Le dernier printemps catholique a fleuri avant le Concile, et on ne voit pas l’ombre du prochain. Une relecture historique

Dans l’arti­cle pré­cé­dent de Settimo Cielo, Roberto Pertici, pro­fes­seur d’histoire con­tem­po­rai­ne à l’université de Bergame, a retra­cé les der­niers siè­cles d’histoire de l’Église catho­li­que, du con­ci­le de Trente au début du dix-neuvième siè­cle, pour y déni­cher les sai­sons de renais­san­ce reli­gieu­se.

Il en a déjà iden­ti­fié et décrit deux. Et dans cet­te secon­de et der­niè­re par­tie de sa relec­tu­re histo­ri­que, qui s’étend de la moi­tié du dix-neuvième siè­cle à nos jours, il va en abor­der une troi­siè­me.

Une qua­triè­me renais­san­ce était cer­tai­ne­ment espé­rée par Vatican II. Mais elle est restée incom­plè­te pen­dant qu’une vague de déchri­stia­ni­sa­tion appa­rem­ment ine­xo­ra­ble défer­lait dans le même temps.

L’essai du pro­fes­seur Pertici se con­clut sans pou­voir dire ce qui se pas­se­ra dans un futur pro­che. Même si on ne peut pas exclu­re non plus qu’une renais­san­ce reli­gieu­se sur­vien­ne à nou­veau, pour­quoi pas de maniè­re inat­ten­due, susci­tée par des impul­sions exter­nes à l’autorité ecclé­sia­sti­que, com­me cela s’est déjà pro­duit par le pas­sé.

Voici un autre sujet sur lequel les car­di­naux pour­ra­ient réflé­chir lors d’un futur con­cla­ve.

Dans la pho­to ci-dessus, l’é­cri­vain Giovanni Papini, l’un des grands con­ver­tis du « Renouveau catho­li­que » de la pre­miè­re moi­tié du ving­tiè­me siè­cle.

Bonne lec­tu­re !

*

Une « renaissance religieuse » est-elle possible ?

II – De la moitié du dix-neuvième siècle à nos jours

de Roberto Pertici

4.

La « renais­san­ce reli­gieu­se » du début du dix-neuvième siè­cle s’est étein­te avec l’échec des révo­lu­tions de 1848–49 qui ont pro­vo­qué une désil­lu­sion histo­ri­que qui allait avoir des effe­ts majeurs sur la cul­tu­re euro­péen­ne des décen­nies à venir.

La restau­ra­tion qui allait sui­vre, la secon­de depuis cel­le de 1814–1815, a été lar­ge­ment sou­te­nue par les Églises : dans le mon­de catho­li­que, le vira­ge à droi­te de Pie IX avait géné­ré une « peur » de la révo­lu­tion et la nou­vel­le poli­ti­que du Pape et de Giacomo Antonelli, son secré­tai­re d’État, ache­vè­rent de con­som­mer la rup­tu­re du binô­me catholicisme-libertés que de nom­breux catho­li­que libé­raux s’étaient achar­nés à con­strui­re au cours des vingt années pré­cé­den­tes et, en Italie, à mar­quer la fin du catho­li­ci­sme com­me reli­gion civi­le de la cau­se natio­na­le. En France, la plus gran­de par­tie du mon­de catho­li­que sou­tien­dra pen­dant tou­te la décen­nie sui­van­te le tour­nant auto­ri­tai­re de Louis Napoléon Bonaparte et du second empi­re. Juan Donoso Cortés théo­ri­se la dic­ta­tu­re com­me une digue vers la vague révo­lu­tion­nai­re. Le pro­ces­sus qui allait mener au « Syllabus » de 1864 était enclen­ché.

Cette cri­spa­tion, qui con­cer­ne éga­le­ment les autres Églises chré­tien­nes, pro­vo­que une nou­vel­le vague d’anticléricalisme intel­lec­tuel, mais aus­si popu­lai­re : non seu­le­ment en France, où la rési­stan­ce s’organise con­tre le coup d’État napo­léo­nien, mais aus­si en Angleterre (les ori­gi­nes du mou­ve­ment sécu­la­ri­ste de George Holyoake) et en Allemagne (le grand débat des années Cinquante sur le maté­ria­li­sme, lourd de signi­fi­ca­tions poli­ti­ques). De 1859 à 1863, les livres sui­van­ts seront publiés, dans l’ordre : « On the Origin of Species » de Charles Darwin, « On liber­ty » de John Stuart Mill (1859), « La Sorcière » de Jules Michelet, « Les Misérables » de Victor Hugo (1862) et la « Vie de Jésus » d’Ernest Renan (1863). Bref, la cul­tu­re euro­péen­ne déser­te l’Église catho­li­que et le catho­li­ci­sme en géné­ral.

