La véritable histoire des moines en Occident

Ils voulaient fuir le monde mais ils l’ont transformé malgré eux

Vie, action miraculeuse et, peut-être, mort du monachisme occidental

Vittorio Messori

Vittorio Messori

Un entretien-fleuve sans tabou avec le célèbre écrivain catholique Vittorio Messori sur ce que fut réellement le monachisme occidental au-delà des idées reçues, de la légende dorée et des légendes urbaines, débarrassé du mythe et replacé dans son contexte historique, au cœur des contradictions et des faiblesses de la condition humaine, le fameux « et-et » catholique.

Un entretien réalisé par Antonio Margheriti

Cet entretien inhabituel avec Vittorio Messori sur l’histoire, l’actualité et le futur du monachisme a

L'écrivain Antonio Margheriti

L’écrivain Antonio Margheriti

bien failli ne pas avoir lieu. J’avais d’ailleurs commencé à rassembler de la documentation dans le but de rédiger moi-même un article.  Pour l’une ou l’autre raison, rien ne s’est passé comme prévu et je me suis retrouvé à me demander de quoi j’allais bien pouvoir parler.  Je séjournais alors dans une cité balnéaire de l’extrême-Sud de l’Italie, dans la région de Salente, en bord de la mer. Cette année, l’été avait duré moins longtemps que d’habitude et une série d’orages terribles se succédaient sur la région et la foudre s’abattait sur la digue, sur la mer et sur la page.  Je les « voyais » pour ainsi dire parce que ceux qui me connaissent savent que j’ai une peur panique de la foudre, une véritable phobie.  Le plus souvent, j’attends que l’orage se passe à l’abri, à l’abri sous mes couvertures.  Lorsque j’étais enfant, la foudre était un jour entrée dans ma chambre, elle avait fait le tour du lit non sans incendier la moitié de la maison mais par miracle personne n’avait été tué.  Depuis lors, j’ai une peur bleue des orages.

Cette fois c’était sur mon ordinateur que la foudre était tombée, une machine toute neuve que je venais d’acheter. Un autre drame.  J’ai donc du me rabattre sur un vieil ordinateur préhistorique qui était d’une lenteur extrême.  Alors que je discutais de tout et de rien par courrier électronique avec Vittorio Messori, je lui fis part de cet incident et de ma phobie des orages.

Et voici ce qu’il m’a répondu:

« Les orages sont si dangereux qu’ils nous ont, hélas, donné un certain Martin Luther qui, comme chacun sait, fit le vœu d’entrer chez les augustiniens après que la foudre se soit abattue sur l’arbre sous lequel il s’abritait… Ah, si seulement il y avait en Saxe plus de soleil et moins d’orages, combien de malheurs n’auraient pas été évités? »  Il lâcha ensuite cette petit phrase « il y aurait tant à dire sur le monachisme que j’étudie depuis plusieurs années… ».

Bon sang, mais c’est bien sûr, me dis-je, illuminé comme Luther par une soudaine intuition: « Est-ce que ça ne vaudrait pas la peine d’en discuter un peu et de rédiger un petit entretien unique en son genre? ». Il accepta rapidement et me fixa un rendez-vous téléphonique quelques heures plus tard.  C’est alors qu’un orage quasi tropical éclata brusquement.  Je lui fit parvenir ce petit message, frigorifié et tremblant de peur: « Ici orage, si pas fini pour notre rendez-vous, partie remise: très  dangereux de téléphoner à cause de la foudre. »  A l’heure dite, et deux fois d’affilée (le tout s’est déroulé au cours de deux longues conversations téléphoniques), c’est… le beau temps qui a éclaté.  A peine avais-je raccroché que les orages revenaient de plus belle.  Et voici donc le magnifique entretien qui en a résulté.  Il faut cependant que je précise une petite chose: je m’étais souvenu d’une prière de mon enfance que les paysans répétaient quand l’orage arrivait et que je n’ai pu m’empêcher de psalmodier: « Sainte Elisabeth, protège-nous de la foudre et des éclairs. »  Je dois bien avouer que ça a fonctionné.  Le hasard?  C’est possible, mais je suis catholique, et donc je ne crois donc pas au hasard: je crois à la volonté de Dieu et à l’intercession des saints.

Ils n’avaient aucun intérêt pour les classiques

Messori, depuis votre cellule dans le monastère de Maguzzano, vous avez entrepris un véritable travail de bénédictin: étudier l’histoire du monachisme… et il semble que vous vous soyez vous-même immiscé dans cette histoire. Il est par contre étonnant que vous n’ayez encore pratiquement rien écrit. Auriez-vous découvert quelque chose d’inédit au cours de vos travaux?

Moines travaillant au scriptorium, miniature extraite du Livre des Jeux, XIIIè siècle

Moines travaillant au scriptorium, miniature extraite du Livre des Jeux, XIIIè siècle

Beaucoup trop de choses en fait, dont il n’est pas forcément opportun de parler. Par exemple tout le monde prétend que les moines auraient sauvé les livres classiques par amour de la culture.  En réalité il n’avaient absolument aucun intérêt ni pour la culture ni pour les classiques de l’antiquité.  C’étaient des gens qui s’étaient retirés derrière leurs murs pour attendre la fin du monde qu’ils croyaient imminente.  S’ils ont bel et bien créé les scriptoriums dans lesquels les copistes ont effectivement réalisé un travail inestimable, c’était pour des raisons plutôt pratiques que culturelles: étant donné qu’ils accueillaient un grand nombre de très jeunes postulants qui devaient apprendre le latin, ils leur faisaient recopier ces textes anciens pour s’exercer, comme des manuels scolaires.  Ce n’est pas un hasard s’ils nous ont également transmis des textes fort peu convenables pour un moine comme certains aphorismes extrêmement vulgaires mais néanmoins remarquables par l’éloquence de leur terminologie latine: étant donné que les dictionnaires n’existaient pas encore, il était pour eux vital de répandre jusque dans les monastères voisins la connaissance du plus grand nombre possible de mots et de grammaire latine.  Je le répète: cette première génération de moines n’avait absolument aucun intérêt pour le monde, un monde qui selon eux était sur le point de disparaître.

Au fond, leur vocation a été essentiellement eschatologique: leur vie n’avait pour seule fonction que de les mener à l’autre vie, la seule qui comptât vraiment.

Comment? Mais alors, tous ces incunables, ces parchemins, ces codex …

Je le répète, même si ça doit briser votre idéal romantique sur la bibliophilie du monachisme: ce n’est qu’à partir de la Renaissance que cette chasse aux parchemins antiques a commencé. Tout le Moyen-Âge s’en moquait éperdument, sauf dans les monastères où ils n’ont cependant été préservés que dans un but pratique et non pas culturel.

Mais ils avaient des bibliothèques entières de livres « profanes », laïques dirions-nous aujourd’hui, de véritables « monuments de science » comme disait Umberto Eco… S’il ne s’agissait que d’apprendre le latin, quelques douzaines de livres auraient suffit.

Vous savez, les monastères bénédictins étaient non seulement construits dans des lieux isolés mais si possible à grande hauteur afin de les isoler du monde et également des autres monastères. Chaque monastère devenait un monde en lui-même, d’où la nécessité d’être autonome et autosuffisant, d’y créer une école, d’y établir un scriptorium… qui était un peu l’éditeur de livres scolaires de l’époque.

