Du “Street art” à la “Street theology”. Les deux visages du pape super-héros

Depuis quel­ques semai­nes, dans les bou­ti­ques de sou­ve­nir aux abords de la pla­ce Saint-Pierre et de ses envi­rons, on peut ache­ter des tee-shirts repré­sen­tant François dégui­sé en “Super-pape”. 

Cette ima­ge ne date pas d’hier.  Elle a fait son appa­ri­tion en 2014 sur une faça­de de via Plauto, à deux pas du Vatican, avant d’ê­tre effa­cée quel­ques heu­res plus tard.  Mais elle a valu la célé­bri­té à son auteur, Mauro Pallotta, un romain de 45 ans qui se fait appe­ler Maupal. 

Depuis lors, elle fait fureur sur le web: 

En octo­bre der­nier, Maupal a de nou­veau repré­sen­té le pape sur un nou­veau graf­fi­ti dans le vico­lo del Campanile, cet­te fois en train de jouer au mor­pion avec le sym­bo­le de la paix, flan­qué d’un gar­de suis­se fai­sant le guet.  Cette fois enco­re, le des­sin fut effa­cé en quel­ques heu­res mais il est lui aus­si entré dans l’hi­stoi­re. 

C’est ain­si que quand une agen­ce de mode a eu l’i­dée de repro­dui­re sur un tee-shirt le pre­mier des deux des­sins, per­son­ne au Vatican ne s’y est oppo­sé.  Bien au con­trai­re, Mgr Dario Viganò, Préfet de la tou­te nou­vel­le Secrétairerie pour la com­mu­ni­ca­tion et très pro­che du pape François, a expri­mé tou­te son appro­ba­tion.  Qui, com­me par hasard, coïn­ci­dait avec cel­le de l’ar­ti­ste lui-même selon lequel le pape François est “un hom­me qui avec sa sim­pli­ci­té et sa gran­de ouver­tu­re aux vrais besoins des gens inspi­re la con­fian­ce et l’e­spé­ran­ce tel un super-héros”. 

Après avoir accep­té de rever­ser les droi­ts d’au­teur à Maupal, la socié­té en que­stion a effec­tué les démar­ches néces­sai­res pour obte­nir l’au­to­ri­sa­tion du vati­can avec un con­trat en bon­ne et due for­me et l’ac­cord final de la Secrétairerie d’Etat. 

En échan­ge du droit de com­mer­cia­li­ser l’i­ma­ge de François en “Super-pape”, le Saint-Siège a obte­nu que 9% du prix de ven­te de cha­que tee-shirt soit rever­sé au Denier de Saint-Pierre, c’est-à-dire au fonds char­gé de récol­ter les dons effec­tués direc­te­ment au pape dans le mon­de entier. 

Jusqu’ici, rien de sur­pre­nant de la part d’un pape tel que Jorge Mario Bergoglio, en par­fai­te sym­bio­se avec les codes média­ti­ques et publi­ci­tai­res. 

Il y a par con­tre un livre, paru il y a un an, qui sur sa cou­ver­tu­re déjà s’in­spi­re lui aus­si de l’art de rue de façon polé­mi­que, et qui sou­lè­ve une série de que­stions sur le bien-fondé de cet adhé­sion en fan­fa­re du pape régnant aux canons actuels de la com­mu­ni­ca­tion: 

L’auteur, Enrico Maria Radaelli, un disci­ple du phi­lo­so­phe suis­se Romano Amerio, est l’u­ne des voix les plus éru­di­tes de la cri­ti­que théo­lo­gi­que des déri­ves de l’Eglise catho­li­que depuis le Concile Vatican II jusqu’à nos jours.  Et il a beau jeu de mon­trer com­ment avec le pape François cet­te déri­ve n’e­st pas seu­le­ment une que­stion d’i­ma­ge mais sur­tout une que­stion de doc­tri­ne. 

Pour lui, la “théo­lo­gie de rue” incar­née par Bergoglio et son magi­stè­re est à la théo­lo­gie clas­si­que ce que le “Street Art” d’un Kendridge ou d’un Basquiat – voi­re même d’un Maupal – est à l’art immor­tel d’un Giotto ou d’un Michel-Ange. 

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso.

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Date de publication: 9/08/2017