On peut fai­re la même ana­ly­se sur la cul­tu­re ita­lien­ne, y com­pris la cul­tu­re lit­té­rai­re. Un tour d’horizon, même super­fi­ciel, nous mon­tre une série de cer­cles lit­té­rai­res (des « sca­pi­glia­ti » aux « veri­sti » en pas­sant par les « este­ti » du début des années quatre-vingt-dix) tota­le­ment dépour­vus de la moin­dre sen­si­bi­li­té reli­gieu­se. L’éclipse de l’étoile d’Alessandro Manzoni, évi­den­te après les années 1870, la fai­bles­se de ses épi­go­nes (de Ruggiero Bonghi à Giacomo Zanella), l’engouement gran­dis­sant pour la poé­sie pure­ment clas­si­que et païen­ne de Giosuè Carducci (qui avait été le chan­tre de l’anticléricalisme ita­lien au cours de la décen­nie pré­cé­den­te) sont autant d’indicateurs très repré­sen­ta­tifs du nou­veau cli­mat. C’est tou­te une géné­ra­tion qui est en train de se déta­cher du chri­stia­ni­sme : à l’époque du dar­wi­ni­sme et du scien­ti­sme laïc il n’est plus pos­si­ble d’être à la fois cul­ti­vé et chré­tien. D’où le carac­tè­re excep­tion­nel et ana­chro­ni­que de cer­tai­nes con­ver­sions, tel­le que cel­le d’Antonio Fogazzaro et, plus tard, dans la Rome des années quatre-vingt, de Giulio Salvadori. On assi­ste autre­ment dit à un nou­veau chan­ge­ment de para­dig­me : l’avènement de l’âge du posi­ti­vi­sme.

5.

Quelque cho­se de nou­veau com­men­cer à chan­ger vers la fin des années quatre-vingt, à com­men­cer par la France. Là enco­re, on peut don­ner une date sym­bo­li­que : la publi­ca­tion en 1886 à Paris du « Roman rus­se » d’Eugène-Melchior de Vogüé. Dans une France bai­gnée depuis des décen­nies dans une lit­té­ra­tu­re réa­li­ste basée sur le maté­ria­li­sme et le déter­mi­ni­sme le plus oppri­mant, en Russie – et c’est plus ou moins le mes­sa­ge de ce bril­lant diplo­ma­te – s’est déve­lop­pé une cul­tu­re lit­té­rai­re qui abor­de les grands pro­blè­mes méta­phy­si­ques, spi­ri­tuels et reli­gieux de l’homme con­tem­po­rain.

Au cours des années sui­van­tes, Ferdinand Brunetière, direc­teur depuis 1893 de la « Revue des deux mon­des » pro­cla­me la « ban­que­rou­te de la scien­ce ». S’ouvre alors l’époque des « Grands Convertis » : Paul Bourget, J.-K. Huysmans, Brunetière lui-même, Francis Jammes, Charles Péguy, Jacques Maritain et sa fem­me Raïssa, Paul Claudel. On assi­ste en Europe à un retour géné­ra­li­sé au catho­li­ci­sme, ou à tout le moins vers le discours reli­gieux, d’une série de grands intel­lec­tuels, sur­tout des écri­vains : en France George Bernanos, Julien Green, François Mauriac, Ernest Psichari ; en Grande-Bretagne T.S. Eliot, Graham Greene, Robert Hugh Benson, Evelyn Waugh, Hilaire Belloc, G.K. Chesterton ; en Norvège Sigrid Undset ; en Autriche Franz Werfel ; en Pologne Henryk Sienkiewicz ; en Russie Nikolaj Berdjaev ; en Allemagne Carl Schmitt, Romano Guardini.

