Historiciser le concile Vatican II. Voici comment le monde de cette époque a influé sur l’Église

(S.M.) La controverse qui est en train d’enflammer l’Église sur la façon de juger Vatican II ne doit pas en rester à un plan purement théologique.  Parce qu’avant tout, il convient d’analyser le contexte historique de cet événement, surtout pour un concile qui, dans son programme, a déclaré vouloir « s’ouvrir au monde ».

C’est ce qu’essaye de faire, dans cet essai publié pour la première fois sur Settimo Cielo, Roberto Pertici, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bergame et spécialiste des rapports entre État et Église, rédacteur prestigieux à « L’Osservatore Romano » pendant les années où Giovanni Maria Van était directeur.

Le professeur Pertici dégage les caractéristiques fondamentales de l’époque de Vatican II, annoncé le 25 janvier 1959, qui s’est ouvert le 11 octobre 1962 et qui s’est conclu le 8 décembre 1965.  Il analyse la perception que les protagonistes de l’aventure conciliaire ont eue de ces caractéristiques et les réponses qui en sont ressorties.

À l’issue de la lutte triangulaire qui s’était déroulée pendant le conflit, la victoire alliée contre le nazisme avait fermé un front mais le problème de fond restait ouvert : quel type d’organisation sociale et quelle forme d’État la société moderne devait-elle adopter, en Europe et ailleurs ?

Après la débâcle de l’État national fasciste, les protagonistes et les antagonistes qui restaient étaient la démocratie libérale anglo-américaine et le communisme soviétique.

Et ce sont précisément ces trois questions que le professeur Pertici analyse l’une après l’autre :

  • la défaite du nazisme et du fascisme et l’éclipse du « paradigme conservateur » ;
  • la montée de la démocratie en Europe occidentale et la diffusion d’un nouvel éthos démocratique ;
  • le communisme soviétique et la tentation de la « coexistence pacifique » avec ce dernier.

Chacune de ces trois questions a eu une influence importante sur le déroulement du Concile et sur l’église en général.  Et donc la dispute théologique sur son interprétation, si elle veut être féconde, doit les prendre en compte.

Naturellement, tout en sachant bien que les développements ultérieurs de l’histoire allaient contredire fortement les attentes de Vatican II.  En effet, à partir des années mêmes du Concile, un processus de déchristianisation des sociétés occidentales allait commencer à les transformer en sociétés postchrétiennes.

Le professeur Pertici a promis d’analyser ces développements dans un essai futur.

En attendant, voici le premier épisode de cette histoire fascinante.  Bonne lecture !

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

Historiciser Vatican II

de Roberto Pertici

1. Une controverse théologique

Les controverses qui refont régulièrement surface dans les médias plus ou moins « catholiques » sur le sens de Vatican II et la relation qui existerait entre ce concile et la situation actuelle de l’Église suscitent un certain malaise chez l’historien.  Ce dernier les considère en effet non pas comme une discussion historique mais plutôt comme un « disputatio » de caractère principalement théologique.  Comme c’est souvent le cas dans de telles controverse, l’enquête historique finit par remplir une fonction de « faire valoir » et par être instrumentalisée au service de l’une ou l’autre thèse objet de la controverse.

Cet arrière-plan théologique et purement intra-ecclésial est confirmé par le peu de références faites aux processus plus larges qui étaient à l’oeuvre à l’époque de Vatican II, l’attention se focalisant surtout sur le succès de telle ou telle théologie ou de telle ou telle faction ecclésiastique.  Et cela semble d’autant plus paradoxal que le Concile – dans son programme – avait cherché à « s’ouvrir au monde », précisément à « ce » monde tel qu’il était vingt ans après la seconde guerre mondiale.  À sa manière, il a cherché à en proposer une lecture, à en identifier les processus et à en prédire l’issue.

Je suis bien conscient que l’Église – comme Paul VI le répétait dans « Ecclesiam suam » – est dans le monde, mais qu’elle n’est pas du monde : elle a des valeurs, des comportements, des procédures qui lui sont propres et qui ne peuvent être jugés ou analysés via des critères purement historiques et mondains.  Par ailleurs – faut-il ajouter – elle n’est pas non plus un corps distinct.  Dans les années soixante – et les documents conciliaires abondent de références en ce sens – le monde était en marche vers ce que nous appelons aujourd’hui la « mondialisation », il était déjà fortement conditionné par les nouveaux moyens d’information de masse, des idées et des comportements inédits s’y propageaient très rapidement et des formes de mimétisme générationnel étaient en train d’émerger.  Il est impensable qu’un événement de l’ampleur et de l’importance d’un Concile ait pu se dérouler en vase clos derrière les murs de la basilique Saint-Pierre sans se confronter à ce qui était en train de se passer au-dehors.

