Viganò, acte deux. Pendant que François se tait, ou parle par code

Depuis son acte d’accusation lan­cé le 26 août con­tre la cou­ver­tu­re que François aurait don­née aux méfai­ts de l’ex-cardinal Theodore McCarrick – un « témoi­gna­ge » ensui­te enri­chi d’un sou­ve­nir con­cer­nant l’affaire Kim Davis – l’ancien non­ce aux États-Unis Carlo Maria Viganò est à nou­veau sor­ti du bois avec ce second acte d’accusation con­tre les décla­ra­tions et les silen­ces non seu­le­ment du Pape François mais éga­le­ment d’autres respon­sa­bles de la Curie, en par­ti­cu­lier celui du car­di­nal Marc Ouellet, Préfet de la Congrégation pour les évê­ques.

Viganò en a con­fié la publi­ca­tion inté­gra­le en anglais à LifeSiteNews, en espa­gnol à InfoVaticana et en ita­lien au blog d’Aldo Maria Valli :

> Viganò: “Papa Francesco, per­ché non rispon­di? Chi tace accon­sen­te”

———

Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

*

Voici la tra­duc­tion de la nou­vel­le let­tre de Mgr Viganò publiée par LifeSiteNews et tra­dui­te par Campagne Québec-Vie :

Scio Cui cre­di­di
(2 Tim 1:12)

”Avant de com­men­cer à écri­re, je vou­drais tout d’a­bord ren­dre grâ­ce et gloi­re à Dieu le Père pour cha­que situa­tion et épreu­ve qu’Il a pré­pa­rée et qu’Il me pré­pa­re­ra durant ma vie. En tant que prê­tre et évê­que de la sain­te Église, épou­se du Christ, je suis appe­lé com­me tout bap­ti­sé à ren­dre témoi­gna­ge à la véri­té. Par le don de l’Esprit qui me gar­de dans la joie sur le che­min que je suis appe­lé à par­cou­rir, je comp­te le fai­re jusqu’à la fin de mes jours. Notre seul Seigneur m’a aus­si adres­sé l’in­vi­ta­tion : «Suis-moi!» et j’ai l’in­ten­tion de le sui­vre avec l’ai­de de sa grâ­ce jusqu’à la fin de mes jours.

Je veux chan­ter à Yahvé tant que je vis,
je veux jouer pour mon Dieu tant que je dure.
Puisse mon lan­ga­ge lui plai­re,
moi, j’ai ma joie en Yahvé!
(Psaume 103 :33–34) [ou 104 :33–34]

Cela fait un mois que j’ai ren­du mon témoi­gna­ge, uni­que­ment pour le bien de l’Église, sur ce qui s’e­st pas­sé lors de l’au­dien­ce avec le Pape François le 23 juin 2013 et sur cer­tains suje­ts qu’il m’a été don­né de savoir dans les mis­sions que l’on m’a­vait con­fiées au Secrétariat d’État et à Washington, con­cer­nant ceux, cou­pa­bles de cou­vrir les cri­mes com­mis par l’ar­che­vê­que de cet­te capi­ta­le.

Ma déci­sion de révé­ler ces fai­ts gra­ves a été pour moi la déci­sion la plus dou­lou­reu­se et la plus impor­tan­te que j’a­ie jamais pri­se de ma vie. Je l’ai fait après lon­gue réfle­xion et priè­res, pen­dant des mois de souf­fran­ce pro­fon­de et d’an­gois­se, pen­dant un cre­scen­do de nou­vel­les con­ti­nuel­les d’é­vé­ne­men­ts ter­ri­bles, com­pre­nant des mil­liers de vic­ti­mes inno­cen­tes détrui­tes et les voca­tions et les vies de jeu­nes prê­tres et reli­gieux per­tur­bées. Le silen­ce des pasteurs qui aura­ient pu appor­ter un remè­de et empê­cher de nou­vel­les vic­ti­mes est deve­nu de plus en plus indé­fen­da­ble, un cri­me déva­sta­teur pour l’Église. Bien con­scient des con­sé­quen­ces énor­mes que mon témoi­gna­ge pou­vait avoir, car ce que j’al­lais révé­ler impli­quait le suc­ces­seur de Pierre lui-même, j’ai néan­moins choi­si de par­ler pour pro­té­ger l’Église, et je décla­re en tou­te con­scien­ce devant Dieu que mon témoi­gna­ge est vrai. Le Christ est mort pour l’Église, et Pierre, Servus ser­vo­rum Dei  [Serviteur des ser­vi­teurs de Dieu], est le pre­mier appe­lé à ser­vir l’é­pou­se du Christ.

