Le Vatican s’incline. Voici comment la Chine le remercie

Je relaye un arti­cle que je viens de lire. Cette note, aini que les deux pho­tos ci-contre, est parue le 2 mars sur « Asia News », l’agence en ligne de l’Institut pon­ti­fi­cal pour les mis­sions étran­gè­res, spé­cia­li­sée sur la Chine, sous la plu­me de son direc­teur.

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Xinjiang, croix, coupoles et statues détruites : la nouvelle révolution culturelle « sinisée »

de Bernardo Cervellera

« C’est une nou­vel­le Révolution cul­tu­rel­le » : voi­là ce qu’on dit en Chine à pro­pos de la pho­to de l’église de Yining (Xinjiang) dépouil­lée des croix qui éta­ient dres­sées sur l’édifice, des sta­tues juchées le som­met et des déco­ra­tion et pein­tu­res qui orna­ient la faça­de.

Dans les deux pho­tos ci-dessus, on peut remar­quer, à gau­che, la cou­leur, l’envolée et la légè­re­té des cou­po­les et des déco­ra­tions mura­les ain­si que les croix sur le faî­te de l’édifice avant qu’elles ne soient rasées. La pho­to de droi­te mon­tre « l’après ».  Tout a été détruit sur ordre du gou­ver­ne­ment le 27 et 28 février der­nier, à quel­ques semai­nes de la ren­con­tre entre les délé­ga­tions chi­noi­ses et vati­ca­nes cen­sée scel­ler un accord « histo­ri­que » sur la nomi­na­tion des évê­ques de l’Eglise catho­li­que chi­noi­se.

Yining se trou­ve à 700 kilo­mè­tres à l’Ouest du chef-lieu du Xinjiang, Urumqi, et comp­te une com­mu­nau­té de quel­ques cen­tai­nes de fidè­les.

La réfé­ren­ce à la Révolution cul­tu­rel­le s’impose. Pendant la pério­de entre 1966 et 1976, la Garde rou­ge emme­née par Mao et par « la ban­de des Quatre » a instal­lé la for­me la plus extrê­me du com­mu­ni­sme en détrui­sant égli­ses, tem­ples, pago­des, livres de priè­re, sta­tues et tableaux afin d’anéantir tou­tes les reli­gions.

Mais la « Révolution cul­tu­rel­le » de ces der­niers jours se récla­me d’un autre slo­gan : « sini­sa­tion ». Ce qui impli­que – com­me l’a expli­qué Xi Jinping il y a déjà trois ans et com­me il l’a répé­té au Congrès du Parti en octo­bre der­nier – «  adhé­rer et déve­lop­per les théo­ries reli­gieu­ses avec les carac­té­ri­sti­ques chi­noi­ses » en se con­for­mant au prin­ci­pe d’« indé­pen­dan­ce », en adap­tant la reli­gion à la socié­té socia­li­ste et en rési­stant aux « infil­tra­tions reli­gieu­ses de l’étranger ».

Désormais, le sym­bo­le de la croix repré­sen­te « une infil­tra­tion reli­gieu­se de l’étranger » : en ce qui con­cer­ne l’église de Yining, non seu­le­ment les deux croix qui sur­plom­ba­ient les deux cou­po­les, elles aus­si rasées, ont dispa­ru, mais on a éga­le­ment enle­vé les croix à l’intérieur de l’édifice sacré, y com­pris le Chemin de Croix et les déco­ra­tions en for­me de croix sur les bancs.

La rage ico­no­cla­ste a tou­ché d’autres vil­les. Avant Noël der­nier, tou­tes les croix de l’église de Manas ont été détrui­tes et on racon­te que l’église de Hutubi aurait subi le même sor­ti.

Le paral­lè­le avec la Révolution cul­tu­rel­le ne s’arrête pas là. Tout com­me à l’époque, les fidè­les ont reçu l’interdiction de prier, même en pri­vé, dans leurs mai­sons.  La poli­ce a mena­cé que si elle trou­vait deux per­son­nes en train de prier ensem­ble chez eux, elles sera­ient arrê­tées et envoyées en réé­du­ca­tion for­cée.

En ver­tu des nou­vel­les lois sur les acti­vi­tés reli­gieu­ses, dépo­sées en sep­tem­bre der­nier et entrées en vigueur le 1er février der­nier, les acti­vi­tés du cul­te ne peu­vent avoir lieu que dans les égli­ses et aux heu­res fixées par le gou­ver­ne­ment.  Tout autre lieu est con­si­dé­ré com­me un « lieu illé­gal » et ceux qui enfrei­gnent cet­te règle risquent la pri­son, des amen­des et l’expropriation du bâti­ment qui abri­te l’activité reli­gieu­se illé­ga­le.  Même les habi­ta­tions pri­vées sont désor­mais con­si­dé­rées com­me un « lieu de cul­te illé­gal » : dans les mai­sons pri­vées, les con­ver­sa­tions reli­gieu­ses et les priè­res sont inter­di­tes sous pei­ne d’arrestation.  Les fidè­les ne peu­vent prier qu’à l’église, à la mes­se domi­ni­ca­le.

A l’entrée cha­que égli­se, on doit désor­mais affi­cher un pan­neau pour annon­cer que l’accès du bâti­ment est « inter­dit aux mineurs de moins de 18 ans » par­ce qu’il est inter­dit aux jeu­nes et aux enfan­ts de pren­dre part aux rites reli­gieux.

Il faut sou­li­gner que les égli­ses dont nous par­lons ne sont pas des édi­fi­ces illé­gaux mais des égli­ses dûment décla­rées. Le fait est que la « sini­sa­tion » impli­que la sou­mis­sion au Parti com­mu­ni­ste chi­nois, qui doit agir com­me « gui­de actif » des reli­gions, et que c’est de lui seul dont dépend leur vie et leur mort, la con­struc­tion et la destruc­tion.

Le con­trô­le impi­toya­ble et asphy­xiant exer­cé par le Parti sur les reli­gions ne peux s’expliquer que par la peur. Il se fait qu’à tra­vers tou­te la Chine – et plu­sieurs socio­lo­gues le con­fir­ment – on assi­ste à une renais­san­ce reli­gieu­se impres­sion­nan­te, avec plus de 80% de la popu­la­tion a une croyan­ce spi­ri­tuel­le et où au moins un cin­quiè­me des mem­bres du Parti com­mu­ni­ste adhè­re en secret à une reli­gion.

Tout cela lais­se pré­sa­ger un con­trô­le plus grand ain­si que des per­sé­cu­tions à l’avenir. « Je suis très tri­ste – décla­re un fidè­le d’Urumqi à Asia News – que le Vatican se com­pro­met­te avec ce gou­ver­ne­ment.  En agis­sant de la sor­te, il se rend com­pli­ce que ceux qui veu­lent nous anéan­tir ».

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 4/03/2018