Abus sexuels. Voici ce que le pape a dit, mais qu’est-ce que ça vaut ?

En rece­vant jeu­di 21 sep­tem­bre la Commission pon­ti­fi­ca­le pour la défen­se des mineurs vic­ti­mes d’abus sexuels, le Pape François n’a pas lu le discours pré­vu à cet effet, il n’a fait que le « distri­buer ».

Après quoi il s’est mis à par­ler libre­ment, com­me il a l’habitude de le fai­re sur les suje­ts qui lui tien­nent le plus à cœur.

Cette foi, pour­tant, quel­que cho­se d’insolite et d’énigmatique s’est pro­duit.  Les sour­ces offi­ciel­les du Saint-Siège, à com­men­cer par « L’Osservatore Romano », n’ont ni retran­scrit ni enco­re moins publié ce que le pape a dit à hau­te voix.  Pas un mot.

Bien au con­trai­re.  « L’Osservatore Romano » a fait pré­cé­der la repro­duc­tion inté­gra­le du tex­te qui n’a pas été lu par le pape de la note sui­van­te :

« Le Pape a remis aux mem­bres de l’organisation le discours pré­pa­ré – que nous publions ici – avant de leur adres­ser quel­ques con­si­dé­ra­tions per­son­nel­les à bâtons rom­pus. »

« Considérations per­son­nel­les ».  Point.  Donc Ses opi­nions pri­vées ?  Privées de valeur nor­ma­ti­ve ?  A ce point qu’elles ne méri­tent même pas qu’on en par­le ?

Il est un fait que cer­tai­nes peti­tes phra­ses du pape ont fait le tour du mon­de dans les médias du mon­de entier.

Nous vous pro­po­sons ici les dépê­ches dans lesquel­les l’agence de pres­se ita­lien­ne Ansa a trans­crit une bon­ne par­tie de ce qu’a dit le Pape.  Afin de pou­voir en pren­dre bon­ne note et pour pou­voir véri­fier si ces décla­ra­tions seront sui­vies d’effets.

Une peti­te remar­que con­cer­nant le « prê­tre du dio­cè­se de Crema » cité par le Pape.  Il s’agit du P. Mauro Inzoli, mem­bre émi­nent du mou­ve­ment Communion et Libération, réduit à l’état laïc en 2012 par la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi pour avoir abu­sé de nom­breux jeu­nes mais que le Pape François avait réta­bli dans le sacer­do­ce actif en 2014 avec l’injonction de mener une vie reti­rée de péni­ten­ce et de priè­re.  « Après deux ans, il a rechu­té », a dit aujourd’hui le pape, regret­tant d’avoir été trop « mou ».  En réa­li­té, le P. Inzoli n’a pas « rechu­té », c’est-à-dire qu’il ne s’est pas remis à abu­ser des mineurs mais il a plu­tôt déso­béi à l’interdiction de célé­brer en public.

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ANSA / Pédophilie : Pape, Eglise en retard, fini les grâ­ces pour les cou­pa­bles (de Fausto Fasparroni)

