Asia Bibi au Pakistan, Ahok en Indonésie. L’islam intolérant se répand

L’Indonésie est le pays qui compte le plus grand nombre de musulmans au monde, soit 230 millions sur une population totale de 260 millions d’habitants.  Mais les chrétiens sont également nombreux, ils représentent 9% du total dont un tiers, soit 8 millions, sont catholiques.

Les rapports entre les deux communautés ont la réputation d’être curieusement pacifiques.  L’un des théologiens indonésiens les plus réputés, Nurcholish Madjid (1939-2005) est l’auteur d’une théorie selon laquelle le paradis appartient à quiconque s’abandonne à l’Absolu et n’est donc pas réservé aux seuls musulmans mais également aux chrétiens, aux juifs, aux hindous et aux bouddhistes.  Un autre grand leader musulman, Abdurrahman Wahid, qui a présidé le pays entre 1999 et 2001, était un fervent défenseur d’une philosophie de l’Etat appelée « Pancasila » selon laquelle l’Indonésie appartient à tous les indonésiens indépendamment de leur appartenance religieuse.

C’est donc à juste titre que Franz Graf von Magnis, un jésuite d’origine allemande naturalisé indonésien sous le nom de Franz Magnis-Suseno a intitulé l’une de ses « lectio magistralis » qui s’est tenue récemment à l’Université Catholique de Milan « Islam et christianisme, le modèle c’est l’Indonésie », une leçon également publiée dans le dernier numéro de « Vita e Pensiero« .

Depuis quelque temps pourtant, se multiplient des signaux selon lesquels même en Indonésie, un Islam fanatique et agressif gagnerait du terrain sous la pression des courants wahhabites des Frères Musulmans et de l’Etat Islamique.

Au nord de l’île de Sumatra, dans la province d’Aceh, la charia, la loi coranique, est entrée en vigueur depuis 2002, il existe un corps de police religieuse et les châtiments corporels sont d’application.

Mais même dans les régions réputées modérées comme les îles de Java et de Bali, l’intolérance musulmane est en forte augmentation.  Une source indépendante telle que le Wahid Institute, qui porte le nom de l’ex président, a confirmé qu’en 2016 les violations de la liberté religieuse ont augmenté de 7% par rapport à l’année précédente avec des pics non seulement dans la région d’Aceh mais également à Java et dans la capitale Jakarta.

Il s’agit d’un constat que partagent également les auteurs du rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde publié par l’organisation catholique internationale Aide à l’Eglise en Détresse.  Selon eux, l’Indonésie sera la prochain pays à faire son entrée dans le palmarès des pays musulmans les plus intolérants.

La confirmation la plus éclatante de ce changement de cap est très récente.  Il s’agit de la condamnation à deux ans de prison infligée le 9 mai au chrétien d’origine chinoise Basuki Tjahaja Purnama dit « Ahok », gouverneur sortant de Jakarta et jusqu’il y a peu candidat à la présidence du pays jouissant de chances sérieuses et d’une important cote de popularité.

On l’accuse d’avoir offensé la religion musulmane lors d’un meeting en septembre dernier pour sa réélection au poste de gouverneur.  Au cours de ce meeting, Ahok a affirmé que la thèse de son rival, selon laquelle l’islam ne permettrait pas à un non musulman de gouverner sur des musulmans, n’était pas coranique.

S’en sont suivis une dénonciation et un procès mais surtout la mobilisation des franges les plus intolérantes de l’islam indonésien qui ont pesé lourdement aussi bien sur le résultat des élections – avec le défaite d’Ahok et la victoire d’un musulman radical, Anies Baswedan, comme nouveau gouverneur de Jakarta – que sur le verdict du procès, encore plus sévère que ce qui avait été demandé par l’accusation.  Pour ne pas parler du fait qu’Ahok a perdu toutes ses chances de succéder un jour au président Joko Widoda dont il a été le dauphin et le vice-gouverneur à Jakarta.

Cette affaire illustre parfaitement le fait que l’Indonésie est en train de se rapprocher dangereusement du niveau d’intolérance du Pakistan qui est le deuxième pays contenant le plus de musulmans au monde, soit 180 millions.

Au Pakistan également, il y a un cas emblématique similaire, celui de la chrétienne Asia Bibi, une humble mère de famille, condamnée à mort en 2010 pour blasphème et placée depuis en cellule d’isolement dans l’attente d’un dernier recours auprès de la cour suprême qui repousse sans cesse le jugement sous la pression des organisations islamiques les plus radicales qui menacent de mort quiconque oserait défendre ou disculper la jeune femme, comme cela s’est déjà produit pour deux de ses courageux défenseurs et martyrs, le chrétien Shahbaz Bhatti, ministre des minorités et le musulman Salmaan Taseer, gouverneur du Penjab.

Pour tous les détails sur le cas d’Asia Bibi et sur l’incroyable silence du pape François à ce sujet:
> Asia Bibi est condamnée à mort pour sa foi. Mais son cas est un sujet tabou au Vatican

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

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Date de publication: 15/05/2017