Nouvel appel du Père Weinandy au Pape : Avec cette fausse miséricorde, on détruit l’Eglise

On se sou­vient enco­re de la let­tre ouver­te que le P. Thomas G. Weinandy avait adres­sée au Pape François l’été der­nier avant de la met­tre dans le domai­ne public le pre­mier novem­bre sur Settimo Cielo :

> Un théo­lo­gien écrit au pape: C’est le chaos dans l’Église et vous en êtes une des cau­ses

Aujourd’hui matin, same­di 24 février, il est reve­nu à la char­ge à Sydney au cours d’une con­fé­ren­ce orga­ni­sée par l’University of Notre Dame, en Australie.

Dans son inter­ven­tion, le Père Weinandy décrit et dénon­ce l’at­ta­que d’une gra­vi­té sans pré­cé­dent que cer­tai­nes théo­ries et pra­ti­ques « pasto­ra­les » encou­ra­gées par le Pape François sont en train de por­ter con­tre l’Eglise « une, sain­te, catho­li­que et apo­sto­li­que » et plus par­ti­cu­liè­re­ment con­tre l’Eucharistie qui est la « sour­ce et le som­met » de la vie de l’Eglise elle-même.

Settimo Cielo pro­po­se ci-dessous à ses lec­teurs, dans qua­tre lan­gues, les pas­sa­ges cru­ciaux de l’acte d’accusation du Père Weinandy. Mais ceux qui sou­hai­te­ra­ient lire le tex­te inté­gral de sa con­fé­ren­ce, dans l’original en anglais, la trou­ve­ront sur cet­te autre page web :

> The Four Marks of the Church: The Contemporary Crisis in Ecclesiology

A 72 ans, le Père Weinandy est l’un des théo­lo­giens les plus esti­més, il vit à Washington au col­lè­ge de Capucins, l’ordre fran­ci­scain dont il fait par­tie. Il est tou­jours mem­bre de la Commission théo­lo­gi­que inter­na­tio­na­le asso­ciée à la Congrégation vati­ca­ne pour la doc­tri­ne de la foi, depuis sa nomi­na­tion en 2014 par le Pape François.

Il a ensei­gné aux Etats-Unis et dans plu­sieurs uni­ver­si­tés, pen­dant dou­ze ans à Oxford et à l’Université pon­ti­fi­ca­le gré­go­rien­ne de Rome.

Pendant neuf ans, de 2005 à 2013, il a été direc­teur exé­cu­tif de la Commission doc­tri­na­le de Conférence épi­sco­pa­le des Etats-Unis. Et il a con­ti­nué à en fai­re par­tie com­me « advi­sor » jusqu’au jour de la publi­ca­tion de sa let­tre ouver­te au Pape François, où il fut con­traint de démis­sion­ner.

A lui la paro­le.

*

La menace qui pèse actuellement sur l’Eglise et sur l’Eucharistie

par Thomas G. Weinandy

On ne peut pas nier que l’Eglise post­con­ci­liai­re a été tra­ver­sée par de nom­breu­ses divi­sions et diver­gen­ces sur la doc­tri­ne, la mora­le et la litur­gie. Ces désac­cords per­du­rent enco­re.  Pourtant, jamais au cours des pon­ti­fi­ca­ts de Jean-Paul II et de Benoît XVI, on n’a dou­té de ce que l’Eglise ensei­gne con­cer­nant sa doc­tri­ne, sa mora­le et sa pra­ti­que litur­gi­que.  […]  Ce n’est plus le cas, et de bien des maniè­res signi­fi­ca­ti­ves, au cours de l’actuel pon­ti­fi­cat du Pape François.

Une menace pour l’unicité de l’Eglise

[…] On dirait par­fois que le Pape François se con­si­dè­re non pas com­me le pro­mo­teur de l’unité mais bien com­me l’agent de divi­sion. Sa phi­lo­so­phie pra­ti­que, pour autant qu’il s’agisse d’une phi­lo­so­phie inten­tion­nel­le, sem­ble con­si­ster à croi­re qu’un plus grand bien uni­fi­ca­teur fini­ra par émer­ger du fatras actuel d’opinions diver­gen­tes et de la tour­men­te des divi­sions qui en résul­tent.

