L’Eglise en kit

Ou le mythe du dialogue comme compromis entre le bien et le mal

Le « dialogue », c’est le dernier avertissement avant l’agression

eglise-kit-2J’observe avec atten­tion un type de per­son­ne que je con­nais bien : le catho­li­que « ouvert au dia­lo­gue ».  Il est sou­riant, con­vi­vial, bon et rem­pli de bon­nes inten­tions, il tient en tout cir­con­stan­ces un discours œcu­mé­ni­que et paci­fi­ste.  En appa­ren­ce.  Je le con­nais bien par­ce que je suis moi-même issu de ce milieu, bien que j’aie le sang chaud et que je ne me con­si­dè­re pas per­son­nel­le­ment com­me paci­fi­que.  Il ne suf­fit pas d’observer cet­te per­son­ne, il faut éga­le­ment l’écouter, effec­tuer des com­pa­rai­sons et enfin s’interroger ou plu­tôt tirer des con­clu­sions.

Sont-ils si ouverts qu’ils le pré­ten­dent, ceux qui citent le « dia­lo­gue » plus sou­vent que le Christ ?

Oui mais jusqu’à un cer­tain point : essayez de les con­tre­di­re dans leurs cer­ti­tu­des qu’ils pré­sen­tent com­me leur « sen­si­bi­li­té »  per­son­nel­le, leurs « selon moi » éle­vés au rang d’ecclésiologie, essayez de les con­tre­di­re et obser­vez la for­ce de leur réac­tion.  Essayez de con­fier à l’un d’entre eux un poste à respon­sa­bi­li­té dans l’Eglise et vous ver­rez com­ment cet­te for­ce se tran­sfor­me­ra en bru­ta­li­té : leur tolé­ran­ti­sme osten­ta­toi­re se chan­ge­ra en en despo­ti­sme sour­nois allant même par­fois jusqu’à la répres­sion vio­len­te pure et sim­ple de tou­te pen­sée dif­fé­ren­te de leur pen­sée uni­que.  L’excès de dévo­tion les hor­ri­pi­le, ils mili­tent pour le clé­ri­ca­li­sme et la divi­ni­sa­tion des êtres humains appar­te­nant au cler­gé mais n’acceptent pas de s’agenouiller eux-mêmes désar­més devant ce qui est vrai­ment divin.

Mais de quel gen­re de paci­fi­sme et de tolé­ran­ce s’agit-il  ?  En quoi consiste-t-elle cet­te « paix » qu’ils prô­nent ?

Permettez-moi de vous l’expliquer en me réfé­rant à mon pas­sé de libé­ral.

Le syndrome clérical de Peter Pan

Parlons-en de ce silen­ce mor­tel, de cet­te la mort des pas­sions, de cet­te nar­co­lep­sie onto­lo­gi­que pro­pre au catho­li­que.  Cette pas­si­vi­té du catho­li­que moyen face aux sti­mu­li exter­nes pro­vient en réa­li­té d’un réfle­xe con­di­tion­né à l’intérieur de l’Eglise sous l’influence de la pré­do­mi­nan­ce exté­rieu­re de la pen­sée uni­que qui pous­se le catho­li­que à con­fi­ner sa foi à l’intimité de sa vie pri­vée sans en fai­re éta­la­ge publi­que­ment et sur­tout sans pren­dre sa défen­se en socié­té ni même au sein de l’Eglise d’ailleurs.  Il s’agit d’une véri­ta­ble césu­re entre la vie et la reli­gion, entre la pen­sée et la foi.

La seu­le mani­fe­sta­tion exter­ne socia­le­ment accep­ta­ble c’est cet­te atti­tu­de con­vi­via­le, jeu­ni­ste et exal­tée, en som­me inof­fen­si­ve aux yeux du mon­de par­ce qu’elle en adop­te les codes jusqu’à se rédui­re en une gro­te­sque et ana­chro­ni­que far­ce mon­dai­ne.  L’unique objec­tif est de gar­der dans les sacri­sties ceux qui s’y trou­vent déjà, ceux qui sont enco­re affli­gés de « papa­ma­nie » à qua­ran­te ans son­nés, ce qui cor­re­spond à peu près dans le mon­de laï­que au syn­dro­me de Peter Pan.

