À la Curie, pas plus de cinq ans et puis dehors, dit le pape. Mais entre le dire et le faire…

En commentant dans « Allgemeine Zeitung » sa propre démission comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi survenue le 2 juillet à l’échéance exacte des cinq ans de son mandat, le cardinal Gerhard Ludwig Müller a déclaré que le pape François « ne souhaitait plus prolonger les fonctions à la Curie au-delà de cinq ans et qu’il a été le premier auquel cette pratique s’est appliquée ».

Il ne fait en tout cas aucun doute que le licenciement du cardinal Müller est la première du genre.  D’autant qu’au cours des jours et des mois précédents, d’autres dirigeants de la Curie ont été maintenus à leur poste par le pape à l’échéance de leur mandat.  Mais il reste à voir si, à l’avenir, tous ceux qui arriveront progressivement au terme de leur quinquennat seront effectivement déchargés de leurs fonctions.

François aime avancer avec beaucoup de liberté par rapport aux règles, y compris celles qui fixent les deux limites d’âge : celle des 75 ans, quand on est censé remettre sa lettre de démission au pape, comme pour les évêques résidents, et celle des 80 ans quand on devrait être automatiquement démis de toutes ses charges curiales.

Par exemple Mgr Pio Vito Pint, le doyen de la Rote romaine, a 76 ans mais est toujours en poste. Il est peu probable que François souhaite s’en priver le 22 septembre prochain, à l’échéance de son quinquennat.

En effet, c’est sur Mgr Pinto que le pape s’appuie « in toto » pour la réforme des procès en nullité de mariage, malgré ses médiocres qualifications en tant que canoniste et les critiques qui se sont abattues sur lui à cause des modalités incohérentes des nouvelles procédures.

Et ce n’est pas tout. Le 19 juin dernier, François lui a adjoint comme chancelier l’un de ses protégés, Daniele Cancilla, le premier laïc à être promu à une fonction si importante, malgré qu’il ait été licencié pour mauvaise conduite par la Conférence épiscopale italienne où il s’était longtemps occupé de l’aide aux diocèses étrangers et où il avait justement lié des liens étroits d’amitié avec celui qui était l’archevêque de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio, qui était l’un de ses bénéficiaires.

En revenant au cas de Mgr Müller, il faut également signaler que François est en train de remodeler à sa guise la Congrégation pour la doctrine de la foi non seulement en licenciant le préfet qui lui était antipathique mais surtout en nommant de façon inattendue au poste de sous-secrétaire un homme qui lui est très proche, Mgr Giacomo Morandi, qu’on a fait venir du diocèse de Modène où il était vicaire général sur le conseil du cardinal Beniamino Stella, ex-nonce à Cuba et en Colombie et aujourd’hui préfet de la Congrégation pour le clergé et qui est sans doute parmi tous les cardinaux de la Curie celui qui est le plus proche de Jorge Mario Bergoglio.

C’est sur recommandation de Mgr Morandi que le pape avait licencié en bloc, il y a quelques mois, trois hauts dignitaires de la Congrégation pour la doctrine de la foi très estimés par Mgr Müller. Un licenciement qui avait fait grand bruit.

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Examinons à présent plus en détails les états de service des différents dirigeants e la Curie dont le mandat est arrivé à échéance dernièrement mais qui sont restés en poste.

