Journées pour les vocations: du marketing au sacrilège

vocations2012Chaque année, à la même pério­de, on nous bas­si­ne avec les « Journées de priè­re pour les voca­tions » qui le plus sou­vent se résu­ment à un défer­le­ment de socio­lo­gie de bas éta­ge, de psy­cho­lo­gie de bazar et de mora­li­sme lar­moyant ; le tout finis­sant par dégé­né­rer en de soi-disant « stra­té­gies » de mar­ché ou, pire, en un véri­ta­ble mar­ke­ting des voca­tions.

En règle géné­ra­le, tout cela m’ennuie pro­fon­dé­ment par­ce que l’offre de « spi­ri­tua­li­té » en tout gen­re est déjà abon­dan­te sur le mar­ché, sou­vent à un niveau de pro­fes­sion­na­li­sme plus éle­vé, et que cet­te pau­vre­té spi­ri­tuel­le ne per­met en aucu­ne maniè­re un enga­ge­ment dura­ble pour tou­te la vie.

Ce n’est cer­tai­ne­ment pas un hasard si cet état de fait, issu d’une logi­que de mar­ché, a débou­ché sur le scan­da­le de la soi-disant « trai­te des reli­gieu­ses » des pays du tiers-monde (le cas de cet­te sœur étran­gè­re tom­bée encein­te « à son insu » est emblé­ma­ti­que). Voilà ce qui se pas­se lorsqu’on l’on ratis­se lar­ge et que l’on impor­te des per­son­nes – plus que des voca­tions – pour le moins boi­teu­ses.  Cela est tel­le­ment vrai que, com­me c’était à pré­voir, c’est aujourd’hui l’édifice tout entier des con­gré­ga­tions reli­gieu­ses qui trem­ble au point de se met­tre à vacil­ler dan­ge­reu­se­ment : il fal­lait bien qu’un jour où l’autre, le cou­ver­cle de la boî­te de Pandore finis­se par sau­ter.

Pour le reste, la bible elle-même nous rap­pel­le de ne pas con­strui­re nos mai­sons sur le sable mais sur le rocher.  Ce rocher, c’est d’abord celui d’une for­ma­tion soli­de, d’une voca­tion authen­ti­que et soi­gneu­se­ment éprou­vée qui repo­se non pas sur un con­di­tion­ne­ment mais sur la plei­ne maî­tri­se de soi ain­si que sur la capa­ci­té de com­pré­hen­sion et la volon­té du can­di­dat.  S’immiscer dans ce rap­port aus­si déli­cat qui ne regar­de que Dieu et le can­di­dat ou for­cer le cours des cho­ses pour « fai­re du chif­fre » con­sti­tue un délit con­tre Dieu et con­tre la con­scien­ce.  Un délit pour lequel le ciel nous pré­sen­te­ra bien plus tôt que nous ne le pen­sons une addi­tion plu­tôt salée à régler.

Ce qui devait être un apport de sang frais dans des con­gré­ga­tions vieil­lis­san­tes, fati­guées et ané­mi­ques au bord de l’inanition s’est mué en une mor­tel­le injec­tion de sang con­ta­mi­né qui, bien loin de con­tri­buer à vivi­fier l’organisme, n’a pas tar­dé à pro­vo­quer une cri­se de rejet défi­ni­tif des con­gré­ga­tions reli­gieu­ses elles-mêmes.  Ceux qui comp­ta­ient sur une solu­tion de faci­li­té en sont pour leurs frais.  Ce qui est faci­le est tou­jours dia­bo­li­que.

Mais ce n’est pas enco­re vrai­ment cela qui est le plus scan­da­leux.

Ce qui est le plus scan­da­leux et le plus ridi­cu­le, ce sont ces cam­pa­gnes de raco­la­ge qui n’hésitent pas à uti­li­ser des métho­des dou­teu­ses pour récol­ter des « voca­tions » qui, atti­rées de la sor­te, sont for­cé­ment elles aus­si dou­teu­ses et basées sur l’équivoque.  Ces sem­pi­ter­nel­les lamen­ta­tions clé­ri­ca­les sur la cri­se des voca­tions et sur les sémi­nai­res vides me font de la pei­ne, com­me s’il s’agissait au tra­vers de cet alar­mi­sme de com­bler quel­que vide avec des paro­les creu­ses.  Comme si un sémi­nai­re ou une con­gré­ga­tion pou­vait être « sau­vée » par une solu­tion de secours, com­me si une voca­tion de for­tu­ne, issue du dése­spoir, pou­vait fai­re la dif­fé­ren­ce.  En pro­cé­dant de la sor­te, on fait plus de mal que de bien par­ce que le mes­sa­ge subli­mi­nal qui est envoyé à tous c’est que le spec­ta­cle est ter­mi­né, que le rideau va bien­tôt tom­ber et que l’entrée est ouver­te à tous, même à ceux qui n’ont pas de tic­ket.  Souvent aux chiens et aux porcs.  Ce n’est pas la pre­miè­re fois que les cho­ses se pas­sent ain­si : cha­que année c’est inlas­sa­ble­ment le même scé­na­rio qui se répè­te avec les résul­ta­ts (et les scan­da­les quo­ti­diens) que nous avons sous les yeux.  J’évoquais tout à l’heure cet­te monia­le entrée «ma sœur » à l’hôpital et sor­tie « ma mère » avec pen­du à son bras un lan­dau dans lequel se trou­vait non pas un orphe­lin mais un « insu ».

en-calcatJe dis cela par­ce que les voca­tions authen­ti­ques sont bien autre cho­se.  Avant tout, leur sura­bon­dan­ce com­me leur pré­ca­ri­té relè­ve d’un cer­tain mystè­re.  Ensuite, elles sont un don de Dieu qui descend d’en haut, don­né gra­tui­te­ment com­me encou­ra­ge­ment et com­me récom­pen­se au peu­ple fidè­le.  C’est là que se trou­ve le nœud gor­dien : il est vain de fai­re de la socio­lo­gie, de la psy­cho­lo­gie, des grands ras­sem­ble­men­ts et du show busi­ness par­ce que cela revient à don­ner de l’importance aux beaux discours plu­tôt qu’aux fai­ts et à la natu­re pro­fon­de des cho­ses.

Le man­que ou même l’absence de voca­tions dans une épo­que et un lieu déter­mi­né ne relè­ve pas d’une cri­se struc­tu­rel­le mais bien d’une cri­se de foi.  Les voca­tions reli­gieu­ses et sacer­do­ta­les dispa­rais­sent autour de nous par­ce que nous ne som­mes plus dignes de les rece­voir, de les accueil­lir et d’en pro­fi­ter.  Nous ne les méri­tons plus.  Alors la grâ­ce du ciel se tarit devant le sacri­lè­ge de nos cœurs qui se détour­nent de tous les sacre­men­ts, sacri­lè­ge con­som­mé par des per­son­nes con­sa­crées elles-mêmes, devant notre ari­di­té qui s’est tran­sfor­mée en désert moral.  Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui la cri­se des voca­tions frap­pe juste­ment l’Occident.

« Ils ont semé le vent, ils récol­te­ront la tem­pê­te. L’épi ne don­ne­ra pas de grain ; s’il y avait du grain, il ne don­ne­rait pas de fari­ne ; et, s’il en don­nait, elle serait dévo­rée par les étran­gers. »  (Osée  8:7).  Cela aus­si c’est écrit.

Par Antonio Margheriti, d’après un arti­cle ori­gi­nal en ita­lien tra­duit et publié avec l’autorisation de l’auteur.

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