« Agression russe ». Le journal du Pape brise le tabou

À part le Pape François, au moins tous les autres orga­nes de com­mu­ni­ca­tion offi­ciels du Saint-Siège ont bri­sé le tabou en appe­lant pour la pre­miè­re fois par son véri­ta­ble nom, « agres­sion de l’armée rus­se en Ukraine », la guer­re qui en est à son 17e jour.

C’est ce qu’on peut lire dans l’édito publié l’après-midi de ce same­di 12 mars en pre­miè­re page de « L’Osservatore Romano » et sur la pla­te­for­me mul­ti­mé­dia « Vatican News », sous la signa­tu­re d’Andrea Tornielli, direc­teur de la rédac­tion du Dicastère pour la com­mu­ni­ca­tion, au jour où « François entre dans la dixiè­me année de son pon­ti­fi­cat ».

> Des décom­bres de Mossoul à ceux de l’Ukraine, une voix de paix et d’e­spoir

L’éditorial part de la visi­te du Pape, il y a un an, dans la vil­le de Mossoul, mar­ty­ri­sée par l’État isla­mi­que, pour en venir rapi­de­ment à nos jours quand (le sou­li­gne­ment est de nous) « les con­sé­quen­ces tra­gi­ques de la sale guer­re en Ukraine, hypo­cri­te­ment qua­li­fiée d’’opération mili­tai­re spé­cia­le’, sont sous les yeux du mon­de entier, avec leur lot de dou­leurs, de souf­fran­ce, de corps inno­cen­ts déchi­que­tés, d’en­fan­ts tués, de famil­les déchi­rées, de mil­lions de réfu­giés con­train­ts de tout aban­don­ner pour échap­per aux bom­bes, de vil­les tran­sfor­mées en champs de batail­le, de mai­sons éven­trées et brû­lées. Sans par­ler des bles­su­res au cœur, qui met­tront des années à cica­tri­ser ».

Un peu plus loin, l’édito réfu­te expli­ci­te­ment les thè­ses du patriar­che de Moscou Cyrille et finit par qua­li­fier la guer­re d’« agres­sion de l’armée rus­se en Ukraine » :

« Cette fois, la hai­ne et la vio­len­ce ne peu­vent être dis­si­mu­lées sous les théo­ries du « choc des civi­li­sa­tions », ni être liées à des motifs reli­gieux fic­tifs. Cette fois, il y a des hom­mes et des fem­mes des deux côtés qui par­ta­gent la même foi chré­tien­ne et le même bap­tê­me. Face aux rava­ges de l’a­gres­sion de l’ar­mée rus­se en Ukraine, et à l’e­sca­la­de de la guer­re qu’el­le a déclen­chée, avec le risque d’en­traî­ner le mon­de dans un con­flit nucléai­re, il n’e­st pas faci­le de trou­ver des signes d’e­spoir. Et pour­tant, tout com­me il y a un an, à Mossoul, le Pape François a réaf­fir­mé la « con­vic­tion que la fra­ter­ni­té est plus for­te que le fra­tri­ci­de, que l’e­spoir est plus fort que la mort, que la paix est plus for­te que la guer­re » ; aujour­d’­hui aus­si, mal­gré tout, il est pos­si­ble d’e­spé­rer. […] Se dire chré­tien signi­fie appar­te­nir à un Dieu fait Homme qui, sur la croix, s’e­st lais­sé tuer par amour et qui, par son choix d’ê­tre une vic­ti­me sans défen­se, nous deman­de depuis deux mil­le ans d’ê­tre du côté des oppri­més ».

Nous recom­man­dons le lire l’éditorial dans son inté­gra­li­té. Mais on peut éga­le­ment ajou­ter que deux jours plus tôt, « L’Osservatore Romano » avait ouvert sa pre­miè­re page (voir ci-dessus) avec un titre on ne peut plus cin­glant pour « l’hypocrisie » du lan­ga­ge de Vladimir Poutine.

Le titré était « Opération mili­tai­re spé­cia­le », sur fond du bom­bar­de­ment de l’hôpital pour enfan­ts et fem­mes encein­tes de Marioupol.

Pas un mot de plus. Mais que celui qui a des yeux pour enten­dre, enten­de.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 13/03/2022