Biden pourra-t-il communier ou pas ? Les instructions de Rome n’apaisent pas les évêques américains. Faits et documents d’une guerre qui n’en finit plus

Aux États-Unis, le sujet fait l’objet d’u­ne con­tro­ver­se enflam­mée mais, curieu­se­ment, aucu­ne des deux instruc­tions émi­ses par le Saint-Siège en 2004 et en 2021 pour met­tre un ter­me à l’interminable con­tro­ver­se sur la que­stion de savoir s’il faut don­ner ou pas la com­mu­nion eucha­ri­sti­que aux poli­ti­ciens amé­ri­cains « pro choi­ce » n’a jamais été offi­ciel­le­ment publiée, ni à Rome ni à Washington.

En 2004, il aura fal­lu que le blog jumeau de Settimo Cielo, « www.chiesa » publie cet­te instruc­tion, signée par le pré­fet de la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi de l’époque, Joseph Ratzinger, pour qu’on con­nais­se son con­te­nu.

Quant à l’instruction de 2021, sous la for­me d’une let­tre de l’actuel cardinal-préfet de la même con­gré­ga­tion, Luis F. Ladaria, elle est restée jusqu’à pré­sent qua­si­ment introu­va­ble sur le web.

Nous avons repro­duit ces deux instruc­tions dans leur inté­gra­li­té ci-dessous, à des fins docu­men­tai­res.

C’est dans le même but que nous vous pro­po­sons une recon­struc­tion som­mai­re du con­flit actuel, qui a explo­sé et est retom­bé en 2004 avant d’éclater à nou­veau entre 2020 et 2021, avec un scé­na­rio qua­si iden­ti­que, avec pra­ti­que­ment les mêmes pro­ta­go­ni­stes et avec un résul­tat qui, quand nous y serons, sera pro­ba­ble­ment le même.

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En 2004, année d’élection pré­si­den­tiel­le aux États-Unis, John Kerry qui est can­di­dat démo­cra­te à la Maison-Blanche, ce même Kerry que le Pape François a reçu en audien­ce le 15 mars der­nier en sa qua­li­té actuel­le d’envoyé spé­cial du pré­si­dent en char­ge Joe Biden, lui aus­si à la fois catho­li­que et ouver­te­ment par­ti­san de l’avortement com­me droit con­sti­tu­tion­nel.

Lors de leur visi­te « ad limi­na » à Rome au cours des pre­miers mois de 2004, les évê­ques amé­ri­cains n’arrivaient pas à s’entendre sur le fait de don­ner ou non la com­mu­nion à Kerry. Tandis que cer­tains, dont l’archevêque de Saint Louis de l’époque, Raymond L. Burke, y éta­ient oppo­sés, d’autres, plus nom­breux, avec à leur tête le cardinal-archevêque de Washington de l’époque, Theodore McCarrick, y éta­ient en revan­che favo­ra­bles.

La Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi, diri­gée par Ratzinger – com­me le rap­pel­le aujourd’hui Ladaria dans sa let­tre – avait rap­pe­lé à cha­cun des évê­ques en visi­te à Rome ce qui figu­rait dans la note doc­tri­na­le émi­se par cet­te même con­gré­ga­tion en 2002 « à pro­pos de cer­tai­nes que­stions con­cer­nant l’engagement et le com­por­te­ment des catho­li­ques dans la vie poli­ti­que », où le non à l’avortement était pré­sen­té com­me étant « non négo­cia­ble ». Mais sans par­ve­nir à apla­nir les dis­sen­sions, qui ava­ient émer­gé intac­tes à la veil­le de l’assemblée plé­niè­re des évê­ques des États-Unis, con­vo­quée pour la mi-juin et pré­si­dée à l’époque par l’évêque de Belleville, Wilton Gregory, celui-là même que le Pape François allait nom­mer à Washington en 2019 et créer car­di­nal en 2020.

Ratzinger avait alors déci­dé d’envoyer au car­di­nal McCarrick, en tant que respon­sa­ble de la com­mis­sion sur la « affai­res inté­rieu­res » des évê­ques amé­ri­cains, une note sur les « prin­ci­pes géné­raux » qui pour­ra­ient con­dui­re à refu­ser la com­mu­nion aux poli­ti­ciens catho­li­ques pro avor­te­ment.