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – Plus de grâ­ce pour les prê­tres cou­pa­bles d’abus sur mineurs.  Aucun recours en appel du juge­ment si les abus sont avé­rés en pre­miè­re instan­ce.  Plus jamais cet­te pra­ti­que con­si­stant à dépla­cer un prê­tre pédo­phi­le d’un dio­cè­se à un autre, une façon de fai­re qui a « ane­sthé­sié les con­scien­ces » par le pas­sé.  Davantage de per­son­nel à l’ex Saint-Office pour instrui­re les pro­cès cano­ni­ques, qui restent de sa com­pé­ten­ce.  Pour le Pape François, en ce qui con­cer­ne la pla­ie de la pédo­phi­lie, « L’Eglise s’y est pris trop tard » mais c’est main­te­nant lui – sur le ton de la « tolé­ran­ce zéro » — qui va don­ner un coup d’accélérateur pour arri­ver à le vain­cre.  Dans un long discours impro­vi­sé aux mem­bres de la Commission pon­ti­fi­ca­le pour la pro­tec­tion des mineurs – pre­sque une réfor­me annon­cée en direct – François les a infor­més des nou­vel­les ini­tia­ti­ves qu’il va met­tre en pla­ce pour com­bat­tre le fléau de la pédo­phi­lie dans le cler­gé avec l’affirmation, mise noir sur blanc dans le discours écrit qui a été remis à la Commission pré­si­dée par le car­di­nal de Boston Sean, O’Malley, que « le scan­da­le des abus sexuels est un dra­me ter­ri­ble pour tou­te l’humanité » et que pour l’Eglise « c’est une expé­rien­ce très dou­lou­reu­se ».  « Nous som­mes plein de hon­te à cau­se de ces abus com­mis par des mini­stres con­sa­crés qui devra­ient être les plus dignes de con­fian­ce », a‑t-il écrit, en fai­sant état de sa « pro­fon­de dou­leur » : « L’abus sexuel est un péché hor­ri­ble, en tota­le con­trac­tion et à l’opposé de ce que le Christ et l’Eglise nous ensei­gnent ».  Le Pape Bergoglio, s’écartant de son tex­te, a ensui­te fait l’éloge de la Commission pour son tra­vail « à contre-courant » étant don­né que sur le sujet, « la pri­se de con­scien­ce de l’Eglise est arri­vée un peu tard, et quand la pri­se de con­scien­ce est tar­di­ve, les moyens pour régler le pro­blè­me tar­dent eux aus­si » : « je suis bien con­scient de cet­te dif­fi­cul­té mais c’est la réa­li­té et je le dis ain­si : nous som­mes arri­vés en retard ! ».  « Sans dou­te que l’ancienne pra­ti­que con­si­stant à dépla­cer les gens sans affron­ter le pro­blè­me a un peu ane­sthé­sié les con­scien­ces », admet-il.  Derrière ses décla­ra­tions, on peut voir en fili­gra­ne la démis­sion de la repré­sen­tan­te des vic­ti­mes auprès de la Commission, Marie Collins, indi­gnée par la sur­di­té de la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi par rap­port aux pro­po­si­tions de l’organisme con­sul­ta­tif et par rap­port aux let­tres des vic­ti­mes deman­dant des infor­ma­tions sur les pro­cès.  Cependant, le Pape con­fir­me la com­pé­ten­ce de l’ex-Saint-Office en matiè­re de pro­cès cano­ni­ques et de réduc­tions à l’état laïc plu­tôt que de la tran­sfé­rer, com­me cer­tains l’avaient pro­pos, aux tri­bu­naux de la Rote ou de la Signature apo­sto­li­que.  « Le pro­blè­me des abus est gra­ve et tant que tous n’en auront pas pris con­scien­ce, il est bon qu’il reste à la Congrégation », observe-t-il.  Avec cepen­dant quel­ques cor­rec­tions.  Par rap­port aux plain­tes que les cas exa­mi­nés « n’avancent pas », François a déci­dé « d’engager plus de per­son­nes pour tra­vail­ler à la clas­si­fi­ca­tion des pro­cès ».  La secon­de con­cer­ne les recours intro­dui­ts par les prê­tres con­dam­nés en pre­miè­re instan­ce.  « La Commission, pré­si­dée par Mgr Scicluna, un hom­me qui est clai­re­ment con­scient de la que­stion de la pédo­phi­lie, tra­vail­le bien, mais elle pour­rait être un peu rec­ti­fiée par la pré­sen­ce d’un évê­que dio­cé­sain qui con­nais­se bien le pro­blè­me ‘in situ’ ».  Et si, au sein de la Commission, sur­tout com­po­sée de cano­ni­stes, il y a « la ten­ta­tion des avo­ca­ts de rédui­re la pei­ne », la solu­tion du Pape est dra­sti­que : en plus de « réé­qui­li­brer » la Commission, elle n’acceptera plus de recours si en pre­miè­re instan­ce on a four­ni la pre­u­ve de l’abus com­mis par l’inculpé.  « S’il y a des pre­u­ves, c’est ter­mi­né.  C’est défi­ni­tif.  Pourquoi ?  Non pas par aver­sion, fait-il remar­quer, non.  Tout sim­ple­ment par­ce que la per­son­ne qui fait cela, hom­me ou fem­me, est mala­de.  C’est une mala­die.  Aujourd’hui il se repend mais, on sait bien, la vie con­ti­nue, on te par­don­ne, et après deux ans c’est la rechu­te ».  Troisième mesu­re, enco­re plus dra­sti­que : con­cer­nant les recours en grâ­ce de prê­tres con­dam­nés, « je n’en ai jamais signé une seu­le et jamais je ne le ferai.  François admet éga­le­ment avoir, ces der­niè­res années, été trop ‘mou’ dans le cas d’un prê­tre du dio­cè­se de Crema en accueil­lant la sen­ten­ce « bien­veil­lan­te » de l’évêque qui le rele­vait de tous ses mini­stè­res mais pas de l’état clé­ri­cal.  « Après deux ans, il a rechu­té — rappelle-t-il.  C’est la seu­le fois que je l’ai fait, plus jamais.  J’ai appris de cet­te expé­rien­ce.  J’ai appris du car­di­nal O’Malley, appris des vic­ti­mes que j’ai ren­con­tré.  C’est une vilai­ne mala­die ».

