Avant-première. Quand et comment François a détricoté la paix liturgique créée par Benoît

Non, on ne retrou­ve écrit nul­le part com­me tel que le Pape François aurait « bri­sé le cœur » du Pape Benoît avec son inter­dic­tion de la mes­se lati­ne de l’ancien rite dans le livre « Nient’altro che la veri­tà » dans lequel Georg Gänswein racon­te sa vie aux côtés du Pape défunt, un livre qui va bien­tôt sor­tir en plu­sieurs lan­gues.

Mais dans les qua­tre pages du livre qui décri­vent ce qui s’est pas­sé à cet­te occa­sion, on décou­vre tou­te l’amertume que Benoît a éprou­vée le 16 juil­let 2021 quand « il a décou­vert, en feuil­le­tant ‘L’Osservatore Romano’ de cet après-midi, que le Pape François avait pro­mul­gué le motu pro­prio ‘Traditionis custo­des’ sur l’usage de la litur­gie romai­ne anté­rieur à la réfor­me de 1970 », un décret par lequel il limi­tait pra­ti­que­ment jusqu’à la révo­quer la liber­té de célé­brer la mes­se en rite ancien que le Pape Benoît avait lui-même auto­ri­sée par son motu pro­prio « Summorum pon­ti­fi­cum ».

Benoît « a lu avec atten­tion le docu­ment » et « quand on lui a deman­dé son avis » — racon­te Mgr Gänswein – il a décla­ré assi­ster à « un chan­ge­ment de cap déci­sif et à con­si­dé­ré qu’il s’agissait d’une erreur, par­ce que cela menaçait la ten­ta­ti­ve de paci­fi­ca­tion qui avait été menée qua­tor­ze ans plus tôt ».

Le Pape émé­ri­te « a en par­ti­cu­lier con­si­dé­ré que c’était une erreur d’interdire la célé­bra­tion de la mes­se en rite ancien dans les égli­ses parois­sia­les, par­ce qu’il est tou­jours dan­ge­reux de con­fi­ner un grou­pe de fidè­les dans un coin au risque qu’ils se sen­tent per­sé­cu­tés et de leur inspi­rer la sen­sa­tion de devoir pré­ser­ver à tout prix leur pro­pre iden­ti­té con­tre ‘l’ennemi’ ».

Mais ça ne se ter­mi­ne pas là, au con­trai­re. « Quelques mois plus tard, en lisant ce que le Pape François avait décla­ré le 12 sep­tem­bre 2021 durant la con­ver­sa­tion avec les jésui­tes slo­va­ques de Bratislava, le Pape émé­ri­te a fron­cé les sour­cils devant une de ses affir­ma­tions : ‘J’espère main­te­nant qu’avec la déci­sion de met­tre fin à l’automatisme de l’ancien rite, nous pour­rons reve­nir aux véri­ta­bles inten­tions de Benoît XVI et de Jean-Paul II. Ma déci­sion est le résul­tat d’une con­sul­ta­tion menée l’année der­niè­re avec tous les évê­ques du mon­de’ ».

« Et il a enco­re moins appré­cié – pour­suit Mgr Gänswein – l’anecdote racon­tée tout de sui­te après par le Pape ». Une anec­do­te retran­scri­te com­me suit par « La Civiltà Cattolica », qui a inté­gra­le­ment publié la con­ver­sa­tion du Pape François avec les jésui­tes de Slovaquie :

Un car­di­nal m’a racon­té que deux prê­tres nou­vel­le­ment ordon­nés éta­ient venus le voir pour lui deman­der d’étudier le latin afin de pou­voir bien célé­brer. Celui-ci, qui a le sens de l’humour, a répon­du : ‘Mais il y a tel­le­ment d’Hispaniques dans le dio­cè­se ! Étudiez l’espagnol pour pou­voir prê­cher. Ensuite, lor­sque vous aurez étu­dié l’espagnol, reve­nez me voir et je vous dirai com­bien de Vietnamiens il y a dans le dio­cè­se, et je vous deman­de­rai d’étudier le viet­na­mien. Ensuite, quand vous aurez appris le viet­na­mien, je vous don­ne­rai éga­le­ment la per­mis­sion d’étudier le latin’. Alors il les a fait ‘atter­rir’, il les a fait reve­nir sur ter­re ».

