C’est la guerre entre théologiens sur les « notes » du pape Ratzinger. Une attaque et une riposte.

Les « notes » du pape émé­ri­te Benoît XVI sur le scan­da­le des abus sexuels dans l’Église catho­li­que ont enflam­mé les déba­ts dans le mon­de entier, et nous en don­nons en exem­ple dans cet arti­cle.

Le tex­te qui suit est la répon­se d’un émi­nent théo­lo­gien amé­ri­cain, Robert Imbelli, à l’attaque fron­ta­le lan­cée con­tre Joseph Ratzinger par deux hau­ts repré­sen­tan­ts de l’Association alle­man­de des théo­lo­giens pour l’étude de la mora­le, les pro­fes­seurs Christof Breitsameter et Stephan Goertz.

On peut trou­ver l’original en alle­mand du tex­te de ces deux théo­lo­giens sur le site de la con­fé­ren­ce épi­sco­pa­le alle­man­de :

> Moraltheologen kri­ti­sie­ren Benedikt-Text: “Misslungener Beitrag”

Les ver­sions en ita­lien et en anglais sont dispo­ni­bles sur ces autres pages de Settimo Cielo :

> Prisoner of Prejudice

> Prigioniero del pre­giu­di­zio

Des théologiens sans théologie

de Robert P. Imbelli

Deux repré­sen­tan­ts de l’Association alle­man­de des théo­lo­giens pour l’étude de la mora­le ont publié un com­men­tai­re cri­ti­que de la récen­te ana­ly­se menée par le pape émé­ri­te Benoît XVI sur les ori­gi­nes et les cau­ses de la cri­se des abus qui acca­ble l’Église.

Les pro­fes­seurs Christof Breitsameter et Stephan Goertz por­tent plu­sieurs accu­sa­tions con­tre Benoît XVI.  Ils pré­ten­dent qu’il accu­se les bou­le­ver­se­men­ts sociaux des années soi­xan­te et la révo­lu­tion sexuel­le d’être la seu­le cau­se de la cri­se plu­tôt que d’admettre la cul­pa­bi­li­té insti­tu­tion­nel­le de l’Église en tant que tel­le.

Ils sont par­ti­cu­liè­re­ment aga­cés par ses cri­ti­ques sur les déve­lop­pe­men­ts de la théo­lo­gie mora­le des années soi­xan­te qui, selon Benoît, encou­ra­ge une appro­che au cas par cas finis­sant par débou­cher sur un rela­ti­vi­sme moral.  Ils pré­ten­dent que cet­te mise en cau­se est inju­ste et non fon­dée et que la théo­lo­gie mora­le pra­ti­quée par les mem­bres de leurs asso­cia­tion affir­me elle aus­si des abso­lus moraux tels que l’inhumanité de la pei­ne de mort.

Sans même vou­loir défen­dre la moin­dre ligne de l’analyse du pape émé­ri­te, deux aspec­ts du rai­son­ne­ment de ces cri­ti­ques me sem­blent déplo­ra­bles et symp­to­ma­ti­ques.

En pre­mier lieu, le sty­le géné­ral de leur répon­se indi­gnée me fait pen­ser au réfle­xe d’auto-défense d’une cor­po­ra­tion encli­ne à pro­té­ger ses pri­vi­lè­ges et ses pré­ro­ga­ti­ves con­tre tou­te cri­ti­que exter­ne.

En second lieu, même si les signa­tai­res se pré­sen­tent com­me des spé­cia­li­stes de la théo­lo­gie mora­le, leurs affir­ma­tions con­tien­nent très peu d’éléments étant  suscep­ti­bles d’être qua­li­fiés de « théo­lo­gi­ques ».  Ce qui est au cen­tre des préoc­cu­pa­tions du pape Benoît, c’est la que­stion pro­pre­ment théo­lo­gi­que de la per­te du sens signi­fi­ca­tif de Dieu dans la cul­tu­re con­tem­po­rai­ne et d’un gra­ve déclin dans la con­cep­tion et dans la pra­ti­que eucha­ri­sti­que dans une gran­de par­tie de l’Église actuel­le.

En revan­che, la décla­ra­tion de ces émi­nen­ts pro­fes­seurs , mem­bres d’une asso­cia­tion qui étu­die la théo­lo­gie mora­le, ne con­tient aucu­ne réfé­ren­ce ni à Dieu ni à son Christ.  Elle est tota­le­ment dépour­vue du moin­dre signe d’engagement exi­geant en faveur d’une vision et d’une pra­ti­que eucha­ri­sti­que fon­dée sur la pré­sen­ce réel­le de Jésus Christ.

Malgré qu’ils aient l’outrecuidance d’accuser le pape Joseph Ratzinger de pra­ti­que une « appro­che appro­xi­ma­ti­ve de la théo­lo­gie », ils sont eux-mêmes inca­pa­bles de mani­fe­ster le moin­dre sens d’une théo­lo­gie en tant que disci­pli­ne ecclé­sia­le gou­ver­née par la « règle de la foi ».  Bien au con­trai­re, l’impression qu’ils don­nent c’est que c’est la cul­tu­re con­tem­po­rai­ne qui four­nit les stan­dards de vie authen­ti­que à laquel­le l’Église devrait se sou­met­tre.  Mais cela, ce n’est plus l’approche du véri­ta­ble « aggior­na­men­to » mais plu­tôt une capi­tu­la­tion tota­le à la cul­tu­re mon­dai­ne.

Nul besoin donc d’être un théo­lo­gie « con­tex­tuel » pour se deman­der si l’Association alle­man­de pour l’étude de la théo­lo­gie mora­le n’est pas en réa­li­té une asso­cia­tion de pro­fes­seurs d’éthique qui avan­ce à tâtons vers une com­pré­hen­sion de la bel­le vie que les cathè­dres uni­ver­si­tai­res finan­cées par l’État dans une socié­té post-capitaliste offrent à leurs occu­pan­ts.

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso.

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Date de publication: 22/04/2019