Aux États-Unis, les chrétiens diminuent et les sans religion augmentent. Mais Trump garde ses fidèles partisans

À la veil­le des élec­tions pré­si­den­tiel­les du 3 novem­bre pro­chain, l’Amérique, fébri­le, s’interroge sur la mesu­re dans laquel­le l’appartenance reli­gieu­se influe­ra sur les élec­tions.

C’est la que­stion à laquel­le a répon­du le Pew Research Center on Religion and Public Life de Washington dans une gran­de enquê­te publiée le 17 octo­bre qui va bien au-delà du scru­tin puisqu’elle dres­se un véri­ta­ble pano­ra­ma du pay­sa­ge reli­gieux amé­ri­cain.

Cette enquê­te four­nit deux résul­ta­ts impor­tan­ts qui sont liés entre eux.  D’une part le net déclin des chré­tiens et de l’autre la for­te aug­men­ta­tion des « None », c’est-à-dire de ceux qui se décla­rent athées, agno­sti­ques ou à tout le moins sans une quel­con­que appar­te­nan­ce reli­gieu­se.

> In U.S., Decline of Christianity Continues at Rapid Pace. An Update on America’s Changing Religious Landscape

L’enquête con­fir­me le déclin de ce qui, à la fin du ving­tiè­me siè­cle enco­re, distin­guait les États-Unis des autres nations occi­den­ta­les déser­ti­fiées par la sécu­la­ri­sa­tion : la per­si­stan­ce chez eux d’un abon­dant « mar­ché » reli­gieux chré­tien.

Aujourd’hui, cet­te excep­tion amé­ri­cai­ne s’est lar­ge­ment estom­pée.

Au cours des dou­ze der­niè­res années, aux États-Unis, les chré­tiens sont tom­bés de 75% à 65% de la popu­la­tion adul­te, et les catho­li­ques sont descen­dus de 24% à 20% alors que les « None » sont pas­sés de 16% à 26%, soit tren­te mil­lions de plus en chif­fres abso­lus.

La chu­te des chré­tiens et la mon­tée en puis­san­ce des « None » est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tan­te par­mi les uni­ver­si­tai­res, les habi­tan­ts du Nord-Est les élec­teurs du par­ti démo­cra­te et sur­tout chez les « mil­le­nial », c’est-à-dire ceux qui sont nés entre 1981 et 1996 et qui ont aujourd’hui entre 25 et 40 ans.  Chez ces der­niers, désor­mais, les chré­tiens et les « None » font jeu égal et se dispu­tent cha­cun 40% du total.

La fré­quen­ta­tion des égli­ses a éga­le­ment bais­sé.  Alors qu’il y a dix ans, 54% des amé­ri­cains alla­ient à l’église au moins une fois par mois et que 45% n’y alla­ient que quel­ques jours par an ou jamais, aujourd’hui le rap­port s’est com­plè­te­ment inver­sé : les pre­miers ont chu­té à 45% tan­dis que les seconds s’élèvent à 54%.  Ceux qui ne met­tent jamais les pieds dans une égli­se sont aujourd’hui 27%, soit plus d’un quart des Américains.

La pra­ti­que reli­gieu­se est un peu plus mar­quée chez les afro-américains, ils sont majo­ri­tai­res dans la popu­la­tion qui va à l’église au moins une fois par mois, même s’ils sont moins nom­breux qu’auparavant.  Mais chez les hispa­ni­ques, la pro­por­tion de ceux qui vont à l’église et de ceux qui n’y vont pas est iden­ti­que, alors que chez les blancs non-hispaniques, ceux qui ne vont jamais à l’église sont désor­mais plus nom­breux.

Toujours chez les hispa­ni­ques, les catho­li­ques, qui éta­ient enco­re en net­te majo­ri­té il y a dix ans, ont aujourd’hui chu­té à 47%.  Avec là enco­re une net­te crois­san­ce des « None » qui sont à pré­sent 27%.

