­ment d’idéologie et du pou­voir qui les sou­tient et les impo­se en défi­nis­sant ces lois humai­nes com­me « le remè­de uni­ver­sel à tous les pro­blè­mes du mon­de », le chri­stia­ni­sme en revan­che exi­ge bien davan­ta­ge pour lut­ter con­tre le péché et la souf­fran­ce qui en décou­le : déve­lop­per la ver­tu (foi, espé­ran­ce et cha­ri­té), renon­cer au mon­de (pau­vre­té, cha­ste­té, obéis­san­ce), rester fidè­le aux pro­mes­ses (bap­ti­sma­les, matri­mo­nia­les, des ordres sacrés), à ses devoirs de citoyen et s’abandonner à la volon­té de Dieu pour en rece­voir la grâ­ce.  L’amour et la paix vien­nent de Dieu seul, non pas à la maniè­re du mon­de, qui répand l’agitation (la folie homi­ci­de) et les tra­gé­dies recou­ver­tes de bon­nes inten­tions (l’idéologie).

Dieu exi­ste. Il est tout ce que nous ne som­mes pas (éter­nel, omni­scient, infi­ni, omni­po­tent). Il a pris chair de notre chair pour la rache­ter, pour rame­ner tou­te la créa­tion à la per­fec­tion de Sa volon­té, non sans que notre liber­té ne puis­se la choi­sir en reno­nçant à Satan.

Le péché ori­gi­nel a chan­gé l’histoire et la natu­re

Il est entré dans la chair

Il est entré dans la chair

Avec le péché ori­gi­nel, l’histoire a con­nu un tour­nant fon­da­men­tal. Dieu l’a per­mis, c’est vrai, mais il l’a fait par respect pour la liber­té qu’il avait don­née à l’homme, créé à son ima­ge et à sa res­sem­blan­ce.  Cet hom­me, celui qui avait été créé avant le péché, n’existe plus.  Le dom­ma­ge créé par le péché ori­gi­nel a tout gâché.  Et, il faut le répé­ter, ceci a eu des con­sé­quen­ces bio­lo­gi­ques et géné­ti­ques et pas seu­le­ment mora­les ou con­si­stant en une sim­ple incli­na­tion à fai­re le mal.  Le péché a intro­duit la mort, la dou­leur, tou­tes les souf­fran­ces qui n’ont pas été créées par Dieu, qui n’existaient pas en Eden et qui n’existeront pas au Paradis, pour ceux qui y iront.

Le dom­ma­ge est si impor­tant qu’il a fal­lu une répa­ra­tion. C’est ain­si que Dieu a ima­gi­né un « instru­ment » (Marie, l’Immaculée) pour réa­li­ser, à par­tir d’elle, l’incarnation de Jésus, pour notre rédemp­tion.

Dans la volon­té de Dieu, l’amour envers l’homme avait déjà envi­sa­gé que le fils s’incarnerait un jour pour être rame­né à Lui. Cela, Satan le savait, d’où sa jalou­sie envers l’homme et sa hai­ne du Christ, c’est-à-dire sa hai­ne de Celui qui a tou­jours été ce que Satan a refu­sé de ser­vir.  Le fait que le Christ, en s’incarnant, ait dû aus­si nous rache­ter est la con­sé­quen­ce du péché : mais la volon­té du Fils de se fai­re chair exi­stait déjà depuis le début, quand Il exi­stait et créait tout.  Il n’est pas néces­sai­re d’adopter une vision « hamar­tio­cen­tri­que » pour con­ce­voir l’incarnation dans la volon­té de Dieu ; il suf­fit de savoir com­bien Dieu aime l’homme !  C’est le Fils qui s’est fait hom­me et qui a été cru­ci­fié, qui nous a mon­tré com­bien Dieu nous aime en nous ensei­gnant à prier « Que Ta volon­té soit fai­te, ô Père, sur la ter­re com­me au ciel, pour nous libé­rer du Mal », c’est-à-dire des con­sé­quen­ces de la trom­pe­rie de Satan.

Le dogme disparu et l’obsession du Dieu « inutile ».

O felix culpa! Adam et Eve

O felix cul­pa! Adam et Eve

Depuis l’époque de l’hérésie de Pélage, par­mi ceux qui croya­ient au Christ, il en est tou­jours qui pen­sent que l’homme pour­rait se sau­ver par lui-même. Il est au con­trai­re indi­spen­sa­ble que le Christ, vrai hom­me, se soit livré libre­ment, en tant que vrai Dieu, lais­sant cru­ci­fier sa natu­re humai­ne pour notre rédemp­tion.

En niant le péché ori­gi­nel, on lais­se pen­ser que la créa­tion puis­se être le fait du hasard, qu’elle puis­se être lais­sée au pro­grès de l’homme et sur­tout qu’on pour­rait se pas­ser du Christ !

