Obéissants ou suspendus « a divinis ». L’aut aut du pape aux prêtres rebelles

Le diocèse d’Ahiara au Nigéria n’est pas le seul diocèse d’Afrique dont l’évêque nommé par Rome, a été rejeté par les communautés locales parce qu’il appartenait à une ethnie différente.  Il y a moins d’un mois, Settimo Cielo avait rapporté un cas similaire dans le diocèse de Makeni en Sierra Leone:

>  Quand la nomination d’un évêque déclenche une guerre tribale

Mais dans le cas du diocèse d’Ahiara, le pape François n’a pas délégué quelqu’un d’autre pour résoudre ce conflit qui traîne depuis cinq ans.  Il a lui-même pris les choses en main.  Il a convoqué les protagonistes de l’affaire à Rome pour lui faire rapport, c’est-à-dire l’évêque contesté Peter Okpaleke, une représentation du clergé et des fidèles locaux ainsi que les dignitaires de l’épiscopat nigérian en présence du Cardinal Secrétaire d’Etat Pietro Parolin et du Préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, Mgr Fernando Filoni.  Et c’est lui-même qui a décidé ce qu’il fallait faire, immédiatement après les avoir écoutés.

La rencontre (voir photo), s’est déroulée au Vatican le jeudi 8 juin.  Au terme de cette entrevue, un communiqué a été publié pour annoncer que le pape « se réserve le droit de prendre les mesures nécessaires ».

En réalité, ces mesures, François les avait déjà prises, et comment.  Immédiatement même.  Deux jours plus tard, le 10 juin, sortait la retranscription officielle des ses déclarations au terme de la rencontre.

Des paroles très sévères, cinglantes.  Le prêtre ordonne aux prêtres rebelles de se soumettre par écrit, dans une lettre qu’il leur adressera personnellement, sous peine de suspension « a divinis ».

Voici ci-dessous, mot à mot, les ordres et menaces du pape adressées à la délégation du diocèse d’Ahiara.  Un exemple instructif du style de direction du jésuite Jorge Mario Bergoglio, à mille lieues de ces progressistes qui voudraient voir les évêques élus par les communautés locales.

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« UNE ÉGLISE EN ÉTAT DE VEUVAGE »

Je salue cordialement la Délégation et je vous remercie d’avoir fait le déplacement depuis le Nigeria dans un esprit de pèlerinage.  Pour moi, cette rencontre est une consolation parce que l’histoire de l’Eglise à Ahiara m’attriste beaucoup.

L’Eglise, en fait (passez-moi l’expression), est comme en état de veuvage pour avoir empêché à l’Evêque de s’y rendre.  Tant de fois m’est venue à l’esprit la parabole des vignerons assassins dont parle l’Evangile (cfr. Mt 21, 33-44) qui veulent s’approprier l’héritage.  Dans cette situation, le diocèse d’Ahiara est comme sans conjoint, il a perdu sa fécondité et ne peut plus porter de fruit.  Ceux qui se sont opposés à l’installation de l’évêque Mgr Okpaleke veulent détruire l’Eglise; cela ne sera pas toléré. Peut-être ne s’en rendent-ils pas compte mais l’Eglise en souffre tout comme le Peuple de Dieu en elle.  Le Pape ne peut pas rester indifférent.

Je suis parfaitement au courant de ce qui se trame dans le diocèse et je tient à remercier l’Evêque pour sa grande patience; je veux parler de la sainte patience dont il a fait preuve jusqu’ici.  J’ai beaucoup écouté et beaucoup réfléchi, j’ai même envisagé l’idée de supprimer le Diocèse mais ensuite je me suis dit que l’Eglise est mère et qu’elle ne peut pas abandonner de nombreux enfants comme vous.  J’éprouve une grande douleur envers ces prêtres qui sont manipulés, peut-être même depuis l’extérieur du Diocèse.

Selon moi, il ne s’agit pas ici d’un cas de tribalisme mais bien d’appropriation de la vigne du Seigneur.  L’Eglise est mère et l’offenser c’est commettre un péché mortel, c’est grave.  C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de ne pas supprimer le Diocèse.  Toutefois, je souhaite donner quelques indications qu’il faudra communiquer à tous: avant tout, il faut dire que le pape est profondément peiné.  Par conséquent, je demande que chaque prêtre ou religieux incardiné dans le Diocèse d’Ahiara, soit qu’il y soit résident, soit qu’il travaille ailleurs, même à l’étranger, m’envoie une lettre qu’il aura rédigée dans laquelle il demandera pardon; tous devront m’écrire individuellement et personnellement; tous, nous devons partager cette douleur commune.

Dans cette lettre:

  1. il faudra manifester clairement une obéissance totale au pape; en outre
  2. l’auteur doit être disposé à accepter l’Evêque que le Pape envoie et l’Évêque nommé.
  3. La lettre devra être envoyée dans les 30 jours à partir d’aujourd’hui jusqu’au 9 juillet prochain. Celui qui ne le fera pas sera ipso facto suspendu a divinis et démis de ses fonctions.

Cela peut sembler très dur, pourquoi le Pape fait-il cela?  Parce que le Peuple de Dieu est scandalisé.  Jésus rappelle que celui qui scandalise doit en assumer les conséquences.  Il est peut que certains d’entre vous aient été manipulés sans être pleinement conscients de la blessure infligée à la communion ecclésiale.

A vous, frères et sœurs, je manifeste mes plus vifs remerciements pour votre présence ainsi qu’au Cardinal Onaiyekan pour sa patience et à l’évêque Okpaleke dont j’ai admiré la patience et l’humilité.  Merci à tous.

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L’Osservatore Romano du 11 juin a en outre communiqué que le « Cardinal préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, Fernando Filoni, a demandé à François – qui a accepté – qu’au terme de cette affaire, le diocèse d’Ahiara, avec son évêque, effectue un pèlerinage à Rome et rencontre le Pape ».

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

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Date de publication: 12/06/2017