François au Myanmar. Mais la Chine l’a devancé

Le voya­ge que le Pape François vient d’en­ta­mer aujour­d’­hui au Myanmar, l’ex-Birmanie, et au Bangladesh a été pré­cé­dé par un accord entre les deux pays sur le rapa­trie­ment de cen­tai­nes de mil­liers de musul­mans Rohingya de la région bir­ma­ne de Rakhine qui ava­ient fui de l’au­tre côté de la fron­tiè­re à la sui­te d’u­ne lour­de répres­sion mili­tai­re con­tre l’in­sur­rec­tion de grou­pes armés dji­ha­di­stes au der­nier acte d’u­ne cri­se inter­ne au Myanmar qui dure depuis plu­sieurs décen­nies.

La que­stion est tel­le­ment explo­si­ve que le car­di­nal Charles Maung Bo, l’ar­che­vê­que de Yangon, a deman­dé au Pape de ne jamais pro­non­cer le nom de Rohingya qui est tabou au Myanmar, s’a­gis­sant d’u­ne popu­la­tion à laquel­le on a tou­jours refu­sé tout droit à la citoyen­ne­té.

En fait, aucu­ne ren­con­tre entre François et une délé­ga­tion Rohingya ne figu­re au pro­gram­me offi­ciel du voya­ge papal, même si on sait qu’il en ren­con­tre­ra au Bangladesh, ain­si que des repré­sen­tan­ts d’au­tres reli­gions, voi­re peut-être même au Myanmar, mais très discrè­te­ment.

La prin­ci­pa­le nou­veau­té la de cet ulti­me épi­so­de de la cri­se Rohingya, c’est l’intervention de la Chine com­me média­teur, une inter­ven­tion moti­vée par des rai­sons non pas huma­ni­tai­res mais bien éco­no­mi­ques, vu les impor­tan­ts inve­stis­se­men­ts réa­li­sés par Pékin dans cet­te même région de Rakine, con­si­dé­rée com­me ne impor­tan­te pla­que tour­nan­te dans l’ambitieux plan chi­nois d’une nou­vel­le rou­te de la soie aus­si bien mari­ti­me que ter­re­stre.

Ce qui suit est une ana­ly­se très récen­te de la stra­té­gie de la Chine au Myanmar et au Bangladesh réa­li­sée par un bril­lant expert en géo­po­li­ti­que, Sudha Ramachandran, un indien de Bangalore.

Cette note est parue le 22 novem­bre dans la rubri­que « China Brief » de la Jamestown Foundation, un cen­tre de recher­che en poli­ti­que inter­na­tio­na­le basé à Washington et spé­cia­li­sée sur l’Asie. Il a été relayé deux jours plus tard, avec l’autorisation de la Fondation, par « Asia News », l’agence en ligne de l’Institut pon­ti­fi­cal pour les mis­sions étran­gè­res.

Le tex­te ori­gi­nal de cet arti­cle com­prend éga­le­ment de nom­breu­ses notes indi­quant les sour­ces :

> Rohingya Crisis : Will China’s Mediation Succeed ?

Bonne lec­tu­re!

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La crise Rohingya, la médiation de la Chine sera-t-elle un succès?

par Sudha Ramachandran

Au cours de sa visi­te à Dacca au Bangladesh et à Naypyidaw au Myanmar les 18 et 19 novem­bre der­nier, le mini­stre chi­nois des affai­res étran­gè­res Wang Yi a mis sur la table un plan en trois pha­ses pour résou­dre la cri­se Rohingya. Premièrement, Wang a appe­lé à un cessez-le-feu dans l’Etat rava­gé de Rakhine qui est au cen­tre de la cri­se. Visant à restau­rer l’ordre et la sta­bi­li­té dans l’Etat de Rakhine, ce cessez-le-feu devrait endi­guer le flot de réfu­giés Rohingya vers le Bangladesh.  La Chine pen­se que cela per­met­tra d’ouvrir la rou­te à la secon­de éta­pe : des négo­cia­tions entre le Myanmar et le Bangladesh afin de régler la que­stion des réfu­giés.  La troi­siè­me et der­niè­re éta­pe con­cer­ne le déve­lop­pe­ment éco­no­mi­que de l’Etat de Rakhine pour s’attaquer aux rai­sons pro­fon­des de la vio­len­ce.

