Deux réformes chères à François recalées à l’examen écrit. Truffées de fautes

Autrefois, on uti­li­sait un crayon rou­ge et bleu pour indi­quer les peti­tes et les gros­ses fau­tes dans les devoirs d’école.  Et le Vatican ferait bien de reve­nir de tou­te urgen­ce à ce systè­me, vu le cha­ra­bia dans lequel sont rédi­gés cer­tains tex­tes pro­dui­ts par le pon­ti­fi­cat de François.

Par exem­ple, les deux docu­men­ts qui ont le plus fait par­ler d’eux cet été sont truf­fés de coquil­les : l’avant-projet de réfor­me de la Curie vati­ca­ne et les nou­veaux sta­tu­ts de l’Institut théo­lo­gi­que pon­ti­fi­cal Jean-Paul II pour les scien­ces du maria­ge et de la famil­le.

Settimo Cielo a déjà mis en évi­den­ce les élé­men­ts de fond qui font débat pour ces deux docu­men­ts :

> Documents.  Les deux cha­pi­tres clés de l’avant-projet de réfor­me de la Curie

> Institut Jean-Paul II. L’intrigue, le com­man­di­tai­re et l’assassin

Mais en reli­sant atten­ti­ve­ment ces deux tex­tes, les négli­gen­ces de rédac­tion sau­tent aux yeux.

1. « Praedicate evangelium »

Il s’agit de la con­sti­tu­tion apo­sto­li­que sur la nou­vel­le orga­ni­sa­tion de la Curie vati­ca­ne que François s’apprête à pro­mul­guer et dont l’avant-projet a été préa­la­ble­ment envoyé – de maniè­re discrè­te – à un panel de car­di­naux triés sur le volet, d’évêques, de con­fé­ren­ces épi­sco­pa­les et d’institutions ecclé­sia­sti­ques du mon­de entier afin de récol­ter les obser­va­tions avant la publi­ca­tion défi­ni­ti­ve.

Il s’agit donc bien d’un brouil­lon.  Mais cela ne justi­fie en rien l’énormité des erreurs dont il est truf­fé.

Si l’on prend par exem­ple la ver­sion anglai­se du tex­te, qui est éga­le­ment la ver­sion la plus répan­due, elle com­por­te une inco­hé­ren­ce majeu­re entre la table des matiè­res – inti­tu­lée « Index » en latin – et le tex­te pro­pre­ment dit.

Dans la table des matiè­res, après les qua­tre pre­miers cha­pi­tres inti­tu­lés respec­ti­ve­ment : “Prologue”, “Criteria and prin­ci­ples for the Roman Curia”, “General norms”, and “Secretariat of State”, figu­re un cin­quiè­me cha­pi­tre qui n’apparaît pas dans le tex­te.

Ce cha­pi­tre fan­tô­me s’intitule “Council of Cardinals” et con­cer­ne­rait ce grou­pe de neuf car­di­naux, aujourd’hui en réa­li­té rédui­ts à six, que François a appe­lé à ses côtés depuis le début de son pon­ti­fi­cat pour qu’ils l’assistent pré­ci­sé­ment dans la réfor­me de la Curie et dans le gou­ver­ne­ment de l’Église uni­ver­sel­le.

On sait qu’après de lon­gues discus­sions, il a été con­ve­nu que ce con­seil de car­di­naux ne fait pas par­tie de la Curie romai­ne, à l’instar du Synode des évê­ques et de son secré­ta­riat géné­ral qui n’en font pas par­tie non plus.

Mais de tou­te évi­den­ce, au moment d’en­voyer l’avant-projet de réfor­me de la nou­vel­le Curie, on a oublié de met­tre à jour la table des matiè­res pour sup­pri­mer la réfé­ren­ce au con­seil des car­di­naux.