Ce qui « sem­blait incon­gru » — écrit enco­re Mgr Gänswein – à Joseph Ratzinger, c’était sur­tout « cet­te réfé­ren­ce à ses ‘véri­ta­bles inten­tions’ », aux­quel­les le Pape François avait pré­ten­du vou­loir répon­dre alors qu’en réa­li­té « Traditionis custo­des » était aux anti­po­des de la volon­té du Pape Benoît qui était – com­me il l’a résu­mé dans son livre-entretien de 2010 « Luce del mon­do » — de « ren­dre plus faci­le­ment acces­si­ble l’ancienne for­me, sur­tout pour pré­ser­ver le lien pro­fond et inin­ter­rom­pu qui sub­si­ste dans l’histoire de l’Église ». Ceci par­ce que « dans une com­mu­nau­té dans laquel­le la priè­re et l’Eucharistie sont les cho­ses les plus impor­tan­tes, on ne peut pas con­si­dé­rer com­plè­te­ment incon­gru qu’auparavant on con­si­dé­rait qu’il s’agissait de la cho­se la plus sacrée. Il s’agissait de se récon­ci­lier avec son pro­pre pas­sé, de la con­ti­nui­té inter­ne de la foi et de la priè­re de l’Église ».

De plus, après avoir lu que le Pape François reven­di­quait sa déci­sion com­me « le fruit d’une con­sul­ta­tion avec tous les évê­ques du mon­de réa­li­sée l’année der­niè­re », pour le Pape Benoît, « la rai­son pour laquel­le les résul­ta­ts de cet­te con­sul­ta­tion n’avaient pas été divul­gués demeu­rait mysté­rieu­se ». D’autant plus que, quand il était Pape, après la publi­ca­tion en 2007 de « Summorum pon­ti­fi­cum », « il avait pris soin de deman­der aux évê­ques, à l’occasion des visi­tes ‘ad limi­na’, com­ment se pas­sait l’application de ces nor­mes dans leurs dio­cè­ses, et qu’il en avait gar­dé un retour posi­tif ».

C’est ici que s’achève le récit que Mgr Gänswein fait de cet­te affai­re. Mais il faut éga­le­ment rap­pe­ler qu’en 2009, deux ans après la publi­ca­tion du motu pro­prio « Summorum pon­ti­fi­cum », Benoît XVI avait tra­ver­sé l’un des momen­ts les plus ora­geux de son pon­ti­fi­cat, alors qu’il ten­tait de gué­rir le schi­sme avec la Fraternité Saint-Pie‑X, notam­ment grâ­ce à la paix litur­gi­que entre les deux rites ancien et nou­veau, avec for­ce révo­ca­tions d’excommunications des qua­tre évê­ques de la Fraternité.

L’excommunication fut bien révo­quée quand sou­dain tom­ba la nou­vel­le – que le Pape igno­rait tota­le­ment jusque là – que l’un des qua­tre évê­ques avait pro­non­cé des décla­ra­tions ouver­te­ment anti­sé­mi­tes, allant jusqu’à nier l’Holocauste, ce qui eut pour effet de fai­re capo­ter le pro­ces­sus de paci­fi­ca­tion pen­dant qu’une vague d’accusations s’abattait sur Benoît XVI, qui assu­ma sa respon­sa­bi­li­té, tout en réaf­fir­mant les rai­sons de sa démar­che, dans une let­tre tou­chan­te aux évê­ques du mon­de entier.

Mais quel­les éta­ient juste­ment ces rai­sons ? Il s’agissait de rai­sons pro­fon­des, et même de sa « métho­de », sou­tient le pro­fes­seur Pietro De Marco, dans l’analyse publiée ci-dessous, extrai­te d’un recueil iné­dit de ses écri­ts sur le pon­ti­fi­cat de Benoît XVI.

Le pro­fes­seur De Marco est un spé­cia­li­ste recon­nu de la vie de l’Église, ancien pro­fes­seur de socio­lo­gie de la reli­gion à l’Université de Florence et à la Faculté théo­lo­gi­que d’Italie cen­tra­le. Son ana­ly­se date de 2009, peu après l’affaire que nous venons d’évoquer.

*

La méthode de Benoît

de Pietro De Marco

Il n’y a rien de plus obtus que cet­te accu­sa­tion récur­ren­te qui con­si­dè­re la leçon de Ratisbonne de Benoît XVI en 2006 com­me étant le pre­mier d’une série d’incidents dus à une impru­den­ce cou­pa­ble de sa part – dans ce cas envers le mon­de musul­man – et dont le der­nier serait la levée des excom­mu­ni­ca­tions pesant sur les évê­ques de la Fraternité Saint-Pie‑X.

