En parlant de livres censurés, il y en a un qui l’est depuis sa publication dans la seconde moitié du XIXè siècle. Je veux bien sûr parler « De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie ». Il est de notoriété publique que ses recherches aient servi de base au soi-disant « athéisme scientifique », probablement en dépit des intentions de son auteur. Ce que l’on ignore en revanche, c’est que ce scientifique est enterré dans la cathédrale de Westminster, qu’il était diplômé de théologie à l’université de Cambridge et que sa théorie n’excluait en aucune manière un Créateur mais qu’elle supposait que Dieu avait établi les lois naturelles de l’univers, laissant ensuite agir la nécessité et le hasard au sein de cette structure. Il est cependant manifeste qu’un « évolutionnisme » au pied de la lettre est de fait incompatible avec la foi en Dieu. Il semble que Darwin partageait lui aussi ce point de vue, ce qui n’empêcha pas plusieurs de ses lecteurs de se revendiquer de lui pour soutenir leurs thèses athées. Comme disait l’autre : « malheur à celui qui a des disciples ! » car ces derniers ont bien souvent tendance à radicaliser les théories de leurs maîtres.
Darwin était un théologien et croyait en Dieu
Pour en rester à quelques cas extrêmes, je possède dans ma bibliothèque un essai sur ce scientifique anglais rédigé par un ex-séminariste de Coni, Piergiorgio Odifreddi, selon lequel l’humanité doit beaucoup à Darwin (qu’il définit comme « un des plus grands génies de l’histoire ») pour avoir fondé l’athéisme moderne. J’ai également sous les yeux une interview du zoologue Giorgio Celli qui avait acquis une certaine notoriété grâce ses émissions de télévision mais surtout grâce à ses travaux de naturaliste et ses incursions heureuses dans le champ littéraire. Celli, qui niait farouchement l’existence d’un Dieu créateur, se réjouissait d’ailleurs d’avoir découvert dès sa plus tendre enfance Darwin qui fut pour lui « plus qu’un maître, un véritable saint protecteur de toute ma vie ».
Celui qui nourrit une telle admiration pour Darwin ne peut cependant pas avoir lu entièrement L’Origine des espèces, une chose que l’immense majorité des soi-disant intellectuels qui vénèrent Darwin se garde d’ailleurs bien de faire.
Personne n’est assez ignorant pour permettre aux animaux débiles de se reproduire
Choisissons un extrait parmi tant d’autres : « l’homme civilisé a un désavantage sur le sauvage. Chez les sauvages, les individus faibles de corps ou d’esprit sont promptement éliminés, et les survivants se font ordinairement remarquer par leur vigoureux état de santé. Quant à nous, hommes civilisés, nous faisons, au contraire, tous nos efforts pour arrêter la marche de l’élimination ; nous construisons des hôpitaux pour les idiots, les infirmes et les malades ; nous faisons des lois pour venir en aide aux indigents ; nos médecins déploient toute leur science pour prolonger autant que possible la vie de chacun. On a raison de croire que la vaccine a préservé des milliers d’individus qui, faibles de constitution, auraient succombé à la variole. Les membres débiles des sociétés civilisées peuvent donc se reproduire indéfiniment. Or, quiconque s’est occupé de la reproduction des animaux domestiques sait, à n’en pas douter, combien cette perpétuation des êtres débiles doit être nuisible à la race humaine. On est tout surpris de voir combien le manque de soins, ou même des soins mal dirigés, amènent rapidement la dégénérescence d’une race domestique ; en conséquence, à l’exception de l’homme lui-même, personne n’est assez ignorant ni assez maladroit pour permettre aux animaux débiles de reproduire… »
On devrait interdire aux pauvres de se marier
En voici un autre : « les deux sexes devraient s’interdire le mariage lorsqu’ils se trouvent dans un état trop marqué d’infériorité de corps ou d’esprit. Quiconque contribuera à empêcher ces mariages rendra grand service à l’humanité ».
Ou encore : « Ceux qui ne peuvent éviter une abjecte pauvreté pour leurs enfants devraient éviter de se marier parce que la pauvreté est non seulement un fléau mais elle tend à empirer » et aussi : « les membres inférieurs de la société finiront par supplanter les meilleurs ».
Et on pourrait encore continuer. Darwin croyait probablement en un Dieu créateur mais il n’est pas très facile de concilier ce Dieu avec celui de l’Evangile. Il est par contre un fait que ceux qui le considèrent comme un grand génie se gardent bien de partager les conséquences logiques de ses recherches.
Un commentaire de Vittorio Messori publié par Antonio Margheriti, traduit de l’italien et reproduit avec son aimable autorisation.