Personne ne l’écoute quand il défend la vie et la famille. Et il y a une raison

À une occa­sion, lors d’une visi­te à Turin, il a dit à un par­ter­re de jeu­nes : « Soyez cha­stes, soyez cha­stes ». Et il s’en était pre­sque excu­sé : « Pardonnez-moi si je vous dis une cho­se à laquel­le vous ne vous atten­diez pas ».

C’est aus­si cela le Pape François. Un Pape qui à l’occasion revient un peu à l’ancienne en répé­tant les pré­cep­tes de l’Eglise de tou­jours.  Comme ne pas avor­ter.  Ou pour le dire avec ses mots aux mêmes jeu­nes de Turin : ne pas « tuer les bébés avant qu’ils ne nais­sent ».

Les grands jour­naux mini­mi­sent ou pas­sent sous silen­ce ces momen­ts où François a pris ses distan­ces avec cet­te ima­ge qui lui col­le à la peau de pape per­mis­sif sur ces suje­ts que l’Eglise, jusqu’à ces der­niè­res années, défi­nis­sait com­me « non négo­cia­bles ».

Et pour­tant, c’est arri­vé à de nom­breu­ses repri­ses, au moins une cen­tai­ne de fois, et même dans des cir­con­stan­ces solen­nel­les com­me par exem­ple à Strasbourg devant le par­le­ment euro­péen, quand il a con­dam­né la cul­tu­re du « déchet », de l’élimination de tou­tes les vies humai­nes qui ne sont plus uti­les, « com­me dans le cas des mala­des, des mala­des en pha­se ter­mi­na­le, des per­son­nes âgées aban­don­nées et sans soins ». C’est ce qu’il a cou­tu­me d’appeler « l’euthanasie cachée ».

Mais c’est exac­te­ment com­me s’il n’avait rien dit. Son discours à Strasbourg a été salué par des applau­dis­se­men­ts nour­ris des qua­tre coins de l’hémicycle, puis il a été clas­sé.

Il en a été de même à la mi-novembre, quand François a exhu­mé un aver­tis­se­ment de Pie VII pour rap­pe­ler la con­dam­na­tion de l’euthanasie. Là aus­si les médias ont au con­trai­re inter­pré­té ses paro­les com­me une « ouver­tu­re ».

Une semai­ne plus tard, dans deux homé­lies de sui­te à Sante Marthe, le Pape s’en est éga­le­ment pris à la « colo­ni­sa­tion idéo­lo­gi­que » qui pré­tend gom­mer la dif­fé­ren­ce entre les sexes. Un an aupa­ra­vant, alors qu’il était en Géorgie, il l’avait même qua­li­fiée de « guer­re mon­dia­le pour détrui­re le maria­ge ».

Ces coups de colè­re répé­tés ont eux aus­si glis­sé com­me de l’eau sur du mar­bre, dans l’indifférence la plus com­plè­te.

La pres­se a sans dou­te sa part de respon­sa­bi­li­té mais c’e­st tout de même para­do­xal pour un pape com­me Jorge Mario Bergoglio dont la maî­tri­se des moyens de com­mu­ni­ca­tion pas­se pour être hors pair. À moins d’imaginer qu’il soit juste­ment le pre­mier à vou­loir que ces interventions-là ne fas­sent pas trop de bruit et sur­tout qu’elles n’entachent pas sa répu­ta­tion de pape en pha­se avec son temps.

Une cho­se est cer­tai­ne : le choc fron­tal entre un Jean-Paul II et la moder­ni­té ou entre un Benoît XVI et la « dic­ta­tu­re du rela­ti­vi­sme » sont des cho­ses que le Pape François ne tient en aucun cas à revi­vre. Il est trop con­tent que son pon­ti­fi­cat soit com­pris à la lumiè­re tran­quil­li­san­te du « qui suis-je pour juger ? » et que par con­sé­quent cha­cu­ne de ses décla­ra­tions ora­les ou écri­tes sur ces thè­mes con­tro­ver­sés ne soient jamais con­si­dé­rées ni com­me défi­ni­ti­ves ni com­me bien défi­nies mais s’offrent au con­trai­re, inof­fen­si­ves et mal­léa­bles, aux libre arbi­tre de tout un cha­cun.

Ce résul­tat est dû à la capa­ci­té de Bergoglio d’accomplir des gestes dont l’impact média­ti­que est infi­ni­ment plus fort que les mots.

Quand, il y a deux ans, au ter­me de sa visi­te aux Etats-Unis, il avait accor­dé une audien­ce très cha­leu­reu­se (voir pho­to) à l’un de ses amis argen­tins, Yayo Grassi, accom­pa­gné de son « mari » indo­né­sien Iwan Bagus, cela avait suf­fi à con­sa­crer l’image d’un François ouvert aux maria­ges homo­se­xuels, mal­gré tou­tes ses décla­ra­tions con­trai­res.

Et à l’inverse, quand une fou­le innom­bra­ble de catho­li­ques et de non-catholiques réu­nis est descen­due dans la rue pour défen­dre le maria­ge entre un hom­me et une fem­me, com­me cela s’est pas­sé à Paris à l’occasion de la « Manif pour tous » ou à Rome lors du « Family Day », le Pape s’est bien gar­dé de pro­non­cer la moin­dre paro­le de sou­tien. Et enco­re moins de pro­te­ster face aux vic­toi­res du camp adver­se.  Quand, en mai 2015, le « oui » au maria­ge homo­se­xuel a triom­phé en Irlande, François a lais­sé au car­di­nal Pietro Parolin, le secré­tai­re d’Etat, l’honneur de qua­li­fier ce résul­tat de « défai­te pour l’humanité » et donc de pren­dre sur lui les iné­vi­ta­bles accu­sa­tions d’obscurantisme.

En résu­mé, quand la batail­le poli­ti­que et cul­tu­rel­le pour ou con­tre l’affirmation des nou­veaux droi­ts fait rage, le Pape François se tait. Et il s’exprime en revan­che loin de l’arène, à l’abri, dans des lieux et aux momen­ts les plus éloi­gnés de la tour­men­te.

C’est ain­si qu’il pré­ser­ve la doc­tri­ne tra­di­tion­nel­le de l’Eglise, com­me dans un abri anti­aé­rien.

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Cette note est parue dans “L’Espresso” n. 52 de 2017, en ven­te en kio­sque le 24 décem­bre, à la page d’o­pi­nion inti­tu­lée “Settimo Cielo”, con­fiée à Sandro Magister.

Voici la liste de tou­tes les pré­cé­den­tes notes :

> “L’Espresso” au sep­tiè­me ciel

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Date de publication: 23/12/2017