Motu proprio Traditionis custodes du Saint-Père François (traduction française)

Ce 16 juil­let 2021, le Pape François a publié un Motu Proprio qui restreint for­te­ment la célé­bra­tion de la for­me extraor­di­nai­re du rite romain, éga­le­ment appe­lée “mes­se de saint Pie V” ou mes­se tri­den­ti­ne, et révo­que le motu pro­prio Summorum Pontificum de son pré­dé­ces­seur Benoît XVI qui auto­ri­sait la célé­bra­tion de deux for­mes du rite romain. Concrètement, les mes­ses sui­vant l’an­cien rite ne seront plus dites dans les égli­ses parois­sia­les. Il revien­dra à l’évêque de déter­mi­ner l’é­gli­se et les jours des célé­bra­tions. Les lec­tu­res seront «en lan­gue ver­na­cu­lai­re», selon les tra­duc­tions approu­vées par les con­fé­ren­ces épi­sco­pa­les. Le célé­brant doit être un prê­tre délé­gué par l’é­vê­que.

Les prê­tres ordon­nés après la publi­ca­tion du Motu pro­prio d’au­jour­d’­hui, et qui ont l’in­ten­tion de célé­brer selon le mis­sel pré­con­ci­liai­re, «doi­vent adres­ser une deman­de for­mel­le à l’é­vê­que dio­cé­sain qui con­sul­te­ra le Siège Apostolique avant de don­ner son auto­ri­sa­tion». Quant à ceux qui le font déjà, ils doi­vent deman­der à l’é­vê­que dio­cé­sain la per­mis­sion de con­ti­nuer.

En résu­mé, les com­mu­nau­tés célé­brant déjà selon cet­te for­me devront deman­der une auto­ri­sa­tion pour con­ti­nuer à le fai­re et la créa­tion de nou­veaux grou­pes est désor­mais inter­di­te.

Peut-on digitaliser les sacrements sans rendre infranchissable la distance entre l’homme et son Dieu ?

Bénir des rameaux par inter­net, par­ti­ci­per à une mes­se télé­vi­sée été enre­gi­strée la veil­le, con­fes­ser les mala­des par télé­pho­ne, voi­là quel­ques ini­tia­ti­ves sou­vent bien accueil­lies par les fidè­les qui pour une rai­son ou l’autre sont empê­chés de se dépla­cer ain­si que par les prê­tres qui peu­vent désor­mais exer­cer une par­tie de leur mini­stè­re en télé­tra­vail depuis leur salon.

L’Église n’échappera pas à ce mou­ve­ment de digi­ta­li­sa­tion qui bou­le­ver­se notre socié­té qui ne sera pas sans con­sé­quen­ce sur la maniè­re dont nous con­ce­vons la litur­gie et les sacre­men­ts.

La cri­se du coro­na­vi­rus a joué un rôle d’accélérateur dans ce pro­ces­sus qui s’impose avec for­ce à tou­te l’Église. Dans cet arti­cle, Olivier Collard sou­lè­ve quel­ques que­stions brû­lan­tes pour ouvrir ce débat qui ne peut atten­dre.

Comment abor­der ce défi au niveau litur­gi­que, dog­ma­ti­que et pasto­ral ? Comment annon­cer aujour­d’­hui la paro­le du Christ sans ren­dre infran­chis­sa­ble la distan­ce entre l’hom­me et son Dieu ?

La liturgie et l’Église se tiennent mutuellement ou chutent ensemble

Beaucoup de fidè­les pen­sent peut être que la litur­gie est aujour­d’­hui un sujet secon­dai­re : ce n’est pas quand la mai­son est en feu qu’on doit s’interroger sur la façon de dispo­ser et net­toyer le mobi­lier ; il faut d’abord… sau­ver les meu­bles ! La « bel­le et bon­ne litur­gie » n’est-elle pas un luxe, quel­que cho­se dont on pour­rait s’occuper une fois le vrai tra­vail accom­pli ? Qui, aujourd’hui, peut pen­ser que le soin de la litur­gie est une prio­ri­té alors qu’il y a tant d’autres cho­ses pres­san­tes à fai­re dans une chan­cel­le­rie épi­sco­pa­le, dans une parois­se ou dans un sémi­nai­re ?

Joseph Ratzinger a un point de vue radi­ca­le­ment dif­fé­rent. Il y a quel­ques années, il notait : « La cau­se la plus pro­fon­de de la cri­se qui a bou­le­ver­sé l’Eglise rési­de dans l’obscurcissement de la prio­ri­té de Dieu dans la litur­gie. » Et il expli­quait : « L’existence de l’Eglise dépend de la célé­bra­tion cor­rec­te de la litur­gie ; l’Eglise est en dan­ger lor­sque la pri­mau­té de Dieu n’apparaît plus dans la litur­gie ni, par con­sé­quent, dans la vie. ».
Un arti­cle du P. Daniel Cardo, doc­teur en théo­lo­gie et pro­fes­seur de litur­gie.