Célibat, Amazonie, Allemagne.  Le retour du cardinal Sarah

Le matin du dimanche de Pâques et le matin du lundi de Pâques, la revue française « Valeurs actuelles » a mis en ligne en deux parties un long entretien du cardinal Robert Sarah retranscrit par Charlotte d’Ornellas :

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> Cardinal Sarah: “Cette épidémie disperse la fumée de l’illusion”

Dans la première partie de l’interview, le cardinal Sarah revient sur le livre qu’il a écrit et publié avec le pape émérite Benoit XVI intitulé « Des profondeurs de nos cœurs », qui défend vigoureusement le célibat du clergé.

Le cardinal dénonce l’instrumentalisation des invectives contre le livre et ses deux auteurs.  Il répète que sa publication, en janvier dernier, a été faite « dans un esprit de profonde obéissance filiale au Saint-Père ».  Et il souhaite qu’on discute enfin de ce dont parle vraiment le livre et que le Pape François en personne a montré partager quand il a dit – en faisant écho à Paul VI – que « je préfère donner ma vie que de changer la loi du célibat ».

Mais dans cet entretien, le cardinal Sarah parle également d’autres sujets : du synode sur l’Amazonie, du synode d’Allemagne, des divisions au sein de l’Église, des abus sexuels, ainsi que la « crise de civilisation « mise au jour par la pandémie du coronavirus.

Voici donc un bref extrait de son entretien sur les points qui concernent le plus la vie de l’Église.

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

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Le livre sur le célibat

Avec Benoît XVI nous avions voulu ouvrir un débat de fond, une réflexion sereine, objective et théologique sur le sacerdoce et le célibat, en nous appuyant sur la révélation et les données historiques. […] J’ai lu beaucoup d’invectives et d’injures mais très peu de réflexion théologique et pastorale et surtout très peu de comportements chrétiens.

 

Pourtant, avec Benoît XVI, nous faisions des propositions audacieuses de réforme du mode de vie des prêtres. Personne n’a relevé ni commenté ce que je crois être les pages les plus importantes de notre réflexion, celles qui concernent le nécessaire renoncement aux biens matériels de la part des prêtres, celles qui appellent à une réforme fondée sur la recherche de la sainteté et la vie de prière des prêtres, celles qui invitent « à se tenir devant toi et te servir ». […] A tout cela s’ajoute la nécessité de servir Dieu et les hommes. Notre livre se voulait spirituel, théologique et pastoral, les médias et quelques experts auto-proclamés en ont fait une lecture politique et dialectique. Maintenant que les polémiques stériles se sont dissipées, peut-être pourra-t-on enfin le lire vraiment ? Peut-être pourra-t-on en discuter paisiblement ?

Le synode sur l’Amazonie

Au lendemain de la publication de l’Exhortation apostolique “Querida Amazonia” du Pape François, certains prélats ont manifesté de la déception et du dépit. Ils n’étaient pas inquiets pour les peuples d’Amazonie mais déçus parce que l’Église, selon eux, aurait dû profiter de cette occasion pour se mettre au diapason du monde moderne. On a bien vu à ce moment que la question amazonienne avait été instrumentalisée. On avait utilisé la détresse des pauvres pour promouvoir des projets idéologiques.

 

Je dois avouer qu’un tel cynisme m’attriste profondément. Au lieu de travailler à faire découvrir aux peuples de l’Amazonie la profondeur et la richesse uniques de la personne de Jésus Christ et de son message de salut, on a voulu « amazoniser » Jésus-Christ et lui faire épouser les croyances et pratiques des indigènes amazoniens, en leur proposant un sacerdoce à taille humaine adapté à leur situation. Les peuples de l’Amazonie, comme ceux d’Afrique, ont besoin d’un Christ Crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens, vrai Dieu et vrai homme, qui est venu sauver les hommes marqués par le péché, leur donner la Vie, et les réconcilier entre eux et avec Dieu, en faisant la paix par le sang de sa Croix.

Les divisions au sein de l’Église

L’unité des catholiques n’est pas une simple affection sentimentale. Elle se fonde sur ce que nous avons en commun : la révélation que le Christ nous a laissée. Si chacun défend son opinion, sa nouveauté, alors la division se répandra partout. La source de notre unité nous précède. La foi est une, c’est elle qui nous unit. L’hérésie est le véritable ennemi de l’unité. Je suis frappé de constater que le subjectivisme hystérise les débats. Si l’on croit à la vérité, on peut la chercher ensemble, on peut même avoir des débats francs entre théologiens, mais les cœurs demeurent apaisés. On sait bien qu’à la fin la vérité apparaît. Au contraire, quand on remet en cause l’objectivité intangible de la foi, alors tout se transforme en rivalité de personnes et en luttes de pouvoir. La dictature du relativisme, parce qu’elle détruit la confiance paisible en la vérité révélée, empêche un climat de sereine charité entre les hommes. […]

L’unité de la foi suppose l’unité du magistère dans l’espace et dans le temps. Quand un enseignement nouveau nous est donné, il doit toujours être interprété en cohérence avec l’enseignement qui précède. Si nous introduisons des ruptures et des révolutions, nous brisons l’unité qui régit la sainte Église au travers des siècles. Cela ne signifie pas que nous soyons condamnés au fixisme. Mais toute évolution doit être une meilleure compréhension et un approfondissement du passé. L’herméneutique de réforme dans la continuité que Benoît XVI a si clairement enseignée est une condition sine qua non de l’unité.

Le synode d’Allemagne

Ce qui se passe en Allemagne est terrible. On a l’impression que les vérités de la foi et les commandements de l’Evangile vont être mis aux voix. De quel droit pourrions-nous décider de renoncer à une partie de l’enseignement du Christ ? Je sais que beaucoup de catholiques allemands souffrent de cette situation. Comme l’a souvent dit Benoît XVI, l’Église d’Allemagne est trop riche. Avec l’argent on est tenté de tout faire : changer la Révélation, créer un autre Magistère, une Eglise non plus une, sainte, catholique et apostolique, mais allemande. Le risque pour elle est de se penser comme une des institutions du monde. Comment dès lors ne finirait-elle pas par penser comme le monde ?

Les abus sexuels

Cette crise est d’abord une crise de la foi et une profonde crise du sacerdoce. La découverte des crimes abominables des prêtres en est le symptôme le plus terrifiant. Quand Dieu n’est pas au centre, quand la foi ne détermine plus l’action, quand elle n’oriente plus et n’irrigue plus la vie des hommes, alors de tels délits deviennent possibles. Il nous faut recommencer, dit Benoît XVI, à vivre à partir de Dieu et en vue de Dieu. Avant toutes choses, les prêtres doivent apprendre à reconnaître Dieu comme le fondement de leur vie et à ne pas le laisser de côté comme s’il s’agissait d’une formule sans contenu réel. Quand une vie sacerdotale n’est pas centrée sur Dieu, elle risque de se laisser entraîner par une forme d’ivresse de pouvoir. Comme le disait encore Benoît XVI, « Pourquoi la pédophilie a-t-elle atteint de telles proportions ? En dernière analyse, la raison en est l’absence de Dieu. »

 

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Date de publication: 14/04/2020