Il s’agit du mou­ve­ment com­po­si­te qui s’est don­né le nom de « Renouveau catho­li­que ». Tandis que l’Église, avec la per­sé­cu­tion anti­mo­der­ni­ste, rédui­sait au silen­ce et à l’obéissance les pans les plus cul­tu­rel­le­ment dyna­mi­ques du cler­gé, en lais­sant para­do­xa­le­ment plus d’espace à ce laï­cat intel­lec­tuel, esti­mant qu’il était moins dan­ge­reux sur le plan doc­tri­nal : voi­re même en mesu­re de véhi­cu­ler avec plus d’aisance son mes­sa­ge reli­gieux dans une socié­té dans laquel­le la pré­sen­ce tra­di­tion­nel­le du catho­li­ci­sme se rédui­sait de plus en plus, jusqu’à deve­nir mino­ri­tai­re. La posi­tion de la majeu­re par­tie de ces intel­lec­tuels est cri­ti­que envers la « moder­ni­té », son maté­ria­li­sme, le déclin des valeurs mora­les tra­di­tion­nel­les, la mas­si­fi­ca­tion qui est en train de naî­tre : on assi­ste en son sein à une exi­gen­ce de « retour à l’ordre » et à la « tra­di­tion », typi­que du para­dig­me con­ser­va­teur.

Dans la cul­tu­re histo­ri­que et lit­té­rai­re ita­lien­ne, le « Renouveau catho­li­que » a été assez peu thé­ma­ti­sé, et pour­tant ce phé­no­mè­ne a éga­le­ment eu lieu en Italie : Agostino Gemelli, le fon­da­teur de l’Università Cattolica, a été socia­li­ste et posi­ti­vi­ste et avait fait ses étu­des de méde­ci­ne à Paris et de psy­cho­lo­gie en Allemagne : mais il s’était con­ver­ti au catho­li­ci­sme et était entré dans l’ordre fran­ci­scain. La con­ver­sion a été la pre­miè­re d’une série d’hommes de cul­tu­re et d’ « intel­lec­tuels » à laquel­le on a pu assi­ster en Italie éga­le­ment pen­dant les années d’avant-guerre, de guer­re et d’après-guerre. Les nou­veaux « con­ver­tis » appar­te­na­ient au mon­de des revues, des mai­sons d’édition, des quo­ti­diens d’opinion, bref de la lit­té­ra­tu­re mili­tan­te ; ils évo­lua­ient donc dans des milieux dans lesquels l’irreligiosité avait été pre­sque tota­le au cours des décen­nies pré­cé­den­tes et on aurait dit le symp­tô­me d’une inver­sion de ten­dan­ce. Giosuè Borsi, Domenico Giuliotti, Federigo Tozzi, Giuseppe Fanciulli, Ferdinando Paolieri, Guido Battelli, plus tard Clemente Rebora et même les ex-disciples du phi­lo­so­phe néo-idéaliste Giovanni Gentile tels que Mario Casotti et Armando Carlini ont res­sor­ti, d’une maniè­re alors agres­si­ve et revan­char­de, la que­stion d’une cul­tu­re catho­li­que.

Mais c’est la con­ver­sion de Giovanni Papini, avec sa « Storia di Cristo » parue en avril 1921 qui con­sti­tue­ra immé­dia­te­ment l’un de ces cas lit­té­rai­res de l’après-guerre qui allait mar­quer la « sor­tie des cata­com­bes » d’une cul­tu­re nou­vel­le, qui allait s’organiser dans les années sui­van­tes, sans atten­dre (com­me on le répè­te par­fois trop sou­vent) le nou­veau cli­mat con­cor­da­tai­re entre l’État et l’Église. C’est à cet­te même pério­de qu’est née l’Università Cattolica de Milan, l’institution la plus repré­sen­ta­ti­ve du « Renouveau catho­li­que » ita­lien. Il s’agit d’un mou­ve­ment cul­tu­rel très diver­si­fié et dif­fé­ren­cié en son sein qui – chez nom­bre de ses mem­bres – a pu per­ce­voir dans le fasci­sme des années 1920 l’ennemi de beau­coup de ses enne­mis et une sor­te de réa­li­sa­tion de cer­tai­nes de ses atten­tes, mais sans jamais s’identifier tota­le­ment à lui, en restant tou­jours quel­que cho­se d’autre, aus­si bien dans les pré­sup­po­sés cul­tu­rels que dans les hori­zons spi­ri­tuels. On peut dire la même cho­se de plu­sieurs figu­res du « Renouveau catho­li­que » euro­péen.

