La grand-mère et le théologien

Le chri­stia­ni­sme est et doit rester une cho­se sim­ple. Il doit d’a­bord con­si­ster en un témoi­gna­ge per­son­nel dans lequel on se met en jeu, on prend des risques. Le caté­chi­sme me suf­fit, un peu com­me ces bon­bons que ma grand-mère m’of­frait de temps en temps: des peti­tes dra­gées savou­reu­ses, arti­sa­na­les, pré­pa­rées selon une recet­te ance­stra­le dont je n’ai jamais oublié la saveur. Je ne l’ai jamais oubliée par­ce que j’ai vu, et si j’ai cru, c’e­st par­ce que j’ai vu la foi de ma grand-mère, une foi rudi­men­tai­re mais qui con­te­nait l’es­sen­tiel de ce qui sert au croyant. J’ai sur­tout vu la cohé­ren­ce entre ces dra­gées de doc­tri­ne qu’el­le m’of­frait et sa pro­pre vie: j’ai vu la séré­ni­té et la for­ce qui s’en déga­geait.

Un prêtre belge témoigne: j’étais traditionaliste

Je suis curé de plu­sieurs parois­ses bel­ges depuis 15 ans. En parois­se, j’ai plus ou moins tout vu et tout enten­du : pains “pit­ta” à la pla­ce des hosties, absen­ces d’ornements, dik­ta­ts gro­te­sques d’équipes litur­gi­ques, célé­bra­tions plus pro­che du car­na­val que du renou­vel­le­ment du Sacrifice de la Croix… Le tout au nom de la créa­ti­vi­té pasto­ra­le. Très tôt, j’ai décou­vert ce que l’on appel­le de façon abu­si­ve “la Tradition” et la “Messe tra­di­tion­nel­le”. J’ai fré­quen­té les “fra­ter­ni­tés sacer­do­ta­les” Saint-Pierre et Saint-Pie X et j’ai ren­con­tré, hélas, beau­coup d’orgueil. Avec le recul, je me rends comp­te que mes moti­va­tions éta­ient néga­ti­ves.

Luther, un Machiavel de la foi

Si l’ef­fet évi­dent de la révo­lu­tion de Luther sur le maria­ge lui a ser­vi de pré­tex­te pour jeter le froc aux orties ain­si que pour per­met­tre aux prin­ces de répu­dier leurs épou­ses légi­ti­mes et de vivre en poly­ga­mie, c’e­st sur­tout sur le plan de la doc­tri­ne que tout allait pro­gres­si­ve­ment chan­ger. Il faut tou­jours tenir comp­te d’un élé­ment impor­tant: Luther con­si­dé­rait en per­ma­nen­ce la nobles­se ger­ma­ni­que com­me étant son inter­lo­cu­teur pri­vi­lé­gié par­ce qu’il en avait besoin pour triom­pher dans son com­bat con­tre Rome. Et la nobles­se ger­ma­ni­que, com­me cel­le des autres pays, s’op­po­sait à Rome non seu­le­ment sur des que­stions de poli­ti­que et de pou­voir mais éga­le­ment sur la doc­tri­ne du maria­ge.

Ne pas avoir peur, voilà notre foi!

Quelle est donc notre foi ? Croire à l’existence de Dieu ? Bien sûr, nous savons que Dieu exi­ste mais Satan lui-même le sait et il y croit : ça ne chan­ge pas grand-chose pour lui, il reste ce qu’il est. Non, la foi c’est ces paro­les de Jésus « n’ayez pas peur ». C’est cela la foi, ne pas avoir peur. La foi c’est la défai­te de la peur, tout spé­cia­le­ment dans l’adversité par­ce que le Seigneur est avoir toi, sur la même bar­que et si lui est avec toi, qui peut se dres­ser con­tre toi ? Il ne lui a suf­fi que d’un seul geste ce jour-là pour cal­mer les flo­ts déchaî­nés.

L’avenir de l’Eglise sera noir et métissé

C’est aujour­d’­hui cer­tain: l’Occident euro­péen est spi­ri­tuel­le­ment mort, il a aban­don­né son âme aux ténè­bres et nous vivons aujour­d’­hui com­me des asti­co­ts dans sa car­cas­se en décom­po­si­tion, respi­rant ses éma­na­tions délé­tè­res. Stop. Ici le dia­ble n’e­st plus néces­sai­re: nous som­mes désor­mais auto­suf­fi­san­ts… et plus très dignes d’in­té­rêt pour lui. En effet le démon n’ai­me pas les pro­ies faci­les et s’en désin­té­res­se vite. Histoire ter­mi­née. Même notre pas­sé a dispa­ru, il ne nous reste plus rien.