En séan­ce, McCarrick a fait allu­sion à la note de Ratzinger, tout en pré­ci­sant que l’auteur de la note lui-même « avait spé­ci­fi­que­ment deman­dé qu’elle ne soit pas publiée ». Et en effet, il n’en don­na pas le tex­te mais distri­bua aux évê­ques, com­me base pour la rédac­tion d’un docu­ment offi­ciel sur cet­te que­stion, des « Interim reflec­tions » qui alla­ient dans un sens tota­le­ment oppo­sé à cet­te note.

Avec pour résul­tat que dans le docu­ment final, inti­tu­lé « Catholic in Political Life », approu­vé le 18 juin par 183 votes con­tre 6, con­tour­ne la dif­fi­cul­té en reno­nçant à une ligne direc­tri­ce com­mu­ne – qui, de tou­te maniè­re, selon la let­tre de Ladaria de 2021, « n’était pas à l’étude » ni même deman­dée par la note de Ratzinger – en ren­voyant le « juge­ment pru­den­tiel » à cha­que évê­que, dans le sens expli­qué par ces deux para­gra­phes de con­clu­sion :

« L’Eucharistie est la sour­ce et le som­met de la vie catho­li­que. C’est pour­quoi, com­me tou­tes les géné­ra­tions de catho­li­ques qui nous ont pré­cé­dés, il faut nous lais­ser gui­der par les mots de saint Paul, ‘Celui qui aura man­gé le pain ou bu la cou­pe du Seigneur d’une maniè­re indi­gne devra répon­dre du corps et du sang du Seigneur.’ (1 Cor 11:27). Cela signi­fie que cha­cun doit exa­mi­ner sa pro­pre con­scien­ce et sa digni­té à rece­voir le Corps et le Sang de notre Seigneur. Cet exa­men inclut la fidé­li­té à l’enseignement moral de l’Église dans la vie publi­que et dans la vie pri­vée.

La que­stion s’est posée de savoir s’il était néces­sai­re de refu­ser la Sainte Communion à cer­tains catho­li­ques enga­gés dans en poli­ti­que à cau­se de leur sou­tien public en faveur de l’avortement à la deman­de. Étant don­né le grand nom­bre de cir­con­stan­ces qui entrent en jeu pour par­ve­nir à un juge­ment pru­den­tiel sur une matiè­re aus­si gra­ve, nous recon­nais­sons que de tel­les déci­sions revien­nent à cha­que évê­que en accord avec les prin­ci­pes cano­ni­ques et pasto­raux en vigueur. Les évê­ques peu­vent légi­ti­me­ment poser des juge­men­ts dif­fé­ren­ts sur les meil­leu­res actions pasto­ra­les à pren­dre. Cependant, nous par­ta­geons nous l’engagement sans équi­vo­que à pro­té­ger la vie et la digni­té humai­ne et à prê­cher l’Évangile en ces temps dif­fi­ci­les ».

Après avoir reçu et lu ce docu­ment à Rome début juil­let, Ratzinger avait répon­du par une let­tre de remer­cie­ment à McCarrick dans laquel­le il lui fai­sait part de son appré­cia­tion :

« Cette décla­ra­tion est tout à fait en har­mo­nie avec les prin­ci­pes géné­raux ‘Dignité à rece­voir la Sainte Communion’ envoyés com­me un ser­vi­ce fra­ter­nel pour cla­ri­fier la doc­tri­ne de l’Église sur ce pro­blè­me spé­ci­fi­que dans le but d’assister les évê­ques amé­ri­cains dans leurs déba­ts et réso­lu­tions en la matiè­re. »

À cet­te épo­que, l’un des théo­lo­giens et car­di­naux amé­ri­cains les plus esti­més, le jésui­te Avery Dulles (1918–2008) avait accor­dé une lon­gue inter­view à Zenit pour défen­dre avec de soli­des argu­men­ts ce choix de lais­ser cha­que évê­que juge en la matiè­re et d’expliquer les rai­sons de la « pru­den­ce » qui avait été deman­dée. Ce car­di­nal était le fils de John Foster Dulles, qui avait été Secrétaire d’État sous la pré­si­den­ce d’Eisenhower et le neveu d’Allen Dulles, qui avait été le chef de la CIA entre 1953 et 1961.