Le péché ori­gi­nel est la clef de voû­te d’un chri­stia­ni­sme qui accep­te la révé­la­tion de Dieu et qui la con­tem­ple, l’annonçant dans sa pure­té au lieu de s’en con­strui­re une nou­vel­le inter­pré­ta­tion au pro­fit de la mode et des temps en détour­nant la révé­la­tion pour s’en ser­vir à ses pro­pres fins.

L’Eglise mona­sti­que, inté­rieu­re, spi­ri­tuel­le, annon­cia­tri­ce de la révé­la­tion, dispen­sa­tri­ce des sacre­men­ts, même si elle s’est tou­jours occu­pée des besoins des hom­mes, est aujourd’hui deve­nue une Eglise-communauté exté­rieu­re, acti­vi­ste, pro­ta­go­ni­ste et en recher­che d’un rôle dans le super­mar­ché des options visant à pro­mou­voir l’homme uti­le, sur­tout maté­riel­le­ment. C’est l’humain qui est deve­nu l’acteur prin­ci­pal alors que Dieu est ren­voyé dans l’ombre.

Jésus et Barrabas. Ou Dieu et le monde

Jésus et Barrabas. Ou Dieu et le mon­de

Le péché ori­gi­nel révè­le en revan­che la néces­si­té d’un rédemp­teur. L’homme ne peut pas sor­tir seul de cet­te situa­tion et, au con­trai­re, il s’enracine cha­que jour davan­ta­ge dans le refus de Dieu. Après plus de vingt siè­cles de chri­stia­ni­sme, la chré­tien­té est aujourd’hui péche­res­se, divi­sée, théo­lo­gi­que­ment con­fu­se, éva­po­rée dans des pans entiers de ter­ri­toi­res de gran­de tra­di­tion et de cul­tu­re chré­tien­ne.  Jésus l’avait dit: « quand je revien­drai, trouverais-je enco­re la foi sur la ter­re ? ».  Nous som­mes sau­vés, oui, mais si nous som­mes sau­vés, c’est par­ce que nous som­mes per­dus.  Mais qui a enco­re l’humilité de se sen­tir « per­du » si tous ensem­bles nous pou­vons vain­cre, si le futur (la vie) n’est pas un don mais notre pro­duit ?  Abolir péché ori­gi­nel est indi­spen­sa­ble à tous ceux qui sou­hai­tent se pas­ser du Christ com­me uni­que sau­veur.  Une fois le péché ori­gi­nel sup­pri­mé, il est faci­le de reli­re l’histoire en deve­nir avec une gril­le de lec­tu­re évo­lu­tion­ni­ste, pro­gres­si­ste, de l’homme pri­mi­tif vers l’homme intel­li­gent pui­sque le pas­sa­ge qui avait mené l’homme de la per­fec­tion à la bestia­li­té du péché n’existe plus.  Voilà le retour du mythe du bon sau­va­ge qui est à la base de la logi­que de Rousseau et de tout l’illuminisme (maçon­ni­que ou anti­chré­tien).

Telle est cet­te ten­ta­tion et cet­te mysti­fi­ca­tion de l’« Eglise uni­ver­sel­le », de l’« Eglise nou­vel­le », a‑dogmatique dans laquel­le nous som­mes tous amis les uns des autres, l’Eglise d’un Christ franc-maçon : un hom­me venu par­ler d’amour humain à d’autres hom­mes, sans pré­ten­tion de véri­té autre que la phi­lan­th­ro­pie, sans aucun juge­ment sur la for­me pui­sque « tou­te for­me d’amour est amour », par­ce qu’il n’y a plus de péché per­son­nel à juger, une Eglise pour laquel­le l’enfer est vide pui­sque nous serions tous « auto­ma­ti­que­ment » sau­vés.

La créa­tion tout entiè­re est en atten­te de la révé­la­tion des enfan­ts de Dieu et gémit dans les dou­leurs de l’enfantement. Le triom­phe du cœur imma­cu­lé, pro­mis à Fatima, advien­dra à tra­vers le triom­phe des cœurs (de l’intériorité des hom­mes capa­bles d’une vie spi­ri­tuel­le) dans lesquels, com­me pour Marie, l’on vivra la volon­té de Dieu dans la pure­té, c’est-à-dire sans réser­ve, en con­fian­ce, sachant qu’elle veut le bien pour tous.  Je suis chré­tien par la grâ­ce de Dieu.  Où est mon méri­te ?  M’en van­ter serait déjà un péché.  Adam lui-même com­me­nça à fai­re ce qu’il pen­sait être le mieux…  Et voi­là où nous en som­mes aujourd’hui, « géné­ti­que­ment modi­fiés ».

