Benoît XVI pour les funérailles du cardinal Meisner: “Avec la certitude que le Seigneur n’abandonne pas son Eglise”

Voici le tex­te inté­gral du mes­sa­ge — rédi­gé en alle­mand - envoyé le 15 juil­let par le “pape émé­ri­te” Benoît XVI à l’ar­chi­dio­cè­se de Cologne, en Allemagne, à l’oc­ca­sion des funé­rail­les du car­di­nal Joachim Meisner, l’un des signa­tai­res des “dubia” sou­mis l’an­née der­niè­re au Pape François et tou­jours sans répon­se à l’heu­re actuel­le.

Même si la bar­que est par­fois sur le point de cha­vi­rer

En cet­te heu­re où l’Eglise de Cologne et les fidè­les venus d’au-delà des fron­tiè­res sont venus dire adieu au car­di­nal Joachim Meisner, mon cœur et mes pen­sées sont avec eux et c’e­st bien volon­tiers que je réponds au sou­hait du car­di­nal Woelki et que je leur adres­se une paro­le de réfle­xion.

Quand j’ai appris mer­cre­di der­nier par télé­pho­ne la mort du car­di­nal Meisner, je n’y ai tout d’a­bord pas cru.  Nous nous étions enco­re par­lé la veil­le au télé­pho­ne.  On enten­dait dans sa voix qu’il était con­tent d’ê­tre enfin en vacan­ces après avoir assi­sté, le diman­che pré­cé­dent à Vilnius à la béa­ti­fi­ca­tion de l’é­vê­que Teofilius Maturlionis.  Son grand amour pour les Eglises de nos voi­sins de l’Est qui ont tant souf­fert de la per­sé­cu­tion sous le com­mu­ni­sme ain­si que sa gra­ti­tu­de pour leur rési­stan­ce à la souf­fran­ce à cet­te épo­que ava­ient lais­sé en lui une emprein­te dura­ble.  Ce n’e­st donc pas un hasard que la der­niè­re visi­te de sa vie ait été con­sa­crée à un Confesseur de la foi.

Ce qui m’a le plus frap­pé dans la der­niè­re con­ver­sa­tion que j’ai eue avec le car­di­nal qui est aujour­d’­hui ren­tré à la mai­son du Père, c’é­tait sa séré­ni­té natu­rel­le, sa paix inté­rieu­re et la con­fian­ce qu’il avait trou­vée.  Nous savons que ça a été dif­fi­ci­le pour un pasteur et un meneur d’â­mes tel que lui d’a­ban­don­ner son bureau pré­ci­sé­ment au moment où l’Eglise a un besoin urgent de pasteurs capa­bles de s’op­po­ser à la dic­ta­tu­re de l’e­sprit du temps et plei­ne­ment déter­mi­nés à vivre et à pen­ser selon la foi.  Mais ce qui m’a le plus impres­sion­né c’e­st que dans la der­niè­re pério­de de sa vie, il avait appris à lais­ser fai­re les cho­ses et à vivre tou­jours plus avec la cer­ti­tu­de pro­fon­de que le Seigneur n’a­ban­don­ne pas son Eglise, même si par­fois la bar­que est pre­sque sur le point de cha­vi­rer.”

Dernièrement, deux évé­ne­men­ts l’a­va­ient ren­du enco­re plus heu­reux et con­fiant.

- La pre­miè­re c’e­st ce qu’il m’a­vait répé­té plu­sieurs fois: ce qui le rem­plis­sait d’u­ne joie pro­fon­de c’é­tait de voir, à tra­vers le sacre­ment de la Réconciliation, com­bien les jeu­nes, sur­tout de jeu­nes hom­mes, fai­sa­ient l’ex­pé­rien­ce de la misé­ri­cor­de du par­don, du don d’a­voir véri­ta­ble­ment trou­vé la vie que seul Dieu peut leur don­ner.

- L’autre cho­se qui l’a tant de de fois bou­le­ver­sé et ren­du heu­reux c’é­tait de con­sta­ter le regain de l’a­do­ra­tion eucha­ri­sti­que.  Pour lui, c’é­tait un point cen­tral des Journées Mondiales de la Jeunesse de Cologne: qu’il y ait une ado­ra­tion, un silen­ce, dans lequel seul le Seigneur par­le aux hom­mes et aux cœurs.  Certains experts en pasto­ra­le et en litur­gie éta­ient d’a­vis qu’u­ne ado­ra­tion silen­cieu­se était infai­sa­ble avec autant de per­son­nes, cer­tains pen­sa­ient même que l’Adoration Eucharistique était dépas­sée, que le Seigneur sou­hai­te être reçu dans le pain eucha­ri­sti­que et non pas con­tem­plé. Cependant, le fait qu’on ne puis­se pas man­ger ce Pain com­me s’il s’a­gis­sait d’un ali­ment ordi­nai­re et que rece­voir le Seigneur dans le sacre­ment de l’Eucharistie enga­ge tou­tes les dimen­sions de notre exi­sten­ce, cela impli­que que le rece­voir doi­ve être un acte d’a­do­ra­tion et c’e­st quel­que cho­se jour qui est de plus en plus clair cha­que jour. Ce moment d’a­do­ra­tion à l’oc­ca­sion des JMJ de Cologne est donc resté un évé­ne­ment inté­rieur inou­blia­ble et pas seu­le­ment pour le Cardinal.  Depuis lors, ce moment est à jamais resté gra­vé au plus pro­fon­de de lui-même com­me une lumiè­re écla­tan­te.

Au der­nier matin de sa vie, quand le car­di­nal Meisner n’e­st pas venu à la mes­se, on l’a trou­vé mort dans sa cham­bre. Son bré­viai­re lui avait glis­sé des mains: il est mort en priant, le regard tour­né vers le Seigneur et en par­lant au Seigneur. La natu­re de la mort qui lui a été don­né d’a­voir mon­tre enco­re une fois com­ment il a vécu: le regard tour­né vers le Seigneur et en par­lant avec lui. C’est pour­quoi nous pou­vons avec con­fian­ce recom­man­der son âme à la bon­té de Dieu.

Seigneur, nous te remer­cions pour le témoi­gna­ge de Joachim ton ser­vi­teur. Puisse-t-il être un inter­ces­seur pour l’Eglise de Cologne et pour cel­le du mon­de entier.

Requiescat in pace!

Benoît XVI, Pape émé­ri­te

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso.

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Date de publication: 17/07/2017