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En 2020, alors que le catho­li­que « pro choi­ce » Joe Biden était can­di­dat à la pré­si­den­ce, la con­tro­ver­se s’est à nou­veau invi­tée à l’ordre du jour dans les mêmes ter­mes qu’en 2004.

Cette fois enco­re, à l’approche des élec­tions, cer­tains ont refu­sé la com­mu­nion à Biden, avec de nou­veau le sou­tien fer­me du car­di­nal Burke face à l’attitude favo­ra­ble des évê­ques et car­di­naux.

Et enco­re une fois, cet­te con­tro­ver­se a mis le Saint-Siège en ébul­li­tion, avec des évê­ques amé­ri­cains en visi­te « ad limi­na » qui tirent cha­cun dans des direc­tions oppo­sées.

La Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi, aujourd’hui sous la hou­let­te du car­di­nal Luis F. Ladaria, leur a cet­te fois sug­gé­ré d’essayer de par­ve­nir à une déci­sion com­mu­ne, mais à une con­di­tion, cel­le de « pré­ser­ver l’unité ». Et dans cet objec­tif, il leur a pro­po­sé d’entamer un dou­ble dia­lo­gue, d’abord entre évê­ques et ensui­te entre évê­ques et poli­ti­ciens catho­li­ques « pro choi­ce ».

Mais en gui­se de dia­lo­gue, c’est la guer­re qui a écla­té. Avec d’un côté la fac­tion domi­nan­te de la Conférence épi­sco­pa­le – cel­le de son pré­si­dent, l’archevêque de Los Angeles José Horacio Gómez, com­po­sée d’acteurs de poids tels qu’Allen Vigneron, Salvatore Cordileone, Samuel Aquila, Thomas Olmsted, Thomas Paprocki, Joseph Naumann, ain­si Chaput, retrai­té mais tou­jours influent – qui se dres­se en bloc pour refu­ser la com­mu­nion à Biden et à d’autres poli­ti­ciens catho­li­ques « pro choi­ce » tels que Nancy Pelosi, la pré­si­den­te de la Chambre des repré­sen­tan­ts ou enco­re l’inaltérable John Kerry. Et dans le camp adver­se, on retrou­ve les évê­ques chers au Pape François et qu’il a créé car­di­naux, tels que Wilton Gregory à Washington, Blase Cupich à Chicago, Joseph Tobin à Newark, sans par­ler du bel­li­queux évê­que de San Diego, Robert McElroy.

L’élection de Biden n’a donc en rien désa­mor­cé le con­flit, bien au con­trai­re. Le jour même de son entrée à la Maison-Blanche, le pré­si­dent de la Conférence épi­sco­pa­le, Mgr Gómez, a publié un com­mu­ni­qué pour dénon­cer une mena­ce immi­nen­te « con­tre la vie et la digni­té humai­ne ». Et peu après, il a créé un « wor­king group » spé­cial pour tenir à l’œil les poli­ti­ques du nou­veau pré­si­dent qui sera­ient « suscep­ti­bles d’entrer en con­flit avec l’enseignement de l’Église et les prio­ri­tés des évê­ques ».

À ce sta­de, la crain­te de voir sor­tir tôt ou tard un docu­ment qui sanc­tion­ne offi­ciel­le­ment l’indignité de Biden et d’autres poli­ti­ciens à rece­voir la com­mu­nion – avec la révol­te pré­vi­si­ble des évê­ques dis­si­den­ts qui s’en sui­vrait – à inci­té le car­di­nal Ladaria à envoyer depuis Rome au pré­si­dent des évê­ques amé­ri­cains une nou­vel­le instruc­tion, sous for­me d’une let­tre.

Dans cet­te let­tre, Ladaria renou­vel­le son exhor­ta­tion à n’émettre aucu­ne réso­lu­tion géné­ra­le qui ne cor­re­spon­de pas « à un véri­ta­ble con­sen­sus des évê­ques en la matiè­re ».

Il invi­te en revan­che à tenir comp­te non seu­le­ment des poli­ti­ciens mais de l’ensemble des fidè­les catho­li­ques et à ne pas trai­ter l’avortement et l’euthanasie com­me s’il s’agissait des « seu­les matiè­res gra­ves de l’enseignement moral et social catho­li­que ».