Je crains qu’une tel­le appro­che, même invo­lon­tai­re, ne tou­che à l’essence même du mini­stè­re pétri­nien tel que Jésus l’a sou­hai­té et tel qu’il a tou­jours été com­pris par l’Eglise. Le suc­ces­seur de Saint Pierre, par la natu­re même de sa fonc­tion, est cen­sé lit­té­ra­le­ment être la per­son­ni­fi­ca­tion et le signe par excel­len­ce de la com­mu­nion ecclé­sia­le de l’Eglise.  […]  En para­is­sant encou­ra­ger la divi­sion doc­tri­na­le et la discor­de mora­le au sein de l’Eglise, le pon­ti­fi­cat actuel a tran­sgres­sé la pro­prié­té fon­da­men­ta­le de l’Eglise – son uni­ci­té.  Comment cet­te offen­se con­tre l’unité de l’Eglise se manifeste-t-elle ?  Par une désta­bi­li­sa­tion des trois autres pro­prié­tés de l’Eglise.

Une menace pour l’apostolicité de l’Eglise

Premièrement, on est en train de saper la natu­re apo­sto­li­que de l’Eglise. Comme plu­sieurs théo­lo­giens et évê­ques, mais aus­si le plus sou­vent les laïcs (ceux qui pos­sè­dent le « sen­sum fide­lium ») l’ont remar­qué, l’enseignement du pape actuel ne bril­le pas par sa clar­té.  […] Comme on l’a vu dans « Amoris Laetitia », cet­te maniè­re de recon­ce­voir et d’exprimer une foi apo­sto­li­que et une tra­di­tion magi­sté­riel­le clai­res jusque-là d’une nou­vel­le maniè­re et d’une façon ambi­güe, com­me pour semer la con­fu­sion et la per­ple­xi­té dans la com­mu­nau­té ecclé­sia­le, revient con­tre­di­re ses pro­pres devoirs en tant que suc­ces­seur de Pierre et à enfrein­dre la con­fian­ce de ses frè­res évê­ques ain­si que cel­le des prê­tres et de tous les fidè­les.

Ignace [d’Antioche] serait con­ster­né d’une tel­le situa­tion.  Si, pour lui, les ensei­gne­men­ts héré­ti­ques embras­sés par des per­son­nes n’étant asso­ciées que de de loin à l’Eglise nui­sait déjà à l’unité de l’Eglise, com­bien plus déva­sta­teur enco­re un ensei­gne­ment ambi­gu éma­nent d’un évê­que ayant reçu la mis­sion divi­ne de pré­ser­ver l’unité de l’Eglise peut-il donc être.  […]

De plus, […] ce qui res­sem­ble à un sou­tien d’une inter­pré­ta­tion de la doc­tri­ne et de la mora­le diver­geant de l’enseignement reçu des apô­tres et de la tra­di­tion magi­sté­riel­le de l’Eglise – tel­le que défi­nie dog­ma­ti­que­ment par les papes pré­cé­den­ts et par les évê­ques en com­mu­nion avec lui et tel­le qu’acceptée et crue par les fidè­les — ne peut pas ensui­te être pro­po­sé com­me un ensei­gne­ment magi­sté­riel. […] En matiè­re de foi et de mora­le, jamais l’enseignement d’un pape en vie ne peut avoir une pré­cé­den­ce apo­sto­li­que et magi­sté­riel­le sur les ensei­gne­men­ts magi­sté­riels des pré­cé­den­ts pon­ti­fes ou sur la doc­tri­ne magi­sté­riel­le tel­le que la tra­di­tion l’a éta­blie.  […] Cet ensei­gne­ment ambi­gu du Pape François sem­ble par­fois s’aventurer en-dehors de l’enseignement magi­sté­riel de la com­mu­nau­té apo­sto­li­que ecclé­sia­le histo­ri­que et cau­ser des rai­sons de se préoc­cu­per par­ce que, com­me nous l’avons dit plus haut, il est sour­ce de divi­sions et de désac­cords davan­ta­ge que d’unité et de paix au sein de l’Eglise, une et apo­sto­li­que. […]

Une menace pour la catholicité de l’Eglise

Deuxièmement, […] l’universalité de l’Eglise est publi­que­ment mani­fe­sté dans le lien que tou­tes les Eglises par­ti­cu­liè­res ont entre elles, à tra­vers le col­lè­ge des évê­ques en com­mu­nion avec le pape, en pro­fes­sant une même foi apo­sto­li­que et en prê­chant le même Evangile uni­ver­sel à tou­te l’humanité. […] Cette expres­sion de l’unicité catho­li­que est éga­le­ment mena­cée.