Aussi bien les catho­li­ques que les pro­te­stan­ts ont sur­tout bais­sé dans les zones où ils éta­ient histo­ri­que­ment davan­ta­ge pré­sen­ts, avec un flé­chis­se­ment de 9% pour les catho­li­ques du Nord-Est et de 11% pour les pro­te­stan­ts du Sud.

Mais par­mi les pro­te­stan­ts, même s’ils ont dimi­nué dans l’ensemble, ceux qui se décla­rent « evan­ge­li­cal » ou « born again », nés à nou­veau, sont aujourd’hui en aug­men­ta­tion, pas­sant de 56% à 58% en dix ans.

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Mais dans quel­le mesu­re ces orien­ta­tions reli­gieu­ses pèseront-elles sur les choix élec­to­raux ?

La chu­te des chré­tiens et la mon­tée en puis­san­ce des « None » est beau­coup plus impor­tan­te chez les démo­cra­tes que chez les répu­bli­cains.

Chez les démo­cra­tes, les chré­tiens ont chu­té en dix ans de 72% à 55% et les « None » sont pas­sés de 20% à 34%.

Par con­tre, chez les répu­bli­cains, les chré­tiens con­ti­nuent à for­mer 79% et les « None » à pei­ne 16% du total, deux sco­res très pro­ches des chif­fres d’il y a dix ans.

Les deux par­tis se dif­fé­ren­cient éga­le­ment en ce qui con­cer­ne la fré­quen­ta­tion des égli­ses.  Chez les démo­cra­tes, ceux qui ne vont jamais ou pre­sque jamais à l’église sont aujourd’hui net­te­ment majo­ri­tai­res, soit 61%, alors que chez les répu­bli­cains, la majo­ri­té, soit 54%, con­ti­nue à aller à l’église une fois par mois.

Chez les répu­bli­cains, les dif­fé­ren­ces d’appartenance et de pra­ti­que reli­gieu­se entre blancs, noirs et hispa­ni­ques sont mini­mes.

Par con­tre, chez les démo­cra­tes, l’éloignement de la reli­gion est sur­tout mar­qué chez les blancs.  Parmi eux, ceux qui se décla­rent chré­tiens sont désor­mais en mino­ri­té, à 47%, et ils sont 70% à ne jamais met­tre les pieds à l’église.

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Dans une autre enquê­te publiée en mars der­nier, le Pew Research Center a cal­cu­lé que la majo­ri­té des citoyens amé­ri­cains con­si­dè­rent que l’influence du chri­stia­ni­sme sur la socié­té amé­ri­cai­ne est en train de bais­ser.

Ce qui n’empêche pas une bon­ne moi­tié de la popu­la­tion de sou­hai­ter que la Bible con­ti­nue à influen­cer les lois.

C’est sur­tout dans la popu­la­tion blan­che de con­fes­sion pro­te­stan­te « evan­ge­li­cal » que l’on retrou­ve un lien fort entre reli­gion et poli­ti­que.

Les amé­ri­cains sont divi­sés sur la défi­ni­tion pré­ci­se de la reli­gion de Donald Trump.  Mais deux blancs « evan­ge­li­cal » sur trois le con­si­dè­rent « reli­gieux », « hon­nê­te », « intel­li­gent » et qua­tre sur cinq con­si­dè­rent qu’il « se bat pour ce en quoi je crois ».

Il faut donc s’attendre que ce soit sur­tout auprès des blancs « evan­ge­li­cal » que Trump récol­te­ra le plus de voix.

POST SCRIPTUM – Un son­da­ge de Real Clear Opinion Research publiée le 19 octo­bre attri­bue à Biden 52% des votes des élec­teurs catho­li­ques con­tre 40% à Trump, mais cet­te dif­fé­ren­ce entre eux deux tom­be à 48% con­tre 42% de ceux qui vont à la mes­se tous les diman­ches.

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso.

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Date de publication: 19/10/2020