La preuve que les bénédictins ne manifestaient que peu d’intérêt pour la culture classique et s’en méfiaient même, c’est qu’une bonne partie des abbayes ont été construites sur l’emplacement de temples païens après avoir pris soin de les raser jusqu’aux fondations. L’abbaye de Maguzzano où je me trouve actuellement a été construite sur un promontoire et il suffit de creuser un mètre dans le sol pour exhumer des vestiges du précédent édifice consacré à Mars.  Il y avait sur la plus haute et la plus majestueuse colline du Mont-Cassin, la reine de toutes les abbayes,  plusieurs temples dédiés à Apollon: si Benoît lui-même a justement choisi cet endroit pour y poser les fondations de l’Ordre bénédictin et y construire des temples chrétiens, imaginez-vous quel pouvait être leur intérêt pour cette culture classique qu’ils enfouissaient…  Les premiers bénédictins cherchaient justement des endroits où se trouvaient des temples païens particulièrement isolés pour s’y installer et les faire disparaître une fois pour toutes.

Personne ne pouvait sortir du monastère ou le changer, me semble-t-il: les moines étaient enterrés vivants, un peu comme ces temples païens…

Effectivement, dans les trois vœux qu’ils prononçaient, il y avait celui de « stabilité »: une fois installés dans un monastère, ils ne pouvaient plus en sortir. Tout ceci pour souligner le manque absolu de curiosité pour le monde qui se trouvait au-delà des murs qui encerclaient leur tombeau.  Imaginez-vous combien ils pouvaient se moquer de l’antiquité.

Ils s’isolaient de ce monde qui ne les intéressait plus, d’un monde avec lequel ils voulaient avoir le moins de rapports possible et qui, du reste, n’en valait pas la peine puisqu’ils vivaient dans l’attente de la parousie qui en aurait précipité la fin.

« Labora » mais pas trop

Vous prétendez que ces moines n’avaient aucun intérêt à préserver la culture classique, que les textes grecs et latins n’étaient pour eux que des « cahiers d’exercice » pour apprendre un latin parfait et que ces moines n’attendaient qu’une chose seule: la parousie. Et pourtant, ils ont tout de même développé la pharmacopée, ils ont créé une véritable tradition culinaire et inventé de nouvelles boissons que nous retrouvons encore aujourd’hui sur nos tables: n’oublions pas que ce sont les moines qui ont inventé la bière, le célèbre parmesan et encore bien d’autres choses.  C’est me semble-t-il Cosmacini, l’historien de la médecine, qui raconte qu’ils furent les premiers à créer un véritable système « hospitalier » au sein de leurs hôtelleries, une sorte de croisement entre une auberge et un monastère.  Entretemps, ils ont construit des abbayes de plus en plus imposantes dans tout l’Occident.  Et enfin, il y a leur célèbre devise « ora et labora ».  Ca me semble beaucoup pour des gens qui ne faisaient qu’attendre la fin des temps.

Procédons dans l’ordre.

Le célèbre ora et labora n’est que le fruit d’un énorme malentendu.  Benoît n’a jamais formulé une telle devise et si elle s’est répandue c’est parce qu’elle sonnait bien et qu’elle faisait plutôt bonne impression.  Si on voulait vraiment imaginer une devise pour les bénédictins, ce serait plutôt ora, lege et… labora.  Le labora vient en dernier.

Quel rôle le travail a-t-il dans la règle bénédictine?

Moine aux champs, enluminure du XIIè

Moine aux champs, enluminure du XIIè

 

Certainement pas celui que nous lui donnons aujourd’hui: il ne servait ni à « s’ennoblir », ni à changer le monde ou à réaliser de grandes œuvres. Rien de tout cela.  Saint Benoît disait clairement que le travail, pour le bénédictin, n’est rien d’autre qu’une façon d’occuper le temps entre deux moments au chœur, entre une prière et l’autre.  Le travail n’était qu’une façon d’occuper ce temps libre qui génère l’oisiveté si propice aux mauvaises pensées qui à leur tour mènent aux mauvaises actions.  L’oisiveté est un danger moral et donc il est bon de la remplacer par le travail.  Il s’agissait d’ailleurs de menus travaux, presque de bricolages.  N’oublions pas que vers l’an mil, les cisterciens ont fait sécession des bénédictins précisément parce qu’ils ne partageaient pas cette idée que le travail n’était qu’un prétexte: ils ont continué à suivre la règle bénédictine et sont restés bénédictins mais ils se sont vraiment mis à travailler dur de leurs mains pour gagner leur pain littéralement à la sueur de leur front, se levant chaque matin leur bêche sur l’épaule pour travailler la terre qui les nourrissait.  Pour les bénédictins en revanche, le travail restait une espèce de… hobby comme on dirait aujourd’hui.

En quelque sorte, on pourrait dire c’était les paysans qui se trouvaient sur les terres abbatiales qui faisaient tout le boulot ?

Exactement. Quant à cette histoire d' »hôpitaux », je n’ai pas lu Cosmacini mais un détail me vient à l’esprit.  Il ne fait aucun doute aujourd’hui que les bénédictins classiques des premiers siècles disposaient de plusieurs droguistes et d’herboristes étant donné que le monastère était une citadelle autonome entourée de hautes murailles infranchissables mais ceux-ci étaient surtout destinés à l’usage des moines.  Que par ailleurs certains paysans du lieu aient pu en bénéficier n’y change rien.  Ils restaient, comme ils le disaient ad usum nostrarum proprium.  Chaque monastère avait son moine herboriste, un métier qui ne manquait pas de frapper l’imaginaire des gens simples.  Ici même à Maguzzano qui jouit d’un climat particulièrement clément, il y avait un herboriste de grande renommée.  Il exerçait également pour l’abbaye-mère de Polirone qui hébergea jusqu’à 300 moines.  Il faut savoir qu’à son apogée, Cluny qui était l’abbaye la plus riche du monde, abritait près de 1000 moines.

Le charisme de Marthe et celui de Marie

A propos de l’attente de la fin du monde, j’étais en train de lire un magnifique roman de Selma Lagerlöf, la première femme à avoir reçu le prix Nobel de littérature. Bien qu’elle était suédoise et luthérienne, elle a pourtant écrit « Les Miracles de l’Antéchrist », un livre malheureusement tombé dans l’oubli dont l’histoire se déroule en Italie et qui est pétri d’une spiritualité éminemment catholique.  Le récit commence dans la Basilique Sainte-Marie d’Aracœli, l’église la plus élevée de Rome qui était confiée aux monastères bénédictin voisins (avant d’être par la suite remplacés par des franciscains il me semble). Ceux-ci avaient reçu la charge de prier et de monter la garde en scrutant les cieux depuis le sommet de la colline afin de distinguer avant tout le monde les signes de l’avènement de l’Antéchrist.  Je ne sais pas si cette histoire est vraie…

marthe-et-marie C’est bien possible qu’elle le soit…   Ils avaient en fait repris cette charge des païens puisque le Capitole était non seulement le cœur de l’administration romaine mais également de sa religion.  C’est pour cela que l’on avait fini par diviniser les empereurs et que c’est là qu’ils régnaient…  En fait, l’histoire des bénédictins est un extraordinaire exemple d’hétérogenèse des fins: ceux qui voulaient fuir le monde retranchés dans leurs monastères finirent par le changer.  Sans le monachisme, l’Occident aurait du attendre plusieurs siècles avant d’atteindre certains niveaux de civilisation.  Il s’agit d’un rare cas heureux d’hétérogenèse des fins qui ait abouti à un bien alors que la plupart du temps, ce sont les bonnes intentions qui provoquent les pires désastres.  En tout cas, cela a duré jusqu’à l’institution perverse de la Commende où l’on se mit à offrir pour des raisons dynastiques et purement vénales le titre d’abbé commendataire à des laïcs, des petits potentats locaux et à des prêtres séculiers qui n’avaient rien à voir avec les communautés.  Ceux-ci s’en appropriaient les rentes sans s’intéresser le moins du monde à la spiritualité monastique.

