A table! Liturgie et idéologie

brueghelTous les sociologues spécialisés dans l’histoire de l’alimentation vous le diront : une table dressée est un véritable réservoir idéologique : c’est là qu’aboutissent toutes les modes et toutes les crises mondaines. La table est une sorte d’autel profane et les rituels qui l’entourent une forme de liturgie très bien codifiée qui n’a rien de spontané (j’écrirai un jour un article sur la table et l’autel).  La table est le lieu de la révélation des symboles et de la vérité, le lieu où tous les vices et toutes les vertus, tous nos affects et nos ressentiments se croisent et s’entrechoquent.  C’est le lieu par excellence de la politique, c’est-à-dire du dit et du non-dit, de l’allusion subtile, de la pique empoisonnée et par-dessus tout de cet équilibre à maintenir pour préserver la fragile paix domestique durant la liturgie solennelle : une paix qui se conserve en choisissant avec soin les places, en étant attentif à toutes les préférences alimentaires, en évitant les sujets qui fâchent, en désamorçant avec légèreté les débuts d’incendie, détournant les polémiques qui touchent à des sujets personnels.  C’est donc le lieu de la politique, de la liturgie, de l’idéologie, de la vérité et de sa dissimulation.

En écoutant donc ce dialogue pendant le repas, j’ai eu la confirmation que l’on parlait de mode, de religion comme réponse instinctive à la sécularisation mais qu’il s’agissait par-dessus tout d’une idéologie malthusienne rampante ou mieux, d’une révolte contre l’humain.

« Qu’est-ce que tu racontes, t’es végétarienne et tu manges du poisson ? »

« Moi je suis végétarienne et je ne touche pas au poisson : faut être cohérent »

« Mais le poisson, c’est pas de la viande… »

« T’es qu’une vantarde qui se la joue à la mode: dit simplement que tu ne manges pas de viande »

« T’as vu les chatons Bengal ?  Ils sont trop beaux, il m’en faut un !»

« T’as vu le bébé de N. ?  Il est trop mimi, moi j’aimerais bien avoir un bébé »

« Mais tu vas arrêter avec ces histoires de bébé ?  Il faut que les gens arrêtent de faire des enfants : ça ne fait qu’appauvrir les ressources de la planète »

Attention : il ne s’agit pas d’un discours entre vingt personnes, ni de petites filles.  Il s’agit d’une conversation entre deux femmes de 23 ans.  Voilà pourquoi je prétends, comme la fin de la discussion le montre clairement, qu’il s’agit d’une révolte contre l’humain sous couvert de sensiblerie écologiste et pire, de dévotion envers toutes les superstitions moralistes qui véhiculent ce concept d’un Dieu compliqué, amorphe et capricieux appelé écosystème qui n’est menacé que par le souffle immonde des hommes.  Ce ne sont que des excuses, des pièces « honorables » qui masquent les fondements de cette idéologie : la haine néo-cathartique pour l’humanité, autrement dit la décision de s’opposer à la perpétuation de l’espèce par tous les moyens sentimentaux possible, quitte à recourir au terrorisme moral s’il le faut.

Ce n’est pas tellement qu’ils aiment les animaux.  Ils les aiment comme Hitler aimait les allemands et Staline les ouvriers : ils s’en servent comme alibi pour les convaincre d’être gentils.  Ils n’aiment pas les bêtes : ils haïssent la créature humaine parce qu’elle est à l’image de Dieu.  C’est pour la même raison que Satan déteste la même chose.  C’est n’est pas par hasard qu’ils ont en permanence ce besoin de souligner la bestialité anthropologique et génétique des hommes en les assimilant à des animaux : c’est de l’iconoclastie.  S’ils étaient vraiment convaincus que l’homme était un animal comme les autres, ils ne le haïraient pas autant, ils n’embrasseraient pas la cause de la limitation des naissances, ils ne l’opposeraient pas à l’écosystème, ils ne le considéreraient pas comme nocif pour la nature (en contradiction avec leurs propres théories sur l’harmonie de la création… ou, comme on dit aujourd’hui, de l’écosystème.) puisqu’ils ne considèrent pas les autres animaux comme tels.  Si croyaient vraiment que l’homme était un animal, ils le protégeraient mais au contraire, ils veulent qu’il disparaisse parce qu’il a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.  Ce n’est pas par hasard qu’Hitler était végétarien.

Par Antonio Margheriti, d’après un article original en italien traduit et publié avec l’autorisation de l’auteur.

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