Les nominations d’évêques sont le principal instrument par lequel le pape François remodèle la hiérarchie de l’Eglise. Certaines nominations lui tiennent tellement à cœur qu’il n’hésite pas à passer outre toutes les procédures pour s’en charger en personne.
En Argentine, c’était presque toujours le cas. Depuis qu’il est pape, Jorge Mario Bergoglio a décidé personnellement de pratiquement toutes les nouvelles nominations d’évêques dans ce pays.
Mais même en Italie, François se réserve les choix-clés et pas seulement pour les grands diocèses comme Rome, Palerme, Bologne ou Milan mais aussi pour les diocèses de taille moyenne.
Ferrare est l’un de ces diocèses où la nomination d’un nouvel évêque est imminente.
De fait, l’évêque actuel, Mgr Luigi Negri, vient d’atteindre l’âge canonique de 75 ans le 26 novembre dernier et, comme c’est l’usage, il a remis son mandat entre les mains du pape. Le pape peut toujours prolonger le mandat d’un évêque ou bien choisir de procéder immédiatement à son remplacement.
A Ferrare, il n’y a pas eu de prolongation. Et on peut le comprendre. Mgr Negri fait partie de Communion et libération depuis toujours et il a été très proche de son fondateur, Don Giussani. Il fait donc partie de ces évêques qui s’accommodent difficilement au style du pape François.
Les procédures pour sa succession sont pratiquement terminées. Fin janvier, le Nonce en Italie, Adriano Bernardini, a achevé les consultations habituelles, en particulier celles des autres évêques, y compris émérites, d’Emilie Romagne, la région dont Ferrare fait partie et il s’apprête maintenant à rédiger une liste de trois candidats – appelée terna – à envoyer à la Congrégation pour les évêques au Vatican qui l’examinera avant de donner ses indications aux pape.
Parmi les évêques consultés, certains sont sur la même ligne de Mgr Negri, comme Mgr Massimo Camisasca, l’évêque de Reggio Emilia, qui fait également partie de Communion et libération et qui est l’un des héritiers de Don Giussani ou encore comme l’archevêque émérite de Bologne, Mgr Carlo Caffarra, l’un des quatre cardinaux qui ont soumis au pape ces fameux « dubia » sur l’interprétation d’Amoris laetitia.
Mais d’autres sont alignés sur les positions de Bergoglio, comme l’archevêque de Bologne nommé par ses soins, Mgr Matteo Zuppi, ou comme l’évêque de Ravenne, Mgr Lorenza Ghizzoni et de Modène, Erio Castellucci.
Une telle diversité de sensibilités plaide donc en faveur d’une candidature équilibrée qui ne soit pas trop orientée ni dans un sens ni dans l’autre.
Mais il ne faut pas exclure l’hypothèse que le Pape François décide de choisir lui-même un nouvel évêque de son choix, ou même qu’il l’ait déjà choisi.
Le Pape François a placé à la Congrégation pour les évêques une équipe de personnes d’une efficacité redoutable qui lui sont toutes dévouées dans le but de mettre hors-jeu, avec le mandat de Sainte-Marthe, le président de cette Congrégation, le canadien Mgr Marc Ouellet.
Cette équipe est composée du secrétaire du dicastère, le brésilien Ilson de Jesus Montanari, nommé archevêque et appelé à ce nouveau rôle névralgique par Bergoglio lui-même, l’argentin Fabián Pedacchio Leaniz, le discret mais très influent secrétaire personnel du pape et l’italien Fabio Dal Cin, très proche du second.
En outre, ce même Mgr Dal Cin, 52 ans, originaire du diocèse de Vittorio Veneto, pourrait bien être le candidat auquel le pape François pense pour prendre le la tête du diocèse de Ferrare. Peut-être plus encore que Mgr Giancarlo Perego, l’actuel directeur de la pastorale pour les migrants au sein de la Conférence épiscopale italienne, soutenu aussi bien par Mgr Nunio Galantino, le secrétaire général et référent de Bergoglio pour la CEI, que par l’ex-directeur de la Caritas de Bologne, Giovanni Nicolini.
Le P. Nicolini est le fondateur et le supérieur des Familles de la Visitation, une communauté qui s’inspire de Don Giuseppe Dosseti. Cette dernière est liée à l’influent think tank catholique progressiste connu sous le nom d' »école de Bologne » qui avait été fondée par ce même Dossetti, et dont l’historien de l’Eglise Alberto Melloni et le fondateur du monastère de Bose Enzo Bianchi sont les actuels régents et gourous, tous deux ultrabergogliens.
Le bruit court d’ailleurs entre eux que « l’Emilie Romagne est enfin à nous », précisément grâce aux nominations que le pape François s’apprête à faire non seulement à Ravenne mais également dans les diocèses voisins de Rimini dont le titulaire actuel, l’évêque Francesco Lambiasi, a tellement endetté son diocèse qu’il est exposé à un remplacement, pas nécessairement punitif vu ses appuis à Rome et vu les précédents dans le diocèse de Terni pour lequel l’IOR avait du se saigner aux quatre veines afin d’éponger leur dette et dont l’évêque, Mgr Vincenso Paglio avait été ensuite propulsé dans les hautes sphères de la Curie.
Une petite note supplémentaire. L’une des premières décisions de Bergoglio après sa nomination a été de nommer Mgr Paolo Rabbitti à la Congrégation chargée des nominations. Mgr Rabbitti est le prédécesseur de Mgr Negri à Ferrare.
Lorsqu’il avait passé la main à Mgr Negri, il lui avait légué un diocèse dans un état désastreux, avec des comptes en pagaille et – comme si cela ne suffisait pas – une nébuleuse de séminaristes peu fiables récupérés ça et là d’autres diocèses qui les avaient refusés.
Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.