En outre, il deman­de aux évê­ques amé­ri­cains de ne pas déci­der seuls mais de d’abord enten­dre « les autres con­fé­ren­ces épi­sco­pa­les en for­mu­lant cet­te régle­men­ta­tion de sor­te à pou­voir appren­dre les uns des autres et de pré­ser­ver l’unité de l’Église uni­ver­sel­le. »

Ce qui revient à leur ordon­ner de ne rien déci­der, étant don­né qu’aucune Église natio­na­le n’a jamais ima­gi­né con­si­dé­rer com­me urgen­te cet­te que­stion qui ne tour­men­te en fait que les seuls évê­ques amé­ri­cains.

Il suf­fit de se rap­pe­ler que même l’intransigeant Jean-Paul II, le 6 jan­vier 2001, à la mes­se de clô­tu­re du jubi­lée de l’an 2000, a per­son­nel­le­ment don­né la com­mu­nion à Francesco Rutelli, catho­li­que pra­ti­quant et can­di­dat pre­mier mini­stre du centre-gauche pour les élec­tions légi­sla­ti­ves de cet­te année.

Et pour­tant Rutelli avait été l’un des prin­ci­paux arti­sans de la loi sur l’avortement en Italie, qui est l’une des plus per­mis­si­ves au mon­de. Et, en tant que catho­li­que, il a con­ti­nué à défen­dre publi­que­ment des posi­tions « pro choi­ce ».

Certains admi­rent à juste titre le geste du très catho­li­que roi Baudouin de Belgique, qui en 1990 s’était tem­po­rai­re­ment mis en impos­si­bi­li­té de régner pour ne pas devoir signer la loi sur l’avortement. Mais il faut sou­li­gner que ce geste était entiè­re­ment spon­ta­né : per­son­ne dans la hié­rar­chie de l’Église ne le lui avait deman­dé, ni enco­re moins ne l’avait mena­cé de sanc­tions s’il l’avait signé.

Quoi qu’il en soit, la con­tro­ver­se se pour­suit, avec com­me nou­vel­le pom­me de discor­de la let­tre du car­di­nal Ladaria, cri­ti­quée par les uns et approu­vée par les autres, com­me on peut le voir par exem­ple dans les com­men­tai­res oppo­sés de deux intel­lec­tuels catho­li­ques renom­més : aux États-Unis, George Weigel, de l’Ethics and Public Policy Center de Washington, et en Italie Stefano Ceccanti, pro­fes­seur de droit public com­pa­ré à l’Université « La Sapienza » de Rome et dépu­té du par­ti démo­cra­te, qui a éga­le­ment été dans sa jeu­nes­se pré­si­dent des uni­ver­si­tai­res catho­li­ques.

Et voi­ci à pré­sent les tex­tes inté­graux des deux instruc­tions de 2004 et de 2021 aux évê­ques des États-Unis, la pre­miè­re signée par Ratzinger et la secon­de par Ladaria, dans une tra­duc­tion des ori­gi­naux en lan­gue anglai­se.

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2004. Les instructions du cardinal Ratzinger

Dignité de rece­voir la sain­te Communion. Principes géné­raux.

1. Se pré­sen­ter pour rece­voir la sain­te com­mu­nion devrait être une déci­sion con­scien­te, basée sur un juge­ment rai­son­né con­cer­nant sa pro­pre digni­té à le fai­re, selon le cri­tè­re objec­tif de l’Église…

> Lire le tex­te inté­gral

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2021. Les instructions du cardinal Ladaria

CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI
00120 Cité du Vatican
Palazzo del S. Uffizio
PROT. N. 3277/7 – 82755

Le 7 Mai 2021

Son Excellence
le Révérend José H. GOMEZ
Archevêque de Los Angeles
Président de la Conférence épi­sco­pa­le des évê­ques des États-Unis
3211 Fourth Street NE
Washington, D.C. 20017
UNITED STATES

Excellence,

Nous vous remer­cions pour votre let­tre du 30 mars 2021 infor­mant cet­te Congrégation que les évê­ques des États-Unis sont en train de se pré­pa­rer à abor­der la situa­tion des Catholiques exe­rçant des char­ges publi­ques qui sou­tien­nent des légi­sla­tions per­met­tant l’avortement, l’euthanasie ou d’autres maux moraux. Nous vous som­mes recon­nais­san­ts de votre pro­po­si­tion de nous envoyer l’avant-projet d’un docu­ment sur la digni­té à rece­voir la Sainte Communion pour relec­tu­re infor­mel­le avant de le sou­met­tre au vote de l’ensemble des évê­ques.

