Il y a encore un mois, la double finalité du sommet qui réunira du 21 au 24 février les chefs de file de la hiérarchie catholique mondiale autour du pape était « la protection des mineurs et des adultes vulnérables », c’est d’ailleurs ce qui est écrit dans la « lettre au peuple de Dieu » publiée par François le 20 août.
La preuve en est que « L’Osservatore Romano » du 11 janvier, dans un bas de première page d’Andrea Tornielli, rédacteur en chef de tous les médias du Vatican et porte-parole du Pape, mettait en évidence cette double finalité déjà dans le titre :
Mais ensuite, les « adultes vulnérables » ont disparu de l’agenda officiel du sommet. Et avec eux a également disparu la question des abus homosexuels perpétrés sur des jeunes et des très jeunes hommes, malgré qu’ils constituent statistiquement la plus grande partie des abus commis par le clergé.
Le 18 février, lors de la conférence de presse de présentation du sommet (voir photo), le cardinal Blase Cupich, le numéro un du comité organisateur, a même été jusqu’à nier que la pratique homosexuelle soit la cause des abus, malgré qu’il ait admis que la diminution de ces méfaits au cours des dernières années aux États-Unis était notamment le fruit d’un « screening » des aspirants au sacerdoce excluant les candidats « à risque ».
Il est un fait que non seulement la question de l’homosexualité au sein du clergé mais aussi le mot « homosexualité » lui-même a été banni, y compris dans l’abondante documentation sur le sommet proposée aux médias du monde entier :
> Incontro: La protezione dei minori nella Chiesa. Vaticano, 21-24 febbraio 2019
La suppression de la question de l’homosexualité de l’agenda du sommet est clairement le fruit d’une décision du Pape François. En effet, ce dernier n’a jamais caché qu’il était archi-convaincu qu’il ne s’agissait pas tant d’abus sexuels que d’abus de pouvoir et qu’il ne s’agissait pas tant de problèmes individuels que des problèmes d’une caste, la caste cléricale.
Mais beaucoup dans l’Église doutent qu’il faille tout réduire au « cléricalisme ».
Ce n’est pas la première fois que François suscite des « dubia » dans la doctrine, dans la morale et dans la pratique. On a encore en mémoire ceux qui ont été dénoncés par les quatre cardinaux après la publication d’ « Amoris laetitia » et auxquels le pape n’a jamais donné de réponse.
Et aujourd’hui, à nouveau, deux de ces cardinaux, l’allemand Walter Brandmüller et l’américain Raymond Leo Burke se sont senti le devoir de sortir à découvert avec la lettre ouverte publiée ci-dessous en s’adressant aux évêques qui prendront part au sommet sur la « protection des mineurs ».
Ils appellent à briser le silence sur cet autre « fléau de l’agenda homosexuel » qui envahit l’Église et qui consiste selon eux à abandonner la « vérité de l’Évangile » et qui est donc lui aussi à l’origine de l’actuelle crise de la foi.
Reste à voir si leur appel sera entendu au sommet de ces prochains jours.
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Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire L’Espresso.
Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur ce site en langue française.
Ainsi que l’index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.
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LETTRE OUVERTE AUX PRÉSIDENTS DES CONFÉRENCES ÉPISCOPALES
Chers Confrères, Présidents des conférences épiscopales,
Nous nous adressons à vous avec une grande tristesse.
Le monde catholique est désorienté et se demande avec angoisse : où va l’Église ?
Face à la dérive en cours, il semble que le problème se réduise à celui des abus sur les mineurs – un crime horrible, tout particulièrement quand il est commis par un prêtre, mais qui n’est qu’un élément d’une crise bien plus vaste. Telle une plaie, la cause homosexuelle se répand dans l’Église, promue par des réseaux organisés et protégée par un climat de complicité et d’omertà. Les racines de ce phénomène se trouvent évidemment dans ce mélange de matérialisme, de relativisme et d’hédonisme qui refuse absolument l’existence d’une loi morale absolue, c’est-à-dire qui ne souffre pas d’exceptions.
On accuse le cléricalisme est d’être responsable des abus sexuels, mais la première et principale responsabilité du clergé n’est pas dans l’abus de pouvoir, mais dans le fait de s’être éloigné de la vérité de l’Évangile. La négation, y compris publique, dans les paroles comme dans les actes, de la loi divine et naturelle, est à la racine du mal qui corrompt certains secteurs de l’Église.
Face à cette situation, cardinaux et évêques se taisent. Vous tairez-vous également lors de la réunion convoquée ce 21 février au Vatican ?
Nous sommes de ceux qui ont interpellé le Saint-Père en 2016 sur les “dubia” qui divisaient l’Église à l’issue des conclusions du Synode sur la famille. Aujourd’hui, ces “dubia” non seulement n’ont pas reçu de réponse mais s’inscrivent dans une crise de la foi bien plus générale. Nous voulons par conséquent vous encourager à faire entendre votre voix et à proclamer l’intégrité de la doctrine de l’Église.
Nous invoquons le Saint-Esprit pour qu’il assiste l’Église et éclaire les pasteurs qui la guident. Un acte décisif est aujourd’hui urgent et nécessaire. Nous mettons notre confiance dans le Seigneur qui a promis : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).
Walter Card. Brandmüller
Raymond Leo Card. Burke
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Outre l’italien, l’anglais, l’espagnol et le français, la lettre est également disponible en allemand et en portugais :
> Offener Brief an die Präsidenten der Bischofskonferenzen
> Carta Aberta aos Presidentes das Conferências Episcopais
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Des appels semblables à celui de la lettre des cardinaux Brandmüller et Burke ont été publiés à l’approche du sommet du Vatican du 21-24 février par les cardinaux Gerhard Müller et Wilfried Napier, par les archevêques Charles Chaput et Carlo Maria Viganò et par d’autres catholiques célèbres au cours d’un symposium en ligne soutenu par le National Catholic Register :
> What Can We Expect From the Vatican Summit?
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Du côté des organisateurs du sommet, on ne manquera pas d’être surpris par l’absence de l’un de ceux qui sont à son origine: le cardinal Sean O’Malley, archevêque de Boston et président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs instituée en 2014 par le Pape François.
Parmi les participants au sommet, O’Malley sera seulement présent en tant que membre du conseil des cardinaux qui assistent le pape dans le gouvernement de l’Église universelle.
Ce refroidissement entre le cardinal et François a fait l’objet d’un article de Francis X. Rocca dans « The Wall Street Journal » du 14 février.