Il est tout natu­rel qu’une sem­bla­ble atti­tu­de de la part du cler­gé n’attire pas beau­coup les fou­les dans les ora­toi­res et que pour masquer leur échec, ils cher­chent à se fon­dre dans la mas­se jusqu’à en per­dre leur iden­ti­té et à rejoin­dre le mon­de, à en adop­ter les usa­ges et les cou­tu­mes, à lui cas­ser les oreil­les en pré­ten­dant que « Même Jésus et la nou­vel­le Eglise » bénis­sent leur sodo­mies, leur avor­te­men­ts, leurs adul­tè­res, leur pro­mi­scui­té et tou­te autre for­me de cor­rup­tion.  De tou­te façon, la misé­ri­cor­de de Dieu n’est-elle pas infi­nie ?  Petit à petit, au lieu de rame­ner les gens vers l’Eglise, ils finis­sent eux-mêmes par la quit­ter à moins qu’ils n’y restent pour en fai­re le quar­tier géné­ral de leur cen­tre d’action socia­le.

Du chrétien anonyme à l’Eglise en kit

Voici ce que j’entends par « dia­lo­gue » et « paci­fi­sme » : un catho­li­que moyen et ano­ny­me qui a fait de l’omission un mode de vie, qui accep­te pas­si­ve­ment tous les dik­ta­ts du mon­de, tou­tes les fluc­tua­tions éthi­ques de la socié­té civi­le et qui s’en accom­mo­de bien sage­ment.  Autrement dit, un catho­li­que qui con­si­dè­re que la doc­tri­ne et l’éthique de l’Eglise sont en-dehors de la réa­li­té, qu’elles sont inap­pli­ca­bles au quo­ti­dien et qu’el­les n’ont en défi­ni­ti­ve aucun impact con­cret sur la vie du fidè­le.

C’est bien de la mort socia­le et civi­le du chré­tien dont nous par­lons en fili­gra­ne.  Dans l’attente du der­nier épi­so­de tant espé­ré dans le sil­la­ge des pro­te­stan­ti­smes euro­péens mori­bonds: la dis­so­lu­tion fina­le du chri­stia­ni­sme dans la reli­gion laï­que.  Tout cela dans l’e­spoir illu­soi­re de pré­ser­ver la chè­vre et le chou, c’est-à-dire le chri­stia­ni­sme et la sécu­la­ri­sa­tion qu’ils con­si­dè­rent com­me com­pa­ti­bles et con­sti­tuant même le pen­dant logi­que et cohé­rent l’un de l’autre.  Ce n’est pas l’Eglise qui infor­me le mon­de mais le mon­de qui façon­ne l’Eglise à son ima­ge et en fonc­tion de ses exi­gen­ces.  Plutôt que de chri­stia­ni­sme ano­ny­me, il fau­drait plu­tôt par­ler de chri­stia­ni­sme en kit : c’est le retour de la vieil­le ten­ta­tion de lais­ser les castes diri­gean­tes mani­pu­ler la reli­gion à leur gui­se.  Il s’agit en quel­que sor­te d’un réfle­xe con­di­tion­né qui date de l’impérialisme euro­péen, lor­sque le catho­li­ci­sme sub­si­stait et tirait son pou­voir non pas de son témoi­gna­ge du Christ mais de son sta­tut de reli­gion offi­ciel­le des « très catho­li­ques » puis­san­ces impé­ria­les.  Avec la dis­so­lu­tion qui s’en sui­vit, sans par­ler du destin des empi­res en que­stion…

