Les cardinaux mènent 14 à 9. Leonardo Boff entre en scène

Peu avant Noël, dix-huit car­di­naux et évê­ques s’étaient expri­més pour ou con­tre les cinq dubia ren­dus publics le 14 novem­bre par qua­tre car­di­naux sur les poin­ts les plus con­tro­ver­sés d’« Amoris lae­ti­tia » en deman­dant au pape de « fai­re la clar­té », une deman­de qui reste enco­re sans répon­se.

Sandro Magister avait publié sur son blog www.chiesa le 21 décem­bre une liste exhau­sti­ve de tou­tes leurs inter­ven­tions.

Dans un « Post Scriptum » il men­tion­nait en outre trois autres inter­ven­tions qui por­ta­ient le total à vingt-et-un dont huit seu­le­ment éta­ient défa­vo­ra­bles à l’initiative des qua­tor­ze car­di­naux.  Mais depuis lors, d’autres voix de car­di­naux et d’évêques se sont éle­vées, une pour et une con­tre.

La voix en faveur des qua­tre car­di­naux est cel­le de l’évêque auxi­liai­re de Salzbourg, Mgr Andreas Laun, inter­ro­gé le 23 décem­bre par Maike Hickson pour son blog OnePeterFive.

> Bishop Andreas Laun on Amoris Laetitia and the Four Cardinals’ Dubia

Celle en faveur du pape éma­ne du car­di­nal Walter Kasper, dans un entre­tien datant du 22 décem­bre à Radio Vatican en lan­gue alle­man­de.

> Kardinal Kasper: “Amoris Laetitia ist klar”

Selon Kasper, « on peut bien enten­du pré­sen­ter des dubia et des que­stions au pape, tout car­di­nal peut le fai­re.  Quant au fait de savoir s’il était judi­cieux de ren­dre publi­que cet­te deman­de d’éclaircissements, j’ai des dou­tes.  A mon avis, l’exhortation apo­sto­li­que est clai­re ; il y a éga­le­ment les décla­ra­tions ulté­rieu­res du pape, la let­tre aux évê­ques argen­tins ou les décla­ra­tions du cardinal-vicaire de Rome.  Ce que le pape dit et sa vision des cho­ses sont très clai­res.  Il n’y a aucu­ne con­tra­dic­tion avec les décla­ra­tions de Jean-Paul II.  C’est un déve­lop­pe­ment homo­gè­ne.  Voilà ma posi­tion, ma façon de voir les cho­ses.  En ce qui me con­cer­ne, il n’y a aucun dou­te à avoir. »

A ce jour, par­mi les vingt-trois car­di­naux et évê­ques qui se sont expri­més, le sco­re est de 14 à 9 en faveur des qua­tre car­di­naux, signe évi­dent que leurs « dubia » ne sont pas con­si­dé­rés com­me incon­si­stan­ts et que l’attente d’une cla­ri­fi­ca­tion se fait cha­que jour plus for­te et plus pro­fon­de.

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Il faut éga­le­ment signa­ler que l’un des qua­tre car­di­naux signa­tai­res des dubia, l’allemand Walter Brandmüller, inter­ro­gé par Andrea Tornielli pour Vatican Insider, a pré­ci­sé le sens de cet­te « cor­rec­tion for­mel­le » du pape bran­die par l’un des signa­tai­res, le card. Raymond L. Burke.

> Brandmüller: “Any fra­ter­nal cor­rec­tion pro­po­sed to the Pope must be pre­sen­ted in came­ra cari­ta­tis”

« Le car­di­nal Burke – a affir­mé Brandmüller – n’a jamais dit que la cor­rec­tion for­mel­le devra se dérou­ler en public et il n’a jamais men­tion­né d’échéance.  Je con­si­dè­re qu’il est con­vain­cu que la cor­rec­tion for­mel­le se dérou­le­ra tout d’abord ‘in came­ra cari­ta­tis’.  Le car­di­nal Burke a expri­mé son opi­nion per­son­nel­le en tou­te auto­no­mie et cet­te opi­nion pour­rait être par­ta­gée par d’autres car­di­naux qui agi­ront de tou­te façon ensem­ble. »

« L’idée de ces ‘dubia’ – a ajou­té Brandmüller – c’est de favo­ri­ser le débat au sein de l’Eglise, com­me c’est le cas pour le moment, dans l’attente d’une répon­se dont l’absence est inter­pré­tée par de lar­ges pans de l’Eglise com­me un refus d’adhésion clai­re et arti­cu­lée à la doc­tri­ne défi­nie. »

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Si l’on étend cet­te liste au-delà des seuls car­di­naux et évê­ques, il y a au moins une autre inter­ven­tion qu’il con­vient de men­tion­ner.