Rien de nouveau sous le soleil: chaque fois qu’on prône le rôle des laïcs dans l’église, ce n’est jamais pour la servir mais bien pour des questions de pouvoir et d’intérêt. Personne ne veut servir l’institution mais tout le monde veut se servir…

Hé oui, en cela ils valent pas mieux que les clercs et souvent ils sont en réalité bien pire qu’eux.

A ce stade, s’il y avait bien une « fin », il s’agissait surtout de celle du monachisme bénédictin comme vous l’affirmez de façon surprenante et elle mettra du temps à arriver: vous soutenez en effet que le véritable rôle du monachisme et donc son pouvoir a perdu sa raison d’être depuis environ mille ans. Il s’agirait donc d’un excellent cadavre politique qui aurait continué à se décomposer tout au long du millénaire suivant.

Parler de cadavre politique me semble excessif.  L’Eglise et ses institutions vivent dans l’histoire et ne peuvent pas faire fi des mutations du monde même s’ils le fuient.  Il n’en demeure pas moins que le monastère est un pur produit du féodalisme, l’abbaye et le système féodal se tenaient mutuellement de sorte que l’affaiblissement de l’un a provoqué celui de l’autre.

Que s’est-il passé entretemps?

Comme les moines étaient enfermés dans leurs monastères, souvent splendides, il n’y eut plus personne pour évangéliser au-dehors. C’étaient quelques misérables hères fort peu présentables et méprisés formant la société équivoque des prêtres séculiers qui s’en chargeaient.  En effet, les prêtres de paroisse étaient de véritables parias même au niveau culturel.  On peut résumer la situation pendant le féodalisme comme suit: les moines restaient enfermés derrière leurs murailles à prier pour le peuple, point à la ligne.

A un certain moment cependant, tout ce monde, au lieu de finir, va se transformer et les centres urbains prennent la place du système féodal. Ce qui prend les moines par surprise…

C’est tout à fait ça.

Comment se fait-il qu’alors que le monachisme historique perd du terrain, le phénomène des ordres religieux se met à prendre de l’ampleur? Quelle est la différence fondamentale qui leur permet de rayonner alors que les premiers déclinent?  C’est d’autant plus curieux que si l’on demande à un fidèle la différence entre un moine et un religieux, bien peu sont capables de répondre.

Saint François faisant l'aumône

Saint François faisant l’aumône

La société féodale a fait place à la société urbaine, qui est synonyme de commerces, d’industries, de voyages et de rencontres: c’est une société en mouvement par opposition à l’immobilisme stationnaire qui caractérise la féodalité et c’est cela qui va changer le monde. Au cours du premier millénaire du christianisme, il n’existait que deux sortes de clercs: le clergé diocésain et les moines.  A partir du XIIè siècle, le frère vient s’y ajouter.  On pourrait dire qu’il s’agit d’une voie intermédiaire: il ne vit pas cloîtré comme le moine mais il parcourt le monde, c’est un religieux en mouvement, exactement comme cette nouvelle société urbaine.  Si le moine vit de ses propres ressources et de ses rentes au sein du monastère comme le lui impose la règle, le frère va demander l’aumône en chemin et très peu d’entre eux sont consacrés, même Saint François ne demanda jamais à être ordonné prêtre.  La plupart d’entre eux restaient des laïcs de bonne volonté.  Autrement dit, l’Eglise qui est toujours reformanda s’est adaptée de façon remarquable à la nouvelle course du monde, elle accélère avec le monde, tout comme elle avait précédemment ralenti avec le monde.  C’est en cela que se trouve la profonde modernité de l’Eglise catholique.

Il me semble comprendre que l’orate et laborate fait place à une sorte de praedicamus et rogamus.

Nous nous trouvons face à un autre exemple remarquable de ce et-et instauré par Jésus en personne, celui de Marthe et Marie.  C’est là que se trouve la différence principale: le monachisme a fait le choix de Marie et les ordres mendiants celui de Marthe; l’une n’est que spéculation et prière et l’autre n’est que zèle et questions pratiques.

Mais est-ce qu’ensuite il n’y a pas eu un chemin intermédiaire, une sorte de synthèse entre Marthe et Marie, entre les moines et les frères?

Si, et elle connut son apogée au dix-neuvième siècle après la révolution française et l’aventure napoléonienne avec l’apparition d’une myriade de congrégations religieuses dans laquelle il y avait une place pour la prière mais également pour l’étude et pour l’apostolat. Mais il s’agit d’un phénomène qui s’était déjà amorcé après le Concile de Trente, pensons par exemple aux jésuites et aux autres.  Si ça peut vous consoler, on pourrait dire qu’ils constituent une sorte de synthèse entre le moine et le frère, entre Marthe et Marie.

De l’errance à la paresse: l’épopée des ordres mendiants

Aujourd’hui un pape appelé François habite un lieu appelé Sainte-Marthe: quelle curieuse coïncidence sémantique…

Je ne tiens pas à me perdre en radotages cléricaux stériles ! Je vous conseille plutôt de faire comme moi: regardez passer les choses…

Bien sûr qu’un jour ou l’autre, l’autre Saint François finira par descendre du ciel avec son célèbre bâton et à distribuer des coups sur la tête de tous ceux qui, peut-être à commencer par les papes, l’ont fait passer, avec bonne ou de mauvaise foi, pour ce qu’il n’a jamais été: un écolo, un défenseur des animaux, un niais, un pacifiste voire un communiste.

saint-francoisLa grande nouveauté apportée par François d’Assise ne réside pas dans ce qui n’est rien d’autre qu’une instrumentalisation du clergé et des anticléricaux ni dans son austérité mais plutôt dans cette sorte d’errance qui consiste à parcourir les rues en se montrant « nu » dans sa pauvreté évangélique, pour prêcher l’Evangile. Il était impossible pour un passant de ne pas remarquer cette attitude inédite, jamais vue et donc choquante pour l’époque et sa profonde différence avec l’illustre retraite du moine « invisible », enfermé dans la beauté opulente des monastères.  C’est précisément le fait d’aller prêcher en rue qui constitue sa véritable révolution et une nouveauté absolue: personne n’avait jamais vu un bénédictin drapé dans son noble habit noir aller annoncer l’Evangile sur les chemins, personne.  Tout comme personne ne se souvenait plus de cette injonction divine: « allez annoncer le Christ par toute la terre »; personne ne se souvenait plus que la prédication était nécessaire, vitale.  C’est ainsi qu’une nouvelle Eglise est née.