On a beau­coup van­té l’attachement du Pape François à la syno­da­li­té – le fait d’octroyer plus de liber­té aux Eglises loca­les de s’autodéterminer. […]  Cependant, la maniè­re dont le Pape François conçoit cet­te notion de syno­da­li­té et la façon dont elle est pro­mue par d’autres que lui, bien loin d’assurer l’unicité uni­ver­sel­le de l’Eglise catho­li­que en tant que com­mu­nion ecclé­sia­le com­po­sée de mul­ti­ples Eglises par­ti­cu­liè­res, se voit aujourd’hui uti­li­sée à mau­vais escient pour don­ner libre cours aux divi­sions au sein de l’Eglise. […]

Nous som­mes actuel­le­ment en train d’assister à la désin­té­gra­tion de la catho­li­ci­té de l’Eglise pui­sque des Eglises loca­les, tant au niveau dio­cé­sain de natio­nal, inter­prè­tent sou­vent des nor­mes doc­tri­na­les et des pré­cep­tes moraux de façon con­flic­tuel­le et con­tra­dic­toi­re. […]  La pro­prié­té d’unicité de l’Eglise, une uni­té que le Pape est divi­ne­ment man­da­té pour pro­té­ger et pour engen­drer, perd son inté­gri­té par­ce que les pro­prié­tés de catho­li­ci­té et d’apostolicité ont som­bré dans un désar­roi moral et doc­tri­nal, une anar­chie théo­lo­gi­que que le Pape lui-même, sans dou­te sans le savoir, a pro­vo­qués en sou­te­nant une con­cep­tion erro­née de la syno­da­li­té.  […]

Une menace pour la sainteté de l’Eglise

Troisièmement, nous en venons à la troi­siè­me pro­prié­té de l’Eglise – sa sain­te­té. Cette pro­prié­té est éga­le­ment mena­cée, tout par­ti­cu­liè­re­ment, mais sans gran­de sur­pri­se, par rap­port à l’Eucharistie.  […]

Pour par­ti­ci­per plei­ne­ment à l’Eucharistie de l’Eglise, […] cha­que per­son­ne doit incar­ner les qua­tre pro­prié­tés de l’Eglise par­ce que ce n’est qu’ainsi que l’on se trou­ve en plei­ne com­mu­nion avec l’Eglise pour rece­voir la com­mu­nion – le corps res­su­sci­té et le sang de Jésus, la sour­ce et le som­met de notre union avec le Père dans l’Esprit-Saint. […]

Le pre­miè­re pro­blè­me […] tou­che spé­ci­fi­que­ment à la sain­te­té. Même si cha­cun doit pro­fes­ser l’unique foi apo­sto­li­que de l’Eglise, la foi seu­le ne suf­fit pas pour rece­voir le Christ dans l’Eucharistie.  En se réfé­rant à Vatican II, Jean-Paul II affir­me que « il con­vient aus­si de per­sé­vé­rer dans la grâ­ce sanc­ti­fian­te et dans la cha­ri­té, en demeu­rant au sein de l’Église ‘de corps’ et ‘de cœur’ » (Ecclesia de Eucharistia 36).  Au début du deu­xiè­me siè­cle, Ignace affir­mait la même cho­se – qu’on ne peut rece­voir la com­mu­nion qu’en « état de grâ­ce » (Ad. Eph. 20).  Par con­sé­quent, con­for­mé­ment au Catéchisme de l’Eglise catho­li­que et au Concile de Trente, Jean-Paul II con­fir­me : « Je dési­re donc redi­re que demeu­re et demeu­re­ra tou­jours vala­ble dans l’Église la nor­me par laquel­le le Concile de Trente a appli­qué con­crè­te­ment la sévè­re admo­ni­tion de l’Apôtre Paul, en affir­mant que, pour une digne récep­tion de l’Eucharistie, ‘si quel­qu’un est con­scient d’ê­tre en état de péché mor­tel, il doit, aupa­ra­vant, con­fes­ser ses péchés’ » (ibid.).  Conformément à la tra­di­tion doc­tri­na­le de l’Eglise, Jean-Paul II insi­ste sur le fait que l’itinéraire de péni­ten­ce, à tra­vers le sacre­ment de la Réconciliation « devient le pas­sa­ge obli­gé pour accé­der à la plei­ne par­ti­ci­pa­tion au Sacrifice eucha­ri­sti­que » en cas de péché mor­tel (ibid. 37).  Tout en recon­nais­san­ce que le juge­ment sur l’état de grâ­ce revient au seul inté­res­sé, il affir­me que « en cas de com­por­te­ment exté­rieur gra­ve­ment, mani­fe­ste­ment et dura­ble­ment con­trai­re à la nor­me mora­le, l’Église, dans son sou­ci pasto­ral du bon ordre com­mu­nau­tai­re et par respect pour le Sacrement, ne peut pas ne pas se sen­tir con­cer­née » (ibid.).  Jean-Paul II inten­si­fie son admo­ni­tion en citant le droit canon.  En cas de « situa­tion de con­tra­dic­tion mora­le mani­fe­ste », c’est-à-dire, selon le droit canon, quand une per­son­ne « per­si­ste avec obsti­na­tion dans un péché gra­ve et mani­fe­ste », elle ne doit pas être admi­se à la com­mu­nion eucha­ri­sti­que  (ibid.).

