Ce que le pape a vraiment dit aux gays

papa Il vient un moment où il faut accepter de regarder les choses en face, un moment où il devient nécessaire de prononcer des paroles dures et choquantes parce que les faits démentent souvent d’une façon dure et choquante toutes nos idées préconçues qui baignent, elles, le plus souvent dans une douce idéologie souvent davantage ridicule que cruelle.

Laudatores et detractores

Il n’est pas facile pour un vaticaniste de parler du pape François tant il semble ne pas y avoir de juste milieu entre l’adulation et la mise au pilori, c’est la raison humaine qui veut ça.  Il faut slalomer entre les supporters ultras de sacristie, parfois très virulents, qui abandonnent souvent toute raison et parfois aussi toute décence.  Vous comprendrez donc que parfois il faille tenter de récupérer un minimum d’objectivité avant de se lancer dans cette mission impossible qui consiste à comprendre un jésuite, qui qu’il soit d’ailleurs.

En réalité, le véritable problème de ces fan-clubs – qu’il s’agisse des progressistes qui tirent le pape vers eux en l’attrapant par la mantille ou des traditionalistes qui lui font des crocs-en-jambe – c’est qu’ils n’arrivent pas à réellement comprendre Bergoglio.  Ils n’arrivent pas à comprendre ce qu’est un jésuite ni surtout l’histoire personnelle de ce jésuite-là en particulier.  Avoir le courage de comprendre et d’expliquer objectivement ce phénomène qu’est Bergoglio, selon la raison et en pleine liberté – n’avons-nous d’ailleurs pas oublié que le catholicisme est la patrie de la liberté et de la raison ? – sans se perdre ni dans l’optimisme béat et irrationnel des laudatores d’un part ni dans le pessimisme exacerbé et tout aussi irrationnel des detractores d’autre part parce que chaque camp s’épuise à ne pas comprendre l’autre, voire à le mépriser.  Ils se ressemblent pourtant dans leur amour des extrêmes : les progressistes espèrent qu’il détruira l’église pour leur donner raison ; les traditionnalistes espèrent qu’il la détruise pour pouvoir dire « on vous l’avait bien dit ! ».  L’objet de leur ressentiment c’est justement l’Eglise dans toute sa complexité : les traditionnalistes n’acceptent pas ce qu’elle est et les progressistes n’acceptent pas ce qu’elle n’est pas.  Tout le monde veut avoir raison mais chacun abandonne tout sens de la raison et des réalités.

El Gaucho

La famille Bergoglio

La famille Bergoglio

Deux ans à peine sont passés depuis cette façon mémorable dont Bergoglio s’est présenté Place Saint-Pierre.  Et depuis ce moment jusqu’à aujourd’hui, l’épisode le plus marquant de son pontificat tient dans cette petite phrase aérienne qu’il a prononcée sur les gays : « Qui suis-je, moi, pour juger ? ».  Cette phrase est devenue source de tous les excès et a suscité bon nombre d’équivoques et pas uniquement parce que la suite « mais je suis un fils de l’Eglise » – c’est-à-dire du catéchisme – n’a intéressé personne, ni à droite ni à gauche.  Le véritable problème c’est que personne n’a vraiment compris ce que Bergoglio disait à ce moment-là et ce qu’il était réellement en train de faire parce que très peu connaissent vraiment l’homme derrière le pape et son histoire, une histoire foncièrement jésuite.

On ne peut pas comprendre Bergoglio en-dehors du contexte qui l’a vu naître, s’il on ne prend pas en compte son tempérament ou si l’on ignore les choses qui le dérangent voire lui répugnent.  On ne pas le comprendre sans étudier le contexte social patriarcal de l’Argentine prolétarienne, faite de très saintes mères et de vénérables pères de famille souvent issus de familles d’émigrés originaires de l’Italie rurale pauvre et misérable confrontés aux légendaires et virils gauchos hispaniques de la pampa.  Il s’agissait d’un contexte machiste, viril, radicalement hétérosexuel.  Et c’est là le point essentiel : Bergoglio est absolument, totalement et désespérément hétérosexuel, avec toute la décence qui convient à un prêtre, il s’inscrit dans les mythes, les goûts et les aversions propres à ce contexte.  Non seulement Bergoglio aime – chastement, cela va sans dire – les femmes mais en outre, tout ce qui est efféminé le dérange et l’embarrasse.

