À la dernière conférence de presse, bondée, du synode sur l’Amazonie de ce vendredi 25 septembre, s’était également joint un pasteur protestant, Nicolau Nascimento de Paiva, de l’Église évangélique luthérienne du Brésil, qui pâtit elle aussi du prosélytisme agressif des sectes pentecôtistes et évangéliques.
Sandro Magister lui a posé la question suivante, que nous retranscrivons ici textuellement de la vidéo de la conférence de presse à partir de la minute 31’57’’.
« J’ai reçu ces derniers jours des témoignages, du Brésil et aussi des Philippines qui me disent que parmi les sectes protestantes de type pentecôtiste et évangéliques, la vidéo de la cérémonie qui s’est déroulée le 4 octobre au Vatican en présence du Pape est devenue virale. Tout ça parce que cette vidéo est utilisée comme une arme pour accuser les catholiques d’être des idolâtres. En tant que pasteur luthérien, je vous demande : quel est votre jugement sur ces rites qui se sont effectivement déroulés avec des prosternations devant des objets non-identifiés ? »
Mais avant que le pasteur luthérien ne réponse, Parolo Ruffini, le Préfet du Dicastère pour la communication, est intervenu avec en disant littéralement ceci :
« Je me permet un instant d’ajouter à la demande de M. Magister [qui dit que ces rites] « se sont effectivement déroulés » qu’il a été dit en ce lieu et qu’il a été répété qu’il n’y avait pas eu de prosternations ni de rites. Quoi qu’il en soit, je laisse la parole au pasteur. Je crois que nous devons tous être précis quand nous racontons des choses qui se sont quand même passées devant des caméras. »
Ces paroles de Ruffini ont été accueillies par les applaudissements de certains des nombreux journalistes présents auxquels s’est même associée – en s’adressant à Ruffini et en s’exclamant ‘Bien !’ – la responsable de la conférence de presse, Cristiane Murray, la vice-directrice de la salle de presse du Saint-Siège.
On peut écouter la réponse du pasteur luthérien, en portugais, à partir de la minute 33’23’’ de la vidéo.
Mais quel est l’arrière-plan de cette joute verbale entre Magister et le numéro un de l’information vaticane ?
Ruffini a raison. La cérémonie du 4 octobre dans les jardins du Vatican, en présence du Pape François, s’est « déroulée en présence des caméras ». Elle a été transmise en direct par Vatican News et l’enregistrement vidéo, d’une durée d’une heure et 13 minutes, peut encore être visionné en ligne.
Et ce direct TV montre justement ce que Ruffini s’obstine inexplicablement à nier, c’est-à-dire des « prosternations devant des objets non-identifiés » (voir photo), avec toutes les conséquences négatives qui en ont découlé.
Parmi ces effets négatifs en question se trouvent précisément ceux qui nous arrivent du Brésil et des Philippines et que décrit bien cette lettre publiée sur Settimo Cielo en italien et en portugais:
> Credere di guadagnare l’Amazzonia per perdere il resto del mondo. Una lettera da Mindanao
> Acreditar que é assim que se ganha a Amazónia para perder o resto do mundo. Uma carta de Mindanao
En pratique, les sectes pentecôtistes et évangéliques se sont emparées de la vidéo de ces prosternations – qui est devenue virale – et s’en servent comme preuve de cette idolâtrie dont ils accusent l’Église catholique et le Pape.
Ce qui est surprenant c’est que, malgré leurs demandes répétées, les responsables de l’information du Saint-Siège n’aient jamais éclairci officiellement le sens de ces cérémonies ni de ces objets, dont celui le plus en évidence était la statuette en bois d’une femme nue et enceinte.
Le bulletin de la salle de presse du 4 octobre s’est limité à un communiqué laconique sur la « plantation d’un arbre arrivé d’Assise comme symbole d’une écologie intégrale, pour consacrer le Synode Amazonien à Saint François » mais n’a pas dit un mot de la cérémonie ni des objets devant lesquels ces prosternations ont eu lieu.
Pendant la cérémonie dans les jardins du Vatican, le Pape François est resté silencieux, annulant même le bref discours qui avait été prévu.
Un silence qu’il a conservé jusqu’à l’après-midi de ce 25 octobre, quand la salle de presse a diffusé cette étonnante déclaration improvisée du Pape François prononcée dans la salle du Synode :
« Bon après-midi, je voudrais vous dire un mot sur les statues de Pachamama qui ont été prises dans l’église de Traspontina, qui s’y trouvaient sans intention idolâtre et qui ont été jetées dans la Tibre.
Avant tout, ça s’est passé à Rome et en tant qu’évêque du diocèse je demande pardon aux personnes qui ont été offensées par ce geste.
Ensuite je vous informe que ces statues, qui ont tant fait parler d’elles dans les médias, ont été retrouvées dans le Tibre. Elles ne sont pas abîmées.
Le commandant des Carabiniers souhaite vous prévenir de cette trouvaille avant que l’information ne devienne publique. Pour le moment, cette information est réservée et les statues sont conservées dans le bureau du Commandant des Carabiniers italiens.
Le Commandement des Carabiniers sera très heureux de donner suite à toute indication qui leur sera fournie concernant la modalité de publication de cette information et en ce qui concerne toutes les autres initiatives que l’on voudrait prendre à cet égard, par exemple, nous rapporte le commandant, « l’exposition des statues durant la Sainte Messe de clôture du Synode », on verra. Je délègue le Secrétaire d’État qui répondra à cela.
C’est une bonne nouvelle, merci. »
Quant aux carabiniers, ils ont diffusé un communiqué de presse, relayé par Vatican News, dans lequel ils informent que les statuettes de Pachamama « étaient utilisées pour la prière de l’équipe itinérante, un groupe catholique basé en Amérique du Sud qui prend part au Synode sur l’Amazonie ».
Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.