Le plan de la Chine aurait déjà été accueil­li favo­ra­ble­ment par Naypyidaw et par Dacca et mar­que le début d’une nou­vel­le pha­se dans l’implication de Pékin dans le con­flit Rohingya. Jusqu’ici, le rôle de la Chine s’était limi­té à four­nir de l’aide huma­ni­tai­re aux réfu­giés Rohingya et à pro­té­ger le Myanmar con­tre une con­dam­na­tion de la com­mu­nau­té inter­na­tio­na­le.  Pourquoi la Chine adopte-t-elle à pré­sent un rôle de média­tion dans ce con­flit ?  A‑t-elle une chan­ce de réus­sir à restau­rer la paix dans cet­te région en ébul­li­tion?

Le conflit Rohingya

La cri­se Rohingya a débu­té le 25 août der­nier lor­sque le gou­ver­ne­ment du Myanmar a décré­té l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA) orga­ni­sa­tion ter­ro­ri­ste en répon­se à plu­sieurs atta­ques meur­triè­res con­tre des postes de poli­ce et de l’armée dans l’Etat de Rakhine dans l’ouest du Myanmar. Le gou­ver­ne­ment a éga­le­ment lan­cé une répres­sion mili­tai­re à Rakhine tout en pré­ten­dant qu’elles ne visait que les acti­vi­stes.  Cependant, une ter­ri­ble vague de vio­len­ce s’est abat­tue sur les civils Rohingya, fem­mes et enfan­ts com­pris.  Des vil­la­ges entiers ont été rasés.  On rap­por­te que plus de 600.000 des 1,1 mil­lions de Rohingya de Birmanie ont fui au Bangladesh.  La cri­se actuel­le est la pire qu’a con­nu ce con­flit qui dure depuis des dizai­nes d’années.

L’origine du con­flit Rohingya (tout com­me d’autres con­fli­ts eth­ni­ques du Myanmar) remon­te à l’époque colo­nia­le. L’indépendance a entraî­né une discri­mi­na­tion con­tre les Rohingya qui est deve­nue systé­ma­ti­que et préoc­cu­pan­te.  Malgré qu’il s’agisse d’une eth­nie qui vit dans l’Etat de Rakhine depuis des siè­cles, elle ne figu­re tou­jours pas dans la liste offi­ciel­les des 135 eth­nies du Myanmar.  Depuis 1982, on leur refu­se le droit à la citoyen­ne­té, ce qui les rend de fait apa­tri­des.  En plus des vexa­tions qu’ils subis­sent de la part des mili­tai­res, les Rohingya ont été éga­le­ment la cible de grou­pes d’autodéfense boud­d­hi­stes.  La vio­len­ce a déclen­ché plu­sieurs vagues de migra­tions Rohingya en direc­tion des pays voi­sins com­me le Bangladesh, la Thaïlande, l’Inde, la Malaise et l’Indonésie.  Indésirables dans ces pays éga­le­ment, les réfu­giés Rohingya ont été refou­lés ou crou­pis­sent dans des camps de réfu­giés sur­peu­plés.

Le soutien de la Chine

Les échos d’atrocités per­pé­trées par l’armée du Myanmar con­tre des civils Rohingya en fui­te ont pro­vo­qué l’indignation de la com­mu­nau­té inter­na­tio­na­le. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droi­ts de l’hom­me, Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, a décrit la situa­tion dans l’Etat de Rakhine com­me étant « l’exemple-type du net­toya­ge eth­ni­que ».  Plusieurs pays musul­mans et puis­san­ces occi­den­ta­les ont éga­le­ment cri­ti­qué la répres­sion bru­ta­le du Myanmar con­tre les Rohingya.

La Chine a en revan­che publi­que­ment applau­di l’intervention du gou­ver­ne­ment du Myanmar à Rakhine. En sep­tem­bre der­nier, l’ambassadeur de Chine au Myanmar, Hong Liang, a « vigou­reu­se­ment salué » la « contre-attaque des for­ces de sécu­ri­té du Myanmar con­tre les ter­ro­ri­stes extré­mi­stes [Rohingya] » et a décrit la cam­pa­gne mili­tai­re com­me étant « une affai­re exclu­si­ve­ment inter­ne ».  Plus tard au cours de ce mois, M. Hong a assu­ré le gou­ver­ne­ment du Myanmar que la Chine cam­pe­rait « fer­me­ment » sur cet­te posi­tions sur la scè­ne inter­na­tio­na­le et qu’elle con­ti­nue­ra à lui four­nir « l’assistance néces­sai­re » pour l’aider à « main­te­nir sa sta­bi­li­té et son déve­lop­pe­ment inté­rieur ».

