Comme d’habitude, les déclarations de haut vol du Pape François, cette fois durant son vol de retour du Pérou vers Rome la nuit du 21 au 22 janvier, ont causé une grande confusion pour l’énième fois :
> Vidéo de la conférence de presse du Pape François
Les deux sujets explosifs de la conférence de presse étaient tous deux situés au Chili : le sort de l’évêque d’Osorno, Juan de la Cruz Barros Madrid et le mariage-éclair célébré par le pape entre une hôtesse et un steward au cours du vol de Santiago à Iquique.
Dans ce second cas, François a prétendu avoir immédiatement estimé que « toutes les conditions étaient remplies » pour la validité du sacrement et qu’on pouvait donc le célébrer sur-le-champ. Il a expliqué que pour arriver à cette certitude, la parole des deux époux lui a suffi.
Concernant l’évêque d’Osorno, c’est exactement le contraire qui s’est produit. Le pape a déclaré qu’il avait « étudié et réétudié » le cas attentivement mais qu’il n’y avait aucun « élément probant » de sa culpabilité. C’est pourquoi il laisse cet évêque à la tête de son diocèse malgré les accusations qui continuent d’être portées contre lui, des accusations qui, pour le Pape, ne sont en réalité que des « calomnies ».
Au Chili, en réponse à la question d’un journaliste, François avait parlé non pas du manque « d’éléments probants » mais de « preuves ». Et pour avoir utilisé ce mot – en réalité assez peu, voire aucunement, différent du précédent – il s’est excusé dans l’avion. Il a en revanche maintenu fermement que le mot « calomnie », à propos de ceux qui se prétendaient victimes d’abus sexuels qui pour le Pape n’avaient pas existés, était bien approprié.
Il a cependant déclaré ne jamais avoir donné raison aux « victimes » de l’évêque en question parce qu’elles « n’étaient pas venues » et qu’elles « ne se sont jamais présentées » à lui. Alors qu’en réalité, elles ont bien demandé à plusieurs reprises, publiquement, à être écoutées par le Pape afin qu’il puisse justement vérifier sur base de leur témoignage ces « éléments probants » qui selon lui sont manquants.
Pendant le vol de retour à Rome, François a également donné une nouvelle exégèse de la lettre qu’il avait envoyée aux évêques chiliens le 31 janvier 2015 publiée par « Associated Press » à la veille de ce voyage au Chili.
À la façon dont cette lettre était rédigée, on pouvait comprendre que le Pape François lui-même considérait, jusqu’à fin 2014, que cet évêque devait démissionner, avant de changer d’avis et de le promouvoir, le 10 janvier 2015, au siège d’Osorno.
Mais il semble aujourd’hui qu’il n’en ait pas été ainsi. En se basant sur les déclarations de François dans l’avion, on devrait en déduire qu’il considérait depuis toujours que cet évêque était « compétent et bon » même si « l’un ou l’autre membre de la Conférence épiscopale » chilienne voulait qu’il renonce. Et effectivement, à non pas une mais bien à deux reprises, le pape a déclaré avoir refusé sa renonciation, aussi bien avant qu’après sa nomination à Osorno parce que l’accepter serait revenu à « accepter sa culpabilité » alors qu’au contraire, il a martelé : « Je suis convaincu qu’il est innocent ».
Dans tout cet enchevêtrement de contradictions, on ne sait toujours pas pourquoi d’un côté on a cru sans problème les victimes du guide spirituel de l’évêque d’Osorno, le Père Antonio Karadima, et qu’on est rapidement parvenu à la condamnation canonique de cet abuseur, alors que de l’autre, on ne croit aucune de ces mêmes victimes et qu’on refuse même de les écouter quand elles accusent l’évêque.
Au cours de la conférence de presse dans l’avion, François a également dit avoir « remercié » le cardinal Sean O’Malley, le responsable de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, pour ses déclarations sur cette question.
En réalité, la note publiée le 20 janvier par le cardinal sur le site de son archidiocèse de Boston est sur une toute autre ligne que le Pape.
O’Malley a déclaré qu’il « est compréhensible que ces paroles de François aient été source de grande douleur pour les victimes d’abus sexuels » parce que des « expressions comme : ‘si vous ne pouvez pas prouver vos accusations, alors vous ne serez pas cru’ relèguent les victimes à l’exil du discrédit ».
> Cardinal O’Malley: Pope caused « great pain » for abuse survivors in Chile
En revenant sur le mariage-éclair béni par François pendant le vol entre Santiago du Chili et Iquique, il faut remarquer que les époux eux-mêmes avaient laissé présager un tel événement un mois auparavant dans une interview au quotidien chilien « El Mercurio » du 19 décembre.
Dans l’avion, en revanche, on fait comme si tout s’était décidé à l’improviste, à en juger par la vidéo de la « breaking news » accordée par les époux eux-mêmes aux journalistes qui étaient à bord avec eux.
> Il papa: « Vi sposo, dai, facciamolo! »
Et François lui-même – si on s’en tient à ce qu’il a déclaré pendant le vol pour Rome – semble avoir été pris au dépourvu à l’idée de marier l’hôtesse et le steward mais se serait décidé en un instant, en les croyant sur parole.
Et aux journalistes qui pendant la conférence de presse lui ont demandé « que diriez-vous aux curés qui se trouveraient face à des fiancés décidés à se marier dans un avion ou sur un bateau ? », il a tranquillement répondu :
« Il faut dire aux curés que le Pape les a bien interrogés, la situation était régulière ».
Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.