Les Chevaliers de Malte ont un grand électeur en plus. Le pape. Mais l’ex Grand Maître…

Pour certains, l‘interdit que le pape a fait tomber sur l’ex Grand Maître de l’Ordre de Malte, Fra’ Matthew Festing était excessif.  Pour d’autres, c’était encore trop peu.

Il nous a été confirmé qu’à 19 heures ce mercredi 26 avril, à l’avant-veille de son voyage en Egypte, le Pape François a convoqué à la Maison Sainte-Marthe une large représentation des membres de l’Ordre rassemblés à Rome pour nommer leur nouveau supérieur général.  Pour être exact, il s’agit des quinze membres suivants:

Fra’ Ludwig Hoffmann von Rumerstein, Grand Commandeur e Lieutenant ad interim;
Albrecht Freiherr von Boeselager, Grand Chancelier;
Dominique de La Rochefoucauld-Montbel, Grand Hospitalier;
János Esterházy de Galántha, Receveur du Commun Trésor;
Erich Prinz von Lobkowicz, Président de l’Association des Chevaliers Allemands;
Marwan Sehnaoui, Président de l’Association des Chevaliers Libanais;
Jaime Churruca y Azlor de Aragón, Président de l’Association des Chevaliers Espagnols;
Thierry de Beaumont-Beynac, Président de L’Association des Chevaliers Français;
Fra’ Giacomo Dalla Torre Del Tempio di Sanguinetto, Grand Prieur de Rome;
Fra’ Luigi Naselli di Gela, Grand Prieur de Naples et de Sicile;
Clemente Riva di Sanseverino, Délégué Grand-Prioral pour l’Emilie Orientale et Romagne;
Fra’ Ian Scott, Grand Prieur d’Angeleterre;
Fra’ Emmanuel Rousseau, membre du Souverain Conseil;
Jack E. Pohrer, de l’American Association;
Mgr. Fra’ Giovanni Scarabelli, Chapelain Conventuel Profès.

A vrai dire, la convocation de ces quinze personnes au Vatican est l’œuvre du substitut de la secrétairerie d’Etat, Angelo Becciu, le délégué spécial du Pape au sein de l’Ordre depuis le 4 février qui dispose des pleins pouvoirs.  Mais en plus de lui, il a bien été annoncé que le Pape en personne les rencontrerait.

La raison invoquée pour justifier cette rencontre est celle qui était déjà mentionnée dans la lettre que Becciu a envoyée aux membres de l’Ordre le 15 avril dernier: afin que « l’événement », c’est-à-dire l’élection du nouveau supérieur général « se déroule dans une atmosphère de paix et d’harmonie retrouvée ».

C’est pour cette même raison que Becciu avait, au nom du pape, justifié l’obligation imposée à Festing de ne pas prendre part au prochain conclave de l’Ordre qui s’ouvrira le 29 avril et même de ne pas être présent à Rome le jour de l’événement.

Cette mise à l’écart inédite de l’ex Grand Maître – qui avait déjà été contraint de démissionner par le pape en personne le 24 janvier – avait provoqué parmi les Chevaliers de Malte un malaise bien compréhensible.  Certains y voyaient un intolérable abus de pouvoir.  Pour d’autres, même parmi les opposants à Festing, c’était un geste excessif appelant justement une action corrective et pacificatrice de la part des autorités vaticanes.

Il se dit que c’est bien l’objectif de la rencontre du 27 avril avec le pape.  Sauf qu’à nouveau cette convocation a ravivé les tensions entre les chevaliers plutôt que de les apaiser.  Ils sont nombreux à la considérer comme une démarche d’une autre époque et hors de toute mesure, une pression injustifiée – exercée par le pape lui-même – visant à conditionner l’élection imminente du successeur de Festing.

Une élection qui ne débouchera sans doute pas à la nomination d’un nouveau Grand Maître mais seulement d’un lieutenant ad interim qui pourrait bien être celui qui fait actuellement fonction, l’octogénaire Grand Commandeur Fra’ Ludwig Hoffmann von Rumerstein ou bien l’actuel Grand Prieur de Rome Fra’ Giacomo Dalla Torre Del Tempio di Sanguinetto.

Le lieutenant restera en fonction pendant un an, le temps de procéder à une réforme des statuts.

En effet, selon les constitutions actuelles de l’Ordre, seuls les membres profès qui ont fait les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance peuvent être élus Grand Maître, ce qui n’est le cas que de 55 membres de l’Ordre sur 13.000.

De plus, le Grand Maître doit avoir quatre quartiers de noblesse, ce qui réduit à seulement 12 la liste des chevaliers éligibles, dont un a 97 ans.

La réforme des statuts devrait justement abolir cette limitation, entre autres choses.

Mais, comme on le sait, le conflit interne à l’Ordre de Malte a des causes bien plus sérieuses et graves.  La dernière et non des moindres étant la question toujours non résolue de ces mystérieux 30 millions d’euros révélée par Settimo Cielo.

POST SCRIPTUM – Dix-huit heures après la mise en ligne de cet article, les agences Reuters et The Associated Press donnaient l’information que l’ex Grand Maître de l’Ordre de Malte, Fra’ Matthew Festing a décidé de se rendre malgré tout à Rome – où il a atterri le 26 avril – afin de participer à l’élection du nouveau supérieur général, bravant ainsi le veto du pape François.

En vertu des statuts, l’ex Grand Maître a le droit de prendre part au conclave du 29 avril aussi bien pour voter que pour être réélu.

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Les précédents articles de cette année sur la saga des Chevaliers de Malte:

> Le Grand Maître frappé d’interdit. Le pape lui ordonne de pas poser le pied à Rome

28 mars 2017
> Chevaliers de Malte. La double vérité sur ces 30 millions

25 mars 2017
> Chevaliers de Malte. La réponse du porte-parole de l’Ordre

23 mars 2017
> Chevaliers de Malte. Le mystère de ces 30 millions de francs suisses

29 janvier 2017
> Après celle du Grand Maître, une seconde tête va tomber à l’Ordre de Malte

25 janvier 2017
> Le torchon brûle entre Rome et Malte

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

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Date de publication: 26/04/2017