À pro­pos de la let­tre de 2004 du car­di­nal Ratzinger au Cardinal McCarrick, cet­te Congrégation respec­te la sti­pu­la­tion du Cardinal Ratzinger selon laquel­le « ces prin­ci­pes n’étaient pas cen­sés être publiés. » Cette let­tre se pré­sen­tait sous la for­me d’une com­mu­ni­ca­tion pri­vée adres­sée aux évê­ques.

Cependant, dans la mesu­re où ces prin­ci­pes ne sont pas publiés par le Conférences, ils peu­vent être uti­les pour éla­bo­rer l’avant-projet de votre docu­ment. Il con­vient de sou­li­gner que la note doc­tri­na­le de la Congrégation : « On Some Questions Regarding the Participation of Catholics in Political Life » (2002) est anté­rieu­re à la com­mu­ni­ca­tion per­son­nel­le du Cardinal Ratzinger. Au cours de la visi­te « ad limi­na » de 2004 à laquel­le il se réfè­re dans cet­te let­tre, des que­stions ava­ient été posées à plu­sieurs repri­ses con­cer­nant la récep­tion de la Sainte Communion par des poli­ti­ciens catho­li­ques qui sou­te­na­ient le soi-disant « droit à choi­sir » un avor­te­ment. Pendant la discus­sion de cet­te note doc­tri­na­le au cours de ces visi­tes « ad limi­na », il était clair qu’il n’y avait pas de con­sen­sus entre les évê­ques con­cer­nant la pro­blé­ma­ti­que de la com­mu­nion. À l’époque, l’élaboration d’une régle­men­ta­tion natio­na­le n’était pas à l’ordre du jour, et le Cardinal Ratzinger a pro­po­sé des prin­ci­pes géné­raux con­cer­nant la digni­té à rece­voir la Sainte Communion dans le but de gui­der les ordi­nai­res locaux des États-Unis dans leurs rap­ports avec les poli­ti­ciens pro choi­ce de leurs juri­dic­tions. La com­mu­ni­ca­tion du Cardinal Ratzinger ne devrait donc être discu­tée que dans le con­tex­te de la note doc­tri­na­le fai­sant auto­ri­té et qui reprend l’enseignement du Magistère sur les fon­de­men­ts théo­lo­gi­ques pour tou­te ini­tia­ti­ve con­cer­nant la que­stion de la récep­tion digne de la Sainte Communion.

Lorsque cet­te pro­blé­ma­ti­que a refait sur­fa­ce au cours de la visi­te « ad limi­na » de 2019–2020 des évê­ques amé­ri­cains, cet­te Congrégation a con­seil­lé qu’un dia­lo­gue soit enta­mé entre évê­ques afin de pré­ser­ver l’unité de la Conférence épi­sco­pa­le face aux dis­sen­tions sur ce sujet con­tro­ver­sé. La for­mu­la­tion d’une régle­men­ta­tion natio­na­le n’avait été sug­gé­rée, pen­dant cet­te visi­te « ad limi­na », que dans le cas où elle aide­rait les évê­ques à main­te­nir cet­te uni­té. Cette Congrégation sou­li­gne qu’une tel­le régle­men­ta­tion, étant don­né sa natu­re poten­tiel­le­ment liti­gieu­se, pour­rait avoir l’effet inver­se et deve­nir une sour­ce de discor­de plu­tôt que d’unité au sein de l’épiscopat et plus lar­ge­ment au sein de l’Église aux États-Unis. C’est pour­quoi nous avons sug­gé­ré au cours des visi­tes « ad limi­na » que l’élaboration con­crè­te d’une régle­men­ta­tion dans ce domai­ne requiert un dia­lo­gue en deux temps : d’abord entre les évê­ques eux-mêmes et ensui­te entre les évê­ques et les poli­ti­ciens catho­li­ques pro choi­ce au sein de leurs juri­dic­tions.