Faut-il voir dans cette errance et dans leur dangereux périple par les chemins du monde la raison pour laquelle les ordres religieux « mendiants » ont presque immédiatement engendré des hérétiques, en premier lieu les franciscains et les augustiniens alors que ce ne fut jamais le cas de ces seigneurs hautains que furent les bénédictins?  Vous qui êtes passionné des constantes dans l’histoire, vous devriez avoir une réponse toute prête…

La constante est celle-ci: en substance, les religieux finissent par devenir paresseux…

… mais alors les moines bénédictins avaient raison avec leur ora et labora…

Ulrich Zwingli

Ulrich Zwingli

Ecoutez, il n’y a que Zwingli, le réformateur suisse, qui soit devenu hérétique alors qu’il était prêtre séculier. En réalité, il est très rare qu’un prêtre séculier ait le temps pour imaginer une hérésie, ces dernières sont l’œuvre de personnes qui ont du temps à perdre, des paresseux et Zwingli était un lettré oisif qui n’avait rien d’autre à faire contrairement aux autres curés.  Il se fait qu’à un certain moment, même les frères nés avec François et Dominique sont devenus paresseux.

 

Mais comment se fait-il qu’à un certain moment, ils se laissent aller?

Parce qu’ils ne savaient plus trop quoi faire. Les prêtres séculiers étaient très occupés dans leurs paroisses à s’occuper de leurs ouailles, les moines de leur côté avaient la règle de Saint Benoît qui les tenait occupés jour et nuit.

Luther et Catherine de Bore, une ex-bénédictine qu'il a épousée

Luther et sa femme, Catherine de Bore, une ex-bénédictine

Les religieux, par contre, avaient du temps libre. Prenez l’augustinien Luther par exemple: à part donner quelques cours, qu’est-ce qu’il faisait de ses journées?  Comme il l’avoue lui-même, il passait son temps à se masturber et à se couper les cheveux en quatre sur la bible et sur le sexe des anges.  N’oublions pas – comme on le voit du reste clairement avec certains frères mineurs dans le Nom de la Rose, par exemple Guillaume de Baskerville ou Ubertin de Casale – que ce sont précisément les religieux qui remplissaient peu à peu les auditoires des universités: les prêtres séculiers n’ont fait leur apparition que tout récemment dans les facultés grâce aux nouvelles congrégations et les moines en ont toujours été absents.  Les frères, en revanche, ont presque immédiatement pris racine sur les bancs à étudier jusqu’à l’excès alors qu’ils étaient nés pour se déplacer et prêcher en chemin et non pas pour jouer au professeur.  Ils se sont peu à peu embourgeoisés, vivant des dons que le pauvre frère mendiant récoltait pour eux qui… allaient à l’université, lisaient, discutaient et se laissent aller aux délices de la chair.  L’hérésie est donc une question de style de vie: pour s’adonner à l’hérésie, il faut en avoir le temps…  il faut également prendre du bon temps pour ainsi dire.  Je le répète, il faut être comme Luther qui bricolait une ou deux heures par jour avant de passer – en bon Casanova qu’il était devenu – la moitié de la journée à penser au sexe et l’autre moitié à se lamenter sur les affres de la chair ou bien à fantasmer en inventant de toutes pièces des théories extravagantes et improbables comme celle du « sola fide »…  seule la foi sauve, les œuvres n’ont aucune importance.

… étant donné que les « œuvres » lui posaient problème, il s’en est débarrassé: problème réglé.

[rire] Je plaisante parce que c’est le journaliste qui vous parle et c’est vous qui devrez écrire mais en fait, c’est vraiment comme ça que les choses se sont passées. Si Luther avait été curé, il n’aurait pas eu le temps de vaticiner sur certaines théories…

… ou s’il était entré chez les bénédictins…

Il y a toujours bien une exception qui confirme la règle. Au dix-neuvième siècle, l’abbaye du Mont Cassin, la reine de toutes les abbayes, fut le théâtre d’une subversion qui donna du fil à retordre à Pie IX. Luigi Tosti, un crypto-mazzinien mouillé jusqu’au cou dans des activités révolutionnaires s’est laissé infecter par le bacille de la politique, Renan fit d’ailleurs son éloge, ce qui n’est pas un hasard.  Certes, il ne s’agit pas tout à fait d’hérésie mais c’était déjà de la contestation, à un poste stratégique comme le sien.  Cependant, vous avez raison, aucun grand hérétique n’est jamais sorti d’un monastère bénédictin.

Peut-être d’ailleurs parce qu’ils avaient tout simplement l’interdiction d’en sortir.

L’inimitable imitation du Christ

Et pourtant… comme les frères, les moines eux-mêmes s’adonnaient à la lecture et ils disposaient de vastes bibliothèques… et pourtant vous pointez l’excès de lecture comme la source de nombreuses hérésies…

Manuscrit de l'Imitatione Christi, Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles

Manuscrit de l’Imitatione Christi, Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles

Vous revenez sans cesse aux bibliothèques: c’est une obsession chez vous. Du reste, je connais bien votre amour des livres et je ne compte plus les livres que je vous ai offerts pour assouvir votre manie.  Je vais donc devoir couper court à cette idée reçue qui a la vie dure: celle de la soi-disant bibliomanie des moines.  Si le frère peut fréquenter librement la bibliothèque – et souvent ils disposent de bibliothèques somptueuses dans leurs couvents, comme les dominicains –  parce qu’il peut aller à l’université, le moine cloîtré n’y a pas accès.

Dans le Nom de la Rose, l’inscription « Hic sunt liones » figure au-dessus de la porte d’entrée de la bibliothèque, quelle coïncidence…

De fait, le seul livre que le monachisme ait jamais produit est l’Imitation de Jésus-Christ qui est certainement l’œuvre d’un moine bénédictin…

Il s’agit là d’une vexata quæstio: j’ai toujours pensé qu’il s’agissait d’un augustinien…

Ecoutez, j’en ai même parlé à Ratzinger qui avait au départ l’intention de devenir bénédictin et qui est resté un fin connaisseur du mouvement bénédictin – dont il a par ailleurs pris le nom en tant que pape. Il m’a dit que « pour quelqu’un qui connaît la culture monastique, il est évident que seul un moine aurait pu écrire un tel livre en le destinant à d’autres moines et à personne d’autre ».  Nous n’allons pas aborder cette question controversée dont j’ai déjà fait le tour et je me contenterai d’ajouter ce que Ratzinger lui-même m’avait avoué: que ce livre n’est plus adapté à la spiritualité des moines d’aujourd’hui comme il n’était pas plus adapté à celle des laïcs d’aujourd’hui qu’à ceux d’hier.  Vous voyez, ici nous manquons de cet et-et propre au christianisme.

J’en suis personnellement un fervent lecteur. Disons que tout part d’une nécessité: la mort sociale, une chose qui était effectivement plausible pour le moine, au moins pour celui d’autrefois mais certainement pas pour le laïc parce qu’il s’agit d’une théorie sur la fuite du monde.  Vivre la vie ou même désirer la vivre est déjà présenté comme une forme de corruption…  Jésus-Christ lui-même serait resté cloîtré dans son atelier de charpentier en renonçant à tout s’il avait lu sa propre Imitatio.