ANSA / Pédophilie : Le Pape, jamais je n’accorderai ma grâ­ce aux cou­pa­bles d’abus (1)

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – « Celui qui est con­dam­né pour abus sexuels sur mineurs peut s’adresser au Pape pour deman­der sa grâ­ce » mais « je n’ai jamais signé l’une d’entre elles et jamais je ne le ferai »  C’est le pape qui l’a annon­cé, s’écartant de son tex­te, en s’exprimant à la Commission pon­ti­fi­ca­le pour la pro­tec­tion des mineurs.  « J’espère que c’est clair et que je me suis bien fait com­pren­dre », a‑t-il ajou­té.

ANSA / Pédophilie : Le Pape, jamais je n’accorderai ma grâ­ce aux cou­pa­bles d’abus (2)

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – « Ce n’est pas moi qui signe les con­dam­na­tions, c’e­st la ‘feria quar­ta » et l’autre juri­dic­tion d’appel.  Dans un seul cas, un seul, en pre­sque cinq ans, deux sen­ten­ces se pré­sen­ta­ient pour un prê­tre du dio­cè­se de Crema, la sen­ten­ce de l’évêque sem­blait bon­ne, il lui enle­vait tous les mini­stè­res mais pas l’état clé­ri­cal.  J’étais nou­veau et je ne com­pre­nais pas bien ces choses-là et entre les deux j’ai choi­sis la plus indul­gen­te.  Mais après deux ans, il a rechu­té.  C’est la seu­le fois que je l’ai fait, ensui­te plus jamais », a racon­té le Pape à la Commission pon­ti­fi­ca­le pour la pro­tec­tion des mineurs.  « Cela m’a per­mis d’apprendre, j’ai appris de ce que disait le car­di­nal pré­si­dent O’Malley.  J’ai appris la fois où j’ai reçu six vic­ti­mes », a‑t-il obser­vé.  « C’est une vilai­ne mala­die – a‑t-il pour­sui­vi –.  Moi je ne l’ai pas trou­vée mais peut-être que les jésui­tes vont la trou­ver : il y a une let­tre de Saint François-Xavier aux moi­nes boud­d­hi­stes, je crois, qui déno­nçait ce vice qu’ils ava­ient, vous véri­fie­rez si c’est vrai, je l’ai enten­du plu­sieurs fois, en tout cas c’est quel­que cho­se qui ne date pas d’hier.  J’ai vou­lu vous dire de façon un peu spon­ta­née où nous en som­mes et com­ment aller de l’avant.  Il faut pro­cé­der avec con­fian­ce mais avan­cer, affron­ter ces pro­blè­mes anciens avec de nou­vel­les solu­tions ici à la Curie ».

ANSA / Pédophilie.  Le Pape con­fir­me, les pro­cès restent à la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi (1)

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – « Je crois que pour le moment, la réso­lu­tion du pro­blè­me des abus doit rester de la com­pé­ten­ce de la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi ».  C’est le Pape François qui l’a con­fir­mé, s’écartant de son tex­te, dans un discours à la Commission pon­ti­fi­ca­le pour la pro­tec­tion des mineurs.  « C’était un que­stion pra­ti­que – a‑t-il expli­qué -.  Quand un nou­veau pro­blè­me se pré­sen­tait, quand il y avait une nou­vel­le disci­pli­ne pour la réduc­tion à l’état laïc, c’était tou­jours la Congrégation pour le doc­tri­ne de la foi qui s’en char­geait.  Ensuite, quand les cho­ses éta­ient en pla­ce, ça pas­sait au Culte et puis au Clergé ».  « Et je dis cela – a‑t-il ajou­té – par­ce que cer­tains vou­dra­ient que ça ail­le direc­te­ment au systè­me judi­ciai­re du Saint-Siège, c’est-à-dire à la Rote et à la Signature.  Mais en ce moment, le pro­blè­me est gra­ve : et il n’y a pas que le pro­blè­me qui est gra­ve, ce qui est gra­ve c’est que cer­tains n’ont pas enco­re pris con­scien­ce du pro­blè­me.  Et donc, il est bon que cela reste à la Doctrine de la foi tant que cet­te pri­se de con­scien­ce n’aura pas eu lieu dans tou­te l’Eglise. »

