Les femmes jouissaient autrefois d’une influence considérable dans l’Eglise catholique. La commission créée par le Pape ne pourra pas faire revivre cette époque.
Avant le dernier concile, les sœurs avaient dans leurs mains le sort d’une infinité de vies, elles enseignaient aux enfants, soignaient les malades et remplissaient les églises. Elles faisaient vœu d’obéissance mais détenaient dans les faits un véritable pouvoir sur les hôpitaux, les écoles et les maisons religieuses. Elles géraient des budgets souvent importants et bénéficiaient d’un nombre important de vocations.
C’était l’ époque où la jeune romancière Mary McCarthy pouvait rêver de devenir une « Carmélite, cloîtrée et menant une vie de pénitence. » Ma mère est née dans la campagne du Nebraska et quand ses parents méthodistes ne purent se mettre d’accord sur un prénom, les sœurs de St Francis of Penance and Charity, qui dirigaient l’hôpital, lui donnèrent le nom d’un saint catholique. Mais en quelque années, tout cela changea. A la suite du second concile du Vatican, il y eux un exode massif des religieuses. En Amérique, la population des couvents chuta de 180.000 sœurs en 1965 à seulement 50.000 en 2015. La plupart de celles qui restèrent abandonnèrent l’habit et c’est ainsi que les religieuses catholiques devinrent invisibles pour toute une génération.
Le Pape François voudrait, à bon escient, rendre les femmes plus visibles dans l’église. Il a cependant exclu de les ordonner prêtres mais a fait preuve d’ouverture concernant le diaconat. C’est une commission créée par lui qui étudie aujourd’hui la question. Le sujet est sensible mais la conclusion sera prise après une étude attentive et par la décision du Pape lui-même.
L’une des premières pierres d’achoppement sera le thème du retour aux sources qui avait présidé aux débats du concile Vatican II. C’est cette idée de progresser en faisant revivre le passé qui a inspiré les prêtres qui ont commencé en masse à célébrer la messe face au peuple en pensant ainsi revenir aux pratiques des premiers temps de l’Eglise.
Il n’en était rien. Selon le célèbre auteur Evelyn Waugh, c’est du mauvais archéologisme, et il attribue à « cette alliance étrange entre des archéologues perdus dans leurs spéculations sur les rites du deuxième siècle et des modernistes qui voulaient donner à l’Eglise le caractère déplorable de notre époque » l’égarement actuel de l’Eglise. En 2009, John Baldovin S.J., un liturgiste de renom qui défendait l’idée de célébrer face au peuple reconnaissait pourtant son erreur: « l’honnêteté intellectuelle nous oblige à admettre que l’idée que les premières messes étaient célébrées face au peuple était fausse. »
Les catholiques se trouvent aujourd’hui face à un danger similaire. Ceux qui défendent l’ordination des femmes diacres au nom de la présence de diaconesses dans l’Eglise primitive en croyant qu’il ne s’agirait que d’un retour à la tradition et pas d’une nouveauté se trompent. Quoi que l’on pense du bien-fondé d’ordonner des femmes diacres aujourd’hui, elles n’auraient de nos jours plus grand-chose en commun avec la « diaconesse » Phoebe de l’Eglise primitive, mis à part un titre.
Les débats à venir seront passionnés mais quoi que François décide, l’invisibilité des femmes dans la vie catholique a beaucoup de chances de se poursuivre.
Ordonner des femmes diacres ne nous ramènera pas à un système comme celui qui était tenu d’une main de fer par les mères supérieures. Il risque au contraire de nous ramener en arrière. L’Eglise ayant définitivement exclu l’accès des femmes la prêtrise, le risque est grand que ces dernières ne soient confinées dans des rôles subalternes et que la messe catholique ne se transforme en une pièce de théâtre dans laquelle tous les seconds rôles seraient joués par des femmes.
Après le concile Vatican II, de nombreuses sœurs et prêtres avaient décidé d’adopter un habit civil afin de se fondre dans la société afin qu’il ne soit plus possible de les distinguer des laïcs. Le grand théoricien de la communication Marshall McLuhan propose une autre solution.
Il pense que la télévision a créé une société basée sur l’image dans laquelle la communication visuelle est primordiale. Cette culture met l’accent non pas sur la similitude mais sur les différences très prononcées. Il pense donc que les sœurs et les prêtres ont choisi « un très mauvais moment pour abandonner l’habit clérical » précisément au moment quand on aurait eu besoin de quelque chose d’inhabituel et de non-conventionnel.
Si McLuhan a raison, le futur des femmes dans l’église passerait par des religieuses qui portent un habit distinct et non pas par des femmes qui se mettent à essayer de ressembler à des prêtres ou à des diacres. C’est un autre genre de retour aux sources qui serait nécessaire, un retour qui s’appuierait moins sur une église primitive imaginaire que sur l’église médiévale – tant décriée – vers laquelle elle a évolué. Car pour les catholiques c’est toute la tradition, qu’elle soit nouvelle ou ancienne, qui doit être une source d’inspiration.
J’ai moi-même eu un aperçu un jour de ce à quoi ressemblerait une Eglise qui met les femmes à l’honneur lorsque j’ai rendu visite une de mes amies qui était devenue une religieuse cloîtrée. Avant que je ne puisse la voir, il m’a fallu parler à l’abbesse et à la prieure à travers un grillage. C’étaient des femmes de pouvoir, humbles mais puissantes. Après ces deux entretiens, je suis retourné à l’hôtellerie où j’ai mangé avec les hommes qui vivaient hors de l’abbaye. C’est alors que j’ai réalisé qu’ils vivaient et travaillaient sous les ordres de ces dames en noir et blanc qu’ils tenaient tous en haute estime.
Un article rédigé par Matthew Schmitz et publié dans le Catholic Herald.