Il manque précisément l’et-et parce que le monde est à la fois mauvais et appelé à être sauvé.  Le Christ s’est incarné dans le monde, il l’a embrassé, il s’est assis à table, il a accepté la convivialité comme il a ensuite accepté l’infamie et la passion.  Il s’agit d’un livre extraordinaire et bouleversant que j’ai moi-même lu et relu mais il manque véritablement d’équilibre, ce livre illustre parfaitement cet ou bien-ou bien qui est ensuite devenu la marque de fabrique des protestants.

A propos de « mort sociale », n’oublions pas que le monachisme occidental est historiquement né sur une autre disparition (même si ce mouvement a survécu de façon résiduelle et anecdotique), celle du monachisme des Pères du Désert orientaux qui constituent l’un des pages les plus fascinantes et affabulatrice de toute l’histoire chrétienne: qu’est-ce qui explique la disparition des moines du désert et des ermites?

Quelqu’un a dit un jour que la religion de l’Egypte ancienne était une forme de « christianisme infantile ». Avant tout, il existait déjà une tradition d’érémitisme vieille de plusieurs milliers d’années dans la religion égyptienne, celle des pyramides.  Comme le disait Renan, le désert porte tout naturellement à la contemplation, ce dont les égyptiens ont largement profité. Cet érémitisme s’est ensuite christianisé avec quelques hésitations puis les ermites se sont multipliés principalement dans la Thébaïde après Constantin.  En effet, après Constantin, le martyre était devenu impossible et comme on ne pouvait plus mourir pour sa foi, les ermites ont cherché dans la douleur « comment mourir à nous-mêmes en partant au désert » comme ils disaient.  Ces ermites ont donc suppléé à la disparition du martyre classique en s’acharnant sur leur propre corps et en s’infligeant les sévices les plus extrêmes, obtenant ainsi ce qui leur avait refusé par la volonté de l’empereur: le souffrance dans leur chair et enfin le martyre pour passer du symbolique à la pratique.

L’énigme de la liturgie sans eucharistie

Pour continuer sur le sujet de la « fin », j’ai découvert tout à fait par hasard que les bénédictins s’occupaient aussi de liturgie. Ca m’a paru étrange.  Qu’est-ce que cette attention au rite a à voir avec leur règle qui leur demande d’être des « seigneurs au service du Seigneur » comme les jésuites sont des soldats, les franciscains des vagabonds et les passionistes des croque-morts?

Votre question me surprend: « j’ai découvert par hasard… », qu’avez-vous donc découvert, l’eau chaude? Qu’ils s’occuperaient « aussi » de liturgie?  Excusez-moi mais le bénédictin ne s’occupe pas aussi de liturgie, le bénédictin est la liturgie!  Il est une liturgie permanente, qui ne dort jamais.  Leur journée se divise en trois parties: huit heures de chœur (c’est-à-dire de prière), huit heures de travail et environ huit heures de repos.

Pourtant je sais que quand il fallait éclaircir l’une ou l’autre question liturgique, on s’adressait aux bénédictins…

Tout comme pour une question de casuistique, on s’adressait aux jésuites, une question de thomisme aux dominicains et une question pédagogique aux salésiens… Comme vous le voyez, on ressasse des lieux communs.  Par sa règle, le monastère bénédictin gravite autour de la liturgie.  Cependant, je voudrais vous donner une information qui a toujours été évoquée avec un certain embarras et qui demeure une énigme à l’heure actuelle…

Finalement !

Manuscrit de la Règle de Saint Benoît

Manuscrit de la Règle de Saint Benoît

Saint Benoît avait fixé dans les moindres détails les contenus et les moments des prières quotidiennes qui devaient se dérouler uniquement autour du chœur où l’on chantait les psaumes et les autres prières. Par contre, il manque une chose essentielle à ce programme minutieux: l’eucharistie.  Celle-ci n’est jamais citée dans la règle, elle n’est pas prévue.  La règle énumère scrupuleusement à quel moment précis il faut chanter tel ou tel psaume, notamment parce que la règle est très marquée par la spiritualité vétérotestamentaire, on précise quand et comment il faut dire les autres prières mais… le dimanche n’y figure pas!  Il n’y a pas de messe.

A vrai dire, il y a également une autre anomalie: il est vrai qu’à l’époque la mariologie n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui mais bon, la dévotion à la Vierge date quand même du sixième siècle et elle déjà était très présente, cependant Benoît ne cite jamais Marie dans sa règle.

Comment se fait-il que l’eucharistie et Marie soient absents de la règle?

Si je vous ai dit que c’était une énigme, ça veut dire qu’on ne sait pas, je n’en sais rien…

« Fiston, si j’avais toutes les réponses j’enseignerais la théologie à la Sorbonne » répondait Guillaume de Baskerville au jeune Adso de Melk.

Comme vous le savez sans doute, Umberto Eco s’est inspiré du personnage de Sherlock Holmes de Doyle…

Un observateur au regard aiguisé comme Guillaume de Baskerville aurait sans nul doute émis une hypothèse sur cette énigme?

Bah, il est probable qu’à l’origine de l’Ordre bénédictin (comme plus tard celui des franciscains), on retrouve des communautés de laïcs, des personnes qui n’étaient pas consacrées comme pouvaient l’être les premiers moines et donc il est possible qu’il y ait eu des abbayes sans prêtres. Pourquoi pas?  Cependant s’il n’y en avait pas, à mon humble avis… ou à celui de Baskerville… il fallait s’en procurer!

Triomphe et tragédie du monachisme

J’ai lu quelque part que là où il y avait des moines, les paysans contribuaient bien volontiers à assurer leur subsistance en échange de prières qu’ils ne pouvaient pas réciter eux-mêmes par manque de formation et de temps puisqu’ils passaient leurs journées à travailler la terre.

Il y a eu un peu de cela mais l’inverse s’est également produit : les paysans avaient souvent fort peu d’estime pour la foi et ne se préoccupaient que des choses « concrètes », il se sont rebellés contre la cupidité de ces moines dont ils travaillaient les immenses domaines pour accueillir à bras ouverts le « libérateur » révolutionnaire français qui, en 1796 commença a exproprier les monastères et à en chasser les moines. Pour s’en repentir ensuite amèrement lorsqu’ils découvrirent combien leurs nouveaux maîtres étaient durs par rapport aux mollassons d’avant : les terres que les paysans travaillaient depuis des siècles pour le compte des moines furent vendues à des riches bourgeois et à de petits aristocrates qui s’enrichirent sur leur dos.  Par rapport à l’administration indifférente des moines – ce n’était pas leur fort – se révélèrent des administrateurs rapaces et vigilants qui imposèrent immédiatement une mesure qui pour l’Eglise était passible d’excommunication tant elle avait la réputation d’être vexatoire pour les travailleurs : le métayage.  Au lieu du tiers de la récolte qu’ils donnaient aux moines, ils durent en céder la moitié à leur nouveaux patrons.  Quelle ironie qu’il ait fallut attendre la liberté, égalité et fraternité pour réduire pour la première fois ces paysans à l’indigence.  Pour leur malheur, ils découvrirent une autre chose : il n’était plus aussi facile de chaparder, comme ils le faisaient auparavant, les biens des moines parce que leurs nouveaux maîtres avaient à présent l’œil sur tout et qu’ils le leur aurait fait payer très cher.