Emasculer le christianisme, décapiter les intégristes

Ce syn­dro­me émi­nem­ment poli­ti­que est cau­sé par cer­tai­nes mau­vai­ses – bien que néces­sai­res d’un cer­tain point de vue histo­ri­que – habi­tu­des de l’Eglise catho­li­que euro­péen­ne, notam­ment par la « chré­tien­té » au lieu du « chri­stia­ni­sme » et il est aujourd’hui atti­sé non pas par ces inté­gri­stes que l’on accu­se sou­vent de regret­ter l’ancienne puis­san­ce socia­le et l’Eglise et son allian­ce avec le pou­voir tem­po­rel  mais bien par leurs accu­sa­teurs prin­ci­paux : les pro­gres­si­stes, les libé­raux, ceux qui sont ouverts  au dia­lo­gue, les démo­cra­tes.   Ceux qui sou­tien­nent un catho­li­ci­sme (même si eux-mêmes par­lent plus volon­tiers de chri­stia­ni­sme) mou, feu­tré, bien pro­pre, mora­li­sant, dou­ceâ­tre et édul­co­ré, avant tout sou­mis à la sphè­re civi­le répu­tée réti­cen­te.  Quand ils ouvrent la bou­che, c’est pour évo­quer les nor­mes éthi­ques varia­bles de la socié­té civi­le qu’ils con­si­dè­rent com­me tout à fait com­pa­ti­bles avec l’Eglise et aux­quel­les ils se con­for­ment en adop­tant réfor­me sur réfor­me.  C’est de ce catholicisme-là qu’ils veu­lent, un catho­li­ci­sme accom­mo­dant et éma­scu­lé qui ne leur cau­se d’ennuis, qui ne per­tur­be­ra pas leur exi­sten­ce et dans lequel se per­dra peu à peu le sou­ve­nir de ce qui était, de ce qui est et de ce qui devrait être afin de rester chré­tien.  « Scandale pour les juifs, folie pour les païens ».

Ce qu’ils prô­nent, en tou­te bon­ne foi, ce n’est rien de moins que la mort de la reli­gion tout en s’accommodant, para­do­xa­le­ment, d’une ecclé­sio­lo­gie boi­teu­se,  pleur­ni­char­de, ver­beu­se et super­fi­ciel­le par­ce qu’ils veu­lent con­ser­ver l’Eglise mais une Eglise en kit.  Dans cet­te nou­vel­le Eglise, la foi n’est plus un fac­teur déter­mi­nant et si elle exi­ste, ce ne peut être qu’une foi en un dieu abstrait et décul­pa­bi­li­sant, un dieu dif­fus, ni hom­me ni fem­me, ni chair ni pois­son qui se bor­ne­rait à sou­te­nir le par­cours de vie de tout un cha­cun sans inter­ve­nir et à l’approuver par­ce qu’au fond tout est « bon » et tout « méri­te » la béné­dic­tion divi­ne pour autant que ce soit « bon pour moi ».  C’est ce que Ratzinger appe­lait la « dic­ta­tu­re du rela­ti­vi­sme » et ce que nous appe­lons la reli­gion « self-service » pro­pa­gée au sein des facul­tés de théo­lo­gie, des égli­ses et des sacri­sties com­me la doc­tri­ne de ce renou­veau tant atten­du.

Dans ce désor­dre impo­sé, tout est per­mis sauf être inté­gri­ste car il s’agit de l’unique péché restant, du seul péché ori­gi­nel qu’il soit enco­re pos­si­ble de com­met­tre.  On peut tout pen­ser, tout dire et tout fai­re, tant que ça ne relè­ve pas de l’intégrisme.  Les inté­gri­stes sont les empê­cheurs de tour­ner en rond de la gran­de har­mo­nie clé­ri­ca­le, du relâ­che­ment uni­ver­sel de la mora­le, du pac­te hypo­cri­te entre l’Eglise et le mon­de, de « l’unité » com­me com­pro­mis entre le bien et le mal sur l’autel duquel tout peut être sacri­fié.  C’est le nivel­le­ment par le bas, la pla­ti­tu­de intel­lec­tuel­le, le con­for­mi­sme le plus immua­ble que l’on recher­che sous des appa­ren­ces festi­ves dégou­li­nan­tes de bons sen­ti­men­ts, jusqu’à l’imposer par une vio­len­ce sour­noi­se exer­cée sur les quel­ques catho­li­ques qui ne sont pas enco­re ren­trés dans le rang et qui sont donc logi­que­ment taxés d’intégrisme… ou d’anticonformisme.