J’avais déjà obser­vé à l’époque qu’il y avait une carac­té­ri­sti­que ini­mi­ta­ble dans l’importante leçon de Benoît XVI dans l’aula magna de l’Université de Ratisbonne : la déci­sion de ne pas évi­ter la « pars cri­ti­ca » à l’intérieur d’une démar­che dia­lo­ga­le.

Les actions suc­ces­si­ves de Benoît XVI ont mon­tré com­bien la dénon­cia­tion et la sanc­tion de l’excès deva­ient être com­pri­ses com­me étant loya­les, con­crè­tes et préa­la­ble à la volon­té de ren­con­tre. D’autant que l’histoire catho­li­que pré­cé­dant le Concile Vatican II étant l’horizon vital de « l’esprit » du Concile même et de sa réa­li­sa­tion, les gestes de paix sont néces­sai­re­ment issus de ces milieux d’orthodoxie tra­di­tion­na­li­ste souf­fran­te, même si trop osten­ta­toi­re, qui se récla­ment de l’histoire pré­con­ci­liai­res. C’est une uti­li­sa­tion poli­ti­que du Concile, et non pas la doc­tri­ne, qui a mépri­sé et relé­gué en mar­ge de la vie catho­li­que, sous pré­tex­te de « rup­tu­re » con­ci­liai­re, les siè­cles de Tradition vita­le et authen­ti­que dont les tra­di­tion­na­li­stes catho­li­ques se récla­ment.

Je pré­ci­se d’emblée que, tout com­me la sol­li­ci­tu­de pour l’intégrité de l’histoire litur­gi­que, le geste d’ouverture vers la Fraternité Saint-Pie‑X avait pour but, dans le chef de Benoît XVI, de recon­dui­re la vie catho­li­que à sa natu­re essen­tiel­le de « com­ple­xio ». La réha­bi­li­ta­tion de sty­les, de sen­si­bi­li­té et de for­mes de l’histoire chré­tien­ne est cen­sée agir com­me para­dig­me sta­bi­li­sa­teur des déri­ves cen­tri­fu­ges et des frag­men­ta­tions sub­jec­ti­vi­stes qui sont non seu­le­ment issues d’expérimentations avan­cées mais éga­le­ment de la pasto­ra­le actuel­le.

La sta­bi­li­sa­tion exi­ge cepen­dant ce que j’ai qua­li­fié d’« usa­ge poli­ti­que » du Concile se ren­de comp­te de son pro­pre excès désé­qui­li­brant, de sa pro­pre par­tia­li­té ; et en tire les con­sé­quen­ces auto­cri­ti­ques. De sor­te que l’objectif de récon­ci­lia­tion inter­ne au sein de l’Église devien­ne par­tie inté­gran­te d’une plus lar­ge inter­ven­tion médi­ci­na­le pour l’Église uni­ver­sel­le.

Déjà, les réac­tions néga­ti­ves au motu pro­prio « Summorum pon­ti­fi­cal » de 2007 qui avait auto­ri­sé la célé­bra­tion de la mes­se en rite ancien con­fir­ma­ient l’urgence de l’action médi­ci­na­le du Pape Benoît. Au long des pages d’éclaircissements patien­ts des inten­tions de « Summorum pon­ti­fi­cum », il affir­mait que le rite ancien n’était pas un autre rite, que sa pré­sen­ce dans le peu­ple chré­tien était une mémoi­re con­struc­ti­ve, et que sa célé­bra­tion était légi­ti­me et oppor­tu­ne. La riches­se lon­gi­tu­di­na­le, historico-traditionnelle de la « com­ple­xio » catho­li­que est donc la don­née pre­miè­re que l’on cher­che à attein­dre ; et c’est par con­sé­quent ain­si qu’il con­vient d’entendre la « mode­ra­tion sacrae litur­giae » exer­cée par cha­que évê­que.

L’action du pon­ti­fe se con­fir­mait donc com­me une révol­te con­tre une lec­tu­re idéo­lo­gi­que et sub­stan­tiel­le­ment « révo­lu­tion­nai­re » du Concile don­née par une éli­te théo­lo­gi­que et pasto­ra­li­sti­que catho­li­que, et qui avait fini par impré­gner les laïcs en parois­se. Ces déri­ves tou­che à  ce qui est « de fide » de maniè­re inquié­tan­te. Il s’agissait enco­re, pour Benoît XVI, d’assumer le risque de con­si­dé­rer l’excès « oppor­tun ou impor­tun » quand la doc­tri­ne et les actions outre­pas­sa­ient les seuils extrê­mes de tolé­ran­ce.

