Effondrement des naissances et des mariages religieux en Italie. Après deux synodes sur la famille

Le jour même l’Université pon­ti­fi­ca­le urba­nien­ne orga­ni­sait une expo­si­tion (voir pho­to) con­sa­crée à l’héroïque famil­le polo­nai­se Ulma — « cet­te famil­le nom­breu­se », disait le Pape François, « fusil­lée par les nazis alle­mands pen­dant la deu­xiè­me guer­re mon­dia­le pour avoir caché et aidé des juifs » -, en Italie, l’Institut natio­nal des sta­ti­sti­ques vient de publier les don­nées des nais­san­ces et des maria­ges pour l’année 2017.

Et on est loin des famil­les « nom­breu­ses », com­me cel­le de ces mar­tyrs polo­nais ou com­me tant d’autres famil­les de l’Italie du siè­cle der­nier. En 2017, l’effondrement de la nata­li­té est à son niveau le plus bas jamais atteint.  Dans un pays de 60,5 mil­lions d’habitants, seuls 458.151 bébés sont nés l’an der­nier, soit à pei­ne plus de 7 pour 1.000 habi­tan­ts, soit 30% sous la moyen­ne de l’Union euro­péen­ne qui est déjà la région du mon­de qui détient le record de la déna­ta­li­té.

Si l’on con­si­dè­re que le taux de fécon­di­té – ou « total fer­ti­li­ty rate » — qui per­met d’assurer la crois­san­ce zéro, c’est-à-dire le main­tien de la popu­la­tion, se situe à 2,1 enfan­ts par fem­me, les sta­ti­sti­ques ita­lien­nes sont net­te­ment en-dessus depuis des décen­nies et, en 2017, il s’est écrou­lé à 1,32 avec des régions où les nais­san­ces sont enco­re plus rares, com­me la Sardaigne où ce taux n’est plus que de 1,06.

Ces chif­fres à eux seuls atte­stent déjà par eux-mêmes de l’inexorable mar­che vers l’extinction de tout un peu­ple.

Mais les don­nées qui con­cer­nent les maria­ges sont enco­re plus impres­sion­nan­tes. Ils y en avait encre 203.000 en 2016 et ils sont tom­bés à 191.000 en 2017, soit une bais­se de 6% en à pei­ne un an, ce qui cor­re­spond à une chu­te qui n’a d’égal dans l’histoire que cel­le de 1975, l’année de la léga­li­sa­tion du divor­ce en Italie.

Mais atten­tion. Les maria­ges avec au moins un con­joint étran­ger ne dimi­nuent pas, pas plus que les rema­ria­ges de divor­cés et de veufs.  Ce sont les pre­miers maria­ges qui s’effondrent – moins 7,3% — et plus enco­re les maria­ges reli­gieux qui ont bais­sé de 10,5% entre 2016 et 2017.

Voici com­ment le démo­gra­phe Roberto Volpi, qui n’est pas catho­li­que, com­men­te cet­te der­niè­re don­née dans le quo­ti­dien « Il Foglio » du 29 novem­bre :

« La rai­son pour laquel­le ce repli du maria­ge reli­gieux est enco­re plus inquié­tant que tout le reste s’explique aisé­ment. Aujourd’hui enco­re, en Italie, 70% des nais­san­ces sur­vien­nent au sein du maria­ge mais c’est le maria­ge reli­gieux qui assu­re net­te­ment plus de nais­san­ces par rap­port au maria­ge civil.  Ce der­nier est en effet sur­tout le maria­ge con­trac­té par les divor­cés, les veufs et les cou­ples mix­tes d’italiens et d’étrangers, con­trai­re­ment au maria­ge reli­gieux qui reste de loin pré­fé­ré par les céli­ba­tai­res et les jeu­nes fil­les qui sont davan­ta­ge suscep­ti­bles d’avoir des enfan­ts. »

Et il con­clut :

« En Italie, un taux de maria­ge éle­vé en Italie a mar­qué les années de la recon­struc­tion de l’après-guerre, du mira­cle éco­no­mi­que, de l’entreprenariat et de la con­fian­ce des ita­liens en l’avenir. Ce sont les maria­ges qui nous disent si nous som­mes mala­des ou en bon­ne san­té.  Pour le moment, nous en som­mes à un sta­de qua­si­ment ter­mi­nal.  Ce ne serait pas un mal si l’Église, qui est la pre­miè­re à en fai­re les frais, pou­vait le com­pren­dre et se bou­ger un peu. »

Cette der­niè­re bou­ta­de sem­ble para­do­xa­le après un dou­ble syno­de que l’Église catho­li­que vient juste­ment de con­sa­crer au thè­me de la famil­le.

Paradoxal mais vrai, vu la façon dont ce dou­ble syno­de a été dès le départ inten­tion­nel­le­ment détour­né vers une con­tro­ver­se sur la com­mu­nion des divorcés-remariés et sur l’admission à misé­ri­cor­dieu­se de ce que le maria­ge n’est pas, de la coha­bi­ta­tion aux cou­ples homo­se­xuels.

Une con­tro­ver­se qui a lais­sé le champ libre aux adver­sai­res du véri­ta­ble maria­ge. Comme le dit le célè­bre dic­ton de Tite-Live : « Dum Romae con­su­li­tur, Saguntum expu­gna­tur ».  Pendant qu’à Rome on bavar­de, l’ennemi est en train d’envahir la vil­le.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 1/12/2018