L’utopie ridicule du gender

Vittorio Messori

Vittorio Messori

La soi-disant théo­rie du “gen­der”, dans ce nou­veau latin qu’e­st deve­nu l’a­mé­ri­cain plu­tôt que l’an­glais bri­tan­ni­que, n’e­st rien d’au­tre que l’u­ne des idéo­lo­gies les plus récen­tes par­mi tant d’au­tres qui se sont suc­cé­dées en Occident depuis le dix-huitième siè­cle en se fai­sant pas­ser pour la révé­la­tion du moment avant de tom­ber dans l’ou­bli.

Après le mar­xi­sme, plus rien !

Ces der­niers jours, j’ai repen­sé à une cita­tion de Sartre: “après le mar­xi­sme, plus rien”.  Pour lui, le sché­ma de pen­sée du vieux Karl était le secret défi­ni­tif du mon­de et de l’hi­stoi­re.  Nous avons vu ce qu’il en était.  Les idéo­lo­gies ont tou­jours lais­sé der­riè­re elles des dégâ­ts et des cica­tri­ces avant de finir dans les oubliet­tes de l’hi­stoi­re par­ce que les sché­mas théo­ri­ques pro­dui­ts par les intel­lec­tuels ne rési­stent jamais à l’é­preu­ve de la réa­li­té. La réa­li­té est tou­jours plus com­ple­xe et plus tena­ce que les idéo­lo­gues ne l’a­va­ient pré­vu.

Après une vie pas­sée à réflé­chir sur l’hi­stoi­re, j’ap­pel­le mes amis croyan­ts et mes frè­res dans la foi au cal­me ou à tout le moins à la patien­ce.  Ne pre­nez pas au tra­gi­que ce qui est en train de se pas­ser dans le mon­de.  Allez reli­re ce que la célè­bre éco­le d’hi­sto­riens fra­nçais appel­le “la lon­gue durée”.  Dans cet­te per­spec­ti­ve, tout tend à se rela­ti­vi­ser et le célè­bre ada­ge des char­treux sem­ble se véri­fier cha­que jour davan­ta­ge: Stat Crux dum vol­vi­tur orbis.  La croix demeu­re tan­dis que le mon­de tour­ne.

Nos dif­fé­ren­ces sont issues d’un gigan­te­sque com­plot qui remon­te à la pré­hi­stoi­re

Revenons au sché­ma de pen­sée qui fait aujour­d’­hui l’ac­tua­li­té, à ce gro­te­sque gen­der, à cet­te théo­rie risi­ble selon laquel­le les com­por­te­men­ts dif­fé­ren­ts de l’hom­me et de la fem­me ne sera­ient pas “natu­rels” mais déter­mi­nés par des rôles impo­sés par l’hi­stoi­re.  D’après cet­te théo­rie, il n’y aurait ni hom­mes ni fem­mes, ni hété­ro­se­xuels ni homo­se­xuels mais cha­cun serait libre de bri­ser ses pro­pres chaî­nes (impo­sées prin­ci­pa­le­ment par les reli­gions et par le chri­stia­ni­sme en pre­mier lieu) pour sui­vre sa pro­pre orien­ta­tion sexuel­le, quel­le qu’el­le soit.  Parce qu’en réa­li­té, nous serions tous tota­le­ment égaux et nos dif­fé­ren­ces sera­ient en fait issues d’un com­plot qui remon­te­rait à la pré­hi­stoi­re et qui, aujour­d’­hui, vien­drait seu­le­ment d’a­voir été per­cé à jour.

Bon, j’a­voue que je repen­se cha­que matin à ces sot­ti­ses pen­dant que je déjeu­ne en lisant les jour­naux.  C’est l’u­ne de mes habi­tu­des hiver­na­les: je par­cours les arti­cles sur le papier pen­dant que l’hu­ma­ni­té de chair tour­ne autour de moi.  C’est l’u­ne des façons que j’ai trou­vé pour ne pas per­dre le con­tact avec la réa­li­té.  Depuis un cer­tain temps, mû par une habi­tu­de que ne j’ar­ri­ve pas à per­dre, je fré­quen­te éga­le­ment la ter­ras­se d’un café des rives du lac de Garde, sur la rou­te qui mène de Desenzano à Salo et qui, de là, remon­te vers les loca­li­tés autri­chien­nes de Riva et d’Arco, lon­geant des loca­li­tés dévo­lues au tou­ri­sme depuis la Belle Epoque, por­tant des noms évo­ca­teurs com­me Gardone Riviera, Toscolano, Gargnano et Limone.