Agonie

Je repen­se à toi, hom­me des dou­leurs, toi qui avais déjà par­cou­ru 30 lon­gues années d’un inter­mi­na­ble che­min de croix, quit­tant cet­te vie peu à peu. Tu étais allon­gé dans la pénom­bre de ta cham­bre, les toxi­nes hépa­ti­ques s’étaient réveil­lées de leur long som­meil : elles te gon­fla­ient, te jau­nis­sent et te tua­ient. Et tout à coup, tu as deman­dé « mais est-ce que par hasard je ne serais pas en train de mou­rir ? ». Une que­stion qui pou­vait bles­ser à mort les per­son­nes qui t’aimaient par­ce que ça tue de devoir men­tir par amour. Mais ce n’était plus néces­sai­re.

L’argent est important mais l’Eglise n’en a pas besoin

Je n’arrive pas à com­pren­dre cet­te obses­sion clé­ri­ca­le pour l’argent : l’église alle­man­de est la deu­xiè­me plus gran­de entre­pri­se du pays, elle est d’une effi­ca­ci­té bureau­cra­ti­que redou­ta­ble et pour­tant c’est l’Eglise la plus pau­vre du mon­de en ce qui con­cer­ne la foi… C’est la rai­son pour laquel­le je ne vois pas l’intérêt de payer le denier du cul­te. Je pour­rais me con­vain­cre de payer pour ne pas que mes sous ail­lent à l’Etat mais me dire « je suis catho­li­que donc je don­ne à l’Eglise », non. Parce que ça ne sert à rien, à tout le moins tant qu’il y a la foi. L’argent n’est néces­sai­re que lor­sque l’on a per­du la foi. J’ai vu des grands sain­ts sanc­ti­fier des popu­la­tions entiè­res alors qu’eux-mêmes viva­ient dans la misè­re.

La multiplication des euros à la messe

Aujourd’hui je suis allé à la mes­se avec cinq euros en poche. Le restau­rant japo­nais de la veil­le m’avait rap­pe­lé une tra­di­tion de mon enfan­ce et des années 1980 en Italie lorsqu’il était d’usage de rece­voir ses invi­tés avec une peti­te gout­te, bien avant que les mora­li­stes et autres bien-pensants hygié­ni­stes ne s’en mêlent. C’était l’âge d’or de la légen­dai­re liqueur Strega et je m’étais mis en tête d’en ache­ter une bou­teil­le au super­mar­ché du coin. Sauf qu’en décou­vrant qu’elle était affi­chée au prix exor­bi­tant de 11,90 €, je me suis dit que j’allais plu­tôt ache­ter quel­que cho­se pour dîner et j’en ai pro­fi­té pour pren­dre un paquet de dix ciga­ret­tes au pas­sa­ge. Conclusion, je suis arri­vé à la mes­se avec à peu près 2,70 € en poche.

Dialogue pascal

Au cours de la mes­se, j’ai lais­sé flot­ter mes pen­sées sous les voû­tes méri­dio­na­les du dix-huitième siè­cle sou­te­nant l’édifice. Je me suis mis à regar­der les gens autour de moi et aus­si à regar­der en moi. Voilà, me disais-je, la com­mu­nau­té chré­tien­ne s’est réu­nie pour célé­brer son plus grand mystè­re. Qui sait pour­quoi, elle n’en a pas l’air ! Mais de quel­le « com­mu­nau­té » parlons-nous ? Où est la com­mu­nau­té des chré­tiens, com­me on disait aux pre­miers temps de l’Eglise d’Antioche, où est-elle cet­te com­mu­nau­té des « sau­vés », des « res­su­sci­tés » ? D’ici, je con­sta­te que la rou­ti­ne s’est au fil du temps chan­gée en sur­di­té ; que l’assuétude s’est muée en insen­si­bi­li­té ; que les yeux usés par l’habitude sont deve­nus aveu­gles, qu’on a fini par tout pren­dre pour acquis jusqu’à tom­ber dans le scep­ti­ci­sme et la las­si­tu­de.

Un dialogue intime avec Jésus (2)

Il y a dans notre cœur un mor­ceau de chair qui a été pré­ser­vé de la souil­lu­re du péché ori­gi­nel et qui a con­ser­vé tou­te sa pure­té. C’est à tra­vers elle que Jésus réson­ne en nous, du cœur à l’e­sprit. Notre con­scien­ce la plus pro­fon­de se résout à lui fai­re écho: c’e­st com­me cela qu’il nous répond. C’était pro­ba­ble­ment déjà ce qui se pas­sait pour Don Camillo. Il y en qui par­le­ront de schi­zo­ph­ré­nie. Ce sont des imbé­ci­les, en fait. J’arrive à l’é­gli­se et je m’as­sois. Je le con­tem­ple à tra­vers son effi­gie posée sur l’au­tel: la magni­fi­que icô­ne qui m’e­st deve­nue fami­liè­re. Derrière cet­te ima­ge se trou­ve le Dieu vivant sur sa “sain­te mon­ta­gne”, le taber­na­cle.