À l’ONU, la Chine a blo­qué plu­sieurs réso­lu­tions con­tre le Myanmar et exi­gé que les décla­ra­tions cri­ti­ques con­tre sa cam­pa­gne de répres­sion bru­ta­le con­tre les Rohingya soient édul­co­rées. Le 6 novem­bre, par exem­ple, le Conseil de sécu­ri­té des Nations unies (UNSC), a fait part de sa « vive inquié­tu­de con­cer­nant plu­sieurs allé­ga­tions de vio­la­tions des droi­ts de l’homme et d’abus dans l’Etat de Rakhine » et a appe­lé le gou­ver­ne­ment du Myanmar à « ces­ser tout usa­ge exces­sif des for­ces armées » dans la région.  Malgré le fait qu’il s’agisse d’une fer­me con­dam­na­tion de l’usage de la for­ce mili­tai­re par le Myanmar con­tre les Rohingya, étant don­né qu’il ne s’agit d’une décla­ra­tion et pas d’une réso­lu­tion, elle n’a aucun carac­tè­re exé­cu­toi­re.  On pen­se que la Chine et la Russie aura­ient fait pres­sion pour que l’ONU opte pour une décla­ra­tion pré­si­den­tiel­le plu­tôt que pour une réso­lu­tion.  La décla­ra­tion du Conseil de sécu­ri­té dénon­ce la gestion vio­len­te de la cri­se par le Myanmar mais n’a aucu­ne con­sé­quen­ce.

Les intérêts de la Chine à Rakhine

Les inté­rê­ts chi­nois dans l’Etat de Rakhine sont liés à son empla­ce­ment stra­té­gi­que et à ses abon­dan­tes res­sour­ces. Cet Etat est situé dans le Golfe du Bengale qui débou­che sur l’océan Indien.  Tout com­me le port paki­sta­nais de Gwadar qui four­nir à Pékin nu moyen plus rapi­de pour ache­mi­ner entre autres le pétro­le, le gaz d’Asie du Sud-Ouest vers les régions sous-développées de Chine occi­den­ta­le à tra­vers le Pakistan, la lon­gue ligne côtiè­re de Rakhine offre à la Chine du Sud un accès à la mer et une rou­te plus rapi­de vers l’océan Indien à la Chine de l’Est.  Les ports et les pipe­li­nes de Rakhine affran­chis­sent signi­fi­ca­ti­ve­ment le com­mer­ce de la Chine avec l’Afrique et l’Asie du Sud-Ouest de sa dépen­dan­ce envers le détroit de Malacca, sur­tout pour ses expor­ta­tions de pétro­le.

De plus, Rakhine est riche en res­sour­ces natu­rel­les. De vastes réser­ves de gaz ont été décou­ver­tes au lar­ge de ses côtes en 2004.  A par­tir de 2008, la Chine a com­men­cé à ache­ter le gaz de la région et le trans­por­te depuis Kyaukpyu sur la côte de Rakhine vers la pro­vin­ce chi­noi­se du Yunnan et depuis 2013 par le gazo­duc Chine-Myanmar.  Ce gaz cou­vre la con­som­ma­tion des pro­vin­ces chi­noi­ses de Yunnan, de Guizhou et de Guangxi ain­si que cel­le de plu­sieurs autres vil­les et distric­ts.  Depuis avril de cet­te année, le pétro­le de Rakhine est ache­mi­né en Chine par un pipe­li­ne con­struit paral­lè­le­ment au gazo­duc.

La Chine aurait ain­si inve­sti près de 2,5 mil­liards de dol­lars dans les pro­je­ts du gazo­duc et du pipe­li­ne et elle est éga­le­ment en train d’investir 10 mil­liards de dol­lars dans la Zone Economique Spéciale de Kyaukpyu qui com­pren­dra un port en eau pro­fon­de ain­si qu’un parc indu­striel dans le but de fai­re de Kyaukpyu une pla­que tour­nan­te éco­no­mi­que et mari­ti­me.

