De la Chine à Rome à Athènes en passant par Guam. Les péripéties de Hon Tai-Fai

Petite annon­ce télé­gra­phi­que dans « L’Osservatore Romano » de cet après-midi :

« Le Saint-Père a nom­mé Nonce Apostolique en Grèce S.E. Mgr. Savio Hon Tai-Fan, Archevêque tit. De Sila, jusqu’à pré­sent Secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peu­ples ».

Mais der­riè­re ces trois lignes, se trou­ve l’envoi en exil du seul haut diri­geant de la curie romai­ne de natio­na­li­té chi­noi­se.

Sa muta­tion, éga­le­ment géo­gra­phi­que, de numé­ro deux de la puis­san­te con­gré­ga­tion vati­ca­ne « de pro­pa­gan­da fide » au poste de non­ce à Athènes con­sti­tue bien autre cho­se qu’une pro­mo­tion.

Hon Tai-Fai était secré­tai­re de la con­gré­ga­tion depuis 2010. Durant ces sept années, il a tra­vail­lé acti­ve­ment sur le dos­sier des rela­tions entre le Saint-Siège et la Chine, entre autres en pre­nant part au comi­té ad hoc créé par Benoît XVI mais qui n’a plus été réu­ni par le pape François.

Hon Tai-Fai était le réfé­rent au Vatican du car­di­nal Giuseppe Zen Ze-Kiun, arche­vê­que émé­ri­te de Hong Kong et cri­ti­que intrai­ta­ble d’un accord avec Pékin qui met­trait en dan­ger la sur­vie de l’Eglise catho­li­que chi­noi­se non inféo­dée au régi­me.

Salésien com­me le car­di­nal Zen et théo­lo­gien de valeur, Hon Tai-Fai a été mem­bre de la com­mis­sion théo­lo­gi­que inter­na­tio­na­le et a tra­vail­lé sur la tra­duc­tion chi­noi­se du Catéchisme de l’Eglise catho­li­que.

Il y a un an, son départ pour la loin­tai­ne île de Guam, dans le Pacifique, avait créé la sur­pri­se. Il y avait été nom­mé admi­ni­stra­teur apo­sto­li­que avec pour mis­sion de remet­tre de l’ordre dans le dio­cè­se de l’île rava­gé par des scan­da­les en tous gen­res.

Accusé d’abus sexuels remon­tant à deux décen­nies aupa­ra­vant et pres­sé par le non­ce, l’allemand Martin Krebs, de remet­tre sa démis­sion « selon la volon­té du pape », l’archevêque de Guam, Anthony Apuron, capu­cin et fer­vent défen­seur du Chemin néo­ca­té­chu­mé­nal, il s’était envo­lé pour Rome en mai 2016 pour cla­mer son inno­cen­ce au Pape sans réus­sir à obte­nir audien­ce. De retour sur l’île, il avait déci­dé de s’auto-suspendre en deman­dant à Rome d’envoyer un visi­teur apo­sto­li­que qui arri­va promp­te­ment, juste­ment en la per­son­ne de Hon Tai-Fai.

Lequel, en pre­mier lieu, ordon­na aux prê­tre du dio­cè­se de se démet­tre de leurs char­ges respec­ti­ves avant de pro­cé­der à de nou­vel­les nomi­na­tions pour remet­tre en poste les prê­tres pré­cé­dem­ment écar­tés par l’évêque et ses adver­sai­res achar­nés, en pre­mier lieu l’ex-curé de la cathé­dra­le James Benavente, jouis­sant d’une mau­vai­se répu­ta­tion en tant qu’administrateur, aux mœurs sul­fu­reu­ses et menant grand train, et mal­gré cela très ami avec le car­di­nal phi­lip­pin Luis Antonio Tagle, l’emblème de la nou­vel­le Eglise « pau­vre » du pape Jorge Mario Bergoglio.

Hon Tai-Fai est resté cinq mois à Guam, jusqu’à la nomi­na­tion com­me arche­vê­que coa­d­ju­teur du dio­cè­se – c’est-à-dire avec droit de suc­ces­sion – de l’américain Michael J. Byrnes, qui a pour­sui­vi son œuvre dans la même direc­tion.

La pre­miè­re vic­ti­me de ce séi­sme a été en par­ti­cu­lier le Chemin néo­ca­té­chu­mé­nal dont le sémi­nai­re « Redemptoris Mater » a été fer­mé et pre­sque chas­sé de l’île. Curieusement, le pré­fet de « pro­pa­gan­da fide », le car­di­nal Fernando Filoni, est en revan­che un grand défen­seur des néo­ca­té­chu­mé­naux, à l’inverse de son ex-subalterne Hon Tai-Fai et l’affaire de Guam a sans dou­te con­tri­bué à élar­gir con­si­dé­ra­ble­ment le fos­sé entre eux deux et a accé­lé­rer l’éloignement du second de Rome.

Entretemps, en février der­nier, François a envoyé le car­di­nal Raymond L. Burke à Guam en tant qu’expert cano­ni­ste afin d’enquêter sur le bien-fondé ou pas des accu­sa­tions pesant sur Mgr Apuron, l’évêque auto-suspendu. Le car­di­nal Burke et qua­tre autre juges, tous évê­ques, devra­ient ren­dre leur juge­ment pro­chai­ne­ment.

Si d’aventure l’innocence de Mgr Apuron était avé­rée, cela con­train­drait à nou­veau le dio­cè­se à un éniè­me coup de balai, dans un sens tota­le­ment oppo­sé à celui qui avait été entre­pris par Hon Tai-Fai, aujourd’hui cour­toi­se­ment muté à la mode­ste non­cia­tu­re d’Athènes. Toujours pour fai­re de la diplo­ma­tie, mais plus éloi­gné de Pékin que jamais.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 28/09/2017