ANSA / Pédophilie.  Le Pape con­fir­me, les pro­cès restent à la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi (2)

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – Le Pape a admis dans les pro­cès cano­ni­ques pour pédo­phi­lie à la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi, « il y a beau­coup de dos­siers là-bas qui n’avancent pas, c’est vrai.  Avec le nou­veau secré­tai­re, qui sera ordon­né arche­vê­que le 29 et le nou­veau secré­tai­re que je viens de nom­mer, et le der­nier pré­fet (le card. Müller, ndlr) était d’accord, on essaye d’engager plus de per­son­nel pour tra­vail­ler à la clas­si­fi­ca­tion des pro­cès ».  « C’est le pre­mier pro­blè­me – a‑t-il sou­li­gné – com­men­cer par les agen­ts qui clas­sent et étu­dient les dos­siers.  Ensuite, à la ‘feria quar­ta’ (l’organe qui pro­non­ce les juge­men­ts de pre­miè­re instan­ce, ndlr), on les résout ».

ANSA / Pédophilie : le Pape, plus de recours sur les con­dam­na­tions si les abus sont prou­vés

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – A pro­pos de la Commission char­gée d’examiner, au sein de la Congrégation pour la doc­tri­ne de la foi, les recours intro­dui­ts par des prê­tres con­dam­nés en pre­miè­re instan­ce pour abus sexuels, le Pape François a décla­ré aujourd’hui qu’elle « tra­vail­le bien devrait être un peu rec­ti­fiée par la pré­sen­ce de l’un ou l’autre évê­que dio­cé­sain bien au fait du pro­blè­me sur le ter­rain.  On y tra­vail­le ».  Cette com­mis­sion, a‑t-il dit « est pré­si­dée par Mgr Scicluna, l’archevêque de Malte, un hom­me qui est clai­re­ment con­scient du pro­blè­me de la pédo­phi­lie. »  Mais cet­te com­mis­sion qui exa­mi­ne les recours « a un pro­blè­me : la majo­ri­té sont des cano­ni­stes, ils exa­mi­nent si le pro­cès s’est bien dérou­lé, il y a la ten­ta­tion des avo­ca­ts de rédui­re la pei­ne.  Les avo­ca­ts vivent de cela, non ?  Et j’ai déci­dé de réé­qui­li­brer un peu cet­te com­mis­sion et je vou­drais dire que si un abus sur mineurs est démon­tré, c’est suf­fi­sant pour refu­ser le recours.  Si les pre­u­ves sont là, c’est ter­mi­né.  C’est défi­ni­tif.  Pourquoi ?  Pas par aver­sion, non, sim­ple­ment par­ce que la per­son­ne qui fait cela, hom­me ou fem­me, est mala­de.  C’est une mala­die ».

ANSA / Pédophilie : le Pape, nous devons nous con­vain­cre que c’est une mala­die, il y a des rechu­tes

CITÉ DU VATICAN, 21 SEPT. – « La per­son­ne qui fait cela, hom­me ou fem­me, est mala­de.  C’est une mala­die.  Aujourd’hui il se repent mais on sait bien que, la vie con­ti­nue, on te par­don­ne, après deux ans il rechu­te.  Nous devons nous met­tre dans la tête que c’est une mala­die ».  C’est le pape François qui l’a décla­ré à pro­pos des abus pédo­phi­les, s’écartant de son tex­te, à la Commission pon­ti­fi­ca­le pour la pro­tec­tion des mineurs.

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Sandro Magister est le vati­ca­ni­ste émé­ri­te de l’heb­do­ma­dai­re L’Espresso.
Tous les arti­cles de son blog Settimo Cielo sont dispo­ni­bles sur ce site en lan­gue fra­nçai­se.

Ainsi que l’in­dex com­plet de tous les arti­cles fra­nçais de www.chiesa, son blog pré­cé­dent.

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Date de publication: 22/09/2017