Je souriais ce matin à la messe. J’y étais pourtant arrivé encore plus endormi que d’habitude. Il y avait là un jeune prêtre mexicain plein de ferveur, une ferveur qu’il exprimait avec force gestes liturgiques grandiloquents, comme s’il mimait la liturgie pour mieux pouvoir y participer en exagérant ses mouvements. Mais on voyait qu’il y croyait. A vrai dire, il ajoutait de temps à autre l’un ou l’autre phrase de son cru dans la liturgie… jusqu’au moment de la consécration mais somme toute, il s’agissait de phrases empreintes de piété. Et donc… transeat ! Si seulement il y en avait davantage comme lui.
En fin de compte, même l’homélie était belle et incisive, si peu disposés qu’on puisse l’être de grand matin à écouter un prêche. L’autre prêtre, en revanche, est trop endormi le matin pour que l’on puisse distinguer quoi que ce soit dans ses phrases hésitantes et pas toujours logiquement connectées entre elles. Allons, la nuit est fait pour dormir !
Le jeune et pétillant mexicain m’a alors fait comprendre quelque chose qui m’a un peu rappelé le Roosevelt du New Deal. L’Evangile du jour était celui de la fameuse barque dans la tempête où se trouvent Jésus et les Apôtres. Jésus fait semblant de dormir pour les mettre à l’épreuve. Et voici qu’ils cèdent à la panique et au désespoir : non seulement il ne prendront pas de poisson mais en plus ils sont sur le point de sombrer corps et bien. C’est en tout cas ce qu’ils croyaient. Et pourtant ils considéraient leur passager comme le Messie et il était (quel chance et quel bonheur) coude à coude à eux.
Le curé nous met alors en garde :
« Quelle est donc notre foi ? Croire à l’existence de Dieu ? Bien sûr, nous savons que Dieu existe mais Satan lui-même le sait et il y croit : ça ne change pas grand-chose pour lui, il reste ce qu’il est. Non, la foi c’est ces paroles de Jésus « N’ayez pas peur ». C’est cela la foi: ne pas avoir peur. La foi c’est la défaite de la peur, tout spécialement dans l’adversité parce que le Seigneur est avec toi, sur la même barque et si Lui est avec toi, qui donc peut se dresser contre toi ? Il ne lui a suffi que d’un seul geste ce jour-là pour calmer les flots déchaînés. »
C’est cela la foi : ne plus avoir peur de rien. Il est là, présent même s’il se tait. Mais il parlera et sa parole sera la dernière, tu seras sauvé, les flots s’apaiseront. Et voilà aussi ce qu’est l’absence de foi : avoir peur, se trouver dans la tempête et trembler ; croire en Dieu comme s’il n’existait, ou bien comme s’il existait mais sans rien voir, sans rien entendre, comme s’il était impuissant.
C’est une chose que nous devrions nous rappeler plus souvent, nous autres catholiques, dans notre vie de tous les jours, surtout dans cette époque tourmentée où l’Eglise part à la dérive. Il ne fait que faire semblant de dormir, il ouvrira les yeux au moment opportun et sa première parole sera « Hommes de peu de foi ! » et sa dernière: « N’ayez pas peur !».
En vérité, quand nous oublions notre foi, nous nous mettons à avoir peur de tout parce que nous avons oublié qu’il y a un rapport de cause à effet entre ces deux choses. On pourrait même se demander si quand nous « craignons » pour l’Eglise ce n’est pas en réalité notre foi qui part à la dérive plutôt que l’Eglise elle-même. La foi ne craint pas, elle n’a pas peur : n’avons-nous pas vu vu des martyrs brûler vifs avec le sourire au cœur ?
S’il est avec nous et que nous sommes avec lui, qui donc est contre nous ?