Parmi toutes les périodisations historiques, il convient de se limiter à la plus immédiate et d’insérer Vatican II dans le contexte de l’après-guerre et des « trente glorieuses » selon la définition désormais proverbiale de Jean Fourastié.  À l’issue de la lutte triangulaire qui s’était déroulée pendant le conflit, la victoire alliée contre le nazisme avait fermé un front mais le problème de fond restait ouvert : quel type d’organisation sociale et quelle forme d’État la société moderne devait-elle adopter, en Europe et ailleurs ?  Après la débâcle de l’État national fasciste, les protagonistes et les antagonistes qui restaient étaient la démocratie libérale anglo-américaine et le communisme soviétique.

Il nous faut donc aborder de manière distincte et rapide ces trois problèmes :

  • la défaite du nazisme et du fascisme et ses conséquences socio-culturelles ;
  • la montée de la démocratie en Europe occidentale ;
  • le communisme soviétique et son expansion.

Naturellement, en gardant toujours comme point de référence leurs contre-coups sur l’Église et dans le monde catholique.

2. La défaite du nazisme et du fascisme et ses conséquences politico-culturelles

L’année 1945 a marqué pour des décennies l’éclipse du « paradigme conservateur », une éclipse qui a donné toute sa mesure surtout après 1960.  On aurait pu croire à un déclin définitif, même si nous savons aujourd’hui que ce n’est pas vraiment le cas.  On peut également parler de « culture conservatrice », mais au sens large : des ensembles de valeurs, des présupposés tacites dans l’agir politique mais également dans la manière de vivre au quotidien.

Après 1945, le paradigme « conservateur » semble emporté par la fin violente des régimes de droite radicale (fascisme, national-socialisme).  Le rapport entre le conservatisme et ces régimes est historiquement controversé.  De nombreux historiens (dont votre serviteur) en ont souligné, à côté des indéniables compromissions, les différences sans doute plus grandes encore et les conflits (il suffit de se rappeler de l’opposition allemande à Hitler qui a organisé l’attentat du 20 juillet 1944, les figures de Thomas Mann et de Benedetto Croce, l’action politique de Churchill, de Charles de Gaulle, du gouvernement polonais de Londres).  Mais dans l’après-guerre, s’est répandue la thèse selon laquelle les totalitarismes de droite seraient en substance le développement et l’aboutissement de la culture conservatrice et que donc cette dernière méritait de disparaître avec eux.

Mais qu’entend-on ici par « paradigme conservateur » ?  Pour des raisons pratiques, je reprends la définition proposée par un historien contemporain, Carlo Galli.  Pour lui, la culture conservatrice, la culture de droite, se distingue de la culture progressiste parce qu’elle soutient le primat des devoirs plutôt que celui des droits (privilégiés en revanche par le gauche actuelle).  Mieux encore : elle soutient le primat de la logique supra-individuelle (la Tradition, l’État, la Nation, la Famille, l’Ordre, mais également l’Église) auxquels l’individu doit s’adapter allant, si nécessaire, jusqu’à se sacrifier lui-même : et c’est dans un tel sacrifice que résiderait sa « moralité ».  Pour cette culture, l’homme est un être social ; inséré dans une communauté qui lui donne un « statut » et quasi une identité : voilà pourquoi il s’agit d’une vision substantiellement « organiciste » de la société et des groupes sociaux.

En voulez-vous un exemple, qui remonte précisément à l’aube de la période dont nous parlons ?  Il suffit de lire ce passage de l’encyclique « Mystici corporis » de Pie XII du 29 juin 1943 : « De plus, le corps dans la nature n’est pas formé d’un assemblage quelconque de membres, mais il doit être muni d’organes, c’est-à-dire de membres qui n’aient pas la même activité et qui soient disposés dans un ordre convenable. L’Eglise, de même, doit son titre de corps surtout à cette raison qu’elle est formée de parties bien organisées, normalement unies entre elles, et pourvue de membres différents et accordés entre eux. C’est bien ainsi que l’Apôtre représente l’Eglise, lorsqu’il dit : De même que nous avons plusieurs membres dans un même corps, et que tous les membres n’ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous ne faisons qu’un seul corps dans le Christ, et chacun en particulier, nous sommes membres les uns des autres (Rom 12, 4) ».  Donc, l’Église y était présentée comme un corps composé « organiquement » et « hiérarchiquement ».

Le « paradigme conservateur » comprenait une vision dramatique de l’existence, parce que le but de la vie n’est pas le bonheur.  La vie est une suite d’épreuves et de combats, comme on peut le déjà le lire dans le livre de Job (« militia est vita hominis super terram ») et en elle sont nécessaires les vertus du combattant : la capacité de sacrifice, l’honneur, le courage, l’obéissance, la fidélité.  D’où l’agacement et le mépris pour une vision quiétiste ou matérialiste de l’existence, pour la grisaille bourgeoise.  Don Giuseppe De Luca, dans un écrit mémorable de février 1939, avait parlé du « chrétien comme un anti-bourgeois ».