Pendant plu­sieurs décen­nies, ce sont ces auteurs, et non pas les théo­lo­giens, qui ont véhi­cu­lé la cul­tu­re catho­li­que, non seu­le­ment auprès d’un public cul­ti­vé, mais aus­si dans de lar­ges pans du laï­cat catho­li­que. Pour ne pren­dre qu’un exem­ple : l’écrivain fra­nçais Joseph Malègue, si cher au pape actuel, appar­te­nait com­plè­te­ment à ce mon­de.

6.

Présentée de la sor­te, on com­prend alors que cet­te « renais­san­ce reli­gieu­se » se soit épui­sée : avec le déclin du « para­dig­me con­ser­va­teur », un sujet que j’ai déjà abor­dé sur Settimo Cielo le 31 août 2020. « Après 1945 – écrivais-je – le para­dig­me ‘con­ser­va­teur’ sem­ble empor­té par la fin vio­len­te des régi­mes de droi­te radi­ca­le (fasci­sme, national-socialisme).  Le rap­port entre le con­ser­va­ti­sme et ces régi­mes est histo­ri­que­ment con­tro­ver­sé.  De nom­breux histo­riens en ont sou­li­gné, à côté des indé­nia­bles com­pro­mis­sions, les dif­fé­ren­ces sans dou­te plus gran­des enco­re et les con­fli­ts.  Mais dans l’après-guerre, s’est répan­due la thè­se selon laquel­le les tota­li­ta­ri­smes de droi­te sera­ient en sub­stan­ce le déve­lop­pe­ment et l’aboutissement de la cul­tu­re con­ser­va­tri­ce et que donc cet­te der­niè­re méri­tait de dispa­raî­tre avec eux. »

Ce chan­ge­ment ne sera pas immé­diat : pen­dant tou­tes les années 1950, les cata­lo­gues des mai­sons d’édition catho­li­ques con­ti­nue­ront à pro­po­ser les auteurs du « Renouveau catho­li­que » ; il fau­dra atten­dre le début des années 1960 (pour l’Église les années du Concile), avec l’atténuation de la guer­re froi­de et le pas­sa­ge de la géné­ra­tion d’avant-guerre pour que cet­te con­stel­la­tion cul­tu­rel­le ne soit défi­ni­ti­ve­ment englou­tie. Qui lit enco­re Mauriac, Bernanos ou Claudel aujourd’hui ? Quelle lit­té­ra­tu­re ou cul­tu­re catho­li­que de haut niveau les a rem­pla­cés et s’offriraient à un caté­chi­ste ou à un ensei­gnant catho­li­que ?

On peut con­si­dé­rer que Vatican II repré­sen­te la plus gran­de ten­ta­ti­ve de réfor­me catho­li­que entre­pri­se par l’Église ces der­niers siè­cles. Toujours sur Settimo Cielo, le 14 sep­tem­bre 2020, j’ai essayé d’expliquer les rai­sons pour lesquel­les, con­trai­re­ment aux atten­tes et à l’engagement de tant d’hommes d’Église et même du laï­cat intel­lec­tuel, ce con­ci­le n’a pas enco­re pro­duit la « renais­san­ce reli­gieu­se » qu’il appe­lait cer­tai­ne­ment de ses vœux et qu’il ait au con­trai­re con­tri­bué – con­trai­re­ment à ses atten­tes – à un pro­ces­sus de « déchri­stia­ni­sa­tion chré­tien­ne », com­me l’a défi­ni de maniè­re per­ti­nen­te Michel Onfray, qui dure jusqu’à aujourd’hui.