On se souviendra de l’anecdote, abondamment relayée dans la presse, du pape François recevant des femmes évêques anglicanes et ne pouvant s’empêcher de faire part à ses collaborateurs, alors qu’elles s’en allaient, de ses commentaires sur le charme – ou son absence – de l’une ou l’autre, celle-ci étant « vraiment laide », celle-là « un beau brin de fille » pendant que le photographe officiel du Vatican immortalisait ses expressions d’appréciation ou de dégoût.  Mentionnons également un autre fait : Bergoglio provient d’un ordre, les Jésuites, qui depuis sa création jusqu’à aujourd’hui a connu tous les problèmes possibles, est tombé dans tous les travers, a vécu jusqu’à leur comble tous les problèmes que les autres ordres ont rencontrés.  Tous, sauf un : l’homosexualité.  Cet ordre militariste dans ses statuts, ses coutumes et son caractère a bien connu des problèmes d’identité sexuelle mais on ne se souvient d’aucun scandale sur fond d’attirance homosexuelle.  Si l’on n’est pas hétéro, on ne devient pas jésuite.

 « Perversion »

Jorge Mario Bergoglio en discussion avec un passager dans le métro de Buenos Aires

Jorge Mario Bergoglio en discussion avec un passager dans le métro de Buenos Aires

Le voilà, Bergoglio, ce pape tellement humain, cet homme de la pampa un peu italianisant qui attire tant de sympathies.  Un autre épisode particulièrement révélateur a eu lieu lorsqu’il était encore cardinal et qu’il lui prit de s’opposer publiquement à la proposition du « mariage » gay en Argentine.  Ce fut la seule et unique fois qu’il affronta tête baissée la pensée unique dominante.  Il en fut quitte pour une cuisante volée de bois vert des médias radicaux locaux qui le laissa traumatisé pour longtemps.  Depuis cet événement, il a changé de stratégie et il évite depuis lors soigneusement tout affrontement direct sur certains thèmes, ce qu’il continue d’ailleurs à faire en tant que pape.

Un autre indice révélateur se trouve dans sa biographie, publiée lorsqu’il était encore cardinal sous le titre de « El Jesuita », un titre qui ne doit rien au hasard puisqu’il l’a choisi lui-même.  A chaque fois qu’il devait répondre à une question concernant les prêtres pédophiles et gays, Bergoglio employait toujours le mot « perversion » et finit par dire que si ils sont entrés au séminaire, ce n’était que pour se donner une couverture parce que : « ils portaient déjà la perversion en eux bien avant ».

Voilà ce qu’au plus profond de lui le pape François pense des homosexuels par son éducation : qu’ils sont victimes d’une perversion.  Dans le sens de maladie, certes, mais d’une maladie morale.  Du détachement avec lequel il en parle tout en répondant aux questions transparait une sorte de répugnance inconsciente et irrépressible pour ce sujet, tellement éloigné de son monde entièrement hétérosexuel.  Ce qui me donne l’occasion d’aborder le thème suivant.

Répulsion

L'homme de la pampa

L’homme de la pampa

Dans quel contexte Bergoglio a-t-il prononcé cette désormais célèbre phrase « sur les gays » dans son avion papal ?  Il l’a fait lorsqu’on lui posa une question sur le lobby gay au Vatican en général et plus particulièrement sur Mgr Ricca rattrapé par son passé scandaleux Amérique Latine alors que le pape venait à peine de le nommer prélat à la Banque du Vatican.  Les journaux avaient d’ailleurs abondamment relaté ses diverses frasques homosexuelles.  Tout cela était apparemment fondé, et le pape en prit acte mais avec un raffinement très jésuite que très peu perçurent, il évacua la question d’un revers de la main en disant un « j’ai son dossier et il ne contient rien ».  Il ne mentait pas : le dossier qu’on lui avait remis était propre, il avait été soigneusement nettoyé.  Ensuite, le scandale avait refait surface mais il était trop tard.  Cependant, il était hors de question pour lui de réexaminer la question ou d’ouvrir une enquête.  Parce qu’il était partial ou partisan ?  Parce qu’il ne pouvait pas admettre d’avoir commis une bourde ?  Bien sûr que non !  Parce que cette affaire le dégoûtait : se plonger dans des affaires scabreuses liées à des questions, pour le dire à l’argentine, de maricones – de pédérastes – le répugne, il s’agit d’une aversion presque instinctive.  Il se sentirait impliqué et éclaboussé, c’est impensable pour lui.

