Amoris Laetitia: le cardinal Müller répond aux dubia

Le pape se tait mais le cardinal Müller parle.  Voici comment il répond aux dubia.

C’est à lui aussi que les cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner avaient addressé leur cinq dubia sur l’interprétation d’Amoris Laetitia en lui demandant de « faire la clarté ».

Et ni lui, cardinal Gerhard L. Müller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, ni encore moins le pape n’avaient jusqu’à présent répondu aux questions de ces quatre cardinaux.

Mais à présent, le cardinal Müller fait toute la clarté, et comment, dans un entretien-fleuve publié aujourd’hui dans la revue « Il Timone », recueilli par le directeur Riccardo Cascioli et par Lorenzo Bertocchi:

> La vérité n’est pas négociable

Au cours de cet entretien, le cardinal ne parle pas de dubia mais d' »apertis verbis » pour désigner les points que les cardinaux souhaitaient voir éclaircis.

Il en profite pour critiquer au passage ces évêques qui, par leurs « sophismes » interprétatifs, plutôt que de guider leurs fidèles préfèrent « courir le risque qu’un aveugle ne conduise un autre aveugle ».

Voici les passages-clés de cet entretien.

*

Q. – Peut-il y avoir contradiction entre la doctrine et la conscience personnelle?

R. – Non, c’est impossible.  Par exemple, on ne peut pas dire qu’il y a des circonstances dans lesquelles un adultère ne serait pas un péché mortel.  Pour la doctrine catholique, la coexistence entre le péché mortel et la grâce justificatrice est impossible.  C’est pour dépasser cette contradiction absurde que le Christ a institué pour les fidèles le Sacrement de la pénitence et de la réconciliation avec Dieu et avec l’Eglise.

Q. – C’est une question dont on discute beaucoup dans le débat autour de l’exhortation post-synodale Amoris Laetitia.

R. – Il faut clairement interpréter Amoris Laetitia à la lumière de toute la doctrine de l’Eglise. […]  Ce qui ne me plaît pas, ce que je ne trouve pas correct, c’est que plusieurs évêques interprètent Amoris Laetitia selon leur propre façon de comprendre l’enseignement du pape.  Ca n’est pas dans la ligne de la doctrine catholique.  Le magistère du pape doit être interprété par lui seul ou par la Congrégation de la doctrine de la foi.  C’est le pape qui interprété les évêque et pas les évêques interprètent le pape car cela constituerait un renversement la structure de l’Eglise catholique.  A tous ceux qui parlent trop, je recommande de commencer par étudier la doctrine [des conciles] sur la papauté et sur l’épiscopat.  L’évêque, en tant que maître de la Parole doit d’abord être lui-même bien formé pour ne pas courir le risque qu’un aveugle ne conduise un autre aveugle. […]

Q. – L’exhortation de Saint Jean-Paul II, « Familiaris consortio », prévoit que les couples de divorcés-remariés qui ne peuvent pas se séparer doivent s’engager à vivre dans la continence pour pouvoir accéder aux sacrements.  Est-ce que cette obligation est encore valide?

R. – Bien entendu.  Elle n’est pas dépassée, non seulement parce qu’il s’agit d’une loi positive du magistère de Jean-Paul II mais surtout parce qu’il a exprimé ce qui fait partie intégrante de la théologie morale chrétienne et de la théologie des sacrements.  La confusion sur ce point est liée au manque d’acceptation de l’encyclique « Veritatis splendor » avec la doctrine claire de l' »intrinsece malum ». […]  Pour nous, le mariage est l’expression de la participation à l’unité entre le Christ époux et l’Eglise, son épouse.  Il ne s’agit nullement, comme certains l’ont dit pendant le Synode, d’une vague analogie.  Non!  C’est la substance même du sacrement et personne sur cette terre et dans les cieux, ni un ange, ni un pape, ni un concile, ni une loi des évêques, n’a le droit de changer cela.

Q. – Comment peut-on résoudre le chaos qui a été provoqué par les différentes interprétations qui ont été faites de ce passage d’Amoris Laetitia?

D. – Je conseille à chacun de réfléchir et de commencer par étudier la doctrine de l’Eglise à partir de la Parole de Dieu dans les Saintes Ecritures. Concernant le mariage, celle-ci est très claire.  Je conseille également de ne pas entrer dans certaines casuistiques susceptibles d’engendrer facilement des malentendus, surtout celle qui prétendrait que si l’amour meurt, alors le lien du mariage mourrait également.  Il s’agit de sophismes: la Parole de Dieu est très claire et l’Eglise n’accepte pas de séculariser le mariage.  Le rôle des prêtres et des évêques n’est pas de créer de la confusion mais de faire la clarté.  On ne peut pas se limiter à faire référence à des petits passages d’Amoris Laetitia, il faut lire l’ensemble dans le but de rendre l’Evangile du mariage et de la famille plus attractif pour les personnes.  Ce n’est pas Amoris Laetitia qui a provoqué une interprétation confuse mais ce sont certaines interprétations de ce document qui sont confuses.  Nous devons tous comprendre et accepter la doctrine du Christ et de son Eglise et en même temps nous tenir prêts à aider les autres à la comprendre et à la mettre en pratique, même dans des situations difficiles.