L’obsession du chiffre

Le grand pré­tex­te à tout cela, à cet impé­ra­tif de sor­tir « au-dehors » pour aller « par­mi les gens » — ce qui se résu­me en géné­ral à quit­ter tout sim­ple­ment l’Eglise – c’est la que­stion des chif­fres.

Il s’agit de la sem­pi­ter­nel­le obses­sion clé­ri­ca­le des égli­ses « vides » qui riva­li­se cel­le des les éco­lo­gi­stes et leur obses­sion d’un mon­de « trop rem­pli » qu’il fau­drait dépeu­pler de ses humains sur­nu­mé­rai­res pour le repeu­pler d’animaux en voie d’extinction.  Cette obses­sion des égli­ses à moi­tié vides ou à moi­tié plei­nes, cet­te manie démo­dée de con­si­dé­rer que seu­le la pré­sen­ce comp­te et non la qua­li­té ni le sens de la pré­sen­ce revient à con­si­dé­rer les égli­ses com­me de vul­gai­res caba­re­ts où la seu­le cho­se qui impor­te, c’est de ven­dre tous les bil­le­ts.  Tous les coups sont per­mis pour fai­re sal­le com­ble.

Nous avons sous les yeux les résul­ta­ts de cet­te poli­ti­que de la sal­le com­ble.  Est-ce que cela a vrai­ment un sens de rem­plir les égli­ses de faux bigo­ts si ceux-ci, à pei­ne sor­tis, se retrou­vent à la tête de mou­ve­men­ts en faveur de l’avortement, de lob­bies gays, s’ils divor­cent, se rema­rient, louent des uté­rus et mili­tent pour l’élargissement de l’euthanasie à l’instar de n’importe quel poli­ti­cien démocrate-chrétien ?  A quoi bon s’ils ne font pas de leur foyer une égli­se dome­sti­que et ne mènent pas une vie digne de pou­voir por­ter le nom de chré­tien, s’ils n’ont pas un mini­mum de cohé­ren­ce ?  Mais non, il faut fai­re le plein de bigo­ts, de calo­tins et de défen­seurs du poli­ti­que­ment cor­rect ecclé­sial.  Faire du chif­fre, c’est un bla­sphè­me cent fois répé­té qui  mon­te vers le ciel pour défier Dieu.

Le désastre des cours de théologie réduits à des bureaux de placement

Justement, l’autre jour un jeu­ne garçon, un bra­ve gars au fond (du moins je crois), cer­tai­ne­ment ani­mé des meil­leurs inten­tions du mon­de et qui fait visi­ble­ment par­tie des joyeux cathos écri­vait ce com­men­tai­re sur mon blog au sujet d’une sœur qui chan­te :

« Je ne suis abso­lu­ment pas d’accord avec cet arti­cle de pres­se pha­ri­saï­que : l’Eglise a besoin de renou­veau, elle ne peut pas rester figée dans des sché­mas pré­con­ci­liai­res qui font fuir ceux qui sont déjà éloi­gnés !!  Il faut se bou­ger et adop­ter de nou­vel­les stra­té­gies d’évangélisation.  Ce ne sont pas les gens qui doi­vent aller vers l’église mais l’église qui doit aller par­mi les gens !!!  Rester enfer­més der­riè­re les murs des cou­ven­ts et des parois­se ne sert à rien ni à per­son­ne.  Jésus n’avait que fai­re des fon­da­men­ta­li­stes !!  BRAVO SŒUR CRISTINA, que l’Esprit Saint te gui­de. »

