Une douche glacée du Vatican sur les négociations avec Pékin

François est le pre­mier pape à avoir sur­vo­lé la Chine. Quant à ce qu’il y met­te les pieds un jour, ça reste à voir.  Au mois d’août der­nier, la Librairie Editrice du Vatican a publié un dos­sier qui con­sti­tue une véri­ta­ble dou­che gla­cée pour tous ceux qui con­ti­nuent à pen­ser qu’un accord entre le Saint-Siège et Pékin serait immi­nent.

Ce dos­sier, ras­sem­blé par Gianni Cardinale, un expert en géo­po­li­ti­que vati­ca­ne et pre­sti­gieux rédac­teur dans les colon­nes d’« Avvenire » et de « Limes », ne com­men­te pas mais docu­men­te plu­tôt ce que, jusqu’auparavant, on ne savait qu’en par­tie.

Pour le pre­miè­re fois, il don­ne le nom des évê­ques de cha­cun des dio­cè­ses chi­nois, offi­ciels et clan­de­stins, légi­ti­mes et illi­ci­tes.

Mais sur­tout, il ali­gne les bio­gra­phies com­pi­lées par la Secrétairerie d’Etat des 75 évê­ques morts en Chine de 2004 à nos jours, tous déci­més par des années voi­re des décen­nies de cap­ti­vi­té, de tra­vaux for­cés, de camps de réé­du­ca­tion, de déten­tion à domi­ci­le et flan­qués en per­ma­nen­ce de poli­ciers.

Si tel est le trai­te­ment que le régi­me com­mu­ni­ste réser­ve aux évê­ques chi­nois sur le ter­rain, il est clair que tout cela doit ces­ser avant que le Vatican n’accepte de signer avec les auto­ri­tés de Pékin un accord sur la nomi­na­tion des futurs évê­ques.

Le cal­vai­re des évê­ques chi­nois ne remon­te pas seu­le­ment à l’époque loin­tai­ne de Mao Tsé-Toung et à la Révolution Culturelle, quand l’objectif décla­ré du régi­me était d’anéantir l’Eglise catho­li­que et de créer un simu­la­cre cou­pé de Rome qui lui soit entiè­re­ment sou­mis.

Il s’est pour­sui­vi même après la sor­tie de pri­son des évê­ques ou futurs évê­ques, con­train­ts pour sur­vi­vre à tra­vail­ler dans une mine de sel ou dans une car­riè­re de pier­re, à fai­re paî­tre les porcs, à cui­re des bri­ques ou pour les plus chan­ceux à res­se­me­ler des chaus­su­res ou à fai­re du com­mer­ce ambu­lant.

En 2005 enco­re, on appre­nait la mort de Jean Gao Kexian, évê­que du dio­cè­se de Yantai, dont on avait per­du la tra­ce depuis qu’il avait été séque­stré par la poli­ce en 1999.

Le même sort fut réser­vé en 2007 à un autre évê­que, Jean Han Dingxiang, du dio­cè­se de Yongnian, empri­son­né pen­dant vingt ans avant d’être relâ­ché et qu’on a ensui­te fait dispa­raî­tre en 2006 avant d’informer ses pro­ches de sa mort alors qu’il avait déjà été inci­né­ré et enter­ré dans un lieu incon­nu.

En 2010, c’était au tour d’un autre évê­que, Jean Yang Shudao du dio­cè­se de Fuzhou, de mou­rir après avoir pas­sé vingt-six ans en pri­son et tou­tes les années qui sui­vi­rent « con­traint de rester qua­si en per­ma­nen­ce en déten­tion à domi­ci­le et sous con­trô­le strict ».

Sans par­ler des tri­bu­la­tions des der­niers évê­ques de Shanghai, le jésui­te Joseph Fan Zhingliang, mort en 2014 après « avoir exer­cé le mini­stè­re dans la clan­de­sti­ni­té » et son suc­ces­seur Thaddée Ma Daqin, aux arrê­ts depuis 2012 pour s’être dis­so­cié de l’Association Patriotique des Catholiques Chinois – en par­fai­te obéis­san­ce à Rome qui juge qu’appartenir à cet­te asso­cia­tion est « incom­pa­ti­ble » avec la foi catho­li­que – et depuis lors plus jamais libé­ré mal­gré qu’il se soit rétrac­té de sa dis­so­cia­tion il y a un an.

Cette année aura con­nu la séque­stra­tion et la déten­tion dans un lieu incon­nu de l’évêque Pierre Shao Zhumin du dio­cè­se de Wenzhou, dont en pre­mier lieu l’ambassade d’Allemagne en Chine et ensui­te le Saint-Siège lui-même ont deman­dé publi­que­ment la remi­se en liber­té le 26 juin der­nier, une deman­de igno­rée par les auto­ri­tés.

Face à tout cela, l’optimisme dont le Pape François fait pre­u­ve cha­que fois qu’il est que­stion de la Chine ne peut s’expliquer que com­me étant un exer­ci­ce de Realpolitik pous­sée à l’extrême.

Parce que s’il est vrai que des pour­par­lers sont en cours entre les deux par­ties, avec des ren­con­tres une fois par tri­me­stre à Rome et une autre à Pékin, mis à part l’impressionnante absen­ce de liber­té que démon­tre le dos­sier du Vatican publié il y a quel­ques jours, deux obsta­cles demeu­rent avant un accord sur les pro­cé­du­res de nomi­na­tion des futurs évê­ques.

Le pre­mier c’est que le Conférence épi­sco­pa­le chi­noi­se, qui est cen­sée pré­sen­ter les can­di­da­ts, n’est com­po­sée à l’heure actuel­le que d’évêques offi­ciel­le­ment recon­nus par Pékin et ne com­por­te aucun de la tren­tai­ne d’évêque « clan­de­stins » qui ne sont recon­nus que par Rome et qu’il n’y a pas moyen de con­vain­cre les auto­ri­tés chi­noi­ses de les inté­grer eux aus­si.

Le second obsta­cle, ce sont ces sept évê­ques « offi­ciels » que le régi­me pré­tend fai­re recon­naî­tre éga­le­ment par le Saint-Siège alors que trois d’entre eux ont été publi­que­ment excom­mu­niés et que deux d’entre eux ont maî­tres­se et enfan­ts.

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Cet arti­cle a été publié dans le n°37 de “L’Espresso” de 2017, sor­ti en librai­rie le 10 sep­tem­bre, dans la rubri­que d’o­pi­nion inti­tu­lée “Settimo Cielo” con­fiée à Sandro Magister.

Voici l’in­dex des arti­cles pré­cé­den­ts:

> “L’Espresso” au sep­tiè­me ciel

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Date de publication: 10/09/2017