A l’époque de Luther également, les paysans étaient enthousiastes au départ mais les choses ont mal tourné par la suite, le « réformateur » finit même par inciter à leur génocide. Après tout Job aussi était un paysan et un éleveur et ça ne s’est pas très bien passé pour lui non plus.  Staline a éliminé des millions de koulaks, les paysans russes, au lieu de les affranchir ; sans parler de ceux qui subirent le communisme « agraire » chinois qui signa leur arrêt de mort.  On dirait qu’une ancienne malédiction plane sur les paysans.  Est-ce qu’ils n’ont pas encore plus que les autres besoin qu’on prie pour eux dans les monastères ?

Supplice d'un meneur de la guerre des paysans qui fit 100.000 morts en 1526

Supplice d’un meneur de la guerre des paysans qui fit 100.000 morts en 1526

Contrairement à ce que vous vous obstinez à croire, c’étaient les héritages des riches et non pas les paysans qui finançaient les monastères en échange de prières.

Comment croyez-vous que Cluny soit devenu si riche et si puissant ? Ils ont inventé le 2 novembre, la commémoration de tous les fidèles défunts pour répondre aux innombrables demandes de suffrages.  Imaginez-vous que chaque jour, des sacs entier remplis de testaments en provenance de toute l’Europe arrivaient au monastère, rédigés par des inconnus qui avaient entendu parler de la « sainteté » de ces moines et qui leur léguaient tous leurs biens avant de mourir en échange d’un suffrage perpétuel ou pour un certain nombre d’années.  C’est la raison pour laquelle je peux vous affirmer que les dons en échange de prières pour les défunts étaient plus une affaire de bourgeois et de nantis à l’article de la mort que de paysans qui versaient déjà – contre leur gré – le tiers de leur récolte aux moines.

Dans l’abbaye de Maguzzano depuis laquelle vous étudiez et vous écrivez, l’histoire a également été quelque peu mouvementée…

Tragique, vous voulez dire, et cela confirme une fois encore ce que je vous disais. Vers la fin du quinzième siècle, cette abbaye était laissée à l’abandon.  Grâce à son climat sain, elle fut alors achetée comme maison de campagne par le « Mont-Cassin du Nord », la richissime et célèbre abbaye Saint-Benoît de Polirone qui se trouvait quant à elle dans une zone malsaine et marécageuse et qui, selon la légende aurait été fondée par la célèbre Mathilde de Toscane.

Il s’en suivit que les paysans s’insurgèrent pas moins de trois fois et finirent par lyncher et tuer le moine cellérier, celui qui veille sur les réserves et qui les administre. Il fallut faire intervenir les troupes de Venise pour apaiser ces fermiers paysans qui cultivaient les terres monastiques depuis des siècles et s’en considéraient comme les propriétaires légitimes.  Ils s’estimaient donc dispensés de verser aux moines le tiers de leurs récoltes.  Tout cela pour vous dire que le rapport entre les moines et les paysans était tout sauf idyllique : ces vilains étaient des gens qui étaient à mille lieues de penser à la vie éternelle et qui vivaient dans une ignorance extraordinaire du monde.  Ce lopin de terre mille fois moissonné était toute leur vie, sans compter que pour sortir du territoire de l’Abbaye, il fallait une autorisation de l’Abbé.

Mais si, comme vous le dites, les moines étaient devenus aussi insignifiants et aussi peu influents que vous le dites, pareils à d’anciens seigneurs enfermés dans leurs cellules comme dans une tour d’ivoire, alors pourquoi toutes les grandes révolutions, à commencer par la révolution française s’attaquèrent-elles aux ordres contemplatifs jusqu’à les abolir ? N’aurait-il pas été plus logique de s’acharner contre ceux qui disposaient d’un réel pouvoir social ? Mysterium Iniquitatis ?  Certains d’entre eux furent persécutés mais pourquoi viser en priorité ces moines « inutiles » et leurs cloîtres?  Ça n’a pas de sens…

Encore une fois, je m’étonne de votre réaction, vraiment… mirari vos ! Mais pourquoi en effet sinon pour les immenses possessions foncières et immobilières des abbayes sur lesquelles chaque révolution a toujours fait main basse ?  En expropriant une paroisse on ne récoltait que des boutons de culotte mais en chassant les moines d’une grande abbaye, on pouvait confisquer des sommes astronomiques.

Henry VIII se remaria à cinq reprises et il fit exécuter deux de ses épouses.

Henry VIII se remaria à cinq reprises et il fit exécuter deux de ses épouses.

Souvenez-vous des raisons qui ont mené au schisme anglican. Henri VIII était un débauché notoire et dangereux…  surtout pour les victimes de ses coucheries qui passèrent souvent du lit à l’échafaud en transitant par le trône.  C’était aussi un politicien cynique et lucide et il se trouvait face à un gros problème : la puissante noblesse de Grande Bretagne lui faisait la guerre et le trône chancelait.  Il compris alors qu’il devait leur passer un peu de pommade et leur offrir un os à ronger pour les calmer.  Un os, mais lequel ?  Le plus naturellement du monde, ce furent les abbayes et leurs dépendances qui lui vinrent à l’esprit, il suffisait de les exproprier.  Les abbayes étaient nombreuses et très étendues en Grande Bretagne puisque dans les faits, le pays avait été christianisé par les bénédictins.  Comment s’y est-il pris ?  En prétextant une dispute théologique, comme d’habitude, et en s’autoproclamant pape de l’Eglise anglaise.  Une fois les bénédictins chassés, il ne restait plus qu’à répartir le butin entre les nobles qui se calmèrent instantanément et le trône cessa de vaciller.  Comme vous le voyez, c’est une vieille histoire qui s’est répétée à maintes reprises.

C’est un peu ce qui s’est passé en Allemagne, après tout : des questions d’argent, de propriétés, de princes qui convoitaient les biens d’autrui – et tant pis si c’est toujours ceux des moines –, des prétextes théologiques pour donner des apparences de respectabilité à des motivations fort peu honorables… et il est également question de femmes, tant que nous parlons d’Henri, qui était impatient de pouvoir s’en débarrasser, tout comme Luther qui s’impatientait de pouvoir en prendre une pour apaiser ses ardeurs libidineuses.

Qu’a fait Luther sinon remplacer les évêques par des princes ? Par ailleurs, en Suède, précisément là où le pape Bergoglio vient d’aller fêter Luther, des événements terribles eurent lieu pour des raisons semblables à celles que nous venons de citer: le souverain imposa le luthérianisme en faisant couler à flots le sang des paysans récalcitrants sur fond d’histoires d’argent et d’abbayes expropriées.  Par ailleurs, Suède, le catholicisme venait à peine d’arriver, il était encore jeune, pas encore corrompu et les fidèles étaient par conséquent fervents, les gens étaient heureux d’être catholiques.