Nous enten­dons sou­vent ce gen­re de discours.  Il n’y a rien à ajou­ter sauf que dans le cas pré­sent il ne s’agit que d’un pré­tex­te pour géné­ra­li­ser et évo­quer la déca­den­ce des cours dio­cé­sains de théo­lo­gie qui for­ment des Rahner à la peti­te semai­ne.  C’est prin­ci­pa­le­ment dans le Sud et sur­tout en Sicile que ces cours de mau­vai­se théo­lo­gie sont deve­nus un sim­ple remè­de au chô­ma­ge des jeu­nes et où, à for­ce de cour­ti­ser les prê­tres et les évê­ques du lieu et de leur cirer les pom­pes, on finit par trou­ver un poste fixe sans aucu­ne préoc­cu­pa­tion quant à la qua­li­té de la for­ma­tion.  Si seu­le­ment ils adhé­ra­ient véri­ta­ble­ment à la reli­gion catho­li­que avant de pré­ten­dre l’enseigner mais ce n’est jamais le cas, ils cro­ient en des abstrac­tions, des intel­lec­tua­li­smes, des peti­tes for­mu­les appri­ses par cœur dans des bou­quins mais sans jamais les inté­grer, sans aucu­ne pro­fon­deur.  Comme ils n’ont pas la capa­ci­té de déco­der cet uni­vers sym­bo­li­que, ils lui asso­cient d’autres élé­men­ts gno­sti­ques qui, tous ensem­ble, con­tri­buent à for­mer un con­cept com­ple­xe et édi­fiant, fon­dé sur la logi­que.

Ce jeu­ne hom­me pour­suit ensui­te, dans des ter­mes con­cep­tuel­le­ment bien pau­vres et désar­man­ts du point de vue théo­lo­gi­que pour qui con­naît un mini­mum de syn­ta­xe ecclé­sio­lo­gi­que : « Je n’ai fait qu’exprimer une opi­nion, si vous me per­met­tez de le fai­re, étant don­né que je suis un pro­fes­seur d’université et que je me spé­cia­li­se en ecclé­sio­lo­gie  (donc je suis cen­sé savoir de quoi je par­le, non ?) ».

Personnellement, je ne trou­ve pas, en fait.  Sœur Cristina, l’avant-concile, l’ecclésiologie, les chif­fres, l’église qui doit sor­tir hors d’elle-même : mon Dieu, quel­le con­fu­sion !  Il est tou­jours risqué de lan­cer des slo­gans depuis le bal­con de Saint-Pierre: les gens risquent de s’y arrê­ter et de sous-entendre tout le reste.  Ce qu’il leur fait défaut, c’est sur­tout la logi­que, malheu­reu­se­ment, ain­si que la con­nais­san­ce élé­men­tai­re du sujet et les outils pour con­nec­ter entre eux des phé­no­mè­nes cul­tu­rels bien dif­fé­ren­ts.  Comment est-il pos­si­ble d’enseigner la théo­lo­gie (et c’est un pro­blè­me qui revient sou­vent sur la table aujourd’hui) avec des jeu­nes qui sor­tent à pei­ne des éco­les tech­ni­ques et qui pas­sent du com­mer­cial aux manuels de théo­lo­gie sans aucu­ne base clas­si­que, huma­ni­ste ni phi­lo­so­phi­que ?  Ils n’ont aucu­ne logi­que et fera­ient mieux de se met­tre à l’école des auteurs grecs anciens.