De nom­breux obser­va­teurs ont pen­sé, espé­ré ou craint que la décom­po­si­tion du mar­xi­sme et la fin du com­mu­ni­sme en Europe (les enne­mis histo­ri­ques des Églises et de la cul­tu­re reli­gieu­se du ving­tiè­me siè­cle) ouvri­ra­ient une nou­vel­le « renais­san­ce reli­gieu­se ». La gran­de per­son­na­li­té de Jean-Paul II, son extraor­di­nai­re impact média­ti­que et sa sta­tu­re cul­tu­rel­le en ont paru être l’emblème et les mou­ve­men­ts ecclé­siaux (aux­quels ce pape fai­sait une lar­ge pla­ce) les pos­si­bles moteurs. Mais les gigan­te­sques obsè­ques de Karol Wojtyla ont aus­si un peu été l’enterrement de ce rêve. Le pro­jet de Benoît XVI de relan­cer une cul­tu­re catho­li­que suscep­ti­ble de répon­dre de maniè­re cri­ti­que aux défis de la moder­ni­té a été descen­du en flam­mes par son pro­pre camp, sans par­ler de la réac­tion de rejet des prin­ci­paux médias ita­liens et inter­na­tio­naux : son pro­jet a été davan­ta­ge perçu com­me une « restau­ra­tion » que com­me une ten­ta­ti­ve de « renais­san­ce ». Quant au pon­ti­fi­cat actuel, il est enco­re un peu tôt pour en fai­re le bilan, mais on a l’impression que la que­stion d’une « renais­san­ce reli­gieu­se » ne se pose même plus, au sens où j’ai essayé de l’illustrer : à la rigueur une renais­san­ce « poli­ti­que », notam­ment par­ce qu’il s’agit du seul lan­ga­ge que le systè­me média­ti­que domi­nant est en mesu­re de com­pren­dre.

7.

Pour con­clu­re : les « renais­san­ces reli­gieu­ses » qui ont eu lieu dans la cul­tu­re euro­péen­ne de ces der­niers siè­cles ne se sont pas déve­lop­pées à l’initiative direc­te de l’Église insti­tu­tion­nel­le ni de la hié­rar­chie, à part peut-être la pre­miè­re, cel­le du sei­ziè­me siè­cle, qui a cepen­dant pro­duit ses frui­ts intel­lec­tuels les plus mûrs à l’âge du clas­si­ci­sme fra­nçais du dix-septième, avec des résul­ta­ts que l’Église a en par­tie con­dam­nés et même com­bat­tus. Celle qui a été encou­ra­gée et espé­rée par Vatican II n’a tou­jours pas pro­duit les frui­ts espé­rés.

Les autres renais­san­ces se sont dérou­lées après de grands évé­ne­men­ts histo­ri­ques qui ont relan­cé l’image de l’Église en tant qu’institution en mesu­re de défier les tem­pê­tes de l’histoire, à l’âge du roman­ti­sme, ou des pro­fon­des rup­tu­res cul­tu­rel­les, tel­les que la cri­se du posi­ti­vi­sme et la renais­san­ce du sen­ti­ment reli­gieux entre le dix-neuvième et le ving­tiè­me siè­cle. Il fau­drait se deman­der si dans ces deux cas, l’Église qu’un Joseph de Maistre ou un Bernanos ou un Eliot ava­ient en tête n’étaient pas une « com­mu­nau­té ima­gi­née » plu­tôt qu’une enti­té histo­ri­que réel­le. Quoi qu’il en soit, dans tous ces cas, ces renais­san­ces sont allées de pair avec des atti­tu­des cri­ti­ques envers la mar­che ine­xo­ra­ble de la « moder­ni­té », tan­tôt en s’opposant à elle, tan­tôt en essa­yant d’y infu­ser l’esprit chré­tien (le catho­li­ci­sme libé­ral). Mais sans jamais l’accepter com­plè­te­ment et en main­te­nant un écart de fond par rap­port à elle.

L’Église a ten­té de plu­sieurs maniè­res de gérer, de tem­pé­rer, d’institutionnaliser, et par­fois même de répri­mer ces mou­ve­men­ts, qui se sont déve­lop­pés hors de son ini­tia­ti­ve et en défi­ni­ti­ve même de son con­trô­le.

Tentera-t-on enco­re des « renais­san­ces reli­gieu­ses » ? Reviendra-t-il enco­re aux laïcs, à des indi­vi­dus, à des grou­pes ou à des cou­ran­ts de ten­ter de la pro­mou­voir, vu l’atrophie spi­ri­tuel­le de l’Église insti­tu­tion­nel­le ? Et avec quels con­te­nus ? Ou est-ce que ce sera cet­te fois l’Église qui essaye­ra de rou­vrir un discours reli­gieux ? Et avec quel posi­tion­ne­ment vis-à-vis de l’hypermodernité qui nous entou­re ?

Pour l’historien, ces que­stions restent iné­vi­ta­ble­ment sans répon­se.

———

Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

Share Button

Date de publication: 28/04/2022