Les Maçons font l’éloge du pape. Mais lui les voit comme la peste

Le pape François n’a par­lé que deux fois en public des francs-maçons et de la maçon­ne­rie. Et tou­jours con­tre.

La pre­miè­re fois sur le vol de retour de son voya­ge au Brésil, le 28 juil­let 2013.  Interpellé sur le cas de Mgr Battista Ricca et de son « lob­by gay », il avait décla­ré :

« Si une per­son­ne est gay et est de bon­ne volon­té mais qui suis-je donc pour la juger ? Le pro­blè­me ce n’est pas d’avoir cet­te ten­dan­ce, non.  Le pro­blè­me c’est de fai­re du lob­by­ing de cet­te ten­dan­ce : le lob­by des ava­res, le lob­by des poli­ti­ciens, le lob­by des maçons, ça fait beau­coup de lob­bies.  Voilà le pro­blè­me le plus gra­ve pour moi. »

La deu­xiè­me fois à Turin le 21 jan­vier 2015.  Alors qu’il ren­con­trait des jeu­nes et répon­dait à brûle-pourpoint à cer­tai­nes de leurs que­stions, il avait dit à un cer­tain moment :

« Dans cet­te région, à la fin du dix-neuvième siè­cle, la maçon­ne­rie bat­tait son plein et même l’Eglise ne pou­vait rien fai­re, il y avait les anti­ca­lot­tins mais aus­si les sata­ni­stes… C’était un des momen­ts les plus som­bres et des endroi­ts les plus sor­di­des de l’histoire de l’Italie.  Mais regar­dez un peu com­bien de sain­ts et de sain­tes sont nés à cet­te épo­que ?  Pourquoi ?  Parce qu’ils se sont ren­du comp­te qu’ils deva­ient aller à contre-courant de cet­te cul­tu­re, de cet­te façon de vivre ».

En pri­vé, cepen­dant, François est sou­vent reve­nu sur ce sujet. La maçon­ne­rie est sa bête noi­re déjà à l’époque où il vivait en Argentine.  Il ne tolè­re pas qu’elle s’infiltre dans l’Eglise et il est abso­lu­ment con­vain­cu qu’elle est pré­sen­te au sein de l’Ordre des Chevaliers de Malte et qu’il faut l’en extir­per.

Dans sa let­tre du 1 décem­bre der­nier au car­di­nal Raymond L. Burke, le patron de l’Ordre, figu­re un pas­sa­ge qui, aux yeux d’un expert, fait direc­te­ment allu­sion à la franc-maçonnerie. C’est le pre­mier des poin­ts sur lesquels François exi­ge une réfor­me de l’Ordre :

« En par­ti­cu­lier, il fau­dra évi­ter que ne s’introduisent dans l’ordre des mani­fe­sta­tions de l’esprit mon­dain ain­si que l’appartenance à des asso­cia­tions, des mou­ve­men­ts et des orga­ni­sa­tions con­trai­res à la foi catho­li­que ou d’orientation rela­ti­vi­ste. Si de tels fai­ts deva­ient se véri­fier, les Chevaliers qui fera­ient éven­tuel­le­ment par­tie de tel­les asso­cia­tions, mou­ve­men­ts et orga­ni­sa­tions seront invi­tés à reti­rer leur adhé­sion, cet­te der­niè­re étant incom­pa­ti­ble avec la foi catho­li­que et avec l’appartenance à l’Ordre ».

Mais le 9 sep­tem­bre 2014 déjà, lors de l’audience au cours de laquel­le le pape avait reti­ré au car­di­nal Burke sa char­ge de pré­fet du tri­bu­nal suprê­me de la signa­tu­re apo­sto­li­que pour le nom­mer patron de l’Ordre, il lui avait juste­ment con­fié com­me mis­sion prio­ri­tai­re « la néces­sai­re éli­mi­na­tion d’un esprit du siè­cle et de la maçon­ne­rie en par­ti­cu­lier de l’Ordre de Malte ».

C’est ce que ce même car­di­nal Burke men­tion­ne dans un rap­port sur les récen­ts déboi­res de l’Ordre dont il avait auto­ri­sé la dif­fu­sion exclu­si­ve­ment au sein des Chevaliers d’Allemagne mais qui a par la sui­te fil­tré vers un plus lar­ge public.

Au cours de cet­te audien­ce, le pape avait décla­ré qu’il n’avait pas de « don­nées exac­tes » sur la pré­sen­ce de maçons par­mi les Chevaliers mais qu’il « était cer­tain de leur exi­sten­ce ».

Et François lui-même avait à nou­veau enfon­cé le clou par la sui­te. Lors de l’audience accor­dée à Burke le 10 novem­bre der­nier, il avait ordon­né au car­di­nal qui lui disait ne pas être par­ve­nu à iden­ti­fier le moin­dre maçon par­mi les Chevaliers qu’il devait con­ti­nuer à cher­cher ces « listes de maçons, qui doi­vent bien exi­ster quel­que part » avant d’ajouter qu’il aurait inclus ce man­dat dans une let­tre offi­ciel­le qui fut en effet cel­le du 1 décem­bre que nous avons men­tion­née ci-dessus.

Le Pape François a sou­vent insi­sté sur ce point non seu­le­ment avec le car­di­nal patron mais éga­le­ment avec les plus hau­ts diri­gean­ts de l’Ordre.

Le 23 juin 2016, à la veil­le de la fête de saint Jean, le saint patron des Chevaliers de Malte, alors qu’il reçoit en audien­ce le Grand Maître de l’époque, Fra’ Matthew Festing et le Grand Chancelier Albrecht Freiherr von Boeselager – c’est-à-dire juste­ment les deux adver­sai­res dans le con­flit qui était sur le point d’éclater au sein de l’Ordre – François leur deman­de à brûle-pourpoint ce qu’ils savent « des pro­grès réa­li­sés par le car­di­nal Burke dans son net­toya­ge de l’Ordre des maçons ». C’est à ce moment qu’il ont tous deux réa­li­sé que c’était véri­ta­ble­ment « la prin­ci­pa­le préoc­cu­pa­tion » du pape.

Dans la let­tre que la pape a adres­sée aux grand élec­teurs qui s’apprêtaient le 29 avril der­nier à éli­re le Lieutenant du Grand Maître en la per­son­ne de Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto, on ne trou­ve aucun ordre expli­ci­te visant à « pur­ger l’Ordre de la maçon­ne­rie ».

Mais il ne fait cepen­dant aucun dou­te que Jorge Mario Bergoglio est pro­fon­dé­ment hosti­le à la franc-maçonnerie et qu’il redou­te com­me la peste son qu’elle n’infiltre l’Eglise, au point de voir des maçons là où il n’y en a peut-être pas.

Ce qui est en revan­che plus étran­ge, c’est l’enthousiasme que mani­fe­ste la maçon­ne­rie envers ce pape. Il s’agit d’un véri­ta­ble con­cert de louan­ges sans pré­cé­dent pour aucun des papes qui l’ont pré­cé­dé.

Un site est en train de com­pi­ler l’interminable antho­lo­gie de louan­ges que les maçons du mon­de entier ont adres­sées à Bergoglio depuis son élec­tion com­me pape. Les deux pre­miers épi­so­des sur trois sont déjà dispo­ni­bles en ligne:

> Why do the Freemasons Love Pope Francis? Part I

> Why do the Freemasons Love Pope Francis? Part II

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso.

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Date de publication: 3/05/2017