Il s’agit de l’entretien-fleuve avec le théo­lo­gien bré­si­lien Leonardo Boff parue en Allemagne le jour de Noël dans le quo­ti­dien “Kölner Stadt-Anzeiger”.

> Leonardo Boff im Interview: “Papst Franziskus ist einer von uns”

Voici ce que Boff décla­re con­cer­nant les dubia :

« Le pape sent mon­ter des ven­ts con­trai­res en pro­ve­nan­ce des som­me­ts de la hié­rar­chie, en par­ti­cu­lier cel­le des Etats-Unis.  Ce car­di­nal Burke qui a écrit – avec votre car­di­nal de Cologne à la retrai­te – une let­tre au pape, c’est le Donald Trump de l’Eglise catho­li­que (rires).  Mais, con­trai­re­ment à Trump, Burke a été neu­tra­li­sé au sein de la curie.  Grâce à Dieu.  Ces gens cro­ient vrai­ment que c’est à eux de cor­ri­ger le pape.  Comme s’ils éta­ient au-dessus du pape.  Ce gen­re de cho­se est inha­bi­tuel, sinon iné­dit dans l’histoire de l’Eglise.  On peut cri­ti­quer le pape, on peut discu­ter avec lui, c’est ce que j’ai sou­vent fait.  Mais que des car­di­naux accu­sent publi­que­ment le pape de répan­dre des erreurs théo­lo­gi­que voi­re des héré­sies, je pen­se que c’est trop.  C’est un affront que le pape ne peut pas accep­ter.  Le pape ne peut pas être jugé, c’est ça l’enseignement de l’Eglise ». 

Sauf, que plus loin dans la même inter­view, c’est au tour de Leonardo Boff d’accuser de « gra­ve erreur théo­lo­gi­que » et de « ter­ro­ri­sme reli­gieux » la décla­ra­tion « Dominus Iesus » publiée en 2000 par le car­di­nal Joseph Ratzinger avec la plei­ne appro­ba­tion du pape Jean-Paul II.

Mais cet­te inter­view con­tient d’autres pas­sa­ges inté­res­san­ts.

Par exem­ple, quand Boff expli­que pour­quoi le pape François a été con­traint d’annuler l’audience qu’il lui avait accor­dée au début du Synode de 2015 :

« J’avais reçu une invi­ta­tion et j’avais déjà atter­ri à Rome. Mais le même jour, juste avant le début du Synode sur la famil­le de 2015, trei­ze car­di­naux – dont le car­di­nal alle­mand Gerhard Müller- ont orga­ni­sé une révol­te con­tre le pape en lui adres­sant une let­tre qui fut publiée par le sui­te, com­me par hasard, dans un jour­nal.  Le pape était furieux et il m’a dit : « Boff, je n’ai pas le temps.  Je dois réta­blir le cal­me avant que le syno­de ne com­men­ce.  Nous nous ver­rons à un autre moment. » 

Ou bien quand il pré­tend « avoir enten­du que le pape sou­hai­te accueil­lir favo­ra­ble­ment la deman­de expli­ci­te des évê­ques bré­si­liens et par­ti­cu­liè­re­ment de son ami le car­di­nal Cláudio Hummes de con­fier à nou­veau une char­ge pasto­ra­le aux prê­tres mariés, au moins pen­dant une pério­de d’essai. »

Sans pour autant que Boff s’attende à ce que le pape approu­ve cet­te deman­de.  Dans son inter­view, enfin, voi­ci ce qu’il racon­te, alors qu’il est lui-même marié et for­mel­le­ment inter­dit d’exercer le mini­stè­re :

« Moi je fais déjà ce que j’ai tou­jours fait et quand j’arrive dans une parois­se où il n’y a pas de prê­tre, je célè­bre la mes­se moi-même avec le peu­ple et aucun évê­que ne me l’a jamais repro­ché ou inter­dit.  Au con­trai­re, les évê­ques sont con­ten­ts et me ils me disent : ‘Les gens ont droit à l’eucharistie.  Continuez com­me ça.’  Mon maî­tre en théo­lo­gie, le car­di­nal Paulo Evaristo Arns – qui vient de décé­der – était, par exem­ple, d’une gran­de ouver­tu­re.  Il en était arri­vé au point que, lorsqu’il voyait des prê­tres mariés assis dans la nef pen­dant la mes­se, il les fai­sait mon­ter à l’autel et con­cé­lé­brait l’eucharistie avec eux. ». 

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Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso

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Date de publication: 14/03/2017