C’est ici que nous pre­nons con­scien­ce de la mena­ce qui pèse actuel­le­ment sur la sain­te­té de l’Eglise et plus spé­ci­fi­que­ment sur la sain­te­té de l’Eucharistie. La que­stion de savoir si les cou­ples catho­li­ques divor­cés et rema­riés vivant com­me mari et fem­me peu­vent rece­voir la com­mu­nion ou pas tour­ne autour de cet­te notion de « com­por­te­ment exté­rieur gra­ve­ment, mani­fe­ste­ment et dura­ble­ment con­trai­re à la nor­me mora­le » et donc, de la que­stion de savoir s’ils se trou­vent en « situa­tion de con­tra­dic­tion mora­le mani­fe­ste » pour rece­voir la com­mu­nion.

Le Pape François insi­ste à juste titre pour que de tels cou­ples soient accom­pa­gnés et qu’on les aide à for­mer cor­rec­te­ment leurs con­scien­ces. Bien enten­du, il y a des cas excep­tion­nels de maria­ges pour lesquels on peut légi­ti­me­ment discer­ner qu’un pré­cé­dent maria­ge était sacra­men­tel­le­ment inva­li­de, même s’il n’est pas pos­si­ble d’obtenir les pre­u­ves néces­sai­res pour une recon­nais­san­ce de nul­li­té, ce qui peut per­met­tre à un cou­ple de rece­voir la com­mu­nion.  Toutefois, la façon ambi­güe avec laquel­le le Pape François pro­po­se cet accom­pa­gne­ment pasto­ral per­met à cet­te situa­tion pasto­ra­le d’évoluer vers une pra­ti­que habi­tuel­le con­si­stant à rapi­de­ment fai­re en sor­te que pre­sque tous les cou­ples divor­cés et rema­riés s’estiment libres de rece­voir la Sainte Communion.

Cette situa­tion pasto­ra­le ne man­que­ra pas de se déve­lop­per par­ce que les impé­ra­tifs moraux néga­tifs tels que « tu ne com­met­tras pas l’adultère » ne sont plus con­si­dé­rés com­me des nor­mes mora­les abso­lues à ne pas tran­sgres­ser mais plu­tôt com­me un idéal moral – un objec­tif que l’on pour­rait attein­dre au bout d’un cer­tain temps ou qu’on pour­rait très bien ne jamais réa­li­ser au cours de sa vie. Dans cet inter­val­le de temps indé­fi­ni, les gens peu­vent con­ti­nuer, avec la béné­dic­tion de l’Eglise, à fai­re de leur mieux pour vivre « sain­te­ment » et donc à rece­voir la com­mu­nion.  Une tel­le pra­ti­que pasto­ra­le a de nom­breu­ses con­sé­quen­ces néfa­stes sur le plan doc­tri­nal et moral.

Premièrement, per­met­tre à ceux qui sont en état de péché gra­ve mani­fe­ste de com­mu­nier, c’est atten­ter ouver­te­ment à la sain­te­té de ce que Jean-Paul II appel­le le « Très Saint Sacrement ». Un péché gra­ve, par sa natu­re même, com­me le con­fir­ment Ignace, Vatican II et Jean-Paul II, pri­ve la per­son­ne de sain­te­té pui­sque le Saint-Esprit ne demeu­re plus en cet­te per­son­ne, ce qui la rend inap­te à rece­voir la Sainte Communion.  En effet, rece­voir la com­mu­nion dans un tel état, lit­té­ra­le­ment, de disgrâ­ce con­sti­tue un men­son­ge puisqu’en rece­vant le sacre­ment, une per­son­ne atte­ste qu’elle se trou­ve en com­mu­nion avec le Christ alors qu’en fait elle ne l’est pas.