On retrou­ve aus­si une autre inco­hé­ren­ce entre la table des matiè­res et le tex­te dans la liste des “Dicasteries” qui sont appe­lés à regrou­per sous cet­te uni­que déno­mi­na­tion aus­si bien les con­gré­ga­tions actuel­les que les con­seils pon­ti­fi­caux et les autres bureaux assi­mi­lés.

Dans l’index, le der­nier de la liste est le “Dicastery for Papal Charities (Elemosineria Apostolica)” qui ren­vo­ie à l’art. 152 du tex­te.

Mais si on con­sul­te le tex­te, l’art. 152 par­le de tout autre cho­se, étant don­né que l’Aumônerie apo­sto­li­que, deve­nue célè­bre par l’activisme du car­di­nal Konrad Krajewski, s’y trou­ve non pas en der­nier mais à la troi­siè­me pla­ce de la liste des quin­ze futurs dica­stè­res, immé­dia­te­ment après ceux pour l’évangélisation et pour la doc­tri­ne de la foi.

Plus loin, l’avant-projet de “Praedicate Evangelium” regrou­pe les “Structures of ‘Diakonia Iustitiae’”, qui seront ces quatre-ci: “Apostolic Penitentiary”, “The Supreme Tribunal of the Apostolic Signatura”, “Tribunal of the Roman Rota”, et l’“Office for Legislative Texts”.

Mais là enco­re, la table des matiè­res ne cor­re­spond pas au tex­te, non seu­le­ment dans la numé­ro­ta­tion des arti­cles aux­quels elle ren­vo­ie, qui est com­plè­te­ment erro­née, mais sur­tout par­ce qu’elle indi­que que seuls les trois pre­miers appar­tien­nent à l’appareil judi­ciai­re du Saint-Siège et pas le qua­triè­me qui se retrou­ve en revan­che asso­cié à la sec­tion sui­van­te des “Offices”.

Parmi ces “Offices” qui figu­rent dans la table – outre “Council for the Economy”, “Secretariat for the Economy”, “The Camerlengo of the Holy Roman Church”, “Administration of the Patrimony of the Holy See” et “Office of the Auditor General” –  on trou­ve éga­le­ment ces trois autres bureaux: “Prefecture of the Papal Household”, “Office for the Liturgical Celebrations of the Supreme Pontiff”, et “Advocates”, que le tex­te regrou­pe ail­leurs: les deux pre­miers dans la sec­tion “Other Entities”, et le troi­siè­me dans une sec­tion à part inti­tu­lée “Attorneys”.

Et la der­niè­re sec­tion aus­si, “Institutions Connected to the Holy See”, bril­le par son impré­ci­sion.  Ces cinq ser­vi­ces sont repris dans la table: “Pontifical Commission for the Protections of Minors”, “Vatican Secret Archives”, “Vatican Apostolic Library”, “Academies”, et “The Fabric of Saint Peter”.

Tandis que dans le tex­te, à ces cinq bureaux, pré­sen­tés dans un ordre dif­fé­rent, vien­nent s’ajouter “The Holy See Agency for the Evaluation and Promotion of the Quality of University and Ecclesiastical Faculties”, et “The Financial Information Authority”.

Si c’est ça la car­te de visi­te de la nou­vel­le Curie, la con­fu­sion y règne en maî­tre.

2. Les nouveaux statuts de l’Institut Jean-Paul II

Ici, le laisser-aller en matiè­re d’écriture est enco­re plus gra­ve par­ce qu’il ne s’agit pas d’un avant-projet mais bien d’un tex­te défi­ni­tif pro­duit par un insti­tut pon­ti­fi­cal de niveau uni­ver­si­tai­re et qui a en outre reçu l’approbation de la Congrégation pour l’éducation catho­li­que.