C’est ce qui a don­né lieu à plu­sieurs repri­ses au cours du pon­ti­fi­cat de Benoît, à des « scan­da­les » pré­vus et impré­vus, mais oppor­tuns dans le des­sein de Dieu. Qu’il s’agisse de la con­fron­ta­tion déli­bé­rée avec l’Islam ou de son enga­ge­ment dans le dia­lo­gue avec les Juifs, ou du soin pour l’unité de l’Église dans l’unité de la tra­di­tion vivan­te, les « scan­da­les » con­tin­gen­ts et leur dépas­se­ment dans la souf­fran­ce ame­na­ient à pren­dre con­scien­ce, dans le chef des par­ties en cau­se, pré­ci­sé­ment de ces seuils cri­ti­ques que le che­min de Pierre, et la sol­li­ci­tu­de de Rome, éta­ient ame­née à devoir tra­ver­ser.

Ce che­min par­cou­ru par Pierre est pour le bien de tous. Vaine et indé­cen­te, par rap­port à la dyna­mi­que pro­fon­de de ce pon­ti­fi­cat, aura été cet­te « hosti­li­té prê­te à l’attaque » que le Pape Benoît a dénon­cée dans sa let­tre aux évê­ques du 10 mars 2009, ce goût de l’inimité pour le plai­sir d’agresser le siè­ge pétri­nien à l’affût d’occasion pour se mani­fe­ster sans respon­sa­bi­li­té et, il faut bien le dire, sans intel­li­gen­ce.

Le par­cours de réin­té­gra­tion des évê­ques de la Fraternité de Saint-Pie‑X dans la com­mu­nion con­sti­tuait, à la lumiè­re de ce qui a été dit, un autre acte sou­ve­rain pro­fond et cou­ra­geux, com­plé­men­tai­re à « Summorum pon­ti­fi­cum ».

Il m’avait alors paru voir dans la déci­sion de Benoît XVI l’espérance d’être, per­son­nel­le­ment et con­stam­ment, la pre­u­ve de la pré­sen­ce essen­tiel­le de la Tradition entre nous, une pré­sen­ce suscep­ti­ble de remé­dier à la déso­rien­ta­tion pasto­ra­le et doc­tri­na­le con­tem­po­rai­ne. Et il n’y avait aucun dou­te qu’il était impor­tant et urgent d’agir dans cet­te direc­tion. Ce qui était le plus urgent, ce qui était pré­do­mi­nant pour le suc­ces­seur de Pierre, disait la let­tre, c’était le « con­fir­ma fra­tres tuos » (Lc 22, 32), qui a un con­te­nu sou­ve­rain : « d’ouvrir aux hom­mes l’accès à Dieu. Non pas à un dieu quel­con­que, mais à ce Dieu qui a par­lé sur le Sinaï ».

Il suf­fit de pen­ser que la non-acceptation du magi­stè­re du Concile ou la désap­pro­ba­tion la plus con­tin­gen­te des actes œcu­mé­ni­ques de Benoît XVI, dans le chef des mem­bres de la Fraternité Saint-Pie‑X, est au moins symé­tri­que par la gra­vi­té, dans le camp oppo­sé, aux inter­pré­ta­tions du Concile com­me rup­tu­re et nou­veau départ, qui sont étran­gè­res à la tra­di­tion des Conciles anti­ques.

On reste frap­pé, et pas posi­ti­ve­ment, par la maniè­re de réa­gir de cer­tains épi­sco­pa­ts à la révo­ca­tion des excom­mu­ni­ca­tions pesant sur les évê­ques de la Fraternité Saint-Pie‑X. Face à quel­les riches­ses indi­scu­ta­bles, cer­tains épi­sco­pa­ts pensent-ils que l’on puis­se lais­ser aller à la déri­ve le patri­moi­ne de fer­veur, de cha­ri­smes et pro­ba­ble­ment de sain­te­té, « cet amour pour le Christ et cet­te volon­té de l’annoncer Lui, et avec Lui le Dieu vivant », qui rési­de dans les hom­mes et les fem­mes de la Fraternité ? Il faut bien dire avec fran­chi­se que cer­tai­nes hié­rar­chies natio­na­les fera­ient mieux d’analyser les pro­pres inca­pa­ci­tés actuel­les : leur tolé­ran­ce, ou leur impuis­san­ce, envers des théo­lo­gies dévian­tes et leurs abus disci­pli­nai­res et litur­gi­ques pro­gram­ma­ti­ques et envers la per­méa­bi­li­té du cler­gé des laïcs qua­li­fiés à des idéo­lo­gies et des poli­ti­ques sécu­la­ri­san­tes.

