La liturgie est une rencontre avec le Christ

Le 5 juin à 17h30, le Cardinal Robert Sarah a pro­non­cé le discours d’ou­ver­tu­re qui a don­né le coup d’en­voi à la Conférence Internationale Sacra Liturgia au cours de laquel­le des ora­teurs du mon­de entier vont pren­dre la paro­le pen­dant qua­tre jours.  Cette année, l’é­vé­ne­ment se dérou­le à Milan et le discours que le Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin a tenu dans l’Aula Magna de l’Université Catholique était par­ti­cu­liè­re­ment atten­du.

Dans son mot de bien­ve­nue, Mgr Dominique Rey, évê­que de Toulon, a rap­pe­lé la post­fa­ce que le pape émé­ri­te Benoît XVI a rédi­gée pour l’é­di­tion alle­man­de du livre du car­di­nal Sarah “La for­ce du silen­ce”.  Comme nous le savons, ce bref tex­te de Joseph Ratzinger a fait per­dre les péda­les à une cer­tai­ne per­son­ne impli­quée sur ce thè­me qui s’e­st livrée à des con­si­dé­ra­tions péni­bles sur la per­son­ne de Benoît XVI et du Préfet.

“Je prie avec fer­veur”, a décla­ré le car­di­nal Sarah dans son discours, “pour que ceux qui ont le temps et la patien­ce de lire atten­ti­ve­ment ce volu­me [La for­ce du silen­ce, nda]: que Dieu les aide à oublier la vul­ga­ri­té et la bas­ses­se dont cer­tai­nes per­son­nes ont fait pre­u­ve à pro­pos de la “pré­fa­ce” et de son auteur, le Pape Benoît XVI.  L’arrogance, la vio­len­ce du lan­ga­ge, le man­que de respect et le mépris inhu­main pour Benoît XVI sont dia­bo­li­ques et cou­vrent l’Eglise d’un man­teau de tri­stes­se et de hon­te.  Ces per­son­nes démo­lis­sent l’Eglise et sa natu­re pro­fon­de.  Le chré­tien ne com­bat per­son­ne.  Le chré­tien n’a pas d’en­ne­mis à défai­re”.

Ensuite, le car­di­nal a déve­lop­pé son inter­ven­tion en cher­chant à se foca­li­ser sur un thè­me par­ti­cu­liè­re­ment cher à Joseph Ratzinger con­cer­nant le fait que c’e­st la litur­gie qui sou­tient l’Eglise et qui peut la fai­re chu­ter.  Pour mieux com­pren­dre ce point, il a atti­ré l’at­ten­tion sur trois que­stions: Qui est Jésus Christ?  Comment con­naî­tre Jésus Christ?  Qu’est-ce qu’un chré­tien?

Ne pas séparer le Christ de l’histoire du Christ de la foi

Dans la litur­gie, “nous ne célé­brons pas seu­le­ment le ‘Jésus de l’hi­stoi­re’ ni le ‘Christ de la foi’.  Nous recon­nais­sons hum­ble­ment le Christ res­su­sci­té com­me Dieu, notre Seigneur.  Il n’e­st pas démy­tho­lo­gi­sé ni éloi­gné de tout ce qui con­cer­ne notre foi: mal­gré la valeur aca­dé­mi­que d’u­ne tel­le sépa­ra­tion, elle ne peut nul­le­ment être con­si­dé­rée com­me une entre­pri­se légi­ti­me dans le cul­te de l’Eglise.  Quand nous célé­brons la Sainte Liturgie, nous par­ti­ci­pons à l’a­do­ra­tion du Christ qui s’e­st fait hom­me pour notre salut, plei­ne­ment humain et plei­ne­ment divin”.  C’est pour­quoi, a sou­li­gné le car­di­nal Sarah, “la litur­gie ne peut pas deve­nir une sim­ple célé­bra­tion de la fra­ter­ni­té mais doit deve­nir le cul­te de Dieu”.

C’est dans l’Eglise qu’on rencontre le Christ

C’est dans l’Eglise que l’on peut ren­con­trer le Christ en tant que per­son­ne vivan­te.  “Notre rap­port avec le Christ com­men­ce avec l’u­ni­que vra­ie Eglise qu’il a fon­dée dans ce but.  Comme le disait le pape Benoît XVI: ‘Dans l’Eglise, nous décou­vrons et nous con­nais­sons le Christ com­me Personne vivan­te.  Elle for­me ‘son Corps’ ”.  Aujourd’hui, a‑t-il ajou­té, “cet­te réa­li­té est niée par­ce qu’on accueil­le Jésus mais pas l’Eglise.  La ren­con­tre per­son­nel­le est une semen­ce qui ne peut pas ger­mer et por­ter du fruit par elle même par­ce qu’el­le a besoin de se nour­rir de la vie de l’Eglise”.  Le Cardinal a ain­si fait réfé­ren­ce à l’ap­pel que Jean-Paul II avait lan­cé en 1996 à Sydney en s’a­dres­sant aux bap­ti­sés: “Rentrez chez vous”.  Il est vrai, en effet, que de nom­breux bap­ti­sés sont absen­ts de la litur­gie et le car­di­nal Sarah con­si­dè­re cela com­me “un scan­da­le gra­ve et per­ma­nent dans l’Eglise qui met en péril leur vie éter­nel­le.  Si nous disons aux gens de ren­trer, nous devons nous assu­rer que la Sainte Liturgie soit célé­brée com­me le deman­de l’Eglise”.