Une partie de cette culture se préoccupait d’une « question juive » dans le monde contemporain, face à laquelle elle adoptait une palette d’attitudes que l’on ne peut pas réduire – comme on le fait trop souvent aujourd’hui – à l’antisémitisme : mais il était déjà significatif qu’elle considérât le judaïsme comme une « question ».  Le juif pouvait être le paradigme du « bourgeois », du capitaliste, de l’esprit intellectualiste, du cosmopolite, du révolutionnaire sans Dieu mais également, d’une certaine manière, du grand frère, dont on attend la conversion finale, dans une attitude de respect et de confiance.

Ce n’est pas un hasard – pour donner une idée de ce que je j’entends par « culture conservatrice » – qu’elle se réfère à des exemples tirés de la culture religieuse.  Parce qu’il est indéniable que l’Église entretenait une relation très étroite avec cette culture.  Celle-ci – nous l’avons vu – se présentait comme une institution hiérarchique, dotée de sacralité et d’universalité.  Elle soulignait son caractère « militant » contre les erreurs du siècle et leurs chantres.  Elle incarnait le principe d’autorité.  « Le pouvoir politique du catholicisme – écrivait Caral Schmitt en 1923 – ne repose ni sur les moyens de puissance économique ni sur ceux de la puissance militaire.  Indépendamment de ceux-ci, l’Église possède ce ‘pathos’ de l’autorité dans sa pleine pureté ».

Or, tout cet univers conceptuel, ce foisonnement d’idées, de sentiments, d’antagonismes idéaux, a été balayé à la fin des fascismes.  Dans l’Europe d’après 1945 (et pratiquement jusqu’à aujourd’hui), ce fond culturel n’est plus acceptable dans le monde des idées et de la culture et dans les médias qui la diffusent.  L’Église s’était rendue compte à temps du caractère problématique de ce rapport : il suffit de penser à la condamnation de « l’Action Française » par Pie XI en 1926 et à ses conséquences (la naissance du progressisme catholique français dans laquelle émerge la figure de Jacques Maritain, un ex-disciple de Maurras) ; et aux deux messages de Noël radiodiffusés de Pie XII de 1942 et de 1944, le premier consacré à l’ « ordre interne des nations », le second au « problème de la démocratie ».  Avec eux s’éteint tout agnosticisme institutionnel, on constate que les totalitarismes sont des interlocuteurs peu dignes de confiance, on considère désormais la démocratie comme le régime du futur et on insiste sur la dignité de la personne humaine comme ligne directrice de la vision politique catholique.

Pour résumer : dans le nouveau contexte de l’après-1945, le vocabulaire et l’univers conceptuel sur lesquels le monde catholique et le magistère s’appuyaient jusqu’à quelques années auparavant étaient désormais devenus pratiquement inutilisables.  Dans le monde de l’après-guerre, personne n’était plus certain du primat des instances supra-individuelles par rapport à l’individu ni de la logique hiérarchique qu’un tel primat supposait.  Peu étaient disposés à croire que l’obéissance, le sacrifice, l’abnégation étaient encore des virtus.  Cette mutation – je le répète – ne fut pas immédiate : pour qu’elle parvienne à sa pleine maturité, il faudra attendre le début des années soixante, avec la fin de la guerre froide et le déclin de la génération d’avant-guerre, c’est-à-dire précisément les années du Concile.  Le changement de langage que certains (comme le jésuite John O’Malley) ont identifié comme étant l’une des principales nouveautés de Vatican II ne découle donc pas uniquement d’exigences « ab intra » mais également des profondes transformations qui étaient à l’œuvre dans ce monde auquel le Concile entendait s’adresser.

3. La montée de la démocratie en Europe occidentale et la diffusion d’un nouvel éthos de la démocratie

Nous sommes tous conscients de l’importance de la montée de la démocratie après la seconde guerre mondiale dans plusieurs pays majeurs d’Europe occidentale : des pays qui avaient une tradition culturelle et politique qui leur avait toujours été hostile (Allemagne) ou dans lesquels il existait une division historique radicale sur ses valeurs (France).

Il est significatif que les deux conférences épiscopales les plus actives dans l’action de rénovation de Vatican II aient justement été celles d’Allemagne et de France.  Mais le sujet concerne également l’Italie si l’on se souvient de la célèbre controverse de l’état 1945 entre Benedetto Croce et Ferruccio Parri.  Pouvait-on considérer l’Italie préfasciste comme une démocratie ?  Ou bien cette démocratie naissante était-elle une nouveauté absolue ?

La rencontre entre l’Église catholique et la démocratie fut également favorisée par l’émergence ou la réémergence des partis démocrates chrétiens dans les plus importants pays d’Europe occidentale et le fait qu’ils sont rapidement devenus des forces de majorité et de gouvernement : la CDU-CSU en Allemagne Occidentale, le MRP en France, la DC en Italie, le PSC en Belgique.  On aurait dit la renaissance de l’Europe carolingienne, que Pie XII observait avec beaucoup d’espoir (il était un peu plus circonspect concernant l’atlantisme, après y avoir été un premier temps favorable), et la Grande-Bretagne avec de plus en plus de détachement : trop de catholiques au pouvoir ! – pensaient les leaders des partis anglais.