Les zones qui sont actuel­le­ment le plus tou­chées par les vio­len­ces se trou­vent au nord de Rakhine, près de la fron­tiè­re entre le Myanmar et le Bangladesh. Et même si Kyaukpyu ne se situe pas dans cet­te zone et que le gazo­duc et le pipe­li­ne ne la tra­ver­sent pas, Pékin s’inquiète mal­gré tout.  La mon­tée de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan et sa capa­ci­té crois­san­te à mener des atta­ques con­tre des cibles bien pro­té­gées démon­tre que ce n’est qu’une que­stion de temps avant qu’elle ne frap­pe en-dehors de son bastion.  Ce qui n’a pas man­qué de pro­vo­qué l’inquiétude de la Chine sur la sécu­ri­té des infra­struc­tu­res qu’elle a finan­cé et con­struit dans l’Etat de Rakhine.

L’Etat de Rakhine joue un rôle impor­tant dans l’initiative chi­noi­se Route et Ceinture (BRI en anglais). Tout com­me le port de Gwadar au Pakistan, le port de Kyaukpyu et le Myanmar seront des mail­lons impor­tan­ts à la fois de la com­po­san­te mari­ti­me et de la com­po­san­te rou­te de la soie de la BRI.  Par con­sé­quent, la « sta­bi­li­té de Rakhine » est con­si­dé­rée com­me « impor­tan­te » pour le suc­cès de la BRI, selon l’analyste des affai­res poli­ti­que et eth­ni­ques Maung Maung Soe. Ce sont donc les inquié­tu­des quant à l’impact que pour­ra­ient avoir les vio­len­ces et les trou­bles à Rakhine sur le suc­cès de ses pro­je­ts en Birmanie, et en par­ti­cu­lier la BRI, qui expli­quent la moti­va­tion de la Chine à met­tre un ter­me à la cri­se Rohingya et à restau­rer la sta­bi­li­té dans la région.

Les liens étroits de la Chine avec le Bangladesh

De façon simi­lai­re, la Chine a mas­si­ve­ment inve­sti dans le déve­lop­pe­ment et la con­struc­tion d’infrastructures por­tuai­res, de rou­tes, de pon­ts et de lignes de che­mins de fer au Bangladesh éga­le­ment. Elle est éga­le­ment le plus impor­tant par­te­nai­re com­mer­cial du Bangladesh qui lui offre un vaste mar­ché pour écou­ler les biens chi­nois.  Leurs liens sont éga­le­ment étroi­ts en matiè­re de défen­se : le Bangladesh est le deu­xiè­me plus grand impor­ta­teur d’armes chi­noi­ses (après le Pakistan) et celles-ci repré­sen­tent 82% de tous les acha­ts d’armes par le Bangladesh entre 2009 et 2013.

La Chine est éga­le­ment sou­cieu­se de pro­té­ger ses liens et ses inté­rê­ts étroi­ts et crois­san­ts avec le Bangladesh. On s’inquiète au Bangladesh de la cam­pa­gne mili­tai­re bir­ma­ne con­tre les Rohingya  qui est direc­te­ment respon­sa­ble de l’afflux de réfu­giés au Bangladesh et qui a fait peser sur Dacca la char­ge de four­nir refu­ge et assi­stan­ce aux réfu­giés Rohingya.  Non seu­le­ment la stra­té­gie mili­tai­re du Myanmar a con­tri­bué à l’exode des réfu­giés mais elle a éga­le­ment déclen­ché l’activisme Rohingya.  Pour le Bangladesh, déjà aux pri­ses avec plu­sieurs grou­pes dji­ha­di­stes, l’émergence de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan et les rap­ports fai­sant état de la for­ma­tion de ses cadres dans des bases arriè­res au Bangladesh con­sti­tue une mena­ce sup­plé­men­tai­re pour leur pro­pre sécu­ri­té. On com­prend que le sou­tien de la stra­té­gie du Myanmar au pro­blè­me des Rohingya ait cau­sé le « pro­fond mécon­ten­te­ment » de Dacca.

Pour allé­ger la char­ge de Dacca de s’occuper des réfu­giés Rohingya, la Chine four­nit une aide sous for­me de ten­tes et de cou­ver­tu­res aux réfu­giés Rohingya au Bangladesh. Les diri­gean­ts chi­nois s’inquiètent des appels lan­cés par le Bangladesh à des puis­san­ces exté­rieu­res à la région pour qu’elles inter­vien­nent dans la cri­se, inci­tant en retour Pékin à redou­bler d’efforts pour réu­nir le Myanmar et le Bangladesh autour de la table des négo­cia­tions afin de met­tre un ter­me au pro­blè­me des réfu­giés.

La médiation de la Chine sera-t-elle un succès ?