Au sujet de la soi-disant “réfor­me de la réfor­me”, le car­di­nal a décla­ré qu’il était “urgent d’a­bor­der cet­te que­stion.  Dans cer­tains endroi­ts, il y a une sépa­ra­tion entre ‘l’an­cien’ et le “nou­veau’ [rite, nda] et cet­te oppo­si­tion ne peut con­ti­nuer.  La litur­gie ne peut pas être modi­fiée à cha­que déve­lop­pe­ment ecclé­sio­lo­gi­que.  L’Eglise n’a pas deux iden­ti­tés distinc­tes avant et après le con­ci­le”.

Se tourner vers le Christ

Le car­di­nal a ensui­te rap­pe­lé ces paro­les que Saint Ambroise adres­sait au nou­veau bap­ti­sé: “Rappelle-toi les que­stions qui t’ont été posées, souviens-toi des répon­ses: tu te tour­nes vers l’Orient par­ce que celui qui renon­ce à Satan regar­de le Christ face à face” (De Mysterii).  “En adop­tant une postu­re phy­si­que com­mu­ne char­gée de sens aux côtés de ses frè­res, le néo­phy­te prend sa pla­ce com­me Chrétien dans le cul­te de l’ec­clé­sia.  J’ai par­lé à plu­sieurs repri­ses de l’im­por­tan­ce de retrou­ver cet­te orien­ta­tion, de se tour­ner vers l’Est pen­dant la célé­bra­tion de la litur­gie actuel­le et je con­ti­nue à sou­te­nir ce que j’ai dit.  Je vou­drais sim­ple­ment fai­re remar­quer que nous pou­vons appré­cier le véri­ta­ble pou­voir, la beau­té et aus­si le sens de ces paro­les de Saint Ambroise quand nous regar­dons vers l’Est.  Ainsi, nous som­mes unis dans l’Eglise qui se tour­ne vers le Seigneur pour l’a­do­rer, pour regar­der le Christ ‘face à face’ ”.

En défi­ni­ti­ve, “le Chrétien, c’e­st est une per­son­ne qui prend sa juste pla­ce dans l’as­sem­blée litur­gi­que de l’ec­clé­sia et qui pui­se à cet­te sour­ce la grâ­ce et l’en­sei­gne­ment néces­sai­re pour la vie Chrétienne.  Ces  per­son­nes com­men­cent à péné­trer les pro­fonds mystè­res de la Sainte Liturgie et à les vivre de plus en plus.”  C’est pour­quoi la par­ti­ci­pa­tion à la Sainte Liturgie demeu­re essen­tiel­le pour le Chrétien.”

La communion en bouche et à genoux

“Je vou­drais aujour­d’­hui expres­sé­ment pro­po­ser de réflé­chir et de pro­mou­voir la beau­té, l’op­por­tu­ni­té et la valeur pasto­ra­le d’u­ne pra­ti­que déve­lop­pée tout au long de la vie et de la tra­di­tion de l’Eglise, c’est-à-dire cel­le qui con­si­ste à rece­voir la Sainte Communion sur la lan­gue et à genoux.  Si Saint Paul nous ensei­gne “qu’au nom de Jésus tout genou flé­chis­se dans les cieux, sur la ter­re et sous la ter­re” (Ph 2:10), com­bien plus devons-nous flé­chir le genou quand nous rece­vons le Seigneur dans l’ac­te subli­me et inti­me de la Sainte Communion!”

Pour réflé­chir sur ce thè­me par­ti­cu­liè­re­ment déli­cat, le car­di­nal a remé­mo­ré l’e­xem­ple de deux sain­ts: Jean-Paul II et Mère Térésa de Calcutta.  “La vie tou­te entiè­re de Karol Wojtyla a été mar­qué par un pro­fond respect pour la Sainte Eucharistie. (…) Aujourd’hui, je vous deman­de sim­ple­ment de vous sou­ve­nir des der­niè­res années de son mini­stè­re alors qu’il était mar­qué dans son corps par la mala­die, jamais Jean-Paul ne s’e­st assis devant l’Eucharistie.  Il a tou­jours tenu à s’a­ge­nouil­ler.  Il avait besoin de l’ai­de des autres pour flé­chir le genou et pour se rele­ver.  Jusqu’au bout, il a tenu à nous offrir un grand témoi­gna­ge de véné­ra­tion du Saint-Sacrement”.

Mère Térésa “tou­chait cer­tai­ne­ment cha­que jour le ‘corps’ du Christ pré­sent dans les corps bri­sés des plus pau­vres.  Toutefois, avec stu­peur et respec­tueu­se véné­ra­tion, elle avait déci­dé de ne pas tou­cher le Corps du Christ trans­sub­stan­tié.  Au lieu de cela, elle l’a­do­rait.  Elle le con­tem­plait en silen­ce.  Elle s’a­ge­nouil­lait et se pro­ster­nait devant Jésus dans l’Eucharistie.  Et elle la rece­vait com­me un petit enfant qui reçoit hum­ble­ment sa nour­ri­tu­re de son Dieu.  Elle était rem­plie de tri­stes­se et de dou­leur quand elle voyait des chré­tiens rece­voir la Sainte Communion dans la main.  Elle-même disait: “Quand j’en­tre dans le mon­de, la cho­se qui m’at­tri­ste le plus c’e­st de voir les gens rece­voir la Communion dans leurs mains.””

Le car­di­nal Sarah s’e­st dit bien con­scient du fait que “l’ac­tuel­le légi­sla­tion con­tient l’in­dult de rece­voir l’eu­cha­ri­stie debout et dans la main.  Cependant, la rece­voir à genoux et sur la lan­gue reste la nor­me pour les catho­li­ques de rite latin”.

Lorenzo Bertocchi, La Nuova Bussola Quotidiana

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