La ter­ras­se où je vais pren­dre mon cap­puc­ci­no et ma brio­che en com­pa­gnie de mes jour­naux sur­plom­be un peu la rou­te et, de temps à autres, je lève les yeux pour obser­ver le tra­fic.  D’ici, il me sem­ble voir pas­ser le mon­de: des ita­liens ori­gi­nai­res de tou­tes les régions (ceux qui se ren­dent en Vénétie font sou­vent un cro­chet par le lac de Garde), des autri­chiens, des alle­mands, des hol­lan­dais, des fra­nçais, des danois et d’au­tres scan­di­na­ves com­me des sué­dois et des nor­vé­giens.  Depuis quel­que temps, beau­coup de rus­ses éga­le­ment, que ce soient dans leurs pro­pres voi­tu­res ou dans des véhi­cu­les qu’ils ont loué à l’aé­ro­port.  Je m’a­mu­se un peu à obser­ver tou­tes ces per­son­nes moto­ri­sées, d’au­tant plus visi­bles en cet­te sai­son qu’el­les ont  leurs car­reaux bais­sés et que le tra­fic leur impo­se d’a­van­cer len­te­ment.

Dans 90% des cas, c’e­st l’hom­me qui con­duit

Sur base d’u­ne éva­lua­tion per­son­nel­le basée sur une obser­va­tion direc­te, j’ai réa­li­sé que le tableau était iden­ti­que dans 90% des cas: lui con­duit, elle est assi­se sur le siè­ge pas­sa­ger et les enfan­ts sont assis der­riè­re.  Ca vaut pour les voi­tu­res mais en ce qui con­cer­ne les très nom­breux deux-roues, on pas­se à 100%: c’e­st tou­jours lui qui est pen­ché sur le gui­don et elle qui l’é­treint.  Même en fai­sant très atten­tion, je n’ai jamais vu pas­ser de fem­me au gui­don d’u­ne moto ou d’un scoo­ter avec un hom­me com­me pas­sa­ger.  Nous arri­vons de nou­veau à 100% quand il s’a­git de cam­ping cars.  Parallèlement à la rou­te, il y a une piste cycla­ble.  Ici enco­re, j’ai noté une con­stan­te: dans la quasi-totalité des cas, c’e­st l’hom­me qui péda­le devant et la fem­me — ou la com­pa­gne — le suit der­riè­re.  Cette dispo­si­tion con­stan­te des cycli­stes lais­ser pen­ser que c’e­st l’hom­me qui ouvre la rou­te et qui déci­de du par­cours.

Ici, les fem­mes qui pas­sent vien­nent de tous les pays et de tou­tes les cul­tu­res.  Nombre d’en­tre elles pro­vien­nent de cet­te Europe du Nord qui, depuis le déclin du pro­te­stan­ti­sme histo­ri­que qui s’e­st aujour­d’­hui fait le chan­tre indif­fé­rent de la pen­sée uni­que, ne peu­vent en aucun cas être suspec­tées d’e­scla­va­ge ou de ren­trer dans des sché­mas obscu­ran­ti­stes ou clé­ri­caux.  Et pour­tant, elles ont tou­tes leur per­mis et pour­ra­ient fort bien se met­tre au volant.  Elles ne le fera­ient pas pour lais­ser cet­te cor­vée à l’hom­me?  Mais de quel­le cor­vée pourrait-il bien s’a­gir aujour­d’­hui pour ces fem­mes, bien sou­vent en vacan­ces?  Conduire une voi­tu­re est un plai­sir et non une cor­vée!  Et pour­tant, sans qu’on ne les y obli­ge d’au­cu­ne façon, sans même s’en ren­dre comp­te elles-mêmes, elles sont tou­tes très con­ten­tes de lais­ser mon­sieur con­dui­re.  Cette méta­pho­re qui s’ap­pli­que ici à des voi­tu­res et des motos pour­rait bien s’ap­pli­quer à la vie.  Chaque sexe a une fonc­tion pro­pre, une voca­tion, une éga­li­té radi­ca­le et, en même temps, une diver­si­té radi­ca­le qui fait par­tie d’un pro­jet qui ne pour­ra jamais être rem­pla­cé par quel­que beau par­leur que ce soit.

Le gen­der est com­plè­te­ment décon­nec­té de la réa­li­té

Vous vous dites peut-être qu’el­les sont en réa­li­té bien bana­les, ces con­sé­quen­ces que je tire de l’ob­ser­va­tion de la rou­te la plus tou­ri­sti­que du lac de Garde, de ce lieu de croi­se­ment entre euro­péens et euro­péen­nes, mais ce n’e­st abso­lu­ment pas le cas.  Il me sem­ble au con­trai­re repré­sen­ter l’u­ne des infi­nies con­fir­ma­tions que les abstrac­tions inhu­mai­nes du gen­der sont com­plè­te­ment décon­nec­tées de la réa­li­té.  Encore une fois un peu de patien­ce et bien­tôt nous en rirons, même si nous devrons entre­temps souf­frir sous le signe d’u­ne nou­vel­le uto­pie.  Dès que l’on quit­te le che­min de l’Evangile, c’e­st ce que nous som­mes con­dam­nés à endu­rer.  Et il ne s’a­git pas là d’a­po­lo­gé­ti­que.

Un com­men­tai­re de Vittorio Messori publié par Antonio Margheriti, tra­duit de l’i­ta­lien et repro­duit avec son aima­ble auto­ri­sa­tion.

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