La nouvelle approche de l’Église fut également favorisée par un autre élément.  Dans le contexte des nouvelles démocraties, l’économie qui commençait à prospérer était principalement « mixte », elle visait à la construction d’un État‑providence en se basant sur la concertation entre les gouvernements et les forces syndicales.  Elle était en fait le fruit du mariage entre le libéralisme économique et la démocratie sociale.  Et c’est justement ce modèle qui émerge de la constitution conciliaire « Gaudium et spes » (65b) : « Le développement ne peut être laissé ni au seul jeu quasi automatique de l’activité économique des individus, ni à la seule puissance publique. Il faut donc dénoncer les erreurs aussi bien des doctrines qui s’opposent aux réformes indispensables au nom d’une fausse conception de la liberté, que des doctrines qui sacrifient les droits fondamentaux des personnes et des groupes à l’organisation collective de la production ».

Mais la démocratie qui était en train de naître en Europe occidentale n’était pas seulement un régime politique.  Elle était le reflet d’une situation sociale inédite : l’avènement définitif d’une société de masse, à tendance égalitaire dans les coutumes et les goûts qui étaient propagés, une société dans laquelle il n’existait plus aucune barrière à une américanisation croissante des mœurs.  Cette question était donc inévitable : quels défis ce nouvel éthos démocratique, cette société de masse qui s’imposait posaient-ils à l’Église ?  À une Église qui se concevait encore essentiellement comme une institution hiérarchique, à la manière d’un État monarchique absolu dont les fidèles sont les « sujets ».  Et cela dans un monde où les États de ce genre n’existaient plus ou, s’ils existaient, étaient considérés comme des reliques du passé.  Comment peut-on penser que cette démocratisation de la société, des modes de consommation et des mœurs n’aurait aucun effet sur les comportements du peuple catholique ?

Quelques géniaux observateurs du XIXe siècle avaient déjà prédit que les religions allaient être transformées par l’avènement de la démocratie.  Alexis de Tocqueville en 1840 (« La démocratie en Amérique », II, 1, chap. V et VI) avait perçu comme étant irrésistible, dans les sociétés démocratiques, aussi bien la tendance à l’œcuménisme : « Il me paraît évident que plus les barrières qui séparaient les nations dans le sein de l’humanité, et les citoyens dans l’intérieur de chaque peuple, tendent à disparaître, plus l’esprit humain se dirige, comme de lui-même, vers l’idée d’un être unique et tout-puissant, dispensant également et de la même manière les mêmes lois à chaque homme. » ; que la simplification liturgique et la fin progressive des dévotions : « Une autre vérité me paraît fort claire : c’est que les religions doivent moins se charger de pratiques extérieures dans les temps démocratiques que dans tous les autres. […]  C’est donc particulièrement dans ces siècles de démocratie qu’il importe de ne pas laisser confondre l’hommage rendu aux agents secondaires avec le culte qui n’est dû qu’au Créateur. » ; que l’antiformalisme : « Les hommes qui vivent dans ces temps [démocratiques] supportent impatiemment les figures ; les symboles leur paraissent des artifices puérils dont on se sert pour voiler ou parer à leurs yeux des vérités qu’il serait plus naturel de leur montrer toutes nues et au grand jour ; ils restent froids à l’aspect des cérémonies et ils sont naturellement portés à n’attacher qu’une importance secondaire aux détails du culte.  […] Une religion qui deviendrait plus minutieuse, plus inflexible et plus chargée de petites observances dans le même temps que les hommes deviennent plus égaux, se verrait bientôt réduite à une troupe de zélateurs passionnés au milieu d’une multitude incrédule. »

Il est bien évident que la nouvelle sensibilité démocratique posait quelques problèmes notamment par rapport à l’usage généralisé de la langue latine dans la liturgie catholique.  Cette dernière – on l’a répété à de nombreuses reprises pendant le Concile – était un élément « occidental » dans une Église qui ne voulait plus se présenter comme intrinsèquement liée à l’Occident (surtout dans les anciennes colonies) ; et était en outre une langue qui excluait une grande partie des fidèles de la participation à l’action liturgique et à sa pleine compréhension.  Je sais bien que l’adoption des langues nationales découlait d’un mouvement de longue date comme le mouvement liturgique, qui avait suscité beaucoup d’intérêt dans le monde catholique et trouvé une oreille attentive juste dans la hiérarchie.  Mais celle-ci répond également au « Zeitgeist » de la seconde moitié du XXe siècle.  Un grand pédagogue italien, en 1885 déjà, avait posé le problème dans ses termes essentiels : je veux parler d’Aristide Gabelli, un savant démocrate et laïque au-dessus de tout soupçon.  Après avoir constaté que « soufflait, de manière plus ou moins violente, dans tous les pays cultivés, un vent contraire à l’instruction classique » et que ce vent provenait d’il y a plus de cent ans, à l’époque de la révolution française, il avait cherché à retrouver « la raison ultime du mal-être et de l’inquiétude » qu’il identifiait précisément en ces termes : « le caractère de l’instruction classique ne s’accorde plus avec celui de l’époque.  L’instruction classique est par nature aristocratique et l’époque est démocratique.  Cela peut faire mal de l’entendre parce que la démocratie n’aime pas tellement être appelée par son nom, mais c’est la vérité.  L’instruction classique est, par sa substance, par sa forme, par son intention, en contradiction avec les inclinations de la démocratie ».