Assurément, cer­tains des fai­ts que je devais révé­ler éta­ient cou­verts par le secret pon­ti­fi­cal que j’a­vais pro­mis d’ob­ser­ver et que j’ai fidè­le­ment obser­vé depuis le début de mon ser­vi­ce au Saint-Siège. Mais le but de tout secret, y com­pris le secret pon­ti­fi­cal, est de pro­té­ger l’Église de ses enne­mis, et non de cou­vrir et de deve­nir com­pli­ce des cri­mes com­mis par cer­tains de ses mem­bres. J’ai été témoin, non par choix, de fai­ts cho­quan­ts et, com­me l’af­fir­me le Catéchisme de l’Église catho­li­que  (par. 2491), le sceau du secret n’e­st pas con­trai­gnant lor­sque des dom­ma­ges très gra­ves ne peu­vent être évi­tés que par la divul­ga­tion de la véri­té. Seul le sceau de la con­fes­sion aurait pu justi­fier mon silen­ce.

Ni le Pape, ni aucun des car­di­naux de Rome n’ont nié les fai­ts que j’ai affir­més dans mon témoi­gna­ge. «Qui tacet con­sen­tit» [Qui ne dit mot con­sent] s’ap­pli­que sûre­ment ici, car s’ils nient mon témoi­gna­ge, ils n’ont qu’à se pro­non­cer et à four­nir des docu­men­ts à l’ap­pui de cet­te déné­ga­tion. Comment peut-on évi­ter de con­clu­re que la rai­son pour laquel­le ils ne four­nis­sent pas la docu­men­ta­tion est qu’ils savent que cela con­fir­me­rait mon témoi­gna­ge ?

Le cen­tre de mon témoi­gna­ge était que depuis du moins le 23 juin 2013, le Pape savait par moi à quel point McCarrick était per­vers et mau­vais dans ses inten­tions et ses actes, et au lieu de pren­dre les mesu­res que tout bon pasteur aurait pri­ses, le Pape a fait de McCarrick un de ses prin­ci­paux agen­ts dans le gou­ver­ne­ment de l’Église, par rap­port aux États-Unis, la Curie, et même la Chine, com­me nous le voyons en ces jours avec une gran­de préoc­cu­pa­tion et une gran­de anxié­té pour cet­te égli­se mar­ty­re.

Maintenant, la répon­se du Pape à mon témoi­gna­ge a été : «Je ne dirai pas un mot!» Mais ensui­te, se con­tre­di­sant lui-même, il a com­pa­ré son silen­ce à celui de Jésus à Nazareth devant Pilate, et m’a com­pa­ré au grand accu­sa­teur, Satan, qui sème le scan­da­le et la divi­sion dans l’Église — sans tou­te­fois pro­non­cer mon nom. S’il l’a­vait dit : «Viganò a men­ti», il aurait mis en cau­se ma cré­di­bi­li­té tout en essa­yant d’af­fir­mer la sien­ne. Ce qui aurait eu pour résul­tat d’in­ten­si­fier les deman­des du peu­ple de Dieu et du mon­de à pro­dui­re la les docu­men­ts néces­sai­res pour déter­mi­ner qui a dit la véri­té. Au lieu de cela, il a mis en pla­ce une sub­ti­le calom­nie con­tre moi — la calom­nie étant une offen­se dont il a sou­vent com­pa­ré la gra­vi­té à cel­le du meur­tre.

En effet, il l’a fait à plu­sieurs repri­ses, dans le cadre de la célé­bra­tion du Très Saint Sacrement, l’Eucharistie, où il ne court aucun risque d’ê­tre inter­pel­lé par des jour­na­li­stes. Lorsqu’il s’e­st adres­sé aux jour­na­li­stes, il leur a invi­té à exer­cer leur matu­ri­té pro­fes­sion­nel­le et à tirer leurs pro­pres con­clu­sions. Mais com­ment les jour­na­li­stes peuvent-ils décou­vrir et con­naî­tre la véri­té si les per­son­nes direc­te­ment con­cer­nées par une affai­re refu­sent de répon­dre aux que­stions ou de don­ner accès aux docu­men­ts ? Le refus du Pape de répon­dre à mes accu­sa­tions et sa sur­di­té à l’ap­pel des fidè­les à se justi­fier ne sont guè­re com­pa­ti­bles avec ses appels à la trans­pa­ren­ce et à la con­struc­tion de pon­ts.

