“Amoris laetitia”. L’Afrique et l’Espagne sont sur le même ton

Jour après jour, les “dubia” sou­mis au pape et ensui­te ren­dus publics en novem­bre der­nier par les car­di­naux Walter Brandmüller, Raymond L. Burke, Carlo Caffarra et Joachim Meisner sur les poin­ts les plus con­tro­ver­sés d’Amoris lae­ti­tia sem­blent par­ta­gés par une fran­ge de plus en plus lar­ge de l’Eglise.

En se limi­tant aux seuls car­di­naux et évê­ques qui se sont publi­que­ment expri­més pour ou con­tre le la démar­che entre­pri­se auprès du pape par les qua­tre car­di­naux, les par­ti­sans con­ti­nuent à être de plus en plus nom­breux que les détrac­teurs.

Parmi ces der­niers, cer­tains se sont décla­rés récem­ment com­me l’i­ta­lien Bruno Forte, l’an­cien secré­tai­re spé­cial du syno­de des évê­ques sur la famil­le et l’ar­gen­tin Eduardo Horacio Garcia, l’ex-vicaire de Jorge Mario Bergoglio à Buenos Aires et aujour­d’­hui évê­que de San Justo.

Dans le camp des par­ti­sans, on peut ajou­ter – par rap­port au pré­cé­dent décomp­te de Settimo Cielo qui le plaçait déjà en tête — les car­di­naux Wilfrid Fox Napier, Joseph Zen Ze-kiun, Mauro Piacenza, et les évê­ques Charles Chaput, done les “lignes direc­tri­ces” ont été très remar­quées, Luigi Negri, Athanasius Schneider, Tomash Peta, Jan Pawel Lenga.

Mais il faut sur­tout tenir comp­te de deux inter­ven­tions par­ti­cu­liè­re­ment signi­fi­ca­ti­ves, cel­les d’un car­di­nal et d’un évê­que qui se distin­guent tous deux par une lec­tu­re d’Amoris lae­ti­tia con­for­me au magi­stè­re tra­di­tion­nel de l’Eglise et donc en faveur de l’i­ni­tia­ti­ve des qua­tre car­di­naux.

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Le car­di­nal en que­stion, c’e­st John Onaiyekan (pho­to), l’ar­che­vê­que d’Abuja, la capi­ta­le du Nigéria.  Il est l’u­ne des per­son­na­li­tés les plus influen­tes et écou­tées d’Afrique, le seul con­ti­nent où les catho­li­ques sont en for­te crois­san­ce, soit 20% par an ces cinq der­niè­res années.

Longuement inter­ro­gé par John Allen pour le por­tail Crux au sujet d’Amoris lae­ti­tia et de la com­mu­nion aux divor­cés rema­riés, voi­ci la répon­se d’Onaiyekan :

“Il n’y a rien dans ce qu’à dit le pape sur quoi nous ne tra­vail­lions déjà depuis long­temps, plus ou moins dans la même ligne.  Il se peut qu’un hom­me et une fem­me se trou­vent dans une con­di­tion irré­gu­liè­re mais cela ne signi­fie pas qu’ils soient excom­mu­niés.  Nous avons tou­jours trou­vé une façon pour les accueil­lir.  […]  Par con­tre, nous leur fai­sons com­pren­dre que rece­voir la sain­te com­mu­nion con­sti­tue une expres­sion publi­que de notre foi.  Nous ne pou­vons pas juger ce qu’il y a dans notre cœur et nous devons donc éta­blir des règles qui déter­mi­nent qui peut rece­voir la com­mu­nion ou pas.  Chez nous, les gens savent très bien que c’e­st la règle.  […]  J’apprécie donc que le pape décla­re qu’ils ne sont pas excom­mu­niés pour cela.  Mais dire que quel­qu’un n’e­st pas excom­mu­nié ne signi­fie pas qu’il puis­se rece­voir la com­mu­nion pour autant”.

Il pour­suit, en se réfé­rant plus par­ti­cu­liè­re­ment à l’Afrique:

“Il y aurait un grand débat au sein de l’Eglise sur ce sujet?  C’est tout à fait faux.  Il y a peut-être quel­ques théo­lo­giens qui en par­lent ça et là mais on n’en­tend pas grand-chose ail­leurs, par exem­ple au niveau des Conférences épi­sco­pa­les”.