Ses oreilles hétérosexuelles de vieux gaucho de la pampa ne peuvent pas souffrir la cacophonie de l’homosexualité, ou tout au moins de ses pratiques.  C’est parce qu’il est bien conscient de son aversion instinctive et si peu politiquement correcte qu’il s’efforce d’adopter en public l’attitude inverse mais lorsque cela arrive, son embarras est perceptible, on le sent bien lorsqu’il doit répondre à des questions concernant les « maricones », on le ressent clairement dans son empressement à évacuer certains sujets comme ce fut sans doute le cas avec les mots audacieux qu’il utilisa dans ce malheureux avion.

Pour lui, il est inconcevable que l’on puisse autant parler des gays au sein de l’Eglise et trop en parler l’irrite et le dérange : le fait simple d’en parler certainement mais également le sujet en lui-même. Qu’il y a-t-il d’autre que de la « perversion » ?  C’est ainsi qu’il pense mais aujourd’hui, en tant que pape, il ne peut pas et ne veut pas le dire.  Il est un fait que les militants laïques et les progressistes acclament « l’ouverture » aux gays alors que les bigots et les traditionnalistes crient au scandale.  Non seulement ni les uns ni les autres n’ont compris ce que ressentait Bergoglio et ce qu’il avait voulu dire mais de plus, ils n’avaient pas non plus compris ce qu’il était réellement en train de faire à ce moment-là.  Et c’est là le centre de cette réflexion.

Pour les laudatores, le pape « embrasse » la cause des gays et les detractores ne disent pas autre chose, avec un sentiment opposé.  Quel incroyable quiproquo!  En réalité, il était en train de les abandonner.  Tout à fait !  Et je vais m’en expliquer

S’il y a bien quelque chose qui répugne à Bergoglio, comme je le disait, c’est précisément l’homosexualité et c’est précisément pourquoi il l’affronte en contournant le problème.  Dans cet avion qui le ramenait de Rio, il n’a pas prononcé la phrase que les médias ont rapporté mais il a dit : « s’ils cherchent vraiment Jésus… ».  Un impératif fondamental pour ajouter ensuite « qui suis-je moi, pour juger ? ».  S’ils cherchent Jésus.  Autrement dit, s’ils l’avaient réellement trouvé, ils renonceraient par la force des choses à leur conduite sexuelle qui appartient aux quelques rares péchés – il n’y en a que quatre ou cinq en tout – qui crient vengeance au ciel.

Le Pape Bergoglio, tout en réaffirmant qu’il croit en l’enseignement de l’Eglise (c’est ce qu’il a dit) et qu’il considère que les gens connaissent cet enseignement, réagit en fait à ce problème exactement comme Saint Paul : en renvoyant les gays à eux-mêmes.  Après leur avoir naturellement rappelé que l’Eglise reste accueillante comme une mère aimante mais qu’elle ne peut en aucun cas aller au-delà.  Il les laisse à leurs illusions.  En fait, Saint Paul a condamné une seule fois les « sodomites et les efféminés » et n’a plus jamais abordé le sujet par la suite.  Son geste est éminemment paulinien.  Et la preuve c’est qu’il n’en a plus jamais parlé par la suite.

Il est donc amusant – voire surréaliste – dans ce contexte de constater que plusieurs revues gender aient nommé le pape « homme de l’année » de l’avant-gardisme des droits des gays : si les mots avaient encore de l’importance en ce monde, si la logique avait encore un rôle à jouer, les homosexuels devraient regarder autour d’eux et frémir de consternation devant la solitude à laquelle le pape les a laissés par ce subtil geste paulinien qui reste, comme beaucoup de choses subtiles, incompris et mal interprété.  Preuve s’il en est de notre dépendance à la dictature toute-puissance de la superficialité médiatique.  En-dehors mais également à l’intérieur de l’Eglise.

 Le Jésuite total

El Jesuita

El Jesuita

Il sera difficile de contester ces affirmations au regard de la vie et de la personnalité de Bergoglio.  Mais il est un autre point qui, s’il n’est pas moins important, est tout aussi crucial : nous parlons d’un jésuite envers et contre tout, d’un jésuite jusqu’au bout des ongles. Si nous ne partions pas de là, il nous serait impossible de résoudre cette énigme.