Pourtant, au-delà des motivations économiques, leur prétendue « inutilité » n’en est pas moins manifeste. Si vous ouvrez l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert au mot « monachisme », vous remarquerez que le moine était considéré comme le « poids mort par excellence » de la société, un parasite.  Par ailleurs, si du point de vue religieux il est précieux que des gens consacrent leur vie à prier, une fois que l’on sort de cette perspective religieuse, des gens qui passent leur temps à marmonner dans leurs monastères ne sont qu’une bande de bons-à-rien et comme tout ce qui est inutile est dangereux, il faut les éliminer.  C’est en cela que le préjugé idéologique épousa parfaitement l’avidité économique.

La triste histoire des enfants-moines

Je croyais que la présence endémique de l’homosexualité au sein des ordres bénédictins, ou de ce qu’il en reste, était plutôt récente, il suffit de penser au cas emblématique du Mont-Cassin. Mais vous faites partie de ceux qui pensent qu’il s’agit d’une vieille histoire, voire d’un problème historique.  A première vue, j’ai l’impression que les ordre smendiants sont moins sujets à ce genre de problème.

Il ne fait aucun doute que nombre de ces moines étaient des pervers et que la sodomie figurait également au tableau de leur nombreux vices, probablement dans des proportions bien supérieures à ce que l’on retrouvait dans d’autres milieux.

Allons, ce n’est probablement qu’une légende urbaine, encore faut-il voir si tout cela est vrai…

J’ai pris soin de m’en assurer et j’ai consacré une bonne partie de ma vie à étudier ce phénomène : c’est bien vrai, et comment ! Tout comme il est vrai qu’il y avait également des saints hommes qui, comme toujours, n’ont jamais été en majorité, bien au contraire.

moine-enfantAppelons un chat un chat : il y avait autrefois dans la Règle une très mauvaise habitude qui ne sera finalement abolie que par le Concile de Trente, celle des enfants oblats, les enfants-moines. A l’époque, les parents avaient le droit de confier au monastère les enfants de 6 ou 7 ans maximum pour qu’ils deviennent moines, avec les tortures que l’on peut facilement imaginer.  Les abus prirent une telle ampleur et firent tant de bruit que le Concile de Trente dut consacrer une session entière sur ce thème, tout ça pour dire la gravité et l’ampleur du problème.  C’est ainsi que le Concile imposa cette règle, qui est toujours en vigueur de nos jours, qui interdit d’entrer dans un monastère avant 16 ans, à partir desquels il faut encore faire un an de noviciat avant de décider de retourner dans le monde ou de rester.  Cette règle imposait dans tous les cas de toujours s’assurer que le candidat puisse exprimer clairement et librement son choix.

Ca m’a toujours perturbé et en quelque sorte écœuré de savoir que dans probablement trop d’abbayes, la majorité des moines n’avaient pas choisi cette vie et qu’ils la subissaient depuis leur enfance. Il est évident que s’il y avait autant de vocations qui n’avaient rien d’authentique et que la chasteté et l’enfermement qu’on leur imposait était injuste et insupportable, la présence d’enfants pouvait faire remonter à la surface d’innommables passions jamais assouvies et nous savons que la pédérastie était très courante dans certaines abbayes.  Mais le Concile de Trente était aussi la preuve qu’à l’époque l’Eglise n’avait pas peur de prendre le taureau par les cornes plutôt que de faire des leçons de morale et de se livrer à des mea culpa hasardeux.

Mais enfin, je m’étonne que dans une règle qui régissait de façon si minutieuse le temps, la vie et même le corps des moines, Saint Benoît n’ait pas anticipé la possibilité de ce genre d’abus.

Il l’avait pourtant anticipé, et comment ! Comme Benoît avait vécu dans le monde avant de devenir ermite, il savait bien ce qui se passait dans les milieux où le sexe était officiellement interdit en présence de jeunes éphèbes qui évoquaient les jeunes filles.  C’est la raison pour laquelle la Règle interdisait aux moines d’avoir des chambres séparées.  Les mythiques cellules des bénédictins sont une invention tardive du quinzième siècle, si pas du seizième.  Seul l’Abbé disposait de sa propre chambre.  La règle exigeait que les moines soit répartis dans des dortoirs dans lesquels une lumière devait briller toute la nuit et où les lits étaient alternés entre les vieillards et les jeunes moines.  Benoît était quelqu’un qui connaissait la vie…

Le nom de la rose

Parlons franchement, le monachisme bénédictin dépeint par Umberto Eco dans Le Nom de la Rose et, en forçant le trait, dans le film tiré du livre ressemble un peu à celui que vous décrivez mis à part les crimes qui ne font que servir le suspense?  Les véritables bénédictins ressemblent-ils à ceux d’Umberto Eco ?  Même si, comme il l’a lui-même avoué, il a écrit ce récit poussé par le besoin « de tuer un moine »…  Qui sait pourquoi…

Ce qui est mis en scène dans Le Nom de la Rose est un monachisme sur le déclin, un monachisme perverti.  Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’homme « moderne », le détective sceptique est…  franciscain.

Quand je suis allé l’interviewer plus tard, à la sortie du Pendule de Foucault, Eco m’a dit des choses terribles sur ce film, il m’a dit qu’il avait trahi son livre et qu’il ne voulait plus en entendre parler.

A vrai dire, un critique littéraire de renom et réputé par son impartialité, Pietro Citati disait que lorsqu’il a vu l’amateurisme avec lequel Erco décrivait une église abbatiale bénédictine, il avait été choqué au point que le livre lui était tombé des mains après une cinquante de pages. Il affirmait d’ailleurs que « on ne peut certainement pas qualifier Umberto Eco de romancier ».

le-nom-de-la-rose-1Ecoutez, j’ai dirigé pendant des années le supplément culturel de La Stampa et je peux dire que d’une certaine façon, j’ai connu tous les intellectuels et tous les écrivains. Citati était certainement vert de jalousie…  de ne pas avoir lui-même autant de lecteurs qu’Eco.  Si vous lisez mon essai Inchiesta sul cristianesimo, vous trouverez mon entretien avec Citati et je peux vous affirmer que j’ai été étonné par sa préparation – si bien que l’entretien est allé en profondeur – mais je ne connais aucun intellectuel qui ne soit jaloux du succès d’un autre intellectuel.  Après avoir ainsi rendu hommage à Citati, j’ajoute qu’il ne peut pas affirmer des choses pareilles.  Eco savait bien mieux que Citati à quoi ressemblait un abbaye et une église parce qu’il est né dans une famille très catholique, il est une créature des franciscains d’Alexandrie, et qu’il a rédigé son mémoire de fin d’études sur Saint Thomas.  Je puis vous assurer que toutes les fois où je l’ai rencontré, je n’ai jamais pu le prendre en défaut sur un sujet religieux et que je n’ai jamais relevé une seule erreur de sa part, même sur des questions sacrées complexe.

Toujours dans votre essai Inchiesta sul cristianesimo, vous avez interrogé à ce sujet le médiéviste Marco Tangheroni et il a démonté le film avec fureur, jusque dans les moindres détails, même s’il est vrai qu’il n’a rien dit de mal sur le livre.