Un article de Sandro Magister, Settimo Cielo, traduit de l’italien avec l’autorisation de l’auteur.

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3 thoughts on “Amoris Laetitia: le cardinal Müller répond aux dubia

  1. Muller ne répond absolument pas aux dubia. Votre Titre est erroné. Il les balaye d’un revers de main, en tous cas d’après ce que je lis ici.
    Comment peut-on dire que les divorcés remariés sont toujours en situation de péché tout en lisant le § 303 d’AL où le Pape dit que ces couples qui sont en oppositions avec de ce disent les évangiles font pourtant ce que Dieu leur demande.
    Là ce n’est plus de la nuance, c’est de la schizophrénie jésuitique dans ce qu’elle a de pire.

    Et ses nouvelles déclarations au Caire confirment les dérives héterodoxes de Bergolio : on ne peut pas non plus suivre les évangiles et l’appel à la Mission tout en disant que la pluralité des religions est une volonté divine. Ce pape fait beaucoup trop de politique tout en prétendant savoir ce que Dieu veut. Cela finira mal.

  2. Bonjour et merci beaucoup pour la publication de mon premier message.

    Globalement, nous sommes en présence de deux dynamiques, chronologiquement postconciliaires et axiologiquement postmodernes, la première ayant précédé la deuxième, et la deuxième ayant complété la première, même si cela n’a commencé à se manifester qu’à partir de la fin des années 1970 ou du milieu des années 1980.

    Dans le cadre de la première dynamique, bien des hommes d’Eglise ont de plus en plus de mal à rappeler que ceux qui sont trompés, en matière de religion, sont vraiment trompés, en matière de religion, ou ont de moins en moins de mal à considérer que ceux qui sont trompés, en matière de religion, ne le sont pas du tout ou pas vraiment : d’après eux, n’est-il pas presque impossible que les croyants non chrétiens et les non croyants soient trompés, en matière de religion, dès lors qu’ils sont « bien intentionnés » ?

    A cette première dynamique correspond la tendance ou la tentation propice à la réduction de la religion chrétienne à une religion du bonheur de l’homme et de la paix dans le monde, parmi les autres religions.

    Dans le cadre de la deuxième dynamique, bien des hommes d’Eglise ont de plus en plus de mal à rappeler que ceux qui sont trompés, en matière de sacrements, sont vraiment trompés, en matière de sacrements, ou ont de moins en moins de mal à considérer que ceux qui sont trompés, en matière de sacrements, ne le sont pas du tout ou pas vraiment : selon eux, n’est-il pas quasiment impossible que ceux qui soumettent les sacrements de l’Eglise à une vision adogmatique, immanentiste, eudémoniste, unanimiste, ou anthropocentrique, individualiste, utilitariste, ou postmodernisante et protestantisante, ou encore sensationnaliste et sentimentaliste, soient trompés, en matière de sacrements, dès lors qu’ils sont, eux aussi, « bien intentionnés » ?

    A cette deuxième dynamique correspond la tendance ou la tentation propice à la réduction des sacrements de l’Eglise à des médiations favorables au développement personnel et à la convivialité communautaire, parmi d’autres médiations favorables au développement et à la convivialité.

    Or, la religion chrétienne est LA religion de l’annonce de Jésus-Christ, en vue de la conversion vers Jésus-Christ, LA religion de la sainteté de l’homme, en vue de son salut en Dieu, Père, Fils, Esprit.

    Et de même que la religion chrétienne n’est pas réductible à une religion du bonheur de l’homme et de la paix dans le monde, ni réfractaire au vrai bonheur et à la vraie paix dans le monde, de même les sacrements de l’Eglise ne sont pas comparables à des médiations propices à la convivialité communautaire et au développement personnel, ni comparables à des pratiques de convivialité et de développement. Il n’est pas inutile et il serait salutaire de le rappeler le plus fréquemment possible.

    En définitive, il n’est pas très difficile d’apercevoir que le christianisme catholique contemporain est aujourd’hui confronté à la tentation de devenir « la religion du respect de la sensibilité de chacun, dans le souci de la solidarité entre tous », que ce soit en matière de religion ou en matière de sacrements.