J’explique deux ou trois cho­ses à ce bra­ve jeu­ne hom­me aux idées brouil­lon­nes pour répon­dre à ses décla­ra­tions incon­si­dé­rées qu’il con­si­dé­rait sans dou­te com­me mar­quées du sceau de la scien­ce.  La théo­lo­gie qui con­sti­tuait autre­fois la som­me et le som­met de tous les savoirs par­ce qu’en elle que se reflé­ta­ient tou­tes les scien­ces spé­cu­la­ti­ves est aujourd’hui vic­ti­me d’interprétations bon mar­ché, de lieux com­muns mysti­fi­ca­teurs et de « d’après moi » agui­cheurs.  D’ailleurs les jour­na­li­ses eux-mêmes se sont lan­cés depuis bel­le luret­te dans la théo­lo­gie raco­leu­se.

L’Eglise doit aller par­mi les gens.
— Et avant, elle glan­dait ?

Je con­te­ste donc le slo­gan  « ce n’est pas les gens qui doi­vent aller vers l’église mais l’église qui doit aller vers les gens » par­ce qu’il s’agit du discours typi­que du pro­gres­si­ste vis­sé à sa chai­re de véri­té depuis des années, reclu dans sa tour d’ivoire théo­lo­gi­que éri­gée en for­te­res­ses de sa baron­nie voi­re en mai­son clo­se pour son pru­rit nar­cis­si­que : ces gens-là s’admirent dans le miroir, se par­lent à eux-mêmes et s’applaudissent.  « Il faut aller vers les gens ».  Comme si l’Eglise n’était jamais allée dans les lieux où les gens viva­ient, com­me si pen­dant des siè­cles elle ne s’était pas préoc­cu­pée de la san­té, de l’enseignement, du con­fort, de nour­ri­tu­re et de l’hospitalité des « gggeeeens » et qu’elle n’avait pas été bien sou­vent la seu­le à le fai­re à une cer­tai­ne épo­que, voya­geant aux qua­tre coins du glo­be et pal­liant en Italie aux caren­ces de l’Etat-providence.

Se sont-ils seu­le­ment jamais préoc­cu­pés d’étudier l’histoire de l’Eglise, ces peti­ts jeu­nes qui ont enco­re le lait qui leur sort du nez et qui sont dégoû­tés de ce qu’ils voient dans les tem­ples de Dieu ?  Voilà com­ment, l’autre jour, depuis leur chai­re de para-théologie ils nous expli­quent com­ment et dans quel­le direc­tion l’Eglise « doit aller ».  Ensuite, après avoir trai­té cet­te Eglise de « vieil­le décré­pi­te » dans un élan de jeu­ni­sme et avoir décré­té de façon péremp­toi­re que tout ce que l’Eglise avait tou­jours été n’était « plus adap­té à notre épo­que », après avoir trai­té tous ceux qui pen­sa­ient autre­ment (peut-être y en-a-t-il quelques-uns par­mi les « gens ») d’intégristes, ils dégai­nent enfin leur paro­le féti­che : « dia­lo­gue ».

Boutons les sœurs hors des cou­ven­ts !

A la con­di­tion natu­rel­le­ment qu’ils soient les seuls à par­ler.  Mais il ne s’agit plus là véri­ta­ble­ment de dia­lo­gue.  Le fond du discours vise un autre objec­tif, même s’ils ne veu­lent pas l’admettre ouver­te­ment, peut-être en tou­te bon­ne foi: on com­men­ce par rele­ver l’aspect con­vi­vial de la vie au sein de l’Eglise, on se fixe com­me but fic­tif cet­te dia­lo­gi­que, on décrè­te que tout le mon­de doit sor­tir de l’édifice sacré, on finit par pré­ten­dre que « c’est inu­ti­le » qu’il y ait des sœurs « enfer­mées entre qua­tre murs », c’est-à-dire dans des cou­ven­ts et que donc « ça ne sert à rien de prier » alors qu’il s’agit de la rai­son d’être prin­ci­pa­le de la vie con­sa­crée par son aspect sacri­fi­ciel d’holocauste per­son­nel offert à Dieu pour le salut spi­ri­tuel de l’homme en répa­ra­tion des péchés du mon­de.  Donc, tout le mon­de dehors, même des cou­ven­ts pour aller à la ren­con­tre des « gggeeeens ».