Mais le nouvel éthos démocratique, qui était en train de faire son chemin dans le monde catholique et dans des pans importants de la hiérarchie, outre la rénovation de la liturgie, ouvrait la sensibilité à une série d’exigences qui trouvèrent un large écho dans Vatican II.

Le thème de la collégialité (voir « Lumen gentium ») avait certes une longue histoire mais que l’on pense à la nouvelle exigence de garantisme au sein de l’institution ecclésiastique et aux fortes critiques face aux procédures du Saint-Office (les souvenir des persécutions contre les modernistes étaient encore vivaces et l’historiographie était en train de les remettre à jour).  On se rappellera à ce sujet de la mémorable controverse du 8 novembre 1963 entre le cardinal de Cologne Josef Frings et le cardinal de la Curie Alfredo Ottaviani, au cours de laquelle Mgr Frings avait martelé que la procédure du Saint-Office « n’était plus en phase avec notre époque, qu’elle nuisait à l’Église et était l’objet de scandales pour beaucoup. […]  Personne ne devrait être jugé et condamné sans être entendu et sans avoir eu la possibilité de corriger ses actes et ses actions ».  Et on sait bien que le 6 décembre 1965 la décision était prise d’abolir l’Index des livres interdits et de transformer le Saint-Office en Congrégation pour la doctrine de la foi.

Mais le « pluralisme » aussi s’imposait d’une certaine manière : à l’intérieur des États mais aussi sous certaines formes au sein de l’Église.  D’où le grand thème de la liberté religieuse, massivement soutenu par l’épiscopat américain, qui aurait voulu l’affirmation du binôme : liberté religieuse et séparatisme.  Il me semble comprendre que le thème de la liberté religieuse soit encore aujourd’hui un « punctum dolens » pour les critiques radicaux de Vatican II.  Je m’efforce de comprendre leur difficulté face à la rupture avec la doctrine précédente et avec la pratique politique que celle-ci impliquait (appui de l’État, pratique concordataire), tout comme leur crainte que la liberté religieuse ne signifie en quelque sorte un indifférentisme de fond.  Mais je ne comprends pas bien quel type d’Etat ils ont en tête : un État confessionnel ? Comment peut-on nier à l’homme contemporain la liberté religieuse ?  Comment peut-on être tiède sur un tel problème alors que cette liberté est bafouée dans tant d’endroits du monde ?

Paul VI l’avait très bien compris et son engagement en la matière était bien connu.  Ce Pape considérait le thème de la liberté religieuse comme étant fondamental précisément pour maintenir un pont avec le monde contemporain : son principal conseiller théologique, l’évêque Carlo Colombo, dans une intervention en séance à l’octobre 1964, avait affirmé que la déclaration sur la liberté religieuse était « de la plus haute importance », surtout parce que les hommes cultivés auraient vu en elle une clé du dialogue entre la doctrine catholique et la mentalité moderne : « Pour nous, en Italie – avait-il déclaré –, c’est le point crucial d’un dialogue possible ou d’une rupture définitive entre la doctrine contemporaine et l’entendement de l’homme contemporain ».  Et l’année suivante, alors qu’il s’apprêtait à partir pour New York, Paul VI avait fait part à l’évêque belge Mgr De Smedt (l’un des pères de « Dignitatis humanae ») de toute sa satisfaction sur le texte, en ajoutant : « Ce document est capital.  Il fixe l’attitude de l’Église pour plusieurs siècles.  Le monde l’attend. »

« Le monde l’attend » : là encore émergeait le besoin d’une attitude de dialogue avec l’homme contemporain.  Nous n’étions qu’en 1960, donc encore avant Vatican II, quand le théologien jésuite américain Gustave Weigel avait observé que le mot « dialogue » apparaissait si souvent dans les journaux et les revues qu’il commençait à ressembler à « un slogan et à un lieu commun ».  Le principe dialogique répondait à l’éthos démocratique qui était en train d’envahir la société occidentale : c’est sur lui que portait la réflexion philosophique des années précédentes, du juif Martin Buber dans les années vingt au catholique Hans Urs von Balthasar, mais il faut également rappeler l’italien et ultra-laïc Guido Calogero.  Le principe du dialogue, du « colloquium » est au centre – comme on sait – de la première encyclique de Paul VI, publiée le 6 août 1964, « Ecclesiam suam », dans laquelle le mot « dialogue » apparaît pas moins de 57 fois : « Avant même de convertir le monde, bien mieux, pour le convertir, il faut l’approcher et lui parler ».