  • Le 1 juillet, la veille du licenciement du cardinal Müller, le cardinal argentin Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, a achevé son second quinquennat mais il est toujours en place.
  • Le 26 juin, l’archevêque anglais Arthur Roche, secrétaire de la Congrégation pour le culte divin, a achevé son quinquennat mais le cardinal préfet Robert Sarah l’a toujours à ses côtés, et certainement pas de gaieté de cœur vu la divergence de leurs opinions respectives.
  • Le 15 février dernier, le cardinal Francesco Coccopalmerio, président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, a achevé son second quinquennat. Mais le pape François ne l’a pas démis, malgré qu’il ait dépassé les 79 ans. Fervent défenseur de la communion aux divorcés remariés, le cardinal Coccopalmerio semble également résister au scandale qui a frappé il y a trois mois son secrétaire, Mgr Luigi Capozzi, pris sur le fait par la gendarmerie vaticane dans son appartement du palais du Saint-Office en pleine orgie homosexuelle où circulait de la drogue dure.
  • Le 18 août 2016, le cardinal Beniamino Stella, Préfet de la congrégation pour le clergé et proche conseiller du pape, a fêté ses 75 ans. Il est toujours en poste.

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Voici à présent une liste des responsables de la Curie dont le mandat arrive prochainement à échéance et que le pape – comme il l’a déclaré au cardinal Müller – devrait décharger de leurs fonctions.

  • Le 1 septembre prochain, ce serait le tour du cardinal Jean-Louis Tauran, parvenu au terme de son second quinquennat comme président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
  • Le 3 septembre, ce sera le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la Culture, qui arrivera au terme de son second quinquennat. Et il atteindra les 75 ans le 18 octobre prochain.
  • Le 8 septembre, l’argentin Marcelo Sánchez Sorondo, chancelier de l’Académie pontificale des sciences et de l’Académie pontificale des sciences sociales atteindra les 75 ans. Et l’année prochaine, le 5 octobre 2018, il achèvera son quatrième quinquennat de service.
  • Le 22 septembre s’achèvera le quinquennat de Mgr Pinto, le doyen de la Rote romaine dont nous parlions ci-dessus, qui a dépassé les 75 ans.
  • Le 1er octobre, le cardinal Giuseppe Bertello, Président du gouvernorat de l’Etat de la Cité du Vatican atteindra les 75 ans.
  • Le 1er octobre s’achèvera aussi le second quinquennat du maître des cérémonies pontificales, Mgr Guido Marini.
  • Le 7 décembre ce sera l’archevêque Georg Gänswein, le secrétaire du pape émérite Joseph Ratzinger, qui terminera son quinquennat comme Préfet de la maison pontificale.
  • Le 3 février 2018, le cardinal Domenico Calcagno, président de l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique, l’APSA, très proche du pape François et resté en fonction au terme de son premier mandat de cinq ans le 7 juillet 2016, atteindra lui aussi les 75 ans.
  • Le 6 avril 2018, Mgr José Rodríguez Carballo arrivera au terme de son quinquennat comme secrétaire de la Congrégation pour les religieux.
  • Le 9 juillet 2018 arrivera à son terme le second quinquennat du cardinal – qui aura alors 80 ans – Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints.
  • Le 10 juillet 2018, l’archevêque Joseph Augustine Di Noia, secrétaire-adjoint de la Congrégation pour la doctrine de la foi, atteindra les 75 ans. Il avait été reconduit dans cette fonction le 21 septembre 2013 « jusqu’à ses 75 ans accomplis ».
  • Le 3 août 2018, l’aumônier de Sa Sainteté, l’archevêque Konrad Krajewski, achèvera son quinquennat.
  • Le 21 septembre 2018, le cardinal Lorenzo Baldisseri, un autre protégé du pape François, déjà âgé de 77 ans, terminera son quinquennat comme Secrétaire général du synode des évêques.
  • Le 12 octobre 2018, ce sera au tour de l’archevêque brésilien Ilson de Jesus Montanari, au terme de son premier quinquennat de secrétaire de la Congrégation pour les évêques. Il avait été nommé ce poste crucial par le pape François en personne, comme son référent direct.

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En théorie, toutes ces personnes devraient être déchargées de leurs fonctions les unes après les autres, en vertu de la nouvelle pratique inaugurée avec le cardinal Müller. Mais en pratique, que fera François ?  Les paris sont ouverts.

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

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Date de publication: 10/07/2017