L’abolition du Péché Originel a déchaî­né Satan

La chute des rebelles (détail)

La chu­te des rebel­les (détail)

Le Concile de Carthage, con­vo­qué en 418 AD par le pape Zosime con­tre Pélage affir­mait qu’il était héré­ti­que de croi­re que la grâ­ce ne ser­vait qu’à remet­tre les péchés plu­tôt qu’à nous don­ner la for­ce de ne pas en com­met­tre d’autres. Il est tout aus­si héré­ti­que de croi­re que le seul rôle de la grâ­ce serait d’illuminer l’intellect à la con­scien­ce de Dieu (un « savoir ») plu­tôt que de ren­for­cer nos volon­tés (le « cœur ») pour nous ren­dre capa­bles de vivre selon le com­man­de­ment de l’amour, à la façon du Christ.  Il ne s’agit pas là de n’importe quel amour mais d’un amour débar­ras­sé du péché.  Un amour qui ne dépend pas que de nos pro­pres méri­tes mais bien de l’action de Dieu qui agit libre­ment en nous, si nous le lui per­met­tons.  Comme Marie, l’Immaculée, libé­rée du péché, l’humilité même par anto­no­ma­se.

Le péché ori­gi­nel com­mis par Adam a créé un désa­stre dont les con­sé­quen­ces nous affec­tent tous.

Avec le Baptême nous rece­vons une grâ­ce spé­cia­le au nom de la foi en Christ, même s’il n’empêche pas, après cet­te entrée dans la vie tour­née vers le Seigneur que d’autres péchés ne diri­gent ail­leurs notre vie de chré­tiens.

Appartenir au Christ nous per­met de nous ouvrir à Lui et de pou­voir discer­ner le bien du mal, d’apprendre de lui et de ne pas rai­son­ner com­me le mon­de, désor­mais sou­mis à son prin­ci­pe, Satan, haïs­sant le Christ, jaloux de l’homme, faus­sai­re et meur­trier depuis le début. Sans la grâ­ce, il n’y a pas d’issue.

Cent-dix ans après Carthage, après le péla­gia­ni­sme, une nou­vel­le héré­sie semi-pélagienne a fait son appa­ri­tion : l’homme, avec son pro­pre libre-arbitre, pour­rait se con­ver­tir au bien. L’Eglise réu­nie à Orange en 529 AD mis au jour la naï­ve­té de cet­te for­mu­la­tion : tout en accep­tant la mort phy­si­que com­me con­sé­quen­ce du péché ori­gi­nel, on con­si­dé­re­rait le libre arbi­tre humain com­me « pur », exempt de tout péché !  Il n’en est malheu­reu­se­ment pas ain­si : la natu­re humai­ne est sous la cou­pe du prin­ce de ce mon­de et son empri­se ne s’étend pas seu­le­ment sur nos corps mais aus­si nos espri­ts et sur nos pen­sées.  C’est d’ailleurs là que Satan agit le plus effi­ca­ce­ment si nous ne rece­vons pas la grâ­ce pour discer­ner le bien du mal dans la Vérité.  L’homme actuel n’est plus l’homme du jour de la créa­tion ni même celui de la Rédemption.

Le fait d’avoir enfoui cet­te doc­tri­ne et de la con­si­dé­rer com­me insi­gni­fian­te et obso­lè­te (les exem­ples sont légion) expli­que vers quoi l’Eglise est en train de glis­ser et pour­quoi Satan se déchaî­ne à tous les niveaux. C’est pour cela que dès que la créa­tu­re veut pren­dre le rôle prin­ci­pal en igno­rant le Créateur, il se pré­ci­pi­te tout droit dans les bras du maî­tre de la trom­pe­rie, le prin­ce de ce mon­de chas­sé pour tou­jours du « Ciel ».  Les âmes risquent de subir le même sort pour l’éternité en refu­sant l’occasion de choi­sir la volon­té de Dieu et une pla­ce auprès de lui dans les Cieux.

Pourquoi ne parle-t-on plus du péché ori­gi­nel lors des bap­tê­mes ?  Qui l’a réduit à une sim­ple légen­de ?  Voyez-vous à pré­sent qui est celui qui pré­tend ne pas avoir besoin du Christ com­me uni­que sau­veur, qui est celui qui nous inci­te à croi­re qu’u­ne sim­ple lec­tu­re pro­gres­si­ste de l’histoire est suf­fi­san­te, que l’homme est une créa­tu­re intel­li­gen­te.  Qui donc est celui qui a tel­le­ment besoin de ser­vi­teurs qui l’aident à se rebel­ler con­tre celui qui exi­ste et qui est créa­teur ?  Il est à pré­sent faci­le de recon­naî­tre ceux qui le ser­vent.  Partout.  Même à l’intérieur de l’Eglise.

L’auteur, Ruggero Sangalli, a notam­ment publié un ouvra­ge sur la vie ter­re­stre du Christ.  Article tra­duit de l’ori­gi­nal en ita­lien et repro­duit avec auto­ri­sa­tion.

Share Button