Pourtant, la déclaration la plus attendue par le monde de ce début des années soixante fut sans doute celle sur le rapport entre l’Église et le monde juif, « Nostra aetate ».  La déclaration sur les juifs est devenue le centre de l’attention des journaux et de l’opinion publique comme aucun autre document du Concile.  Nous savons presque toute de sa genèse (le rapport de Roncalli avec les juifs, sa rencontre en 1960 avec Jules Isaac, etc.) mais cet événement également doit être remis dans son contexte.

Vers 1960, la mémoire de la Shoah, qui n’avait pas été approfondie depuis longtemps, acquiert une place de plus en plus centrale dans l’opinion publique : l’affaire d’Adolf Eichmann, enlevé en 1930, jugé en 1961 et pendu quelques minutes avant minuit le jeudi 31 mai 1962, fut déterminante en ce sens.  L’affirmation de « Gaudium et spes » (79b) semble être une réflexion sur cette affaire : « Les actions qui leur sont délibérément contraires sont donc des crimes, comme les ordres qui commandent de telles actions ; et l’obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. Parmi ces actions, il faut compter en tout premier lieu celles par lesquelles, pour quelque motif et par quelque moyen que ce soit, on extermine tout un peuple, une nation ou une minorité ethnique : ces actions doivent être condamnées comme des crimes affreux, et avec la dernière énergie. Et l’on ne saurait trop louer le courage de ceux qui ne craignent point de résister ouvertement aux individus qui ordonnent de tels forfaits ».  Le Concile était ouvert depuis à quelques mois à peine au moment de la mise en scène à Berlin, le 20 février 1963, de la pièce « Der Stellvertreter » de Rolf Hochhuth, qui, en popularisant la « légende noire » de Pie VII, a contribué à changer radicalement l’opinion dominante sur le rôle joué par l’Église catholique au XXe siècle.

4. Le problème du communisme

Comme on le sait, Vatican II n’a pas réitéré la condamnation du communisme qui datait au moins de « Divinis Redemptoris » en 1937.  Dans « Gaudium et spes », qui traite des rapports entre l’Église et le monde, le Concile passe en substance le sujet sous silence : aussi bien en tant que régime politique (à une époque où sur une population mondiale de trois milliards de personnes, plus de la moitié gravitait dans le bloc des Pays communistes, où vivaient plus de cent millions de catholiques, presque un sixième des 570 millions à travers le globe), qu’en tant qu’idéologie, qui à cette époque se propageait comme une traînée de poudre dans la politique et dans la culture aux quatre coins du monde.  Dans les « vota » des évêques au cours de la phase préparatoire du Concile, une telle condamnation avait été réclamée à plusieurs reprises : certains la considéraient même comme le but fondamental de l’assemblée qui était sur le point de s’ouvrir.  Dans la dernière session, 454 pères avaient présenté un amendement en ce sens à « Gaudium et spes » qui ne fut pas pris en considération, peut-être à travers une irrégularité de procédure.  Le silence fut d’une importance telle – écrit Andrea Riccardi – « à accréditer la rumeur d’un accord explicite entre le Patriarcat de Moscou et le Saint-Siège ».

On a longtemps discuté et l’on discutera encore de l’existence d’un tel accord, mais ce n’est pas ici le lieu pour rouvrir cette question, pas plus que celle d’examiner la manière dont le discours sur le communisme a évolué pendant cette période dans les différents documents pontificaux : de l’encyclique « Pacem in terris » de Jean XXIII du 11 avril 1963 (distinction entre erreur et ceux qui la commettent ; distinction entre idéologie et mouvements historiques ; possibilité d’un rapprochement pratique) à « Ecclesiam suam » de Paul VI du 6 août 1964 dans laquelle, après avoir répété la condamnation, mais avec une argumentation indirecte (« En un sens, ce n’est pas tant nous qui les condamnons qu’eux-mêmes, les systèmes et les régimes qui les personnifient, qui s’opposent à nous radicalement par leurs idées et nous oppriment par leurs actes. Notre plainte est, en réalité, plutôt gémissement de victimes que sentence de juges. »), on exprime l’espérance d’un futur dialogue : « Nous ne désespérons pas de les voir un jour ouvrir avec l’Eglise un autre dialogue positif, différent de l’actuel obligatoirement limité à déplorer et à nous plaindre ».

Désormais, nous savons beaucoup de choses sur la manière dont s’est développée la politique de Jean XXIII envers l’URSS et le monde communiste et sur le rôle que les interlocuteurs italiens ont joué : la galaxie qui gravitait autour du chrétien-démocrate Amintore Fanfani et son néo-atlantisme ainsi que les personnalités catholiques proches du Parti communiste italien et de son leader Palmiro Togliatti (de don Giuseppe De Luca à Franco Rodano).  De ce point de vue, la conférence tenue par Togliati le 20 mars 1963 au Teatro Duse de Bergame sur « le destin de l’homme » est d’une grande importance.