De plus, la pro­tec­tion du Pape envers McCarrick n’é­tait mani­fe­ste­ment pas une erreur iso­lée. De nom­breux autres cas ont récem­ment été docu­men­tés dans la pres­se, mon­trant que le Pape François a défen­du des ecclé­sia­sti­ques homo­se­xuels qui ava­ient com­mis de gra­ves abus sexuels à l’en­con­tre de mineurs ou d’a­dul­tes. Il s’a­git notam­ment de son rôle dans l’af­fai­re du P. Julio Grassi de Buenos Aires, de la réha­bi­li­ta­tion du P. Mauro Inzoli après que le Pape Benoît l’ait rele­vé de son mini­stè­re (jusqu’à ce qu’il ail­le en pri­son, moment à par­tir duquel le Pape François le rédui­se à l’é­tat laïc*) et de la suspen­sion de l’en­quê­te sur les allé­ga­tions d’a­bus sexuels con­tre le car­di­nal Cormac Murphy O’Connor.

Entretemps, une délé­ga­tion de l’USCCB, diri­gée par son pré­si­dent, le car­di­nal DiNardo, s’e­st ren­due à Rome pour deman­der une enquê­te du Vatican sur McCarrick. Le car­di­nal DiNardo et les autres pré­la­ts devra­ient dire à l’Église en Amérique et dans le mon­de : “le Pape a‑t-il refu­sé de mener une enquê­te vati­ca­ne sur les cri­mes de McCarrick et sur les respon­sa­bles de leur dis­si­mu­la­tion ?” Les fidè­les ont le droit de savoir.

Je vou­drais lan­cer un appel spé­cial au car­di­nal Ouellet, car en tant que non­ce, j’ai tou­jours tra­vail­lé en gran­de har­mo­nie avec lui, et j’ai tou­jours eu une gran­de esti­me et ami­tié pour lui. Il se sou­vien­dra de ce moment où, à la fin de ma mis­sion à Washington, il m’a reçu dans son appar­te­ment à Rome le soir pour une lon­gue con­ver­sa­tion. Au début du pon­ti­fi­cat du pape François, il avait con­ser­vé sa digni­té, com­me il l’a­vait fait avec cou­ra­ge lor­squ’il était arche­vê­que de Québec. Plus tard, cepen­dant, quand son tra­vail de pré­fet de la Congrégation pour les évê­ques fut sapé par­ce que les recom­man­da­tions pour les nomi­na­tions épi­sco­pa­les éta­ient tran­smi­ses direc­te­ment au Pape François par deux «amis» homo­se­xuels de son dica­stè­re, con­tour­nant ain­si le car­di­nal, il fin­ti par bais­ser les bras. Son long arti­cle dans L’Osservatore Romano, dans lequel il se pro­non­ce en faveur des aspec­ts les plus con­tro­ver­sés d’Amoris Lætitia, incar­ne sa red­di­tion. Votre Éminence, avant mon départ pour Washington, c’e­st vous qui m’a­viez par­lé des sanc­tions du pape Benoît XVI à l’en­con­tre de McCarrick. Vous avez à votre dispo­si­tion des docu­men­ts clés incri­mi­nant McCarrick et plu­sieurs mem­bres de la curie pour leurs dis­si­mu­la­tions. Votre Éminence, je vous invi­te à por­ter témoi­gna­ge à la véri­té.

*

Enfin, je veux vous encou­ra­ger, chers fidè­les, mes frè­res et sœurs en Christ : ne soyez jamais décou­ra­gés ! Faites vôtre l’ac­te de foi et de con­fian­ce tota­le en Jésus-Christ, notre Sauveur, de saint Paul dans sa deu­xiè­me Lettre à Timothée, Scio cui cre­di­di, que j’ai choi­sis com­me devi­se épi­sco­pa­le. C’est un temps de repen­tan­ce, de con­ver­sion, de priè­res, de grâ­ce, pour pré­pa­rer l’Église, l’é­pou­se de l’Agneau, a être prê­te pour com­bat­tre et à gagner avec Marie le com­bat con­tre le vieux dra­gon.

«Scio Cui cre­di­di» (2 Tim 1 :12)
[je sais en qui j’ai mis ma foi]
En Vous, Jésus, mon seul Seigneur, je pla­ce tou­te ma con­fian­ce.
«Diligentibus Deum omnia coo­pe­ran­tur in bonum» (Rom 8:28)”

Share Button

Date de publication: 29/09/2018