C’est peut-être juste­ment la dif­fi­cul­té, la dou­leur, de cet­te ana­ly­se, pour bon nom­bre d’élites catho­li­ques mon­dia­les qui les pous­se – par un méca­ni­sme typi­que des intel­li­gen­tsias de tou­tes les épo­ques – à iso­ler la Fraternité com­me » un grou­pe envers lequel il ne faut fai­re pre­u­ve d’aucune tolé­ran­ce, con­tre lequel on peut tran­quil­le­ment lais­ser libre cours à sa hai­ne » (com­me le dit la let­tre de Benoît XVI). Un bouc émis­sai­re ren­du tabou, qui ne peut plus être appro­ché, pas même par le Pape, sans deve­nir immon­de aux yeux de cet­te même intel­li­gen­tsia.

La que­stion pro­vo­ca­tri­ce, posée par plu­sieurs cri­ti­ques de Joseph Ratzinger est celle-ci : « Que le Pape nous dise si nous devons enco­re sui­vre le Concile ou bien retour­ner à l’Église du pas­sé » est en sub­stan­ce une con­fir­ma­tion de cet­te réduc­tion de la pério­de avant le Concile et de ses défen­seurs à un tabou. Mais le fait que les « signes pri­vi­lé­giés pour sélec­tion­ner la vic­ti­me » soient le caté­chi­sme de Pïe X ou la mes­se tri­den­ti­ne, mon­trent bien quel­le scien­ce men­son­gè­re sous-tend la vio­len­ce et le mépris dont les mem­bres de la Fraternité font l’objet.

Je cite un autre extrait impor­tant de la let­tre du Pape Benoît XVI aux évê­ques : « On ne peut geler l’autorité magi­sté­riel­le de l’Église à l’année 1962 – ceci doit être bien clair pour la Fraternité. Cependant, à cer­tains de ceux qui se pro­cla­ment com­me de grands défen­seurs du Concile, il doit aus­si être rap­pe­lé que Vatican II ren­fer­me l’entière histoi­re doc­tri­na­le de l’Église. Celui qui veut obéir au Concile, doit accep­ter la foi pro­fes­sée au cours des siè­cles et il ne peut cou­per les raci­nes dont l’arbre vit. »

On a tout de sui­te pour­vu, en Italie, à dispen­ser gra­tui­te­ment des con­te­nus inof­fen­sifs et réduc­teurs à la sol­li­ci­tu­de pour cet­te foi pro­fes­sée dans les siè­cles et qui est pour Benoît XVI la prio­ri­té suprê­me de l’Église et du suc­ces­seur de Pierre : « con­dui­re les hom­mes vers le Dieu qui par­le dans la Bible ». Une tel­le sol­li­ci­tu­de devrait pro­mou­voir, peut-on lire, non pas « l’inimité envers l’humanité d’aujourd’hui, mais le désir de s’engager cha­que jour davan­ta­ge pour amé­lio­rer la coe­xi­sten­ce civi­le, com­bat­tre l’idolâtrie qui revient sans ces­se, frei­ner la déca­den­ce dans la bar­ba­rie et favo­ri­ser la paix et la justi­ce ».

Mais on ne voit pas bien à quoi pour­rait bien ser­vir « tou­te l’histoire doc­tri­na­le de l’Église » si l’on finit par rédui­re de la sor­te l’assiduité à la Parole de Dieu et l’originalité chré­tien­ne à un sta­tut de mora­li­té publi­que ordi­nai­re, bon­ne à tous les usa­ges, même à de vai­nes polé­mi­ques poli­ti­ques. Le rési­du chré­tien de la reli­gion civi­le de Rousseau suf­fi­rait, peut-être con­fon­du avec le mes­sa­ge « attrac­tif et révo­lu­tion­nai­re » du Concile.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 9/01/2023