Mais pour fai­re quoi ?  Du vivre ensem­ble ?  De l’Agape et autres fou­tai­ses hel­lé­ni­ques (c’est curieux chez les pro­gres­si­stes cet­te manie d’utiliser un grec cari­ca­tu­ral plu­tôt que le latin qui est la lan­gue offi­ciel­le de l’Eglise).  Du diver­tis­se­ment ?  De l’animation ?  On peut fai­re tant de cho­ses en allant « vers les gens », hors des cou­ven­ts et des égli­ses.  Tout sauf évan­gé­li­ser, cela va de soi.  Tout sauf les rame­ner vers l’église, ces mythi­ques « éloi­gnés ».  Aussi bien en haut qu’en bas de l’échelle, mus par un sécu­la­ri­sme bestial, ils jugent l’Eglise indi­gne de leurs pro­pres cou­tu­mes, de leur éthi­que, de leur mora­le et de leurs con­vic­tions, même en l’absence de tou­te éthi­que et de tou­te mora­le qui ne soit pas cel­le des hédo­ni­stes et des satra­pes.  Ils devra­ient pen­ser aux âmes plu­tôt qu’à l’animation.

L’important c’est d’y être, pas de se convertir —  l’Eglise-spectacle

Ils sont venus, ils sont tous là… l’important c’est d’être ensem­ble, de fai­re nom­bre.

Qui a dit qu’il était obli­ga­toi­re d’aller à l’église ?  Il n’y a pas que le nom­bre qui comp­te, pas besoin que les mes­ses débor­dent de fidè­les : c’est dans l’intérêt de cha­cun de tra­vail­ler à son pro­pre salut.  Que par ail­leurs l’Eglise, à l’instar des par­tis poli­ti­ques, soit obsé­dée par les chif­fres, la quan­ti­té et les sta­ti­sti­ques relè­ve d’une autre pro­blè­me et révè­le sans dou­te une cer­tai­ne mon­da­ni­té spi­ri­tuel­le.  Mais Jésus n’a jamais par­lé de nom­bres et il n’a jamais pro­mis non plus un rap­port serein avec le mon­de.  L’Eglise doit con­te­ster le mon­de et son esprit.  Les destin de l’Eglise véri­ta­ble sera tou­jours celui du mar­ty­re après la tra­ver­sée de déserts de soli­tu­de infe­stés de scor­pions.  Je vou­drais qu’il n’en fût pas ain­si mais les cho­ses sont ain­si  par­ce que c’est ce que le Messie nous a pro­mis.  Notre récom­pen­se n’est pas de ce mon­de et celui qui cher­che sa récom­pen­se dans ce mon­de et l’obtient, dit Jésus, qu’il n’attende rien d’autre ail­leurs.

Voilà ce que j’ai répon­du à notre jeu­ne hom­me.  Et j’ai con­clu par ces mots:

« Veuillez donc avoir l’amabilité de ne pas jouer le rôle de celui qui, du haut de sa tour d’ivoire, mal­gré son man­que de che­veux gris, se cro­ie auto­ri­sé à décré­ter urbi et orbi que « l’église doit aller vers les gens » com­me si elle avait pas­sé son temps à glan­der jusqu’aujourd’hui, com­me si elle n’avait pas tou­jours été la seu­le et uni­que reli­gion mis­sion­nai­re et qu’el­le ne por­tait pas dans son ADN la néces­si­té de se tran­smet­tre et de se par­ta­ger. »

La répon­se ?

« Cher Mastino, je trou­ve votre ton peu cour­tois et je vous trou­ve peu ouvert au dia­lo­gue… »

Par Antonio Margheriti, d’a­près un arti­cle ori­gi­nal en ita­lien tra­duit et publié avec l’au­to­ri­sa­tion de l’au­teur.

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