Le secrétaire communiste est explicitement entré dans le débat conciliaire.  Avant tout, il a abordé le rapport entre catholiques et communistes d’une nouvelle manière : « Nous n’acceptons plus – a-t-il dit – la conception, naïve et erronée selon laquelle l’extension des connaissances et la mutation des structures sociales suffirait à déterminer des modifications radicales [de la conscience religieuse].  Une telle conception, dérivée de l’Illuminisme du XVIe siècle et du matérialisme du XVIIIe siècle, n’a pas résisté à l’épreuve de l’histoire.  Les racines sont plus profondes, les transformations se déroulent d’une autre manière, la réalité est plus complexe ».

Il a ensuite repris plusieurs thèmes qui étaient chers au monde catholique et à la diplomatie pontificale : la nécessité de la paix et la critique de l’équilibre de la terreur.  Les conséquences politiques que Togliatti en tirait sont intéressantes : « le refus de participation de notre pays à quelque sorte d’armement atomique que ce soit, la condamnation explicite de la politique fondée sur le soi-disant équilibre de la terreur, et ainsi de suite… ».

Enfin, il souligne avec satisfaction l’échec de l’anticommunisme.  L’entreprise anticommuniste de l’Église de Pie XII – dit-il – a été l’ultime manifestation de ce qu’on appelle « l’âge de Constantin », c’est-à-dire de l’alliance entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel.  Ici, Togliatti faisait une référence explicite au célèbre article du théologien dominicain Marie-Dominique Chenu paru en 1961 : l’un des textes de base pour comprendre les motivations de la majorité conciliaire.  Et il polémiquait durement avec la chef de la minorité, le cardinal Ottaviani, qui persévérait dans son anticommunisme : « Votre discours – avait déclaré le leader communiste – est celui d’un vaincu.  N’est-il donc pas vrai que le cardinal Ottaviani ait été celui qui, ayant élaboré les documents préparatoires du récent Concile œcuménique dans une certaine direction, a été contredit par le Concile lui-même, parce que ses positions de politique ecclésiastique ont été vigoureusement rejetées par la majorité des pères conciliaires ?  Et il s’est battu, si nous ne nous trompons pas, justement parce qu’il semblait il y avoir, dans la majorité, une sollicitude à rechercher des positions qui soient adaptées aux nouvelles réalités du monde d’aujourd’hui ».  Le problème fondamental du Concile était à son sens celui de dépasser « l’identification entre monde occidental et monde catholique » qui « fait perdre à l’Église elle-même son caractère universel, œcuménique ».

Pour Togliatti, ce dépassement signifiait avant tout prendre acte qu’il existait dans le monde une « nouvelle articulation complexe des systèmes sociaux et des systèmes étatiques », en pratique un vaste champ de pays socialistes avec lesquels l’Église devait composer.  Il n’y avait rien à craindre : « Aujourd’hui, dans l’Union Soviétique, on ne parle plus de dictature mais d’État de tout le peuple » et l’expérience même des communistes italiens montrait qu’il était possible de conjuguer démocratie et socialisme : « Les campagnes mensongères se décomposent et tombent en pièces.  Celui qui voyage dans les pays de la fameuse ‘Église du silence’ trouve que les églises sont là, souvent bien plus remplies que chez nous ».  Togliatti percevait que le Concile était en train de marquer la fin de l’anticommunisme catholique et pointait du doigt quelques thèmes susceptibles de servir de cadre à un dialogue entre communistes et catholiques : la fin de l’occidentalisme, le problème de la paix, l’opposition aux blocs, la critique de la dissuasion nucléaire.

Tel était le communisme avec lequel les hautes sphères du Vatican partageaient alors leur environnement : aujourd’hui les historiens savent que, par ironie du sort, la persécution des Églises et des communautés chrétiennes en URSS s’est accélérée au début des années 1970, juste au moment où le changement d’attitude envers le communisme se mettait en place au Vatican.  Selon le témoignage de son gendre Alexei Adjubei, le leader soviétique Nikita Khrouchtchev n’avait aucune affinité particulière pour les questions religieuses, au contraire on pourrait dire qu’il partageait intimement les positions antireligieuses du parti : la détente avec le Vatican ne représentait qu’une pièce sur l’échiquier bien plus large des relations internationales.