Les pre­miè­res éta­pes du dia­lo­gue devra­ient se dérou­ler entre les évê­ques de sor­te qu’ils puis­sent se met­tre d’accord en tant que Conférence sur le fait que le sou­tien à une légi­sla­tion pro choi­ce est incom­pa­ti­ble avec l’enseignement catho­li­que. Les évê­ques devra­ient donc discu­ter et s’accorder sur l’enseignement de la note doc­tri­na­le susmen­tion­née qui affir­me dans son arti­cle 3 que « les chré­tiens sont appe­lés à reje­ter, en tant qu’injure à la vie démo­cra­ti­que, une con­cep­tion du plu­ra­li­sme reflé­tant le rela­ti­vi­sme moral et accep­ter que la démo­cra­tie doi­ve se baser sur les fon­da­tions véri­ta­bles et soli­des de prin­ci­pes éthi­ques non-négociables qui sous-tendent la vie en socié­té. » Les évê­ques doi­vent affir­mer en tant que Conférence que ceux qui sont direc­te­ment impli­qués dans des orga­nes char­gés d’élaborer des lois ont une obli­ga­tion gra­ve et clai­re de s’opposer à tou­te loi qui s’en prend à la vie humai­ne ». (Note doc­tri­na­le, art. 4). Une fois cet accord atteint, les évê­ques pour­ra­ient ensui­te s’attacher à met­tre en œuvre la secon­de éta­pe au cours de laquel­le les Ordinaires locaux con­tac­te­ra­ient les poli­ti­ciens catho­li­ques de leurs juri­di­cions qui adop­tent une posi­tion pro-choice sur l’avortement, l’euthanasie ou d’autres maux moraux pour enta­mer un dia­lo­gue avec eux et com­pren­dre la natu­re de leurs posi­tions et de leur com­pré­hen­sion de l’enseignement catho­li­que.

Ce n’est qu’une fois que ces deux temps de dia­lo­gue appro­fon­di et serein auront eu lieu, que la Conférence pour­ra enta­mer le tra­vail dif­fi­ci­le visant à discer­ner la meil­leu­re façon pour l’Église aux États-Unis de témoi­gner de la gra­ve respon­sa­bi­li­té mora­le des respon­sa­bles poli­ti­ques catho­li­ques de pro­té­ger la vie humai­ne à tous ses sta­des. Si l’on déci­de alors d’élaborer un règle­ment natio­nal sur la digni­té à rece­voir la com­mu­nion, une tel­le décla­ra­tion devra cor­re­spon­dre à un véri­ta­ble con­sen­sus des évê­ques en la matiè­re, tout en obser­vant le pré­re­quis que la Conférence respec­te en la matiè­re le droit des évê­ques indi­vi­duels dans leurs pro­pres dio­cè­ses et les pré­ro­ga­ti­ves du Saint-Siège (cf. « Apostolos Suos », 22 & 24). En outre, la Congrégation con­seil­le que tou­te décla­ra­tion de la Conférence épi­sco­pa­le con­cer­nant des respon­sa­bles poli­ti­ques catho­li­ques s’inscrive dans le con­tex­te plus lar­ge de la digni­té à rece­voir la Sainte Communion de la part de tous les fidè­les plu­tôt que pour une caté­go­rie de catho­li­ques seu­le­ment, reflé­tant leur obli­ga­tion à con­for­mer tou­te leur vie à l’Évangile du Christ quand ils se pré­pa­rent à rece­voir le sacre­ment (Notre doc­tri­na­le, art. 4). Il ne fau­drait pas qu’une tel­le décla­ra­tion don­ne l’impression que l’avortement et l’euthanasie soient les seu­les matiè­res gra­ves de l’enseignement moral et social catho­li­que qui exi­gent le plus grand degré de respon­sa­bi­li­té de la part des catho­li­ques.

Tous les efforts doi­vent être entre­pris pour le dia­lo­gue avec les autres con­fé­ren­ces épi­sco­pa­les en for­mu­lant cet­te régle­men­ta­tion, de maniè­re à pou­voir appren­dre les uns des autres et à pré­ser­ver l’unité de l’Église uni­ver­sel­le.

Nous deman­dons que cet­te let­tre soit par­ta­gée avec tous les évê­ques des États-Unis.

Je vous assu­re de ma plus hau­te con­si­dé­ra­tion et de ma meil­leu­re gra­ti­tu­de pour votre ser­vi­ce de l’Église et reste sin­cè­re­ment vôtre dans le Christ.

Luis F. Card. LADARIA, S.J.
Préfet

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 28/05/2021