Par le pas­sé, la Chine évi­tait de jouer au média­teur dans des con­fli­ts hors de ses fron­tiè­res, pré­tex­tant que cela allait à l’encontre de son prin­ci­pe de non-ingérence dans les affai­res inter­nes d’autres pays sou­ve­rains. Pourtant, ces der­niè­res années, elle a fait pre­u­ve de plus en plus de volon­té de met­tre un ter­me à cer­tains con­fli­ts.  Elle a été par exem­ple impli­quée dans les efforts visant à réu­nir le gou­ver­ne­ment afghan et les tali­bans autour la table des négo­cia­tions.  Plus récem­ment, elle a fait offi­ce d’intermédiaire diplo­ma­ti­que entre l’Afghanistan et le Pakistan pour fai­re rede­scen­dre l’escalade de ten­sion entre les deux voi­sins.  La Chine sem­ble jouer un rôle de média­teur dans les régions où elle a des inté­rê­ts entre autres éco­no­mi­ques impor­tan­ts et c’est là la prin­ci­pa­le rai­son qui expli­que la média­tion de Pékin dans la cri­se Rohingya.

On peut s’attendre à ce que le sou­tien de la Chine à une option qui se base sur la for­ce mili­tai­re et le déve­lop­pe­ment éco­no­mi­que pour affron­ter la cri­se Rohingya ne fas­se qu’aggraver le con­flit. Le déve­lop­pe­ment d’une région vio­len­te par des acteurs exter­nes ne pro­fi­te que rare­ment aux locaux, com­me on l’a vu dans la pro­vin­ce paki­sta­nai­se du Baloutchistan.  Le déve­lop­pe­ment du port de Gwadar dans la région a inci­té les acti­vi­stes à cibler les étran­gers.  Il est pro­ba­ble que les pro­je­ts à Rakhine ne pro­fi­te­ront qu’aux inve­stis­seurs étran­gers, aux boud­d­hi­stes de Rakhine et à l’ethnie majo­ri­tai­re Barmar et pas aux Rohingya mar­gi­na­li­sés.  Tout déve­lop­pe­ment qui n’aura pas pour effet d’inclure éco­no­mi­que­ment les Rohingya ne fera qu’aggraver le con­ten­tieux et géné­rer de nou­veaux con­fli­ts.

Pour résou­dre le con­flit, il est essen­tiel que le Myanmar s’attaque à la raci­ne du pro­blè­me, qui est sur­tout de natu­re poli­ti­que : le refus d’accorder la citoyen­ne­té et des droi­ts au peu­ple Rohingya et les poli­ti­ques discri­mi­na­toi­res. Il est peu pro­ba­ble que la Chine titil­le le Myanmar sur la que­stion de la citoyen­ne­té.  En outre, l’armée bir­ma­ne est répu­tée pour être très sen­si­ble en matiè­re de sou­ve­rai­ne­té natio­na­le et il est peu pro­ba­ble qu’elle soit récep­ti­ve aux pres­sions de la Chine sur ces que­stions.

Bien que la Chine jouis­se d’une gran­de influen­ce poli­ti­que et éco­no­mi­que au Bangladesh et au Myanmar, elle ne pos­sè­de pas les autres qua­li­tés essen­tiel­le à un média­teur pour résou­dre le con­flit Rohingya. D’autant que le Bangladesh pen­se que la Chine favo­ri­se le Myanmar et que les inté­rê­ts, entre autres éco­no­mi­ques, de la Chine à Rakhine vont cer­tai­ne­ment ali­men­ter les suspi­cions du Myanmar sur les inten­tions et les actions chi­noi­ses.

Conclusion

Il est peu pro­ba­ble que la média­tion de la Chine n’apporte une solu­tion au con­flit Rohingya. Au mieux, son inter­ven­tion pour­ra main­te­nir un cou­ver­cle sur le déchaî­ne­ment de vio­len­ce de l’armée bir­ma­ne dans l’Etat de Rakhine.  Ce qui pour­rait appor­ter une cer­tai­ne for­me de sta­bi­li­té à Rakhine mais pas la paix.  A l’avenir, on peut s’attendre à ce que la Chine se pose­ra en média­teur dans des con­fli­ts con­cer­nant d’autres pays dans lesquels elle pos­sè­de des inté­rê­ts impor­tan­ts, sur­tout dans ceux impli­quant des pays fai­sant par­tie de l’Initiative Ceinture et Route.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 27/11/2017