Sur la nomination des évêques, la Chine fait cavalier seul.  Et le Pape s’incline

« Une véri­ta­ble gifle en plei­ne figu­re pour le Vatican ».  Voilà com­ment Bitter Winter, le jour­nal en ligne numé­ro un au mon­de spé­cia­li­sé dans l’information sur les reli­gions en Chine, pré­sen­te le tex­te inté­gral du nou­veau direc­toi­re publié par l’Administration d’État pour les affai­res reli­gieu­ses pour ras­sem­bler dans une base de don­nées uni­que tou­tes les infor­ma­tions sur le per­son­nel reli­gieux pré­sent dans le pays et en pous­ser le con­trô­le jusqu’à un niveau qua­si­ment Orwellien.

> Enter the “Administrative Measures for Religious Clergy”: Be Afraid, Be Very Afraid

À l’article 52 du direc­toi­re, on trou­ve de tout.  Par exem­ple, que la réin­car­na­tion d’un lama boud­d­hi­ste doit être auto­ri­sée par le Parti com­mu­ni­ste chi­nois.

Mais concentrons-nous sur l’article 16, celui qui con­cer­ne les évê­ques catho­li­ques, leur nomi­na­tion, leur con­sé­cra­tion et leur recon­nais­san­ce offi­ciel­le.

Le 22 sep­tem­bre 2018, le Saint-Siège et la Chine ont signé un accord pro­vi­soi­re et secret sur la nomi­na­tion des évê­ques, renou­ve­lé pour deux années sup­plé­men­tai­res le 22 octo­bre 2020, un accord que le Pape François – dans son discours du 8 février de cet­te année au corps diplo­ma­ti­que – a défi­ni com­me étant « essen­tiel­le­ment pasto­ral », émet­tant le sou­hait « que le che­min entre­pris se pour­sui­ve, dans un esprit de respect et de con­fian­ce réci­pro­que, pour con­tri­buer davan­ta­ge à la réso­lu­tion des que­stions d’intérêt com­mun ».

Mais à lire le direc­toi­re qui vient d’être publié par l’Administration d’État pour les affai­res reli­gieu­ses, il n’y a abso­lu­ment rien de pasto­ral.  Les moda­li­tés de nomi­na­tion des évê­ques sont entiè­re­ment dans les mains des auto­ri­tés de Pékin, à tra­vers leur bras armé qu’est l’Association patrio­ti­que des catho­li­ques chi­nois et ce col­lè­ge épi­sco­pal fan­to­che qu’est la Conférence des évê­ques catho­li­ques chi­nois, non recon­nue par Rome.

La pro­cé­du­re part d’une « élec­tion démo­cra­ti­que » du nou­vel évê­que de la part de la « com­mu­nau­té catho­li­que » du lieu, elle se pour­suit par « l’approbation » de la nomi­na­tion de la part de la pseudo-conférence épi­sco­pa­le, et abou­tit par la « con­sé­cra­tion » de la part d’un évê­que ali­gné et est cou­ron­née par l’enregistrement offi­ciel du nou­vel élu dans la base de don­nées qui le con­trô­le­ra jusqu’à la tom­be.

Et le Pape ?  Et le Saint-Siège ?  Pas un mot, com­me s’ils n’avaient pas voix au cha­pi­tre.

Voici ce que pré­voit l’article 16 du direc­toi­re :

« Les évê­ques catho­li­ques sont approu­vés et con­sa­crés par la Conférence des évê­ques catho­li­ques chi­nois.  L’Association patrio­ti­que des catho­li­ques chi­nois et la Conférence des évê­ques catho­li­ques chi­nois rem­pli­ront, dans les vingt jours après la con­sé­cra­tion de l’évêque, le for­mu­lai­re pour la clas­si­fi­ca­tion d’un évê­que catho­li­que et le remet­tront pour enre­gi­stre­ment à l’Administration d’État pour les affai­res reli­gieu­ses, en four­nis­sant les docu­men­ts sui­van­ts :

  1. Une copie de la com­po­si­tion de ména­ge de l’évêque et une copie de sa car­te d’identité.
  2. Une décla­ra­tion émi­se par la com­mu­nau­té catho­li­que de la pro­vin­ce, de la région auto­no­me ou de la muni­ci­pa­li­té sous l’autorité direc­te du gou­ver­ne­ment cen­tral sur l’élection démo­cra­ti­que de l’évêque.
  3. Une let­tre d’approbation de la Conférence des évê­ques catho­li­ques chi­nois.
  4. Le cer­ti­fi­cat de la con­sé­cra­tion de l’évêque signé par l’évêque con­sé­cra­teur.

Le for­mu­lai­re d’enregistrement des évê­ques catho­li­ques sera exclu­si­ve­ment celui four­ni par l’Administration d’État pour les affai­res reli­gieu­ses. »

Ce direc­toi­re entre­ra en vigueur le 1er mai pro­chain.  Après cet­te date, rien ne lais­se pré­sa­ger que le bilan de l’accord entre le Vatican et la Chine sur la nomi­na­tion des évê­ques sera meil­leur que ce qu’on a enre­gi­stré jusqu’ici :

> Loin dans le rou­ge.  Le bilan déce­vant de deux années d’accord avec la Chine

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 16/02/2021