Les paroisses ferment, mais pas à cause du manque de prêtres

La fau­te au man­que de prê­tres ? Pas si vite. Et si on retour­nait à la raci­ne du pro­blè­me ? Pourquoi y a ‑t-il de moins en moins de prê­tres ? Cette que­stion est capi­ta­le, c’est même la que­stion du siè­cle par­ce que de la répon­se dépend en gran­de par­tie l’avenir de l’Église qui se rap­pro­che furieu­se­ment de cet­te inter­ro­ga­tion, tout aus­si capi­ta­le, que Jésus a fait à ses disci­ples avant de mon­ter au Ciel : « Le Fils de l’hom­me, quand il vien­dra, trouvera-t-il la foi sur la ter­re ? ». On est en droit de se le deman­der, au vu des der­niè­res infor­ma­tions loca­les qui devien­nent for­cé­ment glo­ba­les puisqu’elles con­cer­nent plus ou moins tout l’Occident.

C’est aujourd’hui au tour de l’Espagne, pré­ci­sé­ment du dio­cè­se de Barcelone, qui est sur le point de pas­ser de 208 à 48 parois­ses en peu de temps. Ce pays est donc en train d’emboîter le pas aux Pays-Bas, où dans le seul dio­cè­se d’Utrecht, le cardinal-archevêque Eijk ne comp­te plus que 20 parois­ses (voir le livre-interview d’Andrea Galli avec le car­di­nal ‘Dio vive in Olanda’).

Tel est le sort que con­nais­sent plus ou moins dra­ma­ti­que­ment tous les dio­cè­ses de l’Ancien mon­de, de l’Italie à la France où un site a comp­té le nom­bre de prê­tres qui ont été ordon­nés en 2020 : 91 à pei­ne, 126 si l’on comp­te ceux qui iront dans les dif­fé­ren­tes con­gré­ga­tions ou en Afrique ou ceux de la gala­xie tra­di­tion­na­li­ste, qui rési­stent mieux que les autres.

Le fait est que Jésus, au moment de par­tir, ne s’est pas deman­dé s’il trou­ve­ra enco­re des prê­tres, mais s’il trou­ve­ra la foi. Parce que c’est la foi qui est le moteur qui fait tout avan­cer, les prê­tres sont tout au plus le fruit d’un che­min d’évangélisation qui com­men­ce par le fait de pren­dre soin des famil­les com­me d’une fleur pré­cieu­se.

Par ail­leurs, à quoi nous attendions-nous ? Prenons dans l’ordre les Pays-Bas, la France et l’Espagne, c’est-à-dire les pays qui sont aujourd’hui les plus con­cer­nés par l’appauvrissement et par la fer­me­tu­re des parois­ses (ne nous berçons pas d’illusions, ce sera bien­tôt au tour de l’Italie). Il s’agit des pays qui ont plus que tous les autres en Europe sui­vi des agen­das poli­ti­ques allant à l’encontre de l’ordre natu­rel et social. L’Espagne qui approu­ve l’euthanasie n’est pas dif­fé­ren­tes de la Hollande des faus­ses liber­tés ni de la France des droi­ts fac­ti­ces. Dans tous ces pays, l’agenda laï­que radi­cal s’est impo­sé devant tous les autres et ses engre­na­ges impla­ca­bles ont pu broyer le pro­grès de la liber­té avec des légi­sla­tions tou­jours plus per­mis­si­ves sur l’avortement, le divor­ce, l’euthanasie, l’éducation gen­der. Ce sont eux qui sont à l’avant-garde. Et en voi­ci les frui­ts.

Mais le pro­blè­me n’est pas le man­que de prê­tres, par­ce que si tel était le pro­blè­me, la recet­te est bien con­nue : prier le maî­tre de la mois­son pour qu’il envo­ie des ouvriers. Sauf que per­son­ne ne prie plus. Et per­son­ne ne prie plus pour les soi-disant nou­vel­les voca­tions par­ce que ce qui est réel­le­ment en pénu­rie, c’est la foi, et non les hom­mes qui devra­ient la défen­dre. Que devra­ient donc fai­re les évê­ques, plu­tôt que de haus­ser les épau­les et de fer­mer les por­tes des égli­ses sinon se poser cet­te que­stion : où nous sommes-nous trom­pés ? Nous avons sui­vi le mon­de et ses séduc­tions, en cher­chant à nous con­for­mer à son lan­ga­ge pour être plus inclu­sifs. Peut-être devrions-nous nous inter­ro­ger.

Personne ne dit que c’est une recet­te faci­le, mais au moins ne nous cachons plus der­riè­re des excu­ses faci­les, com­me si c’était une pan­dé­mie incon­nue qui avait cau­sé la pénu­rie de prê­tres. Si tel était le cas, nous y aurions remé­dié ave de nou­veaux ouvriers. Tant qu’il y a de l’essence, le moteur tour­ne. Le pro­blè­me c’est qu’aujourd’hui nous som­mes sur la réser­ve et qu’il n’y a tou­jours pas de station-service à l’horizon.

© Il Timone, 25 mars 2021, Andrea Zambrano

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