De la même maniè­re, une tel­le pra­ti­que con­sti­tue éga­le­ment une offen­se à la sain­te­té de l’Eglise. Oui, l’Eglise est bien com­po­sée de sain­ts et de pécheurs, cepen­dant ceux qui pèchent, c’est-à-dire tous, doi­vent être des pécheurs-repentants, par­ti­cu­liè­re­ment en cas de péché gra­ve, s’ils sou­hai­tent plei­ne­ment par­ti­ci­per à la litur­gie Eucharistique et donc rece­voir le très saint corps et le sang de Jésus.  Une per­son­ne en état de péché gra­ve peut donc très bien être enco­re un mem­bre de l’Eglise mais, com­me pécheur gra­ve, cet­te per­son­ne ne par­ti­ci­pe plus à la sain­te­té de l’Eglise en tant que fidè­le sanc­ti­fié.  Recevoir la com­mu­nion dans un tel état d’indignité revient enco­re une fois à pro­fé­rer un men­son­ge étant don­né qu’en rece­vant publi­que­ment ce sacre­ment, cet­te per­son­ne ten­te de témoi­gner publi­que­ment qu’elle est un mem­bre de la com­mu­nau­té ecclé­sia­le vivant et tou­ché par la grâ­ce alors qu’elle ne l’est pas.

Deuxièmement, et peut être par-dessus tout, per­met­tre à ceux qui per­si­stent à mani­fe­ster un péché gra­ve de rece­voir la com­mu­nion, en fai­sant pas­ser cela pour un acte de cha­ri­té, revient à la fois à mini­mi­ser le mal d’un péché gra­ve et à calom­nier la magni­tu­de et la puis­san­ce de l’Esprit Saint. Une tel­le pra­ti­que pasto­ra­le revient à accep­ter que le péché con­ti­nue de gou­ver­ner l’humanité mal­gré l’œuvre de salut de Jésus et l’onction de l’Esprit Saint don­né par lui à tous ceux qui cro­ient et qui sont bap­ti­sés.  Jésus n’est donc pas vrai­ment Seigneur et Sauveur et c’est plu­tôt Satan qui con­ti­nue de régner.

De plus, con­for­ter les per­son­nes en état de péché gra­ve ne con­sti­tue nul­le­ment un acte d’amour ou de cha­ri­té par­ce cela revient à les con­for­ter dans un état où elles pour­ra­ient être éter­nel­le­ment con­dam­nées et à met­tre leur salut en péril. De la même maniè­re, en retour, on insul­te éga­le­ment de tels pécheurs gra­ves par­ce que cela revient à leur dire qu’ils sont si gra­ve­ment pécheurs que même le Saint Esprit n’est pas assez puis­sant pour les aider à chan­ger leur con­dui­te pec­ca­mi­neu­se et pour les ren­dre sain­ts.  On les rend donc intrin­sè­que­ment in-sauvables.  En fait, ce qui se pas­se réel­le­ment, c’est que l’on affir­me ain­si que l’Eglise de Jésus-Christ n’est pas vrai­ment sain­te et qu’elle est donc inca­pa­ble de sanc­ti­fier ses pro­pres mem­bres.

Enfin, ce qui est la con­sé­quen­ce pasto­ra­le publi­que du fait de lais­ser ceux qui refu­sent de se repen­tir d’un péché gra­ve et mani­fe­ste rece­voir la Sainte Communion, c’est le scan­da­le. Pas tel­le­ment par­ce que les mem­bres fidè­les de la com­mu­nau­té Eucharistiques sera­ient con­ster­nés et pro­ba­ble­ment mécon­ten­ts mais sur­tout par­ce qu’ils seront ten­tés de pen­ser qu’eux-mêmes peu­vent pécher gra­ve­ment tout en restant en règle avec l’Eglise.  Pourquoi alors se fati­guer à essayer de mener une vie sain­te, voi­re une vie héroï­que­ment ver­tueu­se, si l’Eglise elle-même ne sem­ble pas exi­ger ni même encou­ra­ger une tel­le vie ?  Alors l’Eglise se tran­sfor­me en une cari­ca­tu­re d’elle-même et une tel­le con­fu­sion ne susci­te rien d’autre que du mépris et du dédain dans le mon­de, de la déri­sion et du cyni­sme chez les fidè­les et, au mieux, un espoir envers et con­tre tout chez les plus peti­ts.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 24/02/2018