Noël avec le cardinal Pell.  La lumière de Jésus illumine aussi ceux qui sont en prison

La médi­ta­tion de Noël qui va sui­vre a été offer­te par le car­di­nal George Pell à Asia News, l’agence de l’Institut pon­ti­fi­cal des mis­sions étran­gè­res dont le direc­teur, le Père Bernard Cervellera, est l’un de ses grands amis depuis des décen­nies.

Asia News l’a publiée le 18 décem­bre et Settimo Cielo vous la pro­po­se ici avec son auto­ri­sa­tion.

Il y a un an, le car­di­nal Pell était enfer­mé dans une cel­lu­le de sécu­ri­té maxi­ma­le de Melbourne, sans mes­se ni com­mu­nion.  Un peu com­me dans les icô­nes de la Nativité orien­ta­les qui repré­sen­tent Jésus nouveau-né, sinon dans une pri­son, à tout le moins dans une grot­te obscu­re com­me un sépul­cre et emmail­lo­té com­me dans un suai­re.

Settimo Cielo a d’ailleurs publié en pri­meur quel­ques pages de son jour­nal de pri­son :

> En avant-première. Le jour­nal de pri­son du car­di­nal Pell

A lui la paro­le, à la veil­le de la Nuit sain­te.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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« Cette naissance vraiment miraculeuse »

de George Pell

Pendant tou­te cet­te année, le Covid-19 a répan­du la mala­die et la mort à tra­vers le mon­de, quoi­que pas autant que cer­tains crai­gna­ient.  La pan­dé­mie a blo­qué les voya­ges inter­na­tio­naux et a por­té un coup sévè­re aux acti­vi­tés com­mer­cia­les.  Pour tou­tes ces rai­sons, cet­te année nous nous apprê­tons à célé­brer Noël dans une mau­vai­se pério­de, même si cela pour­rait être pire.  Nous ne som­mes pas en pro­ie à une guer­re mon­dia­le, il n’y a pas de gran­de pénu­rie et en plus, nous avons ces nou­veaux vac­cins qui nous pro­met­tent de ralen­tir la mala­die et de la met­tre sous con­trô­le.

Cette année, les cho­ses vont mieux pour moi.  Au milieu de cet iso­le­ment et de cet­te con­fu­sion, j’avance à con­tre­cou­rant par­ce que Noël der­nier, j’étais en pri­son à Melbourne (Australie) pour un cri­me sexuel que je n’avais pas com­mis.  Pendant les 404 jours que j’ai pas­sés dans deux pri­sons, je n’ai jamais pu célé­brer la mes­se ; je ne rece­vais la com­mu­nion qu’une fois par semai­ne grâ­ce à une reli­gieu­se mer­veil­leu­se, respon­sa­ble de l’aumônerie catho­li­que de la pri­son.  Je n’ai pas pu rece­voir la com­mu­nion le jour de Noël, qui avait cepen­dant été rehaus­sé par un bon repas de Noël à l’anglaise, din­de et des­sert aux pru­nes, et que j’ai pu sou­hai­ter « Joyeux Noël » aux gar­diens.

À part ça, c’était un sim­ple jour de pri­son com­me un autre, dont je ne pou­vais m’évader que par mon ima­gi­na­tion, mes lec­tu­res, ou les pro­gram­mes reli­gieux de Noël à la télé­vi­sion.  Depuis ma plus ten­dre enfan­ce, j’ai tou­jours aimé les can­ti­ques de Noël, pas seu­le­ment les écou­ter mais aus­si les chan­ter avec la com­mu­nau­té.  « O Come all ye fai­th­ful » (« Adeste fide­les ») et le chant alle­mand « Silent Night » (« Douce nuit ») éta­ient mes pré­fé­rés quand j’étais enfant, même si aujourd’hui c’est « O Holy Night » qui figu­re en haut de la liste.  Noël der­nier, j’ai pu regar­der à la télé­vi­sion le pro­gram­me « Carols by Candlelight » (« Cantiques à la lumiè­re des bou­gies ») mais je n’ai pas pu enten­dre ni voir les deux cho­ra­les de mes fidè­les (l’une était un grou­pe de viet­na­miens) qui s’étaient ras­sem­blées à l’extérieur de la pri­son pour chan­ter nos chan­ts pré­fé­rés.  Je ne suis même pas cer­tain que d’autres, ou au moins l’un ou l’autre pri­son­nier, ait pu les enten­dre, ce qui ajou­te à mon amer­tu­me.

À cau­se de cela, dans la liber­té que je con­nais ici à Rome où les pèle­rins sont si tri­ste­ment absen­ts en cet­te pério­de de Noël, je pen­se d’une maniè­re tou­te par­ti­cu­liè­re à tous ceux qui sont en pri­son, sépa­rés des per­son­nes qu’ils aiment, qu’ils se trou­vent en pri­son pour une juste puni­tion ou qu’ils soient incar­cé­rés par­ce qu’ils lut­tent pour la liber­té, ou par­ce qu’ils sont per­sé­cu­tés à cau­se de leur appar­te­nan­ce à un grou­pe reli­gieux ou social.  Même dans le meil­leur des régi­mes, il y a des inno­cen­ts en pri­son ; et là où les régi­mes sont cor­rom­pus, ou là où il y a une oppres­sion ou une per­sé­cu­tion systé­ma­ti­que, il y a de nom­breux pri­son­niers inno­cen­ts qui souf­frent.  Nous devrons prier avant tout pour eux en cet­te pério­de où nous prions pour la « paix sur la ter­re aux hom­mes de bon­ne volon­té ».