    Tout cela découle notamment du fait qu’en aval du Concile, et quasiment jusqu’à nos jours, la très grande majorité des hommes d’Eglise a accordé infiniment plus d’attention

    – à des textes du Concile tels que Dignitatis humanae, Nostra aetate, Gaudium et Spes, Unitatis redintegratio, qu’à des textes tels que Dei verbum, Lumen gentium, Sacrosancto concilium,

    – à des textes de Paul VI tels que Ecclesiam suam, Populorum progressio, qu’à des textes tels que Mysterium fidei, Sacerdotalis caelibatus, la Profession de foi du 30 juin 1968, et Humanae vitae.

    Le « match » se joue entre la satisfaction humaine et la transcendance divine : la religion chrétienne, les sacrements de l’Eglise, ne sont pas faits seulement pour la satisfaction humaine : le bonheur, la paix, la convivialité, le développement, mais sont faits avant tout pour l’ouverture sur la transcendance divine.

    Non seulement dans la liberté, mais aussi dans la vérité, dans le domaine de la religion et des sacrements, y compris quand le rappel de telle ou telle erreur, en matière de religion ou de sacrements, déplaît ou dérange. Mais les hommes d’Eglise acceptent-ils encore de s’exposer au risque de déplaire ou de déranger, en direction ou en présence de ceux qui sont trompés, en matière de religion ou en matière de sacrements ?

    Bonne journée et excellente continuation.

    A Z

  3. Bonjour,

    A. Au sein et autour de cette affaire, il y a ce dont on parle, et il y a ce dont on ne parle pas.

    B. Les fondements, bien plus philosophiques et postmodernes que théologiques et catholiques, et le contenu, consensuel, oh pardon : « pastoral », de l’Assisi Utopia, de l’utopie d’Assise, qui sévit au moins depuis le milieu des années 1980, sont au moins aussi préoccupants que ceux d’Amoris laetitia.

    C. Mais Il est très rarement possible de parler de l’Assisi utopia, des mérites mais aussi des limites de l’Assisi utopia, au sein de l’Eglise catholique, comme si celle-ci n’était plus avant tout catholique et était devenue seulement dialoguante, alors que la souscription à l’Assisi utopia explique bien des choses.

    D. Or, comment voulez-vous que des hommes d’Eglise qui ne sont plus capables, ni désireux, de résister, de tenir bon, d’une manière clairvoyante et courageuse, d’une manière orthodoxe, et non iréniste, dans le domaine de la religion ou de ce qui est théologal, puissent, sachent, veuillent résister, tenir bon, de la même manière, dans le domaine de la morale ou de ce qui est sacramentel ?

    E. Nous sommes ainsi en présence de clercs catholiques qui ne veulent presque plus rappeler, ad extra

    – que la religion chrétienne est la seule dépositaire de la plénitude de la révélation divine, ce qui ne signifie évidemment pas qu’il n’y a jamais eu d’erreurs ni de fautes, dans l’histoire du christianisme,

    – que les religions et traditions croyantes non chrétiennes, aussi fécondes soient-elles, ne sont pas porteuses de la plénitude de la révélation divine, mais sont porteuses d’erreurs, avant tout sur Dieu,

    – que les chrétiens catholiques ont avant tout vocation à exhorter les croyants non chrétiens à la conversion chrétienne, et n’ont pas seulement vocation au « croire-ensemble » ou au « vivre-ensemble »,

    – que les croyants non chrétiens, aussi sincères soient-il, ont vocation à la conversion chrétienne.

    F. Nous sommes aussi en présence de clercs qui ont déjà beaucoup accordé à l’esprit du moment présent, qui ont déjà beaucoup concédé à l’esprit du monde présent, dans le domaine de la foi ou dans l’ordre du théologal, et qui, d’une manière somme toute logique, ont commencé et vont continuer à accorder des accommodements, à concéder des assouplissement, dans le domaine des moeurs ou dans l’ordre du sacramentel.

    G. Dans cet ordre d’idées, j’ai le regret de devoir dire que la position qui consiste à résister le moins possible à l’esprit du moment présent, à tenir bon le moins possible, face à l’esprit du monde présent, dans le domaine de la religion ou dans celui du théologal, et à essayer de résister le plus possible, à s’efforcer de tenir bon le plus possible, dans le domaine de la morale ou dans celui des sacrements, est moins cohérente que la position qui consiste à résister le moins possible, dans chacun de ces domaines.

    H. En ce sens, Jean-Paul II n’a-t-il pas été moins cohérent, hier, que le Pape François, aujourd’hui ?

    Bonne journée et excellente continuation.

    A Z

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