Vous voyez bien que Tangheroni était d’accord avec moi puisqu’il n’a formulé aucune critique sur le livre. Pour le dire franchement, j’ai moi-même lu le livre avec une certaine légèreté parce que j’étais bien conscient du venin qu’Eco avait voulu y mettre et j’en suis resté fasciné, ce livre me fascine encore au point que je le feuillette souvent.  L’énigme pour moi c’est comment un tel livre, sur un tel sujet, situé dans une époque pareille, un livre aussi volumineux et rédigé avec un style aussi savant – pensez que certaines pages sont entièrement écrites en latin classique – ait pu devenir un best-seller mondial…

Mais est-ce que ce n’est pas, plutôt que le diable, tout simplement le film qui a fait connaître le livre?

Balivernes. A la sortie du film, le livre était déjà un best-seller mondial depuis belle lurette.  Si même moi, qui maîtrisait bien le contexte, j’ai du ralentir sur certaines pages afin d’en comprendre les allusions subtiles, imaginez-vous les autres.  C’est un bel exemple d’un livre qui s’est bien vendu mais qui a été peu lu, et qui en toute objectivité, n’est pas à la portée du premier venu.  Gardez à l’esprit qu’Umberto Eco était tout à fait conscient de cela et qu’il m’a confié un jour ne vouloir l’imprimer qu’en privé pour un cercle restreint d’amis et de connaisseurs; il a été le premier étonné du succès de ce livre.  Au début, il voulait que l’histoire se déroule au treizième siècle puis, afin de pouvoir y faire entrer certains personnages, il opta plutôt pour le quatorzième siècle, une période pendant laquelle  le monachisme était depuis un siècle en train de céder sous les assauts des nouveaux ordres religieux.

Monsieur Messori, est-ce que vous n’êtez pas en train de faire l’éloge d’un « ennemi » mortel?

Si vous le prenez comme ça et que vous voulez jouer à être plus catholique que le pape, on ne peut que déplorer le venin qu’Eco distille au fil des pages de son chef d’œuvre, ce qui n’enlève rien au fait qu’il demeure tout de même un empoisonneur d’un raffinement exquis.

Il faut reconnaître qu’il est doux de mourir au contact de sa délicieuse bave venimeuse… C’est un livre qui dégage un charme particulier et sinistre.  Y a-t-il rien de plus diabolique?

Le monachisme ne mourra jamais

Le moine Gregorio Penco a écrit une belle histoire du monachisme avec un titre évocateur qui pour moi résumé bien la grandiose histoire du monachisme: Monachisme. Ils fuirent le monde.  Ils sauvèrent la civilisation.  Ils gardèrent le mystère.  On remarquera que le titre est entièrement au passé, et même au passé simple.

On constate aujourd’hui que certaines communautés bénédictines semblent à nouveau attirées par la rigueur d’autrefois: s’agit-il seulement d’un phénomène marginal? Est-ce que le monachisme a un avenir ou est-il condamné à disparaître en même temps que les ordres religieux?  Sera-t-il remplacé par quelque chose d’autre comme cela s’est passé à de nombreuses reprises pendant les deux mille ans d’histoire de l’Eglise?  Si parmi les « jeunes » il y a bien un nouvel engouement pour le sacré et pour les vocations, force est de constater que lorsqu’il s’agit de vocations « extrêmes » et totales, les séminaires sont bien en peine de trouver des candidats.  Il semble que cette demande de radicalité ne trouve aucune réponse sinon en sens opposé: « brisez les digues ». 

Messori, en quelques mots, avons-nous jusqu’ici parlé seulement du passé et de l’histoire ou bien aussi du présent et peut-être aussi du futur? Le monachisme en tant que puissance politique a disparu depuis un millénaire mais a-t-il également disparu en tant que charisme? A quel point la situation est-elle sombre?

Le monachisme ne pourra jamais disparaître parce qu’il y aura toujours un petit groupe de chrétiens – comme du reste ce fut toujours été le cas -, des hommes et des femmes qui se sentiront appelés à la vie contemplative, une vie totalement consacrée à la prière et à la méditation. Au fond, c’est l’et-et de Marthe et Marie, les Marie sont moins nombreuses mais il y en aura toujours.

Vous dites souvent que le cloître est le cœur caché de l’Eglise. Est-ce toujours le cas?

Il faut distinguer plusieurs choses. L’institution monastique, c’est-à-dire la vocation à vivre cloîtré dans le silence et la prière a toujours existé au sein du christianisme et plus particulièrement du catholicisme et elle existera toujours.  C’est une vocation de niche, très minoritaire et le malheur c’était justement quand le monachisme triomphant voulait remplir à tout prix les monastères, y compris avec ces enfants-moines dont nous avons déjà parlé.

moine-reflexion-500x321Enzo Bianchi – qui s’est autoproclamé abbé alors qu’il n’est même pas diacre, c’est un simple laïc comme vous et moi… mais qui va rendre visite au pape dans une coule d’abbé – Bianchi, donc m’a un jour dit que « nous sommes en train de revenir à une situation semblable à celle du premier millénaire où il n’y avait que les moines et les prêtres séculiers, rien d’autre ».  Pour une fois, je donne raison à Bianchi, je crois qu’il en sera ainsi à l’avenir, seules resteront les vocations à la vie contemplative et les vocations presbytérales à la vie active.

N’oublions pas de tenir compte d’une donnée importante: dans l’effondrement généralisé qui a suivi le Concile, la chute des vocations monastiques a été très inférieure à celle des congrégations de vie active. Pour ne donner qu’un exemple: à l’issue du Concile, en 1965 il y avait 1600 jésuites en Italie, aujourd’hui ils ne sont plus que 480, ils ont perdu plus de deux tiers de leurs effectifs et ceux qui restent sont âgés, ce qui signifie que d’ici 20 ans, il n’y aura plus de jésuites en Italie.

Deo gratias?

Je ne dit pas ça pour vous faire plaisir mais pour vous faire comprendre quelle a été l’ampleur de la chute des congrégations religieuses. En ce qui concerne les bénédictins, ils étaient environ 1200 dans le monde entier en 1965 et aujourd’hui ils sont encore plus ou moins 1000, ils n’en ont perdu que 200: face à la chute des instituts de vie active, on peut dire que les contemplatifs s’en sortent plutôt bien.

Pour l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les contemplatifs continuent à être des parasites sociaux mais si on y pense, une vocation authentique à consacrer sa vie à prier pour ceux qui ne prient pas ou qui ne prient pas assez pour l’une ou l’autre raison bien légitime, pour nous tous qui vivons dans le monde, en somme, ces hommes et ces femmes sont un trésor inestimable enfoui dans une île déserte quelque part au beau milieu du monde. Et ça a un sens social très profond.  Combien d’effroyables châtiments ce monde ont-ils été évités grâce à la prière cachée et au sacrifice silencieux de ces « parasites » ?  Nous l’ignorons pour l’instant mais nous finirons par le découvrir un jour dans l’autre monde.  Non, le monachisme n’est pas mort.  Il ne peut pas mourir.  Il ne mourra jamais.

Deo gratias !

Un entretien de Vittorio Messori réalisé par Antonio Margheriti en novembre 2016, traduit de l’italien et publié avec l’autorisation de l’auteur.  Tous droits réservés.

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