« En cette période où nous nous préparons à la Pentecote, invoquons une nouvelle effusion de l’Esprit dans chaque cœur afin qu’il assouplisse ce qui est raide, qu’il réchauffe ce qui est froid, qu’il redresse ce qui est faussé et qu’il nous aide à faire prévaloir non pas nos sentiments personnels mais bien Son action ».
C’est par ces mots que se conclut le communiqué dans lequel le monastère de Bose a donné l’information de l’injonction du Pape François au frère Enzo Bianchi, le fondateur, ainsi qu’à trois de ses plus proches fidèles, deux moines et une moniale, de « se séparer » du monastère et de « déménager ailleurs ».
La citation d’une strophe de la séquence « Veni Sancte Spiritus », bien loin d’adoucir les adieux, les rendent au contraire encore plus amers, surtout après la nouvelle que, après la notification du décret d’expulsion émis par le Saint-Siège le 13 mai, « le rejet annoncé des mesures par certains des destinataires a conduit à une situation de confusion et de malaise supplémentaires ».
Les précédents à l’épilogue de cette histoire sont résumés dans le communiqué du monastère, qui a été relayé par Vatican News le 27 mai au matin sous le titre péremptoire : « Enzo Bianchi devra quitter le monastère de Bose ».
Tout cela – peut-on encore lire dans le communiqué – en raison d’ « une situation tendue et problématique dans la communauté en ce qui concerne l’exercice de l’autorité du fondateur, la gestion du gouvernement et le climat fraternel ».
Enzo Bianchi est un simple moine qui n’a pas reçu les ordres sacrés, comme la quasi-totalité des quelques quatre-vingt membres – hommes et femmes – de la communauté monastique dont la maison-mère est située à Bose mais qui a essaimé à Jérusalem, Assise, Ostuni, Cellole di San Gimignano et Civitella San Paolo.
En 2014, le Pape François l’a nommé consulteur du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, notamment du fait du caractère interconfessionnel de la communauté qu’il a fondée, composée de frères et de sœurs issus de cinq pays différents, dont certains sont protestants et orthodoxes.
Rowan Williams en personne, l’archevêque émérite de Canterbury et primat de l’Église anglicane, y réside très fréquemment pour de longues périodes.
Le Fr. Enzo Bianchi est l’un des leaders les plus influents du catholicisme progressiste, en noble père de l’ « école de Bologne ». Entre 1978 et 2000, il a d’ailleurs présidé la Fondation pour les sciences religieuses fondée à Bologne par don Giuseppe Dossetti, et il est membre à vie de son conseil d’administration.
L’après-midi du 27 mai, l’Osservatore Romano également a relayé en page 7 de larges extraits du communiqué du monastère de Bose sur l’éviction de son fondateur.
Dans la soirée, Enzo Bianchi a diffusé une note dans laquelle il en appelle au Saint-Siège dans l’espoir de pouvoir rester à Bose.
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POST SCRIPTUM – Dans le journal “La Croix” du 27 mai, le quotidien catholique français pour lequel Enzo Bianchi écrit également, le vaticaniste Nicolas Senéze a rappelé fort à propos, en citant un article de www.Chiesa – Settimo Cielo – qu’en 2014 déjà, une visite apostolique s’était déroulée à Bose, à la demande de Bianchi ui-même, qui était à l’époque prieur, pour résoudre en sa faveur des dissensions internes à sa communauté.
Les visiteurs apostoliques en question étaient le P. Michel Van Parys, l’ancien abbé du monastère oecuménique belge de Chevetogne, à l’époque égoumène du monastère de rite byzantin de Grottaferrata et mère Anne-Emmanuelle Devêche, abbesse de la Trappe de Blauvac, tous deux amis et résident souvent à la communauté de Bose.
Dans leur rapport de conclusion, les visiteurs, quoique dans une remarque assez générale, n’avait pas manqué de souhaiter que « l’exercice des différentes autorités dans la communautés ne soit pas autoritaire mais transparente et synodale ».
Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.