Notons que la posi­tion expri­mée le car­di­nal Onaiyekan est par­ta­gée par la quasi-totalité de l’Eglise afri­cai­ne, com­me l’a con­fir­mé le théo­lo­gien nigé­rien Paulinus Odozor dans un entre­tien au “Tablet” du 21 mars der­nier dans lequel il décla­re que la con­tro­ver­se qui divi­se le catho­li­ci­sme ail­leurs “a été réso­lu depuis bel­le luret­te en Afrique”.

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Pour ce qui est de l’é­vê­que, il s’a­git de celui d’Alcalá de Henares, près de Madrid, Juan Reig Pla qui a publié le 20 mars der­nier une note pour expli­quer à ses prê­tres com­ment inter­pré­ter et appli­quer Amoris lae­ti­tia sur le point brû­lant de la com­mu­nion aux divor­cés rema­riés.

Il faut – écrit-il – accom­pa­gner ces per­son­nes dans un che­mi­ne­ment sem­bla­ble à celui des caté­chu­mè­nes de jadis: “un che­mi­ne­ment qui, pas à pas, les rap­pro­che tou­jours plus du Christ en appro­fon­dis­sant l’Evangile du maria­ge insti­tué par Dieu depuis le com­men­ce­ment en tant qu’u­nion indis­so­lu­ble entre un hom­me et une fem­me. […] Ce n’e­st que quand ils seront déter­mi­nés à fran­chir ce pas qu’ils pour­ront rece­voir l’ab­so­lu­tion sacra­men­tel­le et la sain­te Eucharistie”.

En ce qui con­cer­ne la com­mu­nion “les con­di­tions objec­ti­ves deman­dées par le magi­stè­re de l’Eglise pour pou­voir rece­voir les sacre­men­ts restent en vigueur”, les mêmes con­di­tions déjà rap­pe­lées par Jean-Paul II et Benoît XVI et avec lesquel­les le magi­stè­re du Pape François “se pla­ce en con­ti­nui­té”.

Ces con­di­tions impli­quent que “quand l’hom­me et la fem­me [divor­cés et dans une nou­vel­le union], pour des rai­sons gra­ves, com­me par exem­ple l’é­du­ca­tion des enfan­ts, ne peu­vent pas respec­ter l’o­bli­ga­tion de la sépa­ra­tion”, ils doi­vent “vivre en plei­ne con­ti­nen­ce, c’est-à-dire s’ab­ste­nir des actes pro­pres aux époux” et ce n’e­st qu’a­lors qu’ils pour­ront accé­der à la com­mu­nion.  “Tel est l’o­b­jec­tif deman­dé qui ne souf­fre aucu­ne excep­tion et dont le respect doit fai­re l’o­b­jet d’un discer­ne­ment appro­fon­di au for inter­ne.  Aucun prê­tre ne peut se pré­va­loir lui-même de l’au­to­ri­té de dispen­ser de cet­te exi­gen­ce.”

Le tex­te inté­gral en ita­lien ou en anglais de cet­te note, d’u­ne con­ci­sion et d’u­ne clar­té exem­plai­re, se trou­ve en ita­lien sur cet­te autre page de Settimo Cielo:

> Accompagnare i bat­tez­za­ti divor­zia­ti che vivo­no una nuo­va unio­ne
> Accompanying the bap­ti­zed who are divor­ced and in a dif­fe­rent union

Un détail à ne pas négli­ger c’e­st que Mgr Reig Pla se réfè­re com­me ligne direc­tri­ce au “Vadémécum” sur l’in­ter­pré­ta­tion d’Amoris lae­ti­tia publié par trois pro­fes­seurs de l’Institut Pontifical Jean-Paul II sur le maria­ge et la famil­le qui se trou­ve lui-même en plei­ne con­ti­nui­té avec le magi­stè­re tra­di­tion­nel de l’Eglise en la matiè­re.

Un “Vadémécum” lar­ge­ment pré­sen­té par Settimo Cielo dès sa sor­tie en librai­rie en jan­vier der­nier:

> Une bous­so­le pour ne pas se per­dre dans la tour de Babel d’Amoris lae­ti­tia

Il est à crain­dre cepen­dant qu’il ne s’a­gis­se là du chant du cygne d’un insti­tut qui vient d’ê­tre déca­pi­té et con­fié par François aux bons soins d’un nou­veau grand chan­ce­lier par­ti­cu­liè­re­ment con­fus nom­mé Vincenzo Paglia.

Un arti­cle de Sandro Magister, vati­ca­ni­ste à L’Espresso

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Date de publication: 7/04/2017