Aux habi­tan­ts de Galatie, envi­ron 60 années après le pre­mier Noël, c’est par ces mots que saint Paul expli­quait Noël : « lorsqu’est venue la plé­ni­tu­de des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une fem­me et sou­mis à la loi de Moïse, afin de rache­ter ceux qui éta­ient sou­mis à la Loi et pour que nous soyons adop­tés com­me fils. »

Cette nais­san­ce était vrai­ment mira­cu­leu­se, mal­gré la mau­vai­se odeur de l’étable et la pau­vre­té des lieux, par­ce que la Mère de l’enfant, Marie, était une vier­ge et que son mari, Joseph, n’était pas son père bio­lo­gi­que.  Le nouveau-né était vrai Dieu et vrai hom­me ; Emmanuel, Dieu avec nous, par­ce que Dieu était son père.

Marie et Joseph éta­ient juifs par ori­gi­ne et par reli­gion.  Les Évangiles nous disent que Joseph était un « díka­ios », un mot grec qui indi­que un hom­me bon et juste, et Marie était con­si­dé­rée par tous les chré­tiens com­me la plus gran­de des sain­tes : tous deux fai­sa­ient par­tie de cet­te lignée choi­sie par Dieu pour intro­dui­re le mono­théi­sme dans l’histoire.  Il n’y a qu’un seul Dieu, expli­qué de dif­fé­ren­tes maniè­res dans les trois gran­des tra­di­tions mono­théi­stes : judaï­sme, chri­stia­ni­sme et islam, mais nous chré­tiens som­mes les seuls à fêter Noël, la nais­san­ce de l’unique Fils de Dieu.

Le chri­stia­ni­sme a eu une for­te pré­sen­ce dans le mon­de occi­den­tal pen­dant au moins deux mil­le ans, depuis la con­ver­sion de l’ancienne Russie ; et avant elle l’Italie, la Grèce, la France, l’Espagne de l’époque de Constantin, le pre­mier empe­reur chré­tien de l’empire romain qui, en 131 apr. J.-C. a garan­ti la liber­té reli­gieu­se à cet­te mino­ri­té per­sé­cu­tée.  Mais le chri­stia­ni­sme n’est pas une reli­gion occi­den­ta­le, non seu­le­ment par­ce que le Moyen-Orient et tou­te l’Afrique du Nord éta­ient chré­tien­nes à une épo­que mais aus­si par­ce que le chri­stia­ni­sme est né en Orient, ou à tout le moins au Moyen-Orient, la mai­son du peu­ple hébreu.  C’est pour cela que nous chré­tiens ado­rons le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de Moïse, qui est éga­le­ment le Père de l’enfant Jésus, notre Seigneur.

À l’époque de Jésus, Jérusalem était déjà une vil­le sain­te, domi­née par son magni­fi­que tem­ple.  Mais ce n’était nul­le­ment une des plus gran­des capi­ta­les.  Elle appar­te­nait à une pro­vin­ce – plu­tôt pau­vre et assez agi­tée – de l’empire romain, con­qui­se par Pompée en 63 av. J.-C. et gou­ver­née par le tyran­ni­que roi Hérode.  Au fond, elle était fiè­re­ment jui­ve, même si elle était influen­cée par la pen­sée et par la tech­ni­que grec­que, et hosti­le à la Rome d’Occident.

La reli­gion jui­ve a appor­té un grand chan­ge­ment dans la cul­tu­re et dans le mon­de de la phi­lo­so­phie et des reli­gions et on le retrou­ve dans la fête de Noël.  Pour les anciens grecs, com­me pour les boud­d­hi­stes et les hin­dous, cha­que vie par­court un cer­cle sans fin, jour et nuit, et le cycle des sai­sons ryth­me cet­te roue de l’éternel retour.

Mais les juifs ont intro­duit dans la pen­sée popu­lai­re la flè­che droi­te du temps, l’idée d’histoire du salut, puisqu’ils atten­da­ient et atten­dent enco­re le Messie.  C’est de cet­te théo­rie d’aller de l’avant qu’est issue la notion occi­den­ta­le du pro­grès et natu­rel­le­ment, quand l’enfant Jésus a gran­di, ensei­gnant et sau­vant par sa mort et sa résur­rec­tion, il nous a aus­si indi­qué les der­niers jours, sa secon­de venue à la fin des temps, pour le juge­ment der­nier.

De cet­te maniè­re, en posant un regard d’espérance sur le pas­sé et sur ce mer­veil­leux déve­lop­pe­ment, nous som­mes tous nour­ris de la fête de Noël.  Jésus a été accueil­li par les ber­gers pro­ches com­me par les cher­cheurs de véri­té, astro­lo­gues et phi­lo­so­phes, les mages, peut-être venus d’Iran, par­ce qu’Il nous a con­fié une maniè­re de vivre qui n’est pas qu’une sim­ple théo­rie acces­si­ble au plus instrui­ts.

Noël, c’est la fête de l’espérance pour nous tous, avec Jésus, le Fils de Dieu nouveau-né qui nous mon­tre les temps der­niers, quand tout sera bon, où il n’y aura plus ni pri­sons, ni pri­son­niers ni Covid.

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Date de publication: 22/12/2020