Je crois que l’on peut affirmer que le problème du communisme est celui sur lequel les choix de Vatican II ont été les plus conditionnées par les contingences historiques et sur lequel la dynamique historique qui l’a suivi a le moins correspondu à ses attentes.  Au début des années 1970, le vrai socialisme était déjà sur le déclin en Europe : la plus grande partie des historiens estime que le tournant décisif a eu lieu en 1956, l’année du XXe congrès et de l’invasion de la Hongrie, le début d’une courbe descendante qui en l’espace de trente ans, allait mener à la chute du mur de Berlin et à la fin de l’URSS.  Mais à l’époque, ils étaient peu à percevoir cette situation.  Ce qui est frappant en revanche, c’est l’aspect dynamique du réformisme khrouchtchévien : le caractère moins oppressif de la censure, les prudentes réformes économique, les succès dans le champ de la missilistique et des premières explorations spatiales.  Et puis surtout, Khrouchtchev avait abandonné les vieilles thèses de Staline sur le caractère inéluctable d’une guerre entre capitalisme et communisme et avait lancé l’idée de la « coexistence » et de la « concurrence » pacifique.  Et lui aussi se déclarait opposé (parce qu’il sentait bien que l’URSS n’aurait pas pu tenir longtemps face à une politique de réarmement américaine) à ce que Togliatti appelait le « soi-disant équilibre de la terreur » et en mai 1958, par un habile acte de propagande, il avait même annoncé un moratoire unilatéral des tests nucléaires dans l’atmosphère.  Alors que l’équilibre de la terreur était en revanche le pivot de la politique américaine : uniquement la guerre nucléaire, donc pas de guerre.

Sur cette dernière stratégie, la condamnation de « Gaudium et spes » (81) était ferme : « En effet, comme on estime que la puissance défensive de chaque camp dépend de la capacité foudroyante d’exercer des représailles, cette accumulation d’armes, qui s’aggrave d’année en année, sert d’une manière paradoxale à détourner des adversaires éventuels. Beaucoup pensent que c’est là le plus efficace des moyens susceptibles d’assurer aujourd’hui une certaine paix entre les nations.  Quoi qu’il en soit de ce procédé de dissuasion, on doit néanmoins se convaincre que la course aux armements, à laquelle d’assez nombreuses nations s’en remettent, ne constitue pas une voie sûre pour le ferme maintien de la paix et que le soi-disant équilibre qui en résulte n’est ni une paix stable, ni une paix véritable ».  Il s’agissait donc d’une position objectivement anti-américaine.

Il émerge des positions de Vatican II sur le communisme un élément de Realpolitik qui se poursuivra même après la chute de Khrouchtchev dans le climat suffocant de l’ère Brejnev.  Une Realpolitik, analogue à cette d’Henry Kissinger du début des années 1970.  La diplomatie ne doit pas imaginer un monde différent, mais s’accommoder du monde tel qu’il est (ou tel qu’il semble être) : sa vocation est de discuter encore et toujours et de parvenir à un accord.  Au sommet du Vatican, mais je dirais même dans la majorité du monde catholique conciliaire et postconciliaire, la certitude que le communisme aurait défié le siècle en Europe était répandue.  Il y avait même peut-être quelque chose en plus : la conviction que le monde allait vers cette direction et qu’il fallait donc s’inscrire dans cette tendance pour la « christianiser ».  Il faudra un pape polonais pour que la situation change radicalement en l’espace de quelques années.

5. Une première conclusion

On a dit et répété qu’avec Vatican II, l’Église catholique avait aurait cherché une rencontre, un dialogue avec la modernité.  Il faut remarquer – soit dit en passant – que le mot « modernité » n’existe pas dans les documents conciliaires.  Ceux-ci emploient cinq fois l’adjectif « moderne » (trois fois dans « Gaudium et spes » et deux fois dans le décret « Ad gentes ») : mais utilisons pour une fois ce mot qui est aujourd’hui tellement à la mode.

Nous pouvons alors dire que ce que nous venons de décrire, quoique de manière très sommaire, c’était la modernité avec laquelle l’Église a cherché à s’accommoder pendant le Concile.  Elle le faisait avec ce qu’on allait appeler quelques années plus tard les « grandes narrations idéologiques du dix-neuvième » : la libéral-démocrate et la marxiste.  Jean XXIII et la majorité conciliaire avaient espéré que l’attitude dialogique, la recherche de la rencontre avec le monde dans toutes ses articulations, aurait rouvert un dialogue qui faisait alors défaut.  Ils espéraient que le monde contemporain se serait à nouveau tourné avec confiance et bienveillance vers une Église qui se montrait davantage « mère » que « magistra », qui exhortait sans condamner, qui n’excluait personne.

Mais les choses se sont déroulées très différemment.  À partir des années du Concile, un processus de déchristianisation des sociétés occidentales, surtout européennes, s’est amorcé, les transformant en sociétés postchrétiennes.  À une prochaine occasion, je tâcherai d’en indiquer brièvement les raisons.

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Pour une vue d’ensemble sur la dispute en cours sur le concile Vatican II, avec l’index de tous les articles de Settimo Cielo sur le sujet:

> Pour ou contre le Concile, l’Église dans la tourmente. Pistes pour une pacification

 

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Date de publication: 31/08/2020