Les nou­veaux sta­tu­ts n’ont été pro­mul­gués qu’en ita­lien et – dans cet­te lan­gue – on retrou­ve déjà des fau­tes de gram­mai­re dès l’article 1 du docu­ment où on peut lire au § 1 “pres­so alla Pontificia Università Lateranense” au lieu de “pres­so la Pontificia…”, com­me on l’écrit cor­rec­te­ment quel­ques lignes plus loin et on peut lire au § 4 : “dipen­de ammi­ni­stra­ti­va­men­te Sezione Amministrativa” au lieu de “dipen­de ammi­ni­stra­ti­va­men­te dal­la Sezione…”.

À l’art. 43 appa­raît un usa­ge étran­ge de l’expression “assol­ve­re tut­te le mate­rie”, com­me si on vou­lait dire “supe­ra­re gli esa­mi di tut­te le mate­rie”.

À l’art. 49 – com­me déjà à l’art. 1 § 4 – il man­que un mot.  On y lit : “cor­si com­ple­men­ta­ri ed obbli­ga­to­ri a quel­li pre­vi­sti”, au lieu de “cor­si com­ple­men­ta­ri ed obbli­ga­to­ri rispet­to a quel­li pre­vi­sti”.

À l’art. 50 § 1, le ver­be “per­met­te­re” revient deux fois dans la même phra­se : “… che per­met­ta­no di raf­for­za­re i rap­por­ti con le altre sedi dell’Istituto, per­met­ten­do a que­ste isti­tu­zio­ni…”.  Mais le pire se trou­ve un peu plus loin, où une phra­se entiè­re est répé­tée deux fois de sui­te, à quel­ques dif­fé­ren­ces près.

Voici donc ce qu’on lit dans les der­niè­res lignes de l’art. 50 § 1 : “Una par­te dei cor­si può esse­re svol­ta nel­la for­ma di inse­gna­men­to a distan­za, secon­do quan­to per­mes­so. L’ordinamento degli Studi deter­mi­ne­rà le con­di­zio­ni, in modo par­ti­co­la­re cir­ca gli esa­mi (Norme appli­ca­ti­ve, art. 33 § 2)”.

Et voi­ci ce qu’on lit de nou­veau au § 2 qui suit immé­dia­te­ment : “Una par­te dei cor­si può esse­re svol­ta nel­la for­ma di inse­gna­men­to a distan­za, se l’ordinamento degli stu­di, pre­via­men­te appro­va­to dal­la Congregazione per l’Educazione Cattolica, lo pre­ve­de e ne deter­mi­na le con­di­zio­ni, in modo par­ti­co­la­re cir­ca gli esa­mi (cfr. Cost. Ap. ‘Veritatis gau­dium’, Norme appli­ca­ti­ve, art. 33 § 2) ”.

À l’art. 51 il y a un “acces­si­bi­le” au sin­gu­lier au lieu du plu­riel : “Allo sco­po di ren­de­re acces­si­bi­le agli stu­den­ti gli stru­men­ti…”.

À l’art. 53 il man­que une dou­ble con­son­ne : on y lit “acce­ta­zio­ne” au lieu d’“accettazione”.

À l’art. 88 on lit : “sot­to l’approvazione del­la Congregazione”, au lieu de “con l’approvazione…”.

À l’art. 90, il man­que un déter­mi­nant : on y lit “tut­ti Professori”, au lieu de “tut­ti i Professori”.

Et on pour­rait con­ti­nuer à fai­re l’inventaire des erreurs de gram­mai­re et autres fau­tes.

Il n’est pas éton­nant qu’un tex­te d’une tel­le fac­tu­re ait été pro­duit et bran­di com­me une arme con­ton­dan­te par un per­son­na­ge tel que le grand chan­ce­lier de l’Institut Jean-Paul II, l’archevêque Vincenzo Paglia.

Ce qui est plus sur­pre­nant en revan­che, c’est qu’un théo­lo­gien d’une pen­sée pro­fon­de et d’une plu­me raf­fi­née tel que le pré­si­dent de l’Institut, Pierangelo Sequeri, ait ava­li­sé un tex­te aus­si impré­sen­ta­ble.

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso.

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Date de publication: 5/09/2019