Si nous voulons véritablement comprendre sa façon de penser, nous devons lire le meilleur livre qui parle de lui, celui écrit par son ami le Rabbin Skoka.  Dans cet ouvrage, Bergoglio, encore cardinal à l’époque, parle de lui-même si bien que nous pouvons facilement y retrouver tous les concepts qu’il évoque dans les discours qu’il prononce aujourd’hui en tant que pape.

A propos de l’homosexualité, il disait : « la religion a le droit d’exprimer sa propre opinion parce qu’elle est au service des gens.  Si quelqu’un me demande un conseil, j’ai le droit de lui en donner un.  Parfois, le ministre du culte attire l’attention sur certains points de la vie privée ou publique parce que c’est son rôle de guider les fidèles.  Il n’a pas le droit de s’immiscer dans la vie privée de qui que ce soit, bien sûr. »  Et déjà à l’époque, nous retrouvons cette phrase aujourd’hui célèbre : « Si la création de Dieu a pris le risque de nous rendre libre, qui suis-je, moi, pour m’interposer ?  Nous condamnons l’excès de pression spirituelle lorsqu’un ministre du culte impose des directives et une ligne de conduite d’une façon qui prive l’autre de sa liberté.  Dieu nous a laissés la liberté de pécher.  Nous pouvons parler en toute transparence des valeurs, des limites, des commandement, certes, mais l’ingérence spirituelle et pastorale n’est pas permise… ».  C’est clair

Même s’il y aurait beaucoup à dire sur ce « droit de pécher » qui est douteux au point de vue théologique, il s’agit malheureusement d’une donnée objective pour un jésuite.  Toujours est-il que nous disposons d’une donnée certaine : il considère que l’homosexualité est un « péché » et il souligne avec raison que toute ingérence spirituelle est proscrite.  Il a raison concernant la conscience parce que cette dernière est une terre sainte dans la solitude de laquelle notre conscience individuelle peut rencontrer Dieu et reconnaître la vérité, personne ne peut la violer ni brûler les étapes.  C’est le lieu de la liberté totale, intense au sens chrétien du terme, où Dieu laisse sa créature libre de le choisir ou pas.

François a raison, non pas parce que c’est exactement ce qu’enseigne l’Eglise mais parce que c’est ainsi que les jésuites voient les choses.  Bergoglio est jésuite avant d’être catholique et son interprétation de l’Evangile est donc profondément jésuite.

Des hommes plus virils

Il faut encore bien lire le Bergoglio jésuite pour comprendre le Bergoglio pape.  Il disait encore dans son dialogue avec le rabbin : « l’homosexualité existe depuis toujours.  L’île de Lesbos, par exemple, était connue pour héberger des femmes homosexuelles.  Mais jamais dans l’histoire personne n’avait cherché à lui donner le même statut qu’au mariage.  Elle était tolérée ou pas, appréciée ou non mais jamais mise sur un pied d’égalité. »

Puis, il lui vint une intuition digne d’un grand anthropologue devant la décadence de l’Empire romain : « Nous savons que le phénomène de l’homosexualité a déjà par le passé enregistré une croissance lors de certains changements d’époque.   Mais aujourd’hui, c’est la première fois que se pose le problème juridique de l’assimiler au mariage et je considère qu’il s’agit là d’une perte de valeurs et d’une régression anthropologique.  J’emploie ces mots parce que ce thème dépasse le domaine religieux et relève de l’anthropologie.  Dans le cas d’une union privée on ne nuit ni à un tiers ni à la société.   Si en revanche on la considère comme un mariage et qu’on permette l’accès à l’adoption, cela entraîne le risque de nuire à des enfants.  Chaque individu a besoin d’un père masculin et d’une mère féminine qui puissent l’aider à construire sa propre identité.  ».  Et il répète : « J’insiste, notre opinion sur le mariage entre personne de même sexe n’a pas un fondement religieux mais anthropologique.  Lorsque Mauricio Macri, le maire de Buenos Aires, n’a pas fait appel de la décision prononcée par un juge de première instance qui autorisait le mariage homosexuel, je me suis senti obligé de donner ma propre opinion.  C’était la première fois en dix-huit années d’épiscopal que j’attirai l’attention d’un fonctionnaire public. »

Le fait que le pape considère les unions gays davantage comme un problème anthropologique que comme un problème religieux n’affaiblit pas sa critique mais la rend au contraire encore plus radicale et plus alarmiste.  Ce qu’il dit en fait, c’est qu’il ne s’agit pas d’un problème qui ne devrait scandaliser que les catholiques mais le monde entier : l’homme, l’humanité, toutes les personnes douées de raison.

La chirurgie au secours de la théologie

Voilà comment raisonne un jésuite.  Le jésuite ne s’intéresse pas aux questions religieuses ou théologiques mais aux questions humaines et anthropologiques : ce fut d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle on réclama à plusieurs reprises la suppression de cet ordre controversé aux papes.  Leurs divergences n’étaient pas théologiques mais anthropologiques, voilà pourquoi ils furent réadmis dans la communion de l’Eglise  une fois passée, avec la Révolution française, la tempête politique qui les avait balayés et fait sombrer depuis leur retentissante suppression signée à son corps défendant par un pape franciscain, Clément XIV.  Si leurs désaccords avaient été d’ordre théologique et qu’ils avaient été chassés en tant qu’hérétiques, jamais aucun pape ne les aurait réadmis au sein de l’Eglise.

Bergoglio est un jésuite jusqu’au plus profond de son âme et il tient en horreur les tristement célèbres péchés « contre nature » et de quelque autre genre que ce soit d’ailleurs, du vol à la corruption en passant par la corruption de la chair.  Cependant, comme un chirurgien ne tourne pas de l’œil devant la blessure purulente et gangrenée d’un patient et cherche à la soigner avec sang-froid et professionnalisme, Bergoglio  agit de façon semblable en choisissant d’affronter le problème sur le plan anthropologique plutôt que religieux.  Il faut d’abord sauver la chair vivante de l’homme avant même de penser à sauver son âme : c’est bien la hiérarchie des interventions qu’il a apprise chez les jésuites.

Dans ce même livre, Bergoglio déclarait également ceci : « Un prêtre de mes amis disait que Dieu nous a fait homme et femme pour que nous aimions et que nous nous aimions.  Souvent, dans les homélies que je prononce à l’occasion d’un mariage, je dis à l’époux qu’il doit la rendre elle plus femme et à son épouse qu’il doit le rendre lui plus homme… ».  Il a effectivement employé plusieurs fois cette expression dans les homélies de mariage qu’il a célébrés en tant que pape.

Au revoir et adieu !

L'équivoque ridicule

L’équivoque ridicule

Au fond, Bergoglio se moque de la façon dont on se comporte dans la vie privée : celui qui ne veut pas écouter l’Evangile, il le laisse à son « libre arbitre » et il ne lui courra certainement pas après, il l’abandonne et pour lui le débat est clos, il se désintéresse de lui.  À la grâce de Dieu.  Si entretemps celui qui se serait brisé les cornes contre ses propres illusions choisissait de faire  marche arrière,  Bergoglio ne lui fermerait pas pour autant la porte au nez : les portes de l’Eglise restent toujours ouvertes.  Bergoglio marche sa l’Evangile à la main mais sans l’utiliser comme un bâton.  Telle est la liberté qu’il offre: on peut soit rester et écouter l’Evangile ou être libre de s’en aller adorer ses propres idoles sans être persécuté par qui que ce soit.  Au fond – dit-il – ce n’est pas notre problème : il s’agit de votre corps et de votre âme.  Parler avec des gens qui, baptisés ou non, naviguent et vivent contre nature ne l’intéresse pas.  Pareil pour celui qui a érigé le péché en système de vie en se laissant corrompre : le mot « corruption » est d’ailleurs le plus récurrent dans les discours de Bergoglio et le plus abominable pour lui : en Italie on pense qu’il ne fait référence qu’aux politiciens véreux alors qu’il parle en fait de toute personne qui pèche et tombe dans la « corruption », c’est-à-dire dans le péché qui devient systématique au point de finir par séduire et faire dérailler toute une vie, et donc une âme.

Dans la Lettre aux Romains (1:24), nous pouvons lire : « Voilà pourquoi, à cause des convoitises de leurs cœurs, Dieu les a livrés à l’impureté, de sorte qu’ils déshonorent eux-mêmes leur corps.  Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge ; ils ont vénéré la création et lui ont rendu un culte plutôt qu’à son Créateur, lui qui est béni éternellement. Amen. ».  Amen signifie ainsi soit-il.  « Ainsi soit-il », dit Bergoglio devant les remontrances de ceux qui se revendiquent gays et fiers de l’être.  « Amen ».  Faites comme bon bous semble, peu m’importe.  « Amen », autrement dit, c’est terminé.

Bergoglio applique à la lettre ce passage, que nous voulions le comprendre ou non.

La pape situe la problématique de l’homosexualité non pas dans un contexte d’affectivité mais dans un contexte de mensonge obscurci par les « nouvelles idolâtries » de notre temps.  L’hédonisme est l’une de ces nouvelles idolâtries : l’adoration de la créature est pour lui une forme d’idolâtrie et de dégradation envers Dieu et si en cela il y a de « l’affectivité », elle est, pour Bergoglio, d’un genre plus proche d’un rapport mercenaire.  Il sait pertinemment bien que l’un des fondements de l’homosexualité c’est précisément l’adoration de la créature.  Il s’agit non pas une adoration de l’essence mais bien de la matière et de la forme qui la compose, il sait aussi qu’un tel niveau d’amoralité et de matérialisme ne pourrait que beaucoup plus difficilement être atteint dans le cas d’un homme et une femme unis par les liens du mariage.

On naît général et général il naquit

En fin de compte, le seul moyen de comprendre le Bergoglio pape c’est de et d’étudier le Bergoglio jésuite.  Un jésuite non moderniste cependant, attention, car il est véritablement ignacien mais un niveau au-dessus : si Ignace a été capitaine avant de devenir général de la Compagnie, lui a toujours été général et non seulement de la Compagnie mais également de l’Eglise de Buenos Aires, comme il le relate lui-même.  Donc nous n’aurons jamais un Bergoglio pape doctrinal mais un général de la « Sainte Eglise hiérarchique » – une autre expression ignacienne qu’il répète souvent – non pas assis derrière un bureau ou trônant dans un palais papal à travailler sur des textes mais debout en héros sur le champ de bataille et il ne choisit ni les tranchées ni la première ligne ni les tireurs d’élite, non : il préfère rester et agir depuis l’infirmerie du camp pour s’occuper des blessés.  Voilà ce qui explique sa résidence à Sainte Marthe, son mode de vie spartiate et ses manières spontanées et parfois brusques.  Il gouverne en vrai jésuite et certainement pas en franciscain et encore moins en moderniste.

Tel est le véritable Bergoglio.  C’est un pur jésuite, à l’énième puissance, ignacien à sa manière : Saint Ignace agissait sur ses troupes au moyen de la doctrine mais également à travers le concept anthropologique du « Christ Homme » (rappelons-nous la chanson Seigneur tu es mon capitaine) qui mène ses troupes à l’assaut.  Bergoglio utilise les mêmes méthodes mais de façon plus moderne : il rassemble, confond et disperse et  son arme est non la doctrine mais l’anthropologie : si Benoît donnait la priorité à la raison de l’homme, Bergoglio, lui, est attentif à la chair vivante de l’homme.  Transposé dans le monde médical, le premier serait un professeur d’anatomie pathologique renommé enseignant ce que sont la maladie et le corps humain et le second serait un simple médecin militaire qui essayerait de prodiguer les premiers soins au corps d’un malade.

Est-ce un moraliste ?  Oui et non.  Si nous nous fions au portait que font de lui les medias, non. Mais on peut le constater à travers son histoire jésuite : en fait, les médias n’ont jamais parlé du Bergoglio jésuite.  Pour le reste, il méprise profondément non pas le pécheur qui trébucherait occasionnellement dans le péché mais la corruption dans laquelle se sont précipités les pécheurs d’habitude qui en on fait un mode de vie.  Ce n’est pas du moralisme : c’est simplement être catholique.

Et c’est là, au cœur de son histoire totalement jésuite, que se trouvent les exercices spirituels de Saint Ignace, les seules vacances que Bergoglio se soit jamais autorisées.

PS : Un autre détail mais qui a toute son importance permet également de comprendre le dégoût instinctif de Bergoglio pour la problématique de l’homosexualité : une certaine saine misogynie.  Et cela ne peut se comprendre et s’expliquer que dans le contexte jésuite.  En effet, il s’agit du plus viril mais également du plus misogyne de tous les ordres religieux à tel point qu’il est resté le seul à ne pas avoir aujourd’hui de branche féminine.  Ils sont et se sentent profondément militaires et généraux.  Des hommes.  Mais nous en reparlerons peut-être à une autre occasion.

Par Antonio Margheriti, d’